SOMMAIRE Gros village rustique et sans attrait. L’église et le cimetière
Dix sépultures
des derniers Francogney de 1823 a 1903. Décadence du hameau - Une vieille paysanne petite fille d’un Hennezel, chevalier de St Louis - Fronton armorié d’une porte de 1618 - Dernières années d’activité de la verrerie - La maison du chevalier de Finance et sa pierre de fondation de 1859 - La demeure incendiée de Louis d’Hennezel, maire de Charmois, mort en 1895 - La maison de Mm. de Francogney et sa pierre de fondation de 1809 - La chapelle de la miséricorde. |
DIMANCHE
15 JUILLET 1928
Voici
le jour attendu depuis trente ans, celui d’un second pèlerinage dans la forêt
de Darney, nous allons faire la tournée des principales verreries fondées par
nos familles. La chaleur est torride, le programme est chargé. Si rapide et
fatigante que puisse être cette randonnée, elle me laissera d’inoubliables
impressions.
De grand matin, après la première messe a st Maurice, Renée et
moi, nous filons directement vers Charmois l’orgueilleux. L’orgueilleux... ?
Pourquoi cet étrange surnom ? On n’a pas pu me l’expliquer. Bien qu'on le
rencontre dans les actes dés le XVIé siècle,
il n a jamais été consacré officiellement.
Charmois
est une commune assez importante, avec ses nombreux écarts, elle réunit
environ mille deux cents habitants. L’agglomération principale comprend
quatre ou cinq rues disposées en étoile, à leur intersection se dresse, sur
une légère éminence, l’église. Ces rues ou plutôt ces chemins, sont de
largeur inégale. Des maisons disparates, placées en guingois, les bordent, les
plus modernes sont trapues, à un seul ou deux étages percés de nombreuses
fenêtres, d’énormes toits plats les recouvrent. Les maisons anciennes sont
au contraire petites, écrasées, mal éclairées. Construites en moellons,
revêtues d’enduits souvent lépreux elles paraissent sans charme. Des amas de
bois, des chariots, des outils, des instruments agricoles, placés n’importe
comment, encombrent le devant de chaque demeure, on a une impression de
désordre. Où sont les belles maisons des villages comtois, visités ces jours
derniers...
Situé
sur la lisière de la forêt du ban d'Harol, Charmois vit de ses terres de ses
bois, d’une douzaine de beaux étangs parsemés sur son terroir. L’un d’eux,
celui de Francogney et un bois voisin, ont donné ce nom à des branches des du
Houx et des Hennezel. Un des écarts les plus importants de la commune de
Chamois est en effet le hameau de la “
Neuve-Verrerie ”. Ce nom
vient de “ la verrière ” érigée au milieu du XVIé siècle
(1563), auprès du ruisseau de Francogney, par François du Houx, Sgr du
Hubert et Sgr de Viomenil et par sa femme Yolande de Hennezel. Ce gentilhomme
exerçait l’art de petits verres. Les fours qu'il alluma en cet endroit
flambèrent durant trois siècles. Des centaines de maîtres verriers des
familles du Houx, de Finance, de Bigot, de Massey, puis de notre nom, à la
suite de l’alliance d’un Hennezel de la Sybille avec une Finance de
Francogney, vécurent dans ce hameau jusqu’à nos jours. Les derniers
descendants de ces familles sont morts obscurément à la
Neuve-Verrerie au
début du siècle. Plusieurs furent maires de Charmois.
Nous
allons tout droit à l’église. Reconstruite sous la restauration, elle est
sans caractère. L'ancienne, démolie en 1823, devait contenir des pierres
tombales... il n’en reste
aucune trace, peut-être aussi y lisait-on une inscription relatant la fondation
d'une confrérie du St Sacrement, faite en 1673, par les paroissiens de Charmois,
sur l’initiative de Jean-François du Houx, Sgr de Francogney... (17 août
1673). Une seule inscription s’y
lit actuellement, la liste des morts au champ d’honneur de 1914-1918. J'y
relève le nom d’un descendant probable des fondateurs de la
Neuve-Verrerie “ lieutenant du Houx (sic) héros obscur de la
grande guerre ”.
Le
cimetière entoure encore l’église, situation des plus rares, presque tous
les champs de repos situés à l’ombre du clocher, ont été désaffectés.
Celui-ci contient un certain nombre d’épitaphes assez anciennes, concernant
les derniers propriétaires de la Neuve-Verrerie.
Les actes d’état civil et les contrats où ils figurent les qualifient
“ cultivateurs ”, preuve de leur modeste situation sociale.
Ils sont inhumés au nord de l’église.
Voici
tout d’abord l’épitaphe d’un Hennezel qui portait le nom du roi de
Pologne, le dernier souverain si aimé des lorrains,
Mort
le 10 mars 1822
Et
son épouse
T.de
Bonnay
Morte
le 17 mai 1852
Louis-Stanislas
d’Hennezel était le second fils de Charles III, seigneur de Francogney, qui
vota en 1789 avec la noblesse au bailliage de Carney. Il s’était marié en 1797 avec Marie- Thérèse-Elisabeth
de Bonnay, fille d’une Hennezel de Bazoilles.
Ils eurent au moins sept enfants. Trois d’entre eux reposent ici, à
coté de leurs parents, je note leur épitaphe :
Mort
le 11 mars 1870
A
l’âge de 60 ans
Il
s’agit de Louis-Benjamin d’Hennezel, marié en 1847 à sa cousine
Marie-Christine-Célestine d’Hennezel de Francogney, dont il n’eut pas
d'enfant. A coté se trouve l’épitaphe de sa sœur :
Joséphine
Thérèse-Victorine d’Hennezel
Epouse
de Jean-Nicolas Thiébaut
Décédée
le 10 juin 1874
A
68 ans
Née en 1803, elle
s’était mariée en 1855. Près de cette épitaphe se trouve l’épitaphe du
neveu de cette dame, mort enfant et celle de sa belle sœur :
A
la mémoire de
Charles-Louis-Henry
d’Hennezel
Fils
du Sgr Louis-Alexandre d’Hennezel
Et
de Marie-Henriette Joly
décédé
le 27 décembre 1857
A
l âge de 9 ans
Henriette
Joly
1827
- 1892
Mademoiselle
Joly avait épousé à Viomenil en 1847, à l’âge de 19 ans, Louis-Alexandre
d’Hennezel qui fut maire de Charmois. Dans cette sépulture repose encore
Marie-Christine d’Hennezel et Céleste d’Hennezel, sa fille. Il s’agit
probablement de la femme et de la fille de Nicolas d’Hennezel de la Sybille,
longtemps percepteur à Monthureux-sur-Saone, et retiré a la Neuve-Verrerie.
Enfin,
voici l’épitaphe de leur fils et de leur belle-fille :
1837
- 1903
Amélie
Gantois
1839
- 1902
Né
à Monthureux en 1836, Marie-Adrien fut le dernier d’Hennezel habitant la
Neuve-Verrerie. Il avait épousé en 1867, sa cousine germaine, Marie-Amélie
Gantois, fille d’un négociant de Fignevelle et d’une Hennezel de
Francogney.
Ces épitaphes révèlent la situation sociale et les alliances modestes des derniers Francogney habitant la Neuve-Verrerie. Ils y vivaient à peu prés comme des paysans. Cependant, malgré la médiocrité de leur existence et de leurs moyens, ces Hennezel conservaient une certaine influence sur leurs compatriotes - plusieurs furent maires de la commune - ils soutenaient par des dons et des legs, l’orphelinat et l’école libre de Charmois, fondés au milieu du XIXè siècle, par une pieuse parente, mademoiselle de Boni.