Il y a beaucoup de littérature sur le cinéma, mais beaucoup moins dans la presse actuelle plus concernée par les nouveaux films qui sortent en salle
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Le magazine culturel TELERAMA, hebdomadaire, est pratiquement le seul à rédiger des articles de fond sur les films proposés pas les chaînes de télévisions, depuis l'époque du muet jusqu'à nos jour. Malheureusement, les critiques que l'on trouve dans ce journal sont parfois très contestables. On touche à l'intolérable quand un journaliste qui se prétend cinéphile se permet de vomir sur le cinéma de propagande soviétique.
George Sadoul, qui était communiste, ne s'est jamais permis cela concernant John Ford et autres auteurs d'Hollywood, dont les westerns sont très clairement des films de propagande, l'objectif étant de préserver l'image du "rêve américain" vis à vis de l'Europe : "justifier, pour laisser la place aux pauvres colons qui voulaient s'enrichir, l'élimination pure et simple du peuple indien qui a fait des millions de morts au nord de l'Amérique". Des indiens qui, attaquant une diligence ou un peloton de cavalerie et ne savant faire que pousser des hurlements à cheval sur leurs montures, ne disposant comme seules armes archaïques des arcs et des flèches, étaient l'image symbolique la plus efficace dans le cinéma américain, afin de les montrer "Comme des singes et affreux sauvages" - Utilisation subtile de l'image de pouvoir affirmer, " ce que les mots diraient d'une manière agressive et indécente ", que ce n'était pas des êtres humains ? Un cinéphile qui n'en saisit pas le sens tel qu'il vient d'être décrit ferait mieux de s'abstenir à écrire des articles comme celui qui va suivre :
A propos de la critique du film « Seule » (page 157 du Télérama N°2851) diffusé le samedi 20 novembre 2004 à 0h20 sur Arte.
Le genre : soviet extrême.
Le début est prometteur, entre réalisme poétique et expressionnisme graphique: à Leningrad une jeune fille se réveille lascivement pendant que la ville s'agite sous ses fenêtres. Les bus se croisent, les ombres des passants s'allongent, dans un noir et blanc impérial. Mais très vite ça dégénère, dès que les haut-parleurs de la rue commencent à vociférer la doctrine édifiante du Parti: « L'intérêt de tous passe avant les désirs personnels »... Et la jeune fille lascive du début va se changer en intégriste de la cause socialiste, allant même jusqu'a risquer sa vie dans les neiges sibériennes pour dénoncer un affreux paysan qui ose encore s'adonner au commerce privé des moutons. Le film a été restauré en 1966, mais certaines scènes ayant disparu, des cartons au lyrisme épais nous racontent les images manquantes, celles de la tempête de neige, justement, le moment-clé du film. Certains soirs, le cinéphile a le droit de se dire que trop c'est trop.
Anne Dessuant
Madame
Dans son livre « Les origines du communisme » Gérard Walter* parle des premières communautés chrétiennes où « tout ce qui était produit par la communauté était partagé équitablement...» et donc où l’on n’aurait pas admis « qu’un affreux paysan s’adonne à un commerce privé pour ses intérêts pesonnels ». Il y aurait donc eu « péché d’intégrisme de la cause socialiste ». Je conseille donc au très catholique Télérama et à madame Anne Dessuant qui doit être certainement chrétienne, de lire ce livre et donc se cultiver un peu plus. Ce qui est encore plus grave, et c’est bien la preuve d’un parti pris systématique, c’est d’avoir résumé ce film de cette façon, en oubliant de préciser que cette jeune fille est institutrice et qu’elle est d’abord venue au village pour instruire les enfants : voilà pour les paysans une menace et un problème qu’il aurait été plus intéressant d’évoquer, ceux de perdre une main d’œuvre docile et bon marché. Enfin, dire que « la séquence de la tempête de neige, (qui a été effectivement perdue) est le moment-clé du film » me laisse pantois, rien qu’un argument de plus pour traîner ce film dans la boue, puisque cela fait croire aux spectateurs qu’ils auront raté l’essentiel. Quand en plus, rien n’a été dit sur la musique de Chostakovitch, considérée par Georges Sadoul* comme la meilleure partition qui ait jamais été écrite pour un film, je ne peux que moi aussi terminer ma lettre en disant : trop c’est trop. Selon vous, un cinéphile n’aurait donc pas le droit de compter dans sa vidéothèque un seul film soviétique ?
Décidément, Télérama ne manque jamais de baver sur le communisme chaque fois que l’occasion se présente. Votre haine vous aveugle tellement qu’elle vous a fait sans doute perdre à jamais la faculté intellectuelle de déceler toutes les subtilités de « la propagande capitaliste, colonialiste, impérialiste... » du cinéma américain depuis ses débuts.
Trop c’est trop et je ne crois pas que je continuerai longtemps à m’abonner à votre revue.
Philippe d’Hennezel
Gérard Walter, « Les origines du communisme, judaïques, chrétiennes, grecques, latines » Petite bibliothèque Payot.
Georges Sadoul, « Dictionnaire des Films », pour qui ce film est un chef-d'oeuvre.
2 - Réaction d'une autre lectrice, cinéphile (Brigitte d’Hennezel). (1)
Madame,
Après avoir regardé hier soir le film soviétique SEULE que j'avais enregistré dans la nuit de vendredi à samedi dernier, je me pose une question : AVEZ-VOUS VRAIMENT REGARDE CE FILM pour en écrire la critique ou VOUS ÊTES-VOUS CONTENTEE DE REGARDER QUELQUES SEQUENCES EN ACCELERE SUR VOTRE MAGNETOSCOPE ? Je pencherais pour la 2ème solution tant je trouve votre présentation du film non seulement PARTISANE par l'emploi de termes outranciers, mais encore totalement FAUSSE au niveau même du déroulement de l'histoire ! Que dire aussi de n'avoir à aucun moment évoqué la partition musicale composée par un des plus grands compositeurs du XXème siècle, Dimitri Chostakovitch ? Il est GRAVE pour un magazine qui se dit culturel de décourager, par des propos désinvoltes et FAUX, les quelques cinéphiles qui auraient pu, par curiosité, enregistrer ce film passant déjà à une heure confidentielle sur une chaîne qui ne l'est pas moins et découvrir ainsi une œuvre magnifique du cinéma muet, accompagnée d'une musique remarquable.
Vos propos de dénigrement systématique commencent par les haut-parleurs qui " vocifèrent la doctrine édifiante du parti". Il faut bien penser qu'à l'époque, ces haut-parleurs étaient en effet le seul médium permettant d'informer les gens qui n'avaient pas alors de postes individuels... Je vous signale qu'actuellement sur France-Inter, tous les matins à 7h20, mon transistor vocifère dans ma salle de bains "la doctrine édifiante de l'ultra libéralisme" en la personne de ce journaliste économiste intégriste qu'est Jean-Marc Sylvestre. Qu'est-ce qu'il vaut mieux entendre : des propos altruistes , bien à leur place dans le contexte du film, ou le dénigrement systématique des acquis sociaux et autres réglementations du travail qualifiés de rétrogrades ?
Ensuite la jeune fille lascive se transformerait subitement en "intégriste de la cause socialiste". FAUX : elle cherche d'abord à échapper à sa nomination en Sibérie. On lui accorde d'ailleurs de rester en ville car l'Etat a besoin de personnes motivées pour aller enseigner si loin. C'est alors seulement qu’elle prend conscience qu'elle aussi peut se rendre utile. Après tout, nos instituteurs du XIXème siècle, les fameux "hussards noirs de la République" ont eux aussi dû consentir des sacrifices personnels pour aller éduquer les petits paysans au fin fond des Hautes-Alpes ou du Massif Central quand leurs parents les voulaient aux champs et que l'Eglise catholique voyait son monopole sur l'éducation s'envoler… ETAIT-CE ALORS DE L'INTEGRISME DE LA CAUSE REPUBLICAINE ?
Vous continuez en disant qu'elle va "même jusqu'à risquer sa vie dans les neiges sibériennes pour dénoncer un affreux paysan qui ose encore s'adonner au commerce privé des moutons". FAUX : elle s'oppose d'abord à ce koulak (paysan riche) qui terrorise les éleveurs de moutons et vient enlever de force des enfants à l'école pour les faire travailler à son profit. CEUX QUI ACTUELLEMENT LUTTENT CONTRE LE TRAVAIL DES ENFANTS DANS LES PAYS PAUVRES SONT-ILS DES INTEGRISTES HUMANITAIRES? Puis l'institutrice découvre que ce paysan riche VOLE les éleveurs de moutons du village en vendant de jeunes bêtes à son profit pour la viande alors que le revenu vital pour cette communauté est la laine : ce koulak leur enlève littéralement leur moyen de subsistance principal et ce, sous l'œil indifférent voire complice du représentant du soviet local corrompu. QUALIFIERIEZ-VOUS D'INTEGRISTES LES REDRESSEURS DE TORT DES NOMBREUX WESTERNS US AUX THEMES SOMME TOUTE PAS SI ELOIGNES : vol de bétail, shérifs véreux, demande de justice de la part des éleveurs ?…
FAUX également de dire qu'elle risquerait sa vie, comme une kamikaze exaltée. Ce koulak veut tout simplement la TUER en la perdant dans les neiges glacées de Sibérie, alors qu'elle part pour la localité voisine, avec le soutien des éleveurs, prévenir les autorités des vols dont ils sont victimes. CE N'EST PAS EXACTEMENT LA MEME CHOSE. Ces éleveurs lui en sont reconnaissants et la sauvent en la retrouvant, perdue dans la neige, à bout de forces, les deux mains gelées (pourquoi, là encore, dénigrer les intertitres remplaçant les images manquantes sûrement très dramatiques en les qualifiant de "lyrisme épais" ? ). On assiste alors à une scène touchante avec les enfants qui viennent lui offrir une poupée de chiffon. Mais pour vous peut-être ces petits sont-ils déjà d' affreux petits pionniers embrigadés par leur institutrice ?
CERTAINS SOIRS, LA LECTRICE ABONNEE A TELERAMA QUE JE SUIS (PEUT-ËTRE PLUS POUR TRÈS LONGTEMPS) A LE DROIT DE SE DIRE QUE TROP C'EST TROP !
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Triste conclusion :Télérama a été capable de faire cette comparaison. C'est digne de Paris Match ?