JACQUARD Albert (né en 1925)

 

Professeur de génétique mathématique à Genève de 1973 à 1976, puis à l'université de Paris N de 1978 à 1980, membre du comité consultatif national d'éthique de 1983 à 1988, et très engagé dans le mouvement altermondialiste et écologiste. Né à Lyon, dans une famille catholique, il a perdu la foi et se définit comme « mystique agnostique », à la recherche d'« une Réalité qui toujours se dérobe ». Le mot « Dieu » est, dit-il, incompréhensible, donc sans contenu. Tout le monde l'utilise sans même savoir ce qu'il veut dire. Albert Jacquard plaide pour la réalisation de l'« humanité», en reliant tous les hommes par un lien qui dépasserait les religions et les philosophies : « Ce noyau commun ne pourrait-il pas être une description de l'homme tel que la science d'aujourd'hui peut le décrire ? »

 

En 2008, Albert Jacquard réaffirme son agnosticisme dans un entretien avec Patrice Van Eersel : « Il faut dire qu'on ne sait rien, qu'on peut mettre dans le mot Dieu quantités de choses, et que nous n'avons pas besoin de sa toute-puissance pour expliquer ce qui se passe. Dans mon explication du monde, l'introduction de Dieu n'est pas une nécessité logique. Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas.» D'après lui, tous les scientifiques sérieux devraient être agnostiques, car « croyants et athées sont dans des certitudes symétriques qu'un esprit vraiment scientifique ne peut admettre ».

L'idée religieuse de création et l'idée scientifique de Big Bang sont de pures illusions, car l'instant ultime d'un commencement du monde n'existe pas : « Le mot même de "création" ne signifie rien !. .. Il n'y a pas eu de Big Bang. C'est un nom que l'on donne à un point inaccessible, inaccessible par définition, ce n'est pas un "événement", sinon il faudrait qu'une seconde avant, il n'ait pas encore eu lieu, or le temps n'existait pas!

Donc le point "t zéro" n'existe pas non plus ... Donc il n'y a pas eu de "création", et donc il n'existe pas de créateur.»

 

Cela ne l'empêche pas de vouer une admiration sans bornes à François d'Assise auquel il consacre un livre, Le Souci des pauvres. Il voit dans la figure du saint italien, non seulement un modèle d'engagement social auquel fait écho son propre combat auprès de l'Abbé Pierre, mais aussi le chantre d'une fraternité universelle de tous les êtres qui, pour le scientifique, est une anticipation d'une vision holistique du monde: « François d'Assise disait: "mes frères les oiseaux", et effectivement, on est maintenant tous d'accord que les oiseaux, les hommes et au fond tous les êtres vivants ont un arbre généalogique commun et par conséquent, les oiseaux sont nos cousins, sinon mes frères. Mais il disait aussi, François d'Assise, et c'était parfaitement scandaleux au fond: ma petite sœur la goutte d'eau ; autrement dit, même la goutte d'eau est ma parente, je suis dans la même catégorie. La goutte d'eau, un animal, une plante, moi, peu importe, nous sommes les produits des mêmes mécanismes qui font que les molécules se repoussent ou s'agrègent que les atomes font ceci et cela» (extrait d'une conférence à Vanosc, en Ardèche, le 16 juin 2004). Éthique et métaphysique s'enracinent dans une même pensée qui confine au panthéisme naturaliste.

 

Bibliographie : Science et foi, colloque organisé par le journal La Croix-L 'Evénement, Paris, 1992 ; Le monde s'est-il crié tout seul ?, Entretiens avec Patrice Van Eersel, Paris, 2008.

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