20 - Gruey les Surance - Bains les Bains  (1)

 

SOMMAIRE

 

Station thermale sans charme - Les verrières de Bains et d'Haudompre - Chapelle de la Sainte-Vierge - Xertigny - Son curé, l’abbé d'Hennezel  de Francogney, doyen de la chrétienté de Remiremont, reconstruit l’église en 1778. Jureur, il rétracta son serment et émigra en Allemagne - Son retour en 1803 - Son attachement à ses neveux. Son testament et sa mort à Bains en 1810 - Sa sépulture au pied du clocher, à coté de l’abbé de Finance, son prédécesseur - Note de M. de Vilmorin - Incendie de l’église en 1940 ... Projet d’épitaphe - La charmille du château - Epinal - aux archives des Vosges, MM. Philippe, archiviste et Kastener son adjoint - Insuffisance des inventaires et des tables - Raisons ou retard de leurs publications, les archivistes sont accablés par les paperasses de l’administration préfectorale - Le capitaine Larose .

 

GRUEY

 

 

Nous descendons maintenant la pente d’un large plateau, complètement dénudé, vers Gruey les Surance. Les maisons de ce village agricole apparaissent en bordure de la route nationale et d’une longue rue, obliquant vers l'ouest. Trapues et sans charme, ces bâtisses sont collées l’une à l’autre à la queue leu leu. 

 

 

Les larges toits de tuiles qui les écrasent font penser à la carapace de je ne sais quel reptile fantastique s’étirant au soleil.

L’endroit où se greffent ces rues est le centre du village. Il est marqué par un lavoir fontaine et une haute croix de pierre à personnages datant du début du XVIII° siècle. Plus loin, la silhouette de l’église avec un clocher bulbeux. Elle semble bien moderne.

 

 

Nous n’avons pas le temps de nous arrêter. Je rencontre souvent le nom de Gruey dans les vieux actes. Ce gros village mériterait une visite. La route continue en zigzaguant jusqu’à bains.

 

 

BAINS LES BAINS

 

Ce chef lieu de canton est une station thermale fort ancienne. Elle était fréquentée par les romains.

 

 

 

Malgré un parc vaste et bien planté, proche de l’établissement, malgré un grand hôtel et deux ou trois plus modestes, cette petite ville apparaît comme un grand village.

 

 

Les baigneurs ne doivent guère s’y amuser.

 

Le pays est plat et sans charme. Quelques coteaux boisés du voisinage ont jadis permis l’établissement d’une « verrière » qu’exploitaient au début du XVI° siècle, « des gentilshommes de menu verre ». C'étaient des du Houx, des Granier, des Preys, de Jacquot, de Girard, etc, alliés aux familles de Finance, de Bonnay de Massey. Qui saurait dire maintenant où se trouvent ces fours....

 

A six ou sept kilomètres de bains, flambait une autre verrerie, celle d'Haudomprey, exploitée jusqu'au XVII° siècle, par les mêmes familles.

Il subsisterait encore dans le hameau de ce nom, m’a-t-on dit, les vestiges d’un manoir à tourelles, ancienne demeure de ces gentilshommes.

 

 

Le manoir d'Haudompré         (septembre 2009)

 

Si l’on ne trouve plus trace à Bains de l’industrie verrière, on y rencontre un grand nombre de forges qui donnent au pays un aspect industriel. Voir la Manufacture Royale...

 

 Près de l’église de Bains, nous bifurquons à gauche, pour prendre la route de la Chapelle aux Bois et de Xertigny. Elle nous ramènera à Épinal. Peu après la sortie de la petite ville, à droite, au bord de la route, une chapelle dédiée à la Sainte Vierge, entourée de quelques arbres. Elle doit être un lieu de pèlerinage, mais ne parait pas ancienne.

 

XERTIGNY

 

 

 

Ce chef lieu de canton est plus peuplé que bains, mais sans prétention de ville. Les maisons s'éparpillent le long de chemins, à travers la campagne. Le paysage est agréable bien qu on se sente aussi en pays industriel. L'église, ou tout au moins son clocher, parait plus ancien que tous ceux que nous avons vu jusqu'à présent dans les Vosges, on le dirait roman. J'ai voulu terminer cette journée de pèlerinage en mettant Xertigny sur le chemin du retour. J’avais envie de connaître cette église. Elle avait été reconstruite peu avant la révolution, par un arrière grand-oncle de ma belle-fille, curé de Xertigny pendant une quarantaine d’années.

 

Il se nommait Jean-Claude de Hennezel et était l’un des nombreux enfants de Charles II de Francogney, le principal détenteur de la Neuve-Verrerie, au temps de Louis XV. La vue de ce monument me rappelle l’existence traversée d’un prêtre qui lança, vers le ciel, la flèche aigue de ce clocher.

La mémoire de ce pasteur zélé est encore vivante ici. Son corps repose depuis plus d’un siècle, au pied de cette tour. J’ai pu reconstituer son « curriculum vitae ».

Après son ordination, Jean-Claude de Hennezel, avait été durant six ans, vicaire du curé de Xertigny, l’abbé de Finance (juin 1761 - septembre 1767).Ce vieux prêtre, ayant apprécié la valeur de mon jeune parent, résigna ses fonctions en sa faveur à l’automne de 1767. L’abbé de Hennezel fut pourvu de sa cure et de celle, importante aussi, de la Chapelle-aux-Bois. Les deux paroisses réunissaient plus de cinq mille âmes.

Intelligent et actif, l’abbé de Hennezel occupa ce poste avec distinction. Après quelques années de ministère, son église était devenue insuffisante pour la population et elle menaçait ruine.

 

Le nouveau curé résolut de la reconstruire (14 juillet 1774). La tache semblait difficile, le travail onéreux et la dépense incombaient à plusieurs personnes qu’il était malaisé de mettre d’accord. Les paroissiens et le patron ecclésiastique devaient reconstruire la nef à leurs frais et le curé construire le choeur de ses deniers. Pour le clocher, il fallut mettre à contribution les trois seigneurs du pays, l’abbaye de Remiremont, le marquis de Ville-sur-Illon et la famille du Pasquier de Dommartin qui possédait la seigneurie de Fontenoy-le-Château.

On discuta plusieurs années pour arriver à une entente. Le curé dut même intenter un procès aux trois seigneurs pour obtenir leur participation.

Au bout de quatre ans, grâce à sa ténacité, l’abbé de Hennezel fut enfin en mesure de réaliser son projet. La vieille église fut démolie, sa surface agrandie en reculant le choeur vers l’est, le clocher ancien fut respecté, mais le curé remplaça sa toiture en forme de bulbe et son campanile qui menaçait de s’écrouler, par la flèche haute d’une vingtaine de mètres qui se dresse devant nous.

La tradition prétend que ce fut l’abbé d’Hennezel qui offrit les vitraux du choeur. On y voit de chaque coté du motif central, un casque de chevalier surmonté d'une couronne de marquis (1778). Quelques années plus tard, le zèle pastoral et la piété de Jean-Claude d'Hennezel le firent élire doyen de la chrétienté de Remiremont par les prêtres de la circonscription (1785).

 

En 1789, le curé de Xertigny, vota avec le clergé. La révolution lui valut de rudes épreuves. Pensant éviter le pire, il avait commencé par prêter le serment constitutionnel. Mais les excès de l'abbé Maudru, évêque schismatique du Diocèse, ne tardèrent pas à lui ouvrir les yeux. Il eut le courage de rétracter publiquement son serment au prône de la paroisse et il prononça contre le prélat jureur, un discours qui devait amener son arrestation (4 mars 1792).

 

Contraint d’émigrer, pour échapper à la fureur révolutionnaire, l’abbé d’Hennezel erra en Allemagne jusqu’au consulat. En 1793, il était à Constance, en 1795 et 1799 à Augsbourg, s’efforçant pendant ces années d’exil, de venir en aide à ses neveux et à ses parents émigrés.  Lorsqu’il put rentrer en France, il se réfugia d’abord à Hennezel, dans une maison voisine du presbytère et lui appartenant (1802).

 

L’année suivante, il put enfin reprendre son ministère à Xertigny et à la Chapelle (22 janv. 1803). Il le continua dans ces deux paroisses jusqu’à l’extinction de ses forces. Gravement malade, il espérait se rétablir en prenant les eaux de bains, mais il mourut dans cette ville au cours d'une cure (16/9/1810).

 

Sentant sa fin prochaine, le vieux prêtre, il avait soixante seize ans, avait testé dans cette ville quelques jours auparavant. L'acte, entièrement écrit de sa main, est long. Il est rédigé clairement et empreint d’un grand esprit de foi. Le mourant répartissait ses biens entre ses neveux et nièces de la Neuville-sous Montfort et de Gemmelaincourt, et désignait comme exécuteur testamentaire, son neveu Charles de Francogney de la Neuve-Verrerie (14 août 1810).

 

Le corps du défunt fut ramené à Xertigny. On l’inhuma à coté de son prédécesseur, l’abbé de Finance, prés du portail de l’église.

 

Ce digne prêtre avait à un haut degré, l’esprit de famille. Toute sa vie, il s’était intéressé à ses neveux, tout d’abord au fils aîné de son frère aîné, représentant pour lui la continuité de la branche de Francogney. Cet enfant, son filleul, appelé Jean comme lui, devait devenir garde du corps de Louis XVI et défendre courageusement la famille royale, le 6 octobre 1789, contre la populace* parisienne qui avait envahi les appartements de la reine à Versailles. Puis, il escorta la voiture du monarque, jusqu à paris, s’efforçant de préserver le souverain, contre la foule, ivre de sang, qui le menaçait.

 

Cette conduite valut plus tard au filleul du curé de  Xertigny, la croix de Saint-Louis et le grade de brigadier des gardes du corps.

 

L’abbé de Hennezel s’était aussi attaché particulièrement à parfaire l’instruction et l’éducation des trois fils de son dernier frère, le seigneur de Gemmelaincourt, afin de les faire admettre aux écoles royales militaires.

 

Il attira les deux aînés, Charles et Louis, à Constance, veillant sur eux pendant les plus mauvaises années de l’émigration. De Charles, le futur comte d'Hennezel et châtelain de Bettoncourt, il fit un homme de devoir bienfaisant et dévoué. L’influence, l’autorité de ce gentilhomme devait s’exercer, pendant un demi siècle, à Nancy et au pays des Vosges.

 

On trouve d’ailleurs, nombre de fois, la signature du doyen de Xertigny sur des actes de baptême, de mariage ou d’inhumation de membres de la famille,  il tenait à partager les joies et les deuils de ses parents.

 

NOTE DE 1945

 

Un heureux hasard m’a mis en relations épistolaires avec un jeune habitant de Xertigny, M. François de Vilmorin, qui passe ses vacances chez son oncle, brasseur dans cette commune.

 

Ce jeune homme se passionne pour le passé du pays. Il m’a donné sur le village et sur l’abbé d’Hennezel, de précieux renseignements.  Je les relate ici.

En juin 1940, il y eut à Xertigny, de sérieux combats. L’église fut incendiée, la toiture de la nef, celle du choeur et la flèche du clocher s’effondrèrent.

Le doyen actuel de la paroisse, le chanoine Lemoine, a entrepris la restauration du monument et il tient à faire revivre le souvenir du prêtre qui construisit l’église. Il a l’intention de faire apposer sur le clocher restauré, une plaque de marbre noir, commémorant son zélé prédécesseur en ces termes :

 

 

Ici repose, dans la paix du seigneur, noble, discrète et

scientifique personne messire Jean-Claude d’Hennezel de

Francogney, chevalier, curé de Xertigny, etc.

 

En me donnant ces indications, M. de Vilmorin ajoutait ;

 

-« L’ancien château de Xertigny, qui est aujourd'hui notre propriété, était autrefois le presbytère. On y voit encore, orgueil de notre jardin, une charmille à contre allée longue de cent cinquante mètres, qui fut plantée par l’abbé d'Hennezel. La tradition veut qu’il ait eu jusqu’a la fin de sa vie, l’habitude de venir dire son bréviaire à l’ombre des arbres, aujourd'hui séculaires » (25 septembre 1941).

 

 

 

Note de Ppdh :

 

* Le mot "populace" , sorti de la bouche d'un noble, me semble être une façon assez méprisante pour désigner le petit peuple de Paris et de France. Les injustices sociales, sources de toute cette agitation, n'auraient donc été que pure invention ?

 

 

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