Le Monde Diplomatique de novembre 2001

 

Page 13 : Au cœur du renseignement américain : extrait (Par Nocky Hager).

 

Opérations à géométrie variable.

 

Bien que sophistiqués et puissants, les systèmes de surveillance de la NSA ont montré leurs limites le 11 sep­tembre 2001. Tout comme un système de défense antimissile n'aurait rien pu contre des attaques menées à l'aide d'avions de ligne, les systèmes de sur­veillance avancés se révèlent peu effi­caces contre les moyens de communica­tion rudimentaires («boîtes à lettres» anonymes, intermédiaires sûrs, etc.) uti­lisés par une cellule bien organisée. « La NSA écoute régulièrement les appels non cryptés passés par le terroriste pré­sumé Oussama Ben Laden [via le réseau satellitaire Inmarsat], souligne Bamford. Pour impressionner ses visiteurs, elle leur passe parfois les échanges entre Ben Laden et sa mère. (...) Celui-ci sait que les Etats- Unis écoutent ses commu­nications internationales, mais il semble n 'en avoir cure (4). »

Retraçant l'histoire de cette sur­veillance électronique planétaire, James Bamford convainc que sa mise en place n' avait pas pour vocation première de protéger les Etats-Unis contre des menaces extérieures, mais, le plus souvent, de réunir des informations servant à promouvoir la guerre en tant qu'instru­ment politique et à saper les « droits fon­damentaux » des autres pays.

Dans l'immédiat après-guerre, au siège de l'ONU - truffé d'écoutes - on débattait de la partition de la Palestine - une mesure qui a transformé la région depuis en l'un des principaux foyers d'instabilité et de violence politique du monde. Les Etats-Unis exercèrent une pression extrême pour que soit votée la partition, et pesèrent notamment de tout leur poids sur trois petits pays - le Libe­ria, Haïti et les Philippines - qu'ils for­cèrent à changer de position à la veille de la décision finale. James Forrestal, alors secrétaire américain à la défense, écrit à l'époque, dans son journal per­sonnel, que « les moyens de coercition exercés sur ces pays confinaient au scandale »

Dés 1945, les agents américains et britanniques avaient engagé une course de vitesse avec leurs homologues sovié­tiques pour déchiffrer les codes de l'ar­mée allemande. Les Etats-Unis devan­cèrent largement l'Union soviétique, mais l'avantage fut de courte durée. Dans le courant des années 1950, des avions  espions  survolèrent l'Union soviétique, à l'instar de ceux qui survo­lèrent, en avril 2001, l'île de Hainan, en Chine ; dès la fin des années 1980, la

NSA avait encerclé l'URSS de stations d'écoute, d'avions, de navires.. et de sous-marins.

 

Après l'échec de l'invasion anticastriste de la baie des Cochons, en avril 1961, les chefs de l'état-major américain  concoctèrent  un  projet étrange. Leur stratégie, mise au jour par Bamford, consistait à lancer une « cam­pagne de terreur » à l'encontre des citoyens américains et à l'imputer à Cuba afin de justifier une invasion géné­ralisée de l'île. Un rapport secret avan­çait que « la publication de la liste des victimes dans les journaux américains provoquerait dans le pays une vague d'indignation instrumentalisable ».

Baptisé «Northwood Opération», ce plan prévoyait des détournements d'avions et des attentats à la bombe à Miami et à Washington. Les documents prépara­toires précisaient qu'il fallait « donner au monde l'image d'un gouvernement cubain représentant (...) une menace grave et imprévisible pour la paix dans l'hémisphère occidental ».

 

L'administration Kennedy n'approuva pas l'opération Northwood, mais, deux ans plus tard, un « incident » similaire dans le golfe du Tonkin déclenchait la guerre du Vietnam. Des agents de renseignement britanniques, australiens et néo-zélandais se rallièrent à une vaste opération des services secrets améri­cains au Vietnam, les aidant notamment à localiser des cibles afin que soient remplis les quotas quotidiens des mis­sions de bombardement des B-52.

 

 

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