"Densité Zéro"

POURQUOI  J’AI ÉCRIT CE LIVRE ?

Ma première idée était de raconter une histoire qui ne soit pas transposable à l’écran. Pas de description de lieux ni de personnages, pas de littérature à seule fin de remplir des pages. Un producteur aurait cette fois de bonnes raisons pour refuser mon scénario. Je voulais parler de l’invisible que seuls les mots sont capables de suggérer. Parlant à la première personne, je voulais dire tout ce qui se passe dans ma tête, parfois sans enchaînement logique, comme une pensée qui vagabonde au hasard à la manière des internautes « qui surfent » mais qui se réfère toujours au monde réel avec toutes ses contradictions ses fureurs et ses espérances.

 Ma deuxième idée était d’imaginer un esprit, ou une âme (peu importe, une entité supposée exister avant la matière), qui, voyant du ciel le spectacle désolant du monde, ne veut pas y naître. Et c’est à mon frère que j’ai donc pensé, lui qui s’est suicidé et a fait le chemin inverse en constatant l’horreur sans cesse croissante de l’humanité. En fait, je préfère croire « qu’il s’est évaporé ». Moi aussi, j’ai envie de m’évaporer, quelquefois.

 Enfin, je voulais aussi écrire quelque chose d’entièrement nouveau, d’inventé, où le lecteur aurait le sentiment de n’avoir jamais rien lu de semblable.

Dérives virtuelles est pour moi comme une sonnette d’alarme. J’ai milité autrefois avec d’autres hommes dans l’espoir de changer le monde.  Syndicaliste, féministe, marxiste avec comme idéal le communisme sur lequel tout le monde crache depuis que le mur de Berlin s’est effondré. Quelle autre idéologie sur laquelle m’appuyer ?

 Lisez l’article de Toni Negri dans le monde diplomatique de janvier 2001 : Vers l’agonie des états nations ? L’Empire, stade suprême de l’impérialisme, à propos de son livre « Empire » qu’il a écrit en collaboration avec l’américain Michael Hardt.

  Je cite : …Les luttes peuvent-elles devenir assez massives et incisives pour déstabiliser, voire déstructurer l’organisation complexe de l’empire ? Cette hypothèse incite les « réalistes » de tout poil à l’ironie : le système est si fort ! Mais, pour la théorie critique, une utopie raisonnable n’a rien d’inhabituel. D’ailleurs, il n’y a pas d’autre terme de l’alternative, puisque nous sommes exploités et commandés dans cet empire, et non ailleurs. Ce dernier représente l’organisation actuelle d’un capitalisme en pleine restructuration, après un siècle de luttes prolétaires sans équivalent dans l’histoire de l’humanité. Notre livre implique donc un certain désir de communisme…

 Pour l’instant, rien n’est vraiment fait pour arrêter le processus de mondialisation qui réduit l’homme à un simple consommateur. Le monde que je décris au début de ce livre se passera demain. Chaque individu crée sans le savoir plus d’inhumanité en ne cherchant qu’à consommer d’avantage, ce qui constitue désormais l’idéologie dominante.

Aussi, dans le monde diplomatique de janvier 2001 de Edward Bond : l’humanité, l’imagination et la cinquième dimension.

Je cite : … Un observateur extérieur au cosmos verrait qu’à présent tous les êtres humains ont cessé de créer l ‘humanité. Nous n’avons plus la capacité structurelle de le faire. Notre époque n’est pas postmoderne, mais posthume. Vous qui lisez ceci, êtes mort

Avoir toujours plus que l’autre. Toujours plus s’enrichir sachant pourtant que c’est mathématiquement et économiquement impossible pour chaque individu. Il n’est donc pas absurde d’imaginer, dans un roman, que chaque homme puisse devenir ennemi de l’autre. Les états, les médias, préconisent-ils d’autres sources d’enrichissement ? Laissent-ils les peuples réellement s’exprimer sur :

« l'épanouissement par le travail », alors qu’il va devenir sans cesse plus aliénant.  Ne peut-on susciter une autre réflexion sur ce dit travail, aujourd’hui réduit au seul fait obligatoire d’en avoir un et n’importe lequel sinon "plus d’indemnités", qui n’aurait plus comme seul objectif de produire et donc de consommer, et donc d’engraisser les multinationales qui ont déjà atteint un niveau insolent de richesses ? La multiplication des échanges prétendus harmonieux par Internet ne sera-t-elle pas la plus grande illusion de l’humanité, remplaçant petit à petit celle des religions qui, elles, n’oubliaient pas quand même parfois de rappeler aux hommes les enjeux économiques et politiques des pouvoirs auxquels  ils sont soumis.

Le monde virtuel nous domine et nous masque l’essentiel invisible. L’informatique est un univers sur lequel règne un dieu avide de pouvoir, que j’ai appelé Mic Rosoft, ou bien Noum Eric. Ces dieux règnent du mauvais côté de l’invisible, ils sont les premiers acteurs de la mondialisation sauvage qui conduira l’humanité à sa perte.

En écrivant ce livre, certes pessimiste, non sans traverser quelques pointes d’ironie, j’espère transmettre un message. Je ne voudrais pas que la fraternité universelle ne puisse se réaliser que dans l’invisible. C’est peut-être maladroit. Ce n’est pas de la haute littérature, mais si c’est le seul critère qui permet de juger une œuvre, alors c’est moi qui ai raison. Car, comme l’a dit Ernest Renan, dans « l’avenir de la science », « Chaque homme aura fourni sa petite part à la grand résultante ».

Avant de m’évaporer, ou d'être détrôné par l'intelligence artificielle, j’ai encore l’usage de mes yeux qui auront toujours le plaisir de voir un visage humain et l’usage de ma main pour serrer la sienne, bien chaude et faisant vibrer mon cœur.

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