Bronenosetyz Potemkin URSS 1925 RÉ : S. M. Eisenstein. ASS : Maxime Strauch, Gregori Alexandrov, M. Gomarov, A. Antonov, A. Levchine (les « cinq de fer »). Sc : S. M. Eisenstein, Agadjanova Choutko. PH Edouard Tissé. DEC : Rachals. SOUS TITRES : Asséev. MUS ALL : Edmnund Meisel. INT : A. Antonov, V. Barsky, O. Alexandrov, M. Gomarov. - URSS 1950, version sonorisée : E. Krioukov. PR : Première fabrique Goskino (Moscou).
5 parties. I 850 m. 9 En 1958, a Bruxelles, un jury d'historiens de 26 pays classa le Potemkine comme « le plus beau film du monde » par 100 voix sur 117 votants. En 1948, un référendum international avait donné le même classement.
Le 19 mars 1925, la commission chargée de commémorer la Révolution de 1905 passait commande de plusieurs films, pour le 20e anniversaire, à sept ou huit réalisateurs, dont S. M. Eisenstein, âgé de 27 ans. Il se mit aussitôt a écrire un scénario, l'Année 1905, en collaboration avec Nina Agadjanova Choutko, militante qui avait vécu ces événements révolutionnaires. Le manuscrit, en plusieurs centaines de pages, devait raconter toute l'histoire de cette année, de janvier à décembre, et des dizaines d'événements s'étant déroulés dans 20 ou 30 villes. Le tournage, entrepris à Leningrad en juillet, fut interrompu par le mauvais temps. Après avoir tourné quelques scènes à Bakou, Eisenstein et ses collaborateurs se trouvaient a Odessa, quand il eut l'idée de réduire l'Année 1905 à un seul de ses épisodes la mutinerie du Potemkine, dont le récit tenait seulement une page dans le manuscrit. Sur un simple canevas, le film fut réalisé en six ou sept semaines (fin sept.- début nov. 1925), de nombreuses parties ou détails étant improvisés au cours du tournage. Le film était a peine terminé le matin de sa présentation solennelle, le 21 décembre 1925, au Bolchoî Théâtre de Moscou. Il y reçut un accueil enthousiaste, ainsi qu'a Berlin, Londres, Amsterdam, New York. Ce fut a Paris un grand événement que sa présentation le 12 novembre 1925, par le Ciné-club de France, à l'Artistic, rue de Douai, acclamé par plusieurs grands cinéastes et les surréalistes. Mais le film fut interdit par la censure française jusqu'en 1952.
Le Potemkine comporte I 300 plans, Principales séquences :
1.Des hommes et des vers. Les marins couchés dans leurs hamacs et discutant ; l'arrivée du quartier de bœuf avarié ; le petit major à barbiche (un chauffeur d'Odessa), regardant à travers son binocle la viande grouillante et disant : « Ce ne sont pas des vers, mais des larves de mouches » ; les hommes rassemblés achetant des conserves et refusant la soupe.
2. Le drame sur la plage arrière. Le rassemblement sur la plage arrière ; l'arrivée du commandant : « Que ceux qui ont trouvé la soupe bonne fassent deux pas en avant »; la menace de pendre les « mutins » aux grandes vergues; la ruée vers la tourelle ; les hommes restés à l'arrière couverts d'une bâche pour être fusillés ; le pope (un jardinier d'Odessa) bénissant les fusilleurs ; le refus de tirer; les mutins prenant les armes; les officiers et le pope jetés à la mer; le « meneur » a Vakoulintchouk blessé par le second et tombant à la mer.
3. Le sang crie vengeance. Odessa déserte à l'aube; le canot à vapeur amenant le cadavre ; son exposition sur le quai ; la foule toujours grossissante arrivant de la ville entière ; discours d'une femme ; un ricaneur corrigé ; l'appel à l'insurrection ; meeting sur le cuirassé.
4. Les escaliers d'Odessa. La foule sur les escaliers acclamant les marins, et soudain les premières fusillades ; les bottes des soldats enjambant les cadavres ; l'enfant tué, la mère qui remonte l'escalier en tenant son fils mort ; les fusilleurs descendant l'escalier ; une mère, en haut de l'escalier, frappée, et son cadavre qui pousse en avant la voiture d'enfant; la descente de la voiture ; une femme à l’œil crevé sous son pince-nez; le canon du Potemkine détruisant des portails monumentaux ; le lion de pierre qui se dresse.
5. Le passage à travers l'escadre. Meeting a bord du cuirassé ; le navire appareille bientôt ; le guet inquiet dans la nuit ; l'escadre apparue au loin; le branle-bas de combat ; les canons chargés; le signal « Soyez avec nous »; les navires de l'escadre couverts d'homme criant : FRÈRES, FRÈRES, FRÈRES...
Conformément aux théories qui avaient été les siennes au Proletkult, Eisenstein refusa tout autre héros que les masses. Dans les deux groupes révolutionnaires le cuirassé et la ville, les individualités se réduisent à quelques types, entrevus chacun pendant une ou deux minutes.
Une grande importance était donnée aux détails et aux objets, telle binocle du médecin qui se substitue à son propriétaire : « Lorsque les matelots le jettent par-dessus bord, le lorgnon se balançant à un cordage remplace le morticole englouti. »(S. M. Eisenstein.) Le réalisateur a comparé cet emploi d'un gros plan à la figure de rhétorique appelée « synecdoque » qui consiste à prendre la partie pour le tout. Selon Eisenstein, « une partie, un élément, un épisode sont typiques quand le tout s'y trouve réfléchi comme dans une goutte d'eau. Ainsi la viande avariée se hausse au symbole de la condition inhumaine de la grande armée ; 1es travailleurs, la scène de la plage arrière résume la cruauté du tsarisme et la riposte de ceux qui avaient reçu l'ordre de mater les rebelles. Les funérailles de Vakoulintchouk font écho aux innombrables obsèques de révolutionnaires devenues des manifestations ardentes.
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La scène de l'escalier contait la boucherie de Bakou, la journée du 9 janvier à SaintPétersbourg, le théâtre de Tomsk détruit par un incendie. Enfin le défilé triomphal du cuirassé à travers l'escadre porte aussi en soi l'image de la Révolution de 1905 dans sa totalité. Le Potemkine n'a été qu'un épisode, mais qui reflétait la grandeur du tout » (résumé d'après « Réflexions d'un cinéaste ») Eisenstein inventa au moins deux épisodes, qui devinrent « historiques » pour beaucoup d' historiens : la bâche recouvrant les condamnés et les manifestations sur les escaliers, qui se déroulèrent dans de tout autres endroits d'Odessa.
Le Sommet du film est cette 4e partie dont il devait analyser minutieusement « l'unité organique et le pathétique » dans un article théorique de 1939. Le succès international du film fut certes dû à une forme et à une perfection inégalables, mais surtout à la chaleur humaine et à la foi enthousiaste qui imprégnaient un sujet révolutionnaire, jamais abordé a l'écran. Avec le Potemkine, un nouveau cinéma, le cinéma soviétique, s'imposa à tous les cinéphiles du monde entier, et les échos de sa géniale explosion ne sont pas prêts de s'éteindre.