Le "moi"
Se pencher sur soi-même : que cela signifie-t-il ?
par Van Geirt
Index
Sur Krishnamurti et le « moi » tibétain
Sur le « moi » d'un
tout-le-monde
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Communiquer l'un avec
l'autre, même si l'on se connaît très bien, est extrêmement difficile.
Nous voici ici ; vous ne me connaissez pas, et je ne vous connais pas.
Nous parlons à des niveaux différents. Je puis employer des mots qui ont
pour vous un sens différent du mien. » C'est, pour Krishnamurti, la
raison essentielle des maux journaliers de l'existence, de la plus
simple à la plus élaborée des valeurs humaines connues et/ou reconnues
comme telles. Elle tient de l'absence totale de la connaissance
raisonnable du "moi". Or, c'est précisément cette inexpérience qui
justifie, de la part du philosophe, ce second avertissement, à savoir :
qu'entendez-vous lorsque vous employez le mot ( moi-même» (myself) ?
Étant donné qu'il y a de nombreux (moi)), en vous, en changement
perpétuel, existe-t-il un « moi » permanent ? C'est l'entité multiple,
"le paquet de mémoires" qui doit être compris et non l'apparente entité
unique qui s'intitule le "moi". Ce n'est qu'en comprenant le processus
dans sa totalité, que la pensée ainsi rendue correcte, ouvre la porte à
l'Éternel. » Le bilan de cette trame mentale amenant logiquement l'être
à "cet art de vivre consistant à mettre une fin au processus du moi" dit
encore Krishnamurti, sommant ainsi sa pensée. |
Et, si chez ce dernier, on trouve plus qu'auprès de n'importe quel autre
philosophe une quête aussi assidue de vérité acceptable en philosophie moderne
qu'en ami de la sagesse, cela est dû primordialement au choc profond causé par
le décès de son frère Nityananda, à la fin de 1925. Résumant ainsi son état
d'âme en cette époque décisive, Krishnamurti écrit : "Je souffris, mais je
commençais à me délivrer de tout ce qui me limitait, jusqu'à ce qu'enfin je
m'unis au Bien Aimé, j'entrai dans l'océan de libération et l'établis au dedans
de moi ".
Sur la révolution du « Moi »
Krishnamurti assure que le mécanisme du « moi » est un « changement perpétuel »
impliquant de par ce fait le phénomène cyclique qu'il faut approfondir, par
conséquent, dans une première phase? En prenant comme point de départ, le « moi
» conscient, ce dernier engendrant les frayeurs primaires, la hantise de la
sécurité, nous abordons d'autorité ce que Krishnamurti appelle le « processus du
moi » (I process) le qualifiant "d'auto-actif" .Vous voyez, dit-il, quelque
chose qui vous attire, vous le désirez et vous le possédez. Ainsi se trouve
établi ce processus de perception, désir et acquisition. Ce processus se
maintient de lui- même indéfiniment. Il, est auto-actif. La flamme se maintient
elle-même par sa propre chaleur, et la chaleur elle-même est la flamme (cf.
Krishnamurti et le « moi tibétain). Exactement de la même manière le moi se
maintient lui-même par le besoin, les tendances et l'ignorance. Le « soi »
venant, cycliquement, impressionner le « moi » suggérant » sans aucun doute que
la conscience du « moi » survient dès cet instant pareil à un tourbillon
éphémère, auto-créateur et auto-sustentateur. Mais créant également entre le
sujet et le milieu une apparition simultanée dans le sens du « moi » et la
notion d'un non-moi conçu comme opposant à ce moi. René Fouéré, dans son ouvrage
Krishnamurti ou la révolution du réel explique ainsi cette étape dans le
processus du moi chez Krishnamurti.
Supposons que je me torde le pied à tel point qu'il va en résulter une entorse,
Tout d'abord, je ressens une douleur violente. Cette douleur, née de surtensions
musculaires va engendrer elle-même de nouvelles surtensions, dues, à des causes
externes, et génératrices de douleurs, vont succéder des surtensions d'origine
interne qui, créées par cette douleur, la perpétuent. Ainsi une sorte de circuit
va s'instituer entre surtensions musculaires et douleurs. Les unes faisant
surgir l'autre, et réciproquement. Au départ la douleur avait une cause
objective, indépendante du sujet en ce sens qu'elle supposait des rapports entre
ce sujet et un milieu, qu'elle ne s'expliquait pas sans l'intervention de ce
milieu. Elle est résultat d'une déformation anormale infligée à la musculature
du pied par un mouvement malheureux sur un profil inspiré par le milieu. Mais à
partir du moment où la douleur surgit et devient fulgurante, on voit apparaître
un état de choses qui se maintient de lui-même, qui ne cesse de renaître de ses
propres conséquences. La douleur devient la cause même des états qui la
produisent. C'est-à-dire qu'à travers les surtentions musculaires qu'elle
entraîne, elle devient sa propre cause. Dès lors elle n'a plus de cause
distincte, n'étant plus causée par rien d'autre qu'elle-même. On chercherait
vainement hors d'elle une cause qui, dotée d'une existence propre et autonome,
serait responsable de sa perpétration. |
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L'enfer existe là où n'est pas l"amour, et réformer l'enfer n'est que le décorer Photo Yvon |
Ainsi, bien que la douleur envisagée soit un fait, elle n'en est pas moins une
illusion, en ce sens qu'elle n'a pas de fondement réel, pas de cause véritable,
permanente, extérieure à elle-même. Elle crée, à chaque instant, sa propre
continuité, sa propre durée. Et M. Fouéré de continuer sur plusieurs pages
encore l'explication imagée certes, de la relation sujet-milieu, auto-création,
moi-soi. Par trop imagée cette présentation de l'écrivain peut entraîner une
mécompréhension des relations profondes entre le moi « connu » et le moi «
profond
Sur Krishnamurti et le « moi » tibétain
C'est pour cela que je préfère l'approche similaire à prime abord du moi »
krishnamurtien et du « moi » bouddhiste, L'« awareness » (lucidité) des
bouddhistes tibétains et la « vue juste » de Krishnamurti incitent à pousser,
plus loin encore, les similitudes entre les « ego» cités ici. « Personne
n'accomplit l'action, personne n'en goûte les fruits, seule la succession des
actes et de leurs fruits tourne en une ronde continuelle, tout comme la ronde de
l'arbre et de la graine, sans que nul ne puisse dire où elle a commencé. Ceux
qui ne discernent pas cet enchaînement croient à l'existence d'un « ego »
révèlent les textes Mahâyânistes et Hinâyânistes, lorsqu'il s'agit d'infirmer
l'hypothèse du « moi », du moins telle que nous la concevons. Les livres
tibétains expriment ainsi la même pensée, dans un autre vocabulaire, que
Krishnamurti. On trouve également dans ces livres, la théorie cyclique du « moi
», comparant ce dernier à une flamme,
Si nous regardons distraitement une flamme de bougie située dans une pièce
privée de courant d'air, nous aurons l'impression de voir une forme brillante,
immobile, continue. Or, nous savons fort bien que la flamme n'est pas immobile,
Elle se recrée à chaque instant. Elle est dans un flux continuel. Elle
s'alimente des milliards de molécules qui fondent et se consument en se
combinant à l'oxygène de l'air et donnent la chaleur à la flamme. La notion que
nous avons d'une apparente immobilité de la flamme provient essentiellement de
notre inattention. Le « moi » est semblable à cette flamme. C'est par ignorance
et absence de vue juste, que nous avons de notre soi-conscience et de nos
pensées une vue continue. Ce sentiment de continuité nous incite à nous
considérer comme une « entité » toujours identique à elle-même. La réalité est
autre. Notre « moi » n'est que révolution.
Sur la dualité du « moi »
Le moi étant révolution permanente, par conséquent en opposition constante, cela
étant d'ailleurs la base des grands conflits intérieurs qui régit l'être,
Krishnamurti dit encore : « Quand vous avez peur, vous cherchez le courage et ce
courage, nous l'appelons vertu, mais que faites-vous en réalité ? Vous fuyez la
peur. Vous essayez de recouvrir la peur d'une autre idée, que vous appelez
courage ; vous pouvez le faire momentanément, mais la peur continue d'exister et
se manifestera sous d'autres formes ; tandis que si vous essayez de comprendre
la cause fondamentale de la peur, l'esprit n'est plus captif du conflit entre
les opposés. »
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La conscience de soi crée la dualité et vous avez ainsi la conscience cosmique
et la conscience individuelle, toutes deux étant des conceptions fausses qui
surgissent à l'intérieur des limitations de l'individualité. Il résulte de cela
une constante bataille entre les deux parties du même centre. La partie
personnelle demande à la partie universelle pourquoi elle a créé la
misère, l'injustice, la douleur. De cela résultent des spéculations sans
fin au sujet du comment, du pourquoi, de la cause et de la finalité, qui
n'auront jamais de réponse parce qu'elles partent d'un faux
raisonnement. Où se trouve donc ce "moi" parfait que prônent certains
anciens , il faut pour approcher cet idéal abstrait, hormis la flagrante
dualité du " moi", que l'être parvienne à cerner la terminologie de son
« moi », prenant par exemple, la réalité qu'il n'est lui-même que devant
un autre, et que sans ce dernier, le « lui-même » disparaît. C'est aimer
et être aimer. C'est concevoir et être conçue. Autant de divisibles et
d'indivisibles. C'est, qualitativement une impasse, l'un détruisant
l'autre. En imposant à autrui son « moi », il n'est plus « sien », mais
"leurs", perdant ainsi sa particularité propre, à savoir, le sentiment
profond qui l'avait entraînée. Et c'est sans aucun doute la
contradiction impérieuse du moi krishnamurtien. Pascal disait du moi
qu'il était "haïssable". Suivant sa ligne de pensée, il était donc
nuisible, destructible, Or, le fait de vouloir le détruire, ce moi
"haïssable" ne peut que le renforcer. A force de n'en plus vouloir, de
bâtir nombre d'éléments pour sa destruction, l'existence de ce moi est
solidifiée. C'est un faux problème du choix. |
Sur la fuite du « moi »
Dualité, choix, surtout ignorance du « moi » peut être la clé et la conclusion
du moi krishna-murtien, bien que selon sa propre philosophie, le phénomène de
révolution interdit un début et une fin, si ce n'est arbitraire, au cycle du
"moi". Face aux contradictions permanentes du "moi" l'individu est entraîné dans
une souffrance métaphysique qu'il veut fuir afin de retrouver une sérénité de
l'âme, même passagère. Reste à savoir si cette souffrance sera assez forte pour
qu'éclate l'ignorance dont nous parlions précédemment. La souffrance n'est pas
autre chose que cette haute et intense clarté de la pensée et l'émotion, qui
vous force à reconnaître les choses telles qu'elles sont. Or, l'homme n'aimant
pas souffrir, son "moi" repousse cette alternative, mieux, cette solution de
vérité nue. Il fera tout ce qui est acceptable en son âme pour s'évader de cette
condition. M. Fouéré, définit quelques-unes de ces réactions.. humaines !
Recherche du réconfort : on prend plaisir à inventorier les appuis qui
subsistent ou l'on se complait dans l'évocation des fastes du passé. Repliement
sur soi : on ne veut plus renouveler l'expérience douloureuse, rencontrer la ou
les personnes qui ont lésé. Cette dernière attitude conduit éventuellement à la
répulsion, à la haine : dans ce dernier cas, l'état de creux consécutif à la
souffrance se transforme en exaltation agressive.
Recherche d'un autre terrain d'affirmation d'une nouvelle méthode ou
spécialisation. Dépréciation de l'être qui fait souffrir : l'exemple courant de
l'amant qui dit : elle est partie, elle ne méritait pas que je m'y intéresse.
Rationalisation : Il se dit que c'est dans la nature des choses, que cela devait
arriver (fatalisme).
Mise en œuvre d'une discipline quelconque pour acquérir fermeté de caractère,
impassibilité,
Que faut-il dire de ces réactions on ne peut plus humaines que chacun a souvenir
d'avoir péniblement traversées. Évasion, bien sûr. Lâcheté, peut-être. Refus
inconscient de faire face à la douleur, à la souffrance morale, Refus de se
suffire. Mais c'est là notre quotidien. "Nous avons dit que sans connaissance de
soi, aucun problème humain ne peut être résolu de façon permanente. Peu d'entre
nous sont disposés à entrer complètement dans un problème et à appréhender le
mouvement de leur pensée, de leurs sentiments et de leurs actions comme un tout
intégral ; la plupart d'entre nous veulent une réponse immédiate, sans
comprendre en son entier le processus de nous-même" conclut Krishnamurti.
« Me comprendre moi-même est
d'une importance primordiale, parce que je ne peux comprendre aucun problème
humain sans comprendre l'instrument qui observe, l'instrument qui perçoit, qui
examine. Si je ne me connais pas, je n'ai aucune base pour penser ; et me
connaître n'est pas le résultat d'une spécialisation, du fait que je deviens un
expert en connaissance de soi, ce qui, au contraire, m'empêche de me connaître.
Car le moi est désir, il est vivant, toujours en mouvement, il n'a pas de repos,
il subit constamment des changements ; et pour comprendre le désir vous ne
pouvez pas avoir un plan d'action."
Sur le « moi »
d'un tout-le-monde
J'avoue, au fil de cet article, découvrir une vision du "moi"positive,
constructive. Philosophes du monde et de tout temps ont des explications
négatives, quand ce n'est pas destructives du moi de l'ego de l'I (je-moi).
Inutile bien sûr ici de mentionner l'affectif "moi-je" qui n'est que le reflet
du soi- conscient du « moi-connu», du moi-connais ». Or, Krishnamurti ouvre ici
un véritable dialogue intérieur, à la merci de sa conscience entre le « moi » et
le « moi », l'être et le paraître. Je, donc je suis. Absurdité shakespearienne
tronquée afin de mieux définir le dialogue entre le « moi-intérieur caché et le
« moi-extérieur » apparemment découvert, visible à l'âme nue. Qui est « moi » ?
La flamme ou l'entorse. La douleur ou l'absence de douleur. Ce masochisme de
l'âme, cette torture de « soi », ce tunnel effrayant de l'obscure vérité. Dans
un monde où le temps-vitesse régit l'être, peu sont ceux qui croient bon de se
pencher, une seconde durant sur l'intérieur. « Je me connais ! » Mais
Krishnamurti pose le problème entre la connaissance et le savoir de "moi". Qui
et quoi dicte les réactions et les actions d'autrui à votre endroit si ce n'est
trop souvent une parfaite ignorance de votre « moi » profond.
Fenêtre grande ouverte sur le monde intérieur, Le Moi consciemment inconscient
dicte chacun des actes apparemment incontrôlables. Notre rationalisme, notre
terminologie contradictoire veut que nous lui trouvions des excuses, sortes de
pis-aller du genre : c'est l'instinct..., l'intuition... le pressentiment, là où
l'explication est si simple. Incapables de connaître le « moi » des autres, nous
nous enferrons à simuler, fantômatiser, échafauder, mille rapports faussés à la
base. Et cela uniquement à cause de cette obstination qui se veut de prendre ses
irréalités psychologiques pour des vérités absolues. Qui, caucasien, n'a pas
ressenti cette gêne incontrôlable à l'endroit de l'hindou et de l'asiatique ?
Cette impression de «moi» mis à nu par une force supérieure, par une
perceptivité innée dont ils semblent dotés. Le moi » krishnamurtien est une
porte ouverte sur la communication entre les êtres, De ces portes, qui font peur
car elles ouvrent sur la vérité. De ces vérités que les siècles nous ont appris
à ne plus vouloir voir.
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Sur Krishnamurti et le « moi » tibétain
Sur le « moi » d'un tout-le-monde