LA MUSIQUE ET LE CINÉMA

D'abord, quels sont les liens qui existent entre la musique et le cinéma ?

A l'inverse de la musique, le cinéma n'était pas considéré dés ses débuts comme un art. Plutôt comme une industrie profitable qui avait certes fasciné le public : mais bientôt, le spectateur se lassa de voir éternellement les trains entrer en gare, les bébés déjeuner, les ouvriers sortir des usines ou les arroseurs arrosés. En 1907 et 1908, beaucoup croyaient le cinéma prêt à mourir. Les salles obscures se vidaient et faisaient faillite. Le cinéma manquait d'imagination et chercha dans le théâtre et la littérature des sujets plus nobles pour sortir d'un cercle vicieux et attirer dans ses salles un public plus fortuné que celui des baraques foraines.

En1906 un film "la Passion" produit par Pathé, et d'autres films comme les Derniers jours de Pompéi, la Dame aux Camélia, stimulent un mouvement qui fera évoluer le cinéma vers la reconnaissance d'un 7ème Art. Pathé fonde la Société Cinématographique des Auteurs, les frères Lafitte fondent une petite société de production "Film d'art" et commandent des scénarios originaux aux plus grands écrivains français. Anatole France, Rostand....

Le cinéma devenait un art, comme la musique. Le cinéma, qui commençait timidement à se désigner comme art de l'image, était avant tout art du mouvement, comme l'est la musique. Le mouvement, le rythme, voila donc le premier lien entre la musique et le cinéma. Le cinéma est mouvement, il s'apparente donc aux deux arts du mouvements qui existaient avant lui, et d'ailleurs liés : la danse et la musique.

Avant l'apparition du "parlant", la musique ne servait la plupart du temps que d'accompagnement improvisé (la plupart du temps au piano) pour souligner les effets visuels de l'image projetée, ambiances, bruitages etc... on peut dire que cette musique était souvent médiocre et d'une profonde banalité. Elle jouait un rôle privilégié dans les séquences de poursuite qui foisonnent dans la plupart des films muets.

la musique dans l'action des films muets affirma son caractère vraiment "musical" à partir du moment où furent intégrés dans les scénarios :

1/ Des séquences de chanteur ou de musiciens (Le chanteur de jazz), et, quand les budgets le permettaient, (un orchestre symphonique dans la salle),

2/ Le recours à des musiques pures du répertoire classique, Mazeppa de Litz dans le "Roi des Aulnes", ou la chevauchée des Walkyries dans "Naissance d'une Nation" de Griffith, la quatrième de Tchaîkovski dans le "Rail" de Lupu Puck en 92. Les premières partitions vraiment originales pour le cinéma virent le jour en 99 avec Camille Erlanger pour suprême Epopée.

C'est cinq ans plus tard qu'entrent en scène des grands compositeurs tels qu'Eric satie pour le court métrage de René Clair, "Entracte" en 924, Darius Milhaud pour "l'inhumaine" de Marcel l'herbier en 925, Paul Hindemith dans un film expérimental de Hans Richter, "Fantôme du Matin" en 1928.

L'attrait des grands musiciens pour le 7ème art s'affirme. C'est ainsi qu'un an plus tard après Hindemith, un musicien russe, D.Chostakovitch écrit une des plus belle partitions qui ait été écrites pour le cinéma "La Nouvelle Babylone".

A l'ouest, particulièrement aux EtatsUnis se prépare l'avènement du parlant qui relancera l'industrie fructueuse du cinéma, qui profitera de l'occasion pour porter à l'écran les succès les plus populaires tels que les comédies musicales, dites légères, nouvel avatar du vaudeville boulevardier français et de ses équivalents de Londre ou d'Europe centrale, qui n'avaient pas d'autres prétentions que le simple divertissement. Les succès de broadway et tous les best sellers présents ou passés furent systématiquement filmés. Il en résultat quelques succès honorables.

A l'est, le contexte était très différent. La révolution d'octobre était présente dans les esprits, le cinéma fut nationalisé par Lénine et avait définitivement cessé d'être une spéculation financière. Les oeuvres, pas seulement inspirées par la révolution, l'étaient aussi par des écrivains célèbres tels que Gorki ou Tolstoî.

En 1929, Chostakovitch n'avait que 23 ans et avait déjà composé son opéra "Le Nez" et ses deux premières symphonies. Son métier de musicien ne lui permettait pas de vivre décemment, et il avait été contraint, pour manger, de jouer au piano dans les salles pour accompagner les films muets. C'est sans doute pour cela qu'il fut fasciné par le cinéma dés sa jeunesse. On raconte qu'il réagissait si bruyamment à ce qui se passait sur l'écran qu'un jour son employeur le mit à la porte.

Mais, ce qui le poussa justement à écrire pour la première fois une partition pour le cinéma c'est le constat qu'il fit des misérables conditions dans lesquelles se jouait la musique pendant les projections. Orchestres plus ou moins qualifiés, manque de répétition, oeuvres non prévues pour le piano. Il arrivait même qu'un directeur de ciné-théâtre ordonnait à l'opérateur de tourner plus vite, afin qu'au lieu de trois séances, il puisse y en avoir quatre dans la soirée.

Il est temps, nous dit Chostakovitch:  "Que ceux qui aiment la musique s'intéressent à la musique de cinéma, qu'ils mettent fin au gâchage et à l'esprit antiartistique. La seule voie juste, c'est la composition d'une musique spéciale, comme ce fut, si je ne me trompe pas, l'une des premières fois le cas avec la Nouvelle Babylone".

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