56 - SAINTE MARIE - LA HUTTE - LA NEUVE-FORGE

 

 

SOMMAIRE

 

La vallée de L'Ourche et ses usines - L'ancienne demeure des maîtres de forges - La chapelle-école de la hutte laïcisée en 1902, vendue à l'abbé Karam puis transformée en hostellerie sans clients - Origines du hameau - Scierie et verrerie fondées par François de Hennezel de Senennes (1544) - La papeterie de Jehan de Moulon - Les forges créées en 1724, deviennent manufacture royale d'acier en 1749 - Famille qui s'y sont succédées, Desaunet, Maire, de Corbion, Chavanne, Jacquinot, Irroy, Rodier.

 

Note de 1947 - Faillite de l'hostellerie - Disparition des forges - La Neuve Forge devient filature, actuellement propriété de la société électrique du Pont du Bois.

En quittant Clairey pour nous rendre à Thiétry, nous décidons de descendre la vallée jusqu'à la Neuve-Forge. Le site est peu sauvage malgré les usines qui s'échelonnent le long de l'Ourche, forges, scieries, moulins, bâtiments industriels. Tous sont ponctués d'étangs minuscules, miroirs d'émeraude encerclés de murets moussus, franges de joncs et de roseaux. La plupart des constructions sont anciennes. Leurs toits écrasés, le grain patiné de leurs tuiles, leurs fenêtres à petits carreaux, émergent à peine de la verdure. Ces usines ne parviennent pas à enlaidir ce fond de vallée surplombé, sur chaque rive, de majestueuses futaies.
Au dire de Maurice de Massey, plusieurs de ces industries ont perdu une partie de leur activité de jadis, elles végétaient péniblement depuis une trentaine d'années et la grande guerre leur a donné le coup fatal. En 1914, le travail fut arrêté dans les forges, faute de matières premières. Beaucoup d'ouvriers quittèrent le pays, il n'y revinrent plus. En 1919, la société électrique du Pont - du Bois racheta certaines usines. Seuls subsistent aujourd'hui deux petits ateliers de taillanderie, l'un à Sainte-Marie, l'autre à la Hutte.

Entre ces deux forges, d'anciens bâtiments à cheval sur l'Ourche et deux étangs semblent à l'abandon.

- « Ici, raconte mon ami, fonctionnait une scierie créée après la guerre de 1870. Elle marchait à l'eau et à la vapeur, mais elle fit de mauvaises affaires. Son exploitation a cessé au bout d'une vingtaine d'années (1890) ».

A hauteur des forges de la Hutte et sur la rive gauche de l'Ourche, à mi-pente du coteau, on voit à travers un rideau de sapins, le toit d'une sorte de chalet surmonté d'un clocheton.

- « C'était jadis, la chapelle école libre de Notre-Dame de la Hutte me dit Massey. M. Paul Rodier que vous avez connu, l'avait fait construire vers 1870. Pour remplacer une chapelle ancienne qui tombait en ruines. L'école fonctionna jusqu'en 1902, sous la direction des soeurs de la providence de Portieux. Elles donnaient l'instruction primaire aux enfants des ouvriers de Forges. La loi maçonnique de 1901, contre les congrégations religieuses, obligea à fermer école et chapelle. Celle-ci resta cependant la propriété de M. Paul Rodier. Après l'armistice de 1919, la succession de M. Paul Rodier fut liquidée, son fils céda la chapelle à un prêtre parisien d'origine libanaise, l'abbé Karam qui voulait installer ici une sorte de colonie d'été. Son projet n'aboutit pas. L'abbé vendit la chapelle. L'acquéreur l'a transformée en hostellerie pour les baigneurs de Vittel mais les touristes y sont rares, parait-il...

En contrebas de la chapelle, face au cours de la rivière et encadrée d'un jardin à allure de parc se détache la façade d'une longue maison blanche. Son architecture est sans prétention mais ses hautes fenêtres à impostes et son aspect indiquent une construction de la seconde moitié du XVIII° siècle.

- « Cette maison était l'habitation des maîtres de forges, dit mon ami. Paul Rodier y demeura longtemps. Il se fixa ensuite à la Neuve-Forge dans la petite maison où il nous a reçu en 1901. C'est là-bas qu'il mourut. Son fils avait continué à habiter ici et il ne se fixa à la Neuve-Forge qu'après le décès de son père. Lorsqu'il vendit la propriété à l'abbé Karam, le prêtre occupa un certain temps cette belle maison puis la revendit.

Elle est aujourd'hui, la propriété d'un industriel qui transforma la Neuve-Forge en filature. Les constructions d'aspect rural que vous voyez à droite de la maison de maître, sont les communs. A coté se trouvait jadis un atelier où l'on fabriquait des limes. Au-dessous, tout au bord de l'Ourche, les deux bâtiments écrasés, aux pignons de toitures triangulaires, sont très vieux, c'était la grande forge où l'on faisait l'acier au XVIII° siècle. On y a installé il y a quelques années une fabrique de fourches ».

- « Je me souviens de ce paysage caractéristique, dis-je à Massey, surtout de la silhouette de la chapelle, allons la voir, voulez-vous ».

Un court lacet de route monte à mi-hauteur du coteau. Une grande pancarte apparait,

Hostellerie de la Hutte

M. Falicon, propriétaire

Ma fille arrête la voiture dans une cour plus ou moins enherbée où sont éparpillées quelques tables et chaises de fer. Nous sommes en face du porche de la chapelle que surmonte un balcon de bois lui donnant un faux air de chalet .

L'hôtel semble désert. Au bruit du moteur, la porte s'ouvre, un homme paraît sur le seuil, le propriétaire ou son gérant... notre arrivée est une surprise. Les clients doivent être rares en effet. Je le questionne. Il nous propose de visiter la nef de la chapelle ainsi que ses hautes fenêtres, ont été coupées a mi-hauteur pour faire un et age. On aménagea ainsi une vingtaine de chambres pourvue de tout le confort. Sur la toiture du transept, on a construit des cheminées. Aucune chambre ne semble occupée. Le bonhomme nous fait l'article.

- « La situation de l'hôtel au milieu des sapins, permet de faire d'excellentes cures d'air et de repos. Nous avons un parc de quatre hectares avec des sources. Tout autour c'est la forêt où l'on peut faire de magnifiques excursions. La cuisine est très soignée. Nous acceptons de faire des régimes à des prix modérés, la pension complète à partir de quarante francs, et nous consentons des arrangements pour les familles et les longs séjours. Enfin, une auto dessert les gares de Vittel et de Darney... ».

C'est un séjour idéal...

Sa publicité terminée, l'homme me remet un dépliant sur son hôtel et quelques feuilles de son papier à entête représentant, l'ermitage de la Hutte.

Pour le remercier de son empressement, nous nous faisons servir un bock sur la « terrasse », ainsi appelle-t-il le terre plein devant la porte.


- « Le site est beau, dis-je à Massey, l'hostellerie est propre. Si le séjour est idéal,pourquoi ne trouvons nous personne ici une autre année, je pourrais prendre pension dans cet ermitage. Nous y serions plus confortablement qu'au café de la gare de Monthureux. Et puis quelle satisfaction de se sentir au centre même de la forêt, objet de nos pèlerinages ».

Ma fille ne montre aucun enthousiasme. A son avis, l'endroit est sévère et même triste. Et puis, on y serait entouré d'usines.

- « Cependant, lui dis-je, il n y a aucune comparaison à faire entre ce paysage et les hideux horizons de nos centres industriels du nord. Là-bas, sous un ciel gris, dans un décor de cheminées fumeuses et de monceaux de scories s'entassent le long des routes des corons ou des maisons ouvrières du type « estaminet » quatre murs de briques sales, coiffés d'un toit de tuiles mécaniques et attenant à un jardinet anémique, souillé par les fumées et les poussières de l'usine. Autour de Douai, de Lens, de Bruay, le labeur industriel, dans le décor infernal des houillères, semble porter en moi sa malédiction. Ici au coeur même de cette forêt, ces vieilles usines patinées par le temps dans leur gaine de verdure, ces logements d'ouvriers d'allure rustique n'enlaidissent pas la vallée. Si nous nous installions dans cette hostellerie, nous pourrions faire à pied mille promenades intéressantes ».

Le capitaine de Massey s'empresse de me détourner de ces projets, il m'objecte,

- « La transformation de cette chapelle en hôtel a été un scandale. Un mauvais sort semble jeté sur la propriété que l'état a laïcisée. Depuis que la pension de famille est ouverte, on n'y voit presque jamais personne. Si vous logiez ici, cela ferait une fâcheuse impression dans le pays, on ne comprendrait pas qu'un monsieur d'Hennezel vienne séjourner dans une chapelle dont on a chassé les religieuses. D'ailleurs, à plusieurs reprises, le bruit a couru de la fermeture de l'hôtellerie ».

- « Votre remarque est juste, ces sentiments sont à l'honneur de la population. Les gens doivent toujours regretter le départ des religieuses qui entretenaient dans cette vallée, une atmosphère de piété et de charité. Dans un village les bonnes soeurs connaissent tout le monde, elles sont de la famille de tout le monde, les unes parce qu'à l'école, elles instruisent et forment les petites filles, les autres à force d'avoir, dans chaque foyer, soigné les malades mieux que personne. La bonne soeur aux yeux réfléchis, aux lèvres prudentes, sait ce qui se passe sous chaque toit. C'est par elle que la paroisse se connaît. Les francs mâcons sectaires ont bien su ce qu'ils faisaient en voulant éteindre le flambeau de charité et de foi qu'entretenaient ces saintes femmes ».

- « Une autre année, reprend mon ami, si vous voulez excursionner dans notre coin, c'est à la Rochère qu'il faudra venir. Nous serons heureux de vous héberger ».

- « Comment ne pas se rendre à ces arguments. D'avance j'accepte cette hospitalité ».

Avant de continuer notre route, profitons de cet instant de repos, pour causer du passé des usines disséminées sous nos yeux.

- « Cet étranglement de vallée, ces nombreux étangs, dit Massey, ont attiré, depuis longtemps, des industries autres que des verreries. Les forges datent du début du règne de Louis XV. Auparavant, il y avait eu une papeterie, des scieries des moulins ».

- « Et même une verrerie, c'est la concession d'un four à verre qui est à l'origine de ce hameau ».

- « J'ignorais ce détail, on ne parle jamais d'une verrerie à la Hutte ».

- « C'est qu'elle eut une existence éphémère. son créateur, un Hennezel vivait au milieu du XVI° siècle. Il était fils de Didier II, l'un des fondateurs de la verrerie de Senennes. Les actes l'appellent « François le vieil écuyer » pour le distinguer de plusieurs homonymes vivant à la même époque, François de Clairey, François le créateur de la Pille, François un neveu qui travaillait à Senennes en même temps que celui qui avait créé la verrerie de la Hutte, etc, etc

Sa mère mourut lorsqu'il était en bas âge. Son père se remaria avec une Voisey, de Franche-Comté, dont il eut plusieurs autres enfants. François eut certaines difficultés avec sa belle-mère pour obtenir sa part du domaine de Senennes (16 avril 1544). Les choses finirent par s'arranger, le fils aîné resta le maître de la verrerie associé avec ses demi frères. L'entente fut si complète que les fils de Didier II décidèrent plus tard, de créer une autre industrie à proximité de Senennes. Ils obtinrent du duc Nicolas, la concession d'une terre en friche, située « dessous la haute roche sur le ruz de Senennes », c'est ainsi qu'on appelait l'Ourche à cette époque, pour la transformer en prairie et y construire une scierie et un moulin. Le souverain leur donna l' autorisation de prendre le bois mort et abattu dans la forêt, pour alimenter scierie et moulin (28 décembre 1554). Ces lettres ducales sont l'acte de naissance de la hutte ».

- « Mais il n'est pas question de verrerie, objecte Massey ».

- « Une quinzaine d'années plus tard, le four de Senennes ayant fonctionné avec activité, commençait à manquer de combustibles, tous les bois à l'entour de la verrerie, avaient été exploités.

François et ses associés décidèrent de s'installer, pendant quelques années, à proximité de leur scierie, en attendant qu'ait repoussé la forêt de Senennes. Ce fond de vallée leur parut propice à l'établissement d'une verrerie temporaire. Le duc Charles III, les autorisa donc à faire flamber ici, « un four de gros verre », pendant douze ans (1570 - 1583). Jehan Chevalier, le receveur de Fontenoy, qui devait un jour entraîner les Hennezel en grande Bretagne, entra dans cette association.

L'existence de cette verrerie fut donc éphémère, on n'en trouve aucune trace quand les bois furent repoussés autour de Senennes, François et ses associés retournèrent là-bas, ils y rétablirent le four abandonné. On comprend leur préférence pour ce domaine, le terrain concédé à la Hutte ne permettrait jamais la création d'un domaine agricole de quelque importance. Nos pères étaient autant cultivateurs que verriers, ne l'oublions pas, ils vivaient de leur art et du sol qu'ils avaient laborieusement mis en valeur. Ces pentes boisées, surplombant l'Ourche sur chaque rive sont trop abruptes pour être transformées en terres arables. Cet étroit vallon, les ruisseaux qui grossissent l'Ourche et ont permis la création de ces petits étangs et des chutes d'eau, convenaient mieux à des établissements uniquement industriels. On le vit bien dans les siècles suivants ».

- « C'est sans doute vers cette époque, me demande Massey, que fut créée à la Hutte une papeterie. Son fondateur était un gentilhomme du voisinage, il se nommait Jehan de Mouzon et avait épousé une demoiselle du Houx. Ce ménage céda, quelques années plus tard, cette usine à leur beau-père et père, Georges du Houx de Francogney (19 juin 1612) ».

- « Et la scierie fondée par François de Senennes, que devint-elle .... »

- « Elle fut louée au prévôt de Darney, le fameux capitaine la Vosge. Il l'exploita un certain temps ».

- « Savez vous, dis-je au capitaine de Massey, à quelle époque remonte la création de la première forge sur le cours de l'Ourche ».

- « Aux dernières années du règne du duc Léopold. Ce prince rétrocéda à deux riches marchands, Paillard et Garneret, l'un d'Épinal, l'autre de Hautmougey, le terrain ascensé jadis par François de Senennes. Le prince y ajouta une autre terre au bord de l'Ourche, en remontant vers Clairey. Les nouveaux concessionnaires devaient rétablir les usines en ruines et créer une forge à filer le fer, avec un petit marteau-pilon (8 juillet 1724). Voila l'origine de ces usines ».

- « Mais pourquoi portent elles le nom de la hutte ».

- « Parce que deux ans plus tard (28 octobre 1726), Paillard et Garneret obtenaient du duc, près de la route de Thiétry, la concession d'un terrain pouvant être mis en culture et destiné aux ouvriers de leurs usines. On l'appelait « le champ de la hutte ». Ce nom devint celui de l'usine.

L'exemple donné par les deux marchands fut suivi quelques années plus tard, par un ancien capitaine au service d'Espagne qui habitait Droiteval. Il se nommait Hubert Mairy Il obtint à son tour du duc François III, la concession d'un petit terrain situé un peu plus haut, avec le droit d'y établir une autre forge qui devait porter le nom de Ste marie (19 avril 1731). Mairy céda bientôt son privilège aux propriétaires de la hutte. Devenus maîtres du cours de l'Ourche sur une assez grande longueur, ceux-ci en augmentèrent le débit en captant tous les filets d'eau qui descendaient des vallonnements voisins, des barrages furent aménagés. Le travail se poursuivit pendant plusieurs années. Si bien qu'on finit par obtenir une douzaine de chutes d'eau successives donnant la force motrice nécessaire pour actionner les usines échelonnées de Clairey à Droiteval.

Apres la mort de Paillard et Garneret, les forges furent acquises par les familles Desaunet et Maire. Le roi Stanislas les autorisa à appeler leurs usines Manufacture Royale d'Acier (3 juin 1749) ».

- « Une demoiselle Desaunet épousa un d'Hennezel de Bazailles, d'où était originaire cette famille ».

- « Elle venait d'Alsace. Deux frères Desaunet (on trouve aussi l'orthographe, des Aulnaies) Pierre et Jacques, s'associèrent pour acheter la Hutte et Ste marie. Pierre fut le beau-père de Léopold de Bazailles. Il prit la direction des forges. Son frère Jacques était entrepreneur des fortifications d'Huningue, il resta intéressé à l'affaire comme propriétaire. Leurs descendants conservèrent des intérêts à la hutte jusqu'à la veille de la révolution ».

- « Et les maire, d'où venaient-ils ».

- « On les disait originaires de Suisse, répond Massey, ils avaient exploité une forge à Thann. Je connais un peu la généalogie de cette famille parce qu'elle est alliée à la mienne. Frédéric Maire, un des acquéreurs de la hutte, était un protestant converti. Il abjura dans l'église d'Attigny. Il eut deux filles, l'aînée mariée à un Finance de Senennes, la cadette épousa mon arrière-grand-oncle, François de Massey, maître de verrerie à la Rochère, propre aïeul de mon cousin Ernest de Massey.

Deux autres Maire furent copropriétaires des forges. L' un était major au régiment des volontaires étrangers, il devint commissaire des guerres, attaché aux gardes françaises. Son cadet, capitaine dans la légion de Conflans, devait être affecté à l'état major de Kellermann.

Plusieurs de ces Maire se retirèrent ici. Ils y finirent leurs jours avant la révolution. Leurs corps reposent dans le cimetière d'Hennezel ».

- « La famille de Corbion, alliée à la notre, eut aussi des intérêts à la Hutte. Dans l'acte de décès de Marie-Françoise d'Hennezel de Bazailles, son mari Joseph de Corbion. est qualifié « Maître de forges et propriétaire de la Manufacture Royale d'Acier de la Hutte ».

- « Oui, Laurent de Corbion, le beau-père de cette jeune femme (elle mourut en couches à vingt huit ans), avait acquis des parts des usines. Devenu maître de la Manufacture d'Acier, il sut, au début du règne de louis XVI donner aux forges de la Hutte et de Ste Marie, un regain d'activité. Il fit venir des ouvriers spécialisés de Suisse et du Tyrol. Il modernisa le travail. En même temps il faisait de la publicité pour les produits de sa fabrication (25 juillet 1776) ».

- « L'acier fabriqué dans ces usines était donc spécial ».

- « C'était un acier extrêmement fin, répond Massey, on l'utilisait pour la coutellerie, les instruments de chirurgie, les limes et certains outils, faux, faucille etc. Les aciers que nous fabriquons, disait Laurent de Corbion, sont de si bonne qualité, qu'on peut les faire passer à la filière la plus fine, ce qui permet d'obtenir des aiguilles, des chaînes de montres et tous les ouvrages les plus délicats. Il ajoutait, certains sont utilisés aussi pour les ressorts des voitures, l'essai a été fait par les grands seigneurs de Paris, prenant les eaux de Bourbonne-les-Bains, ils en ont été très satisfaits ...

Joseph de Corbion, l'époux de mademoiselle de Bazailles, succéda à son père. Il faut croire que ce fut sans enthousiasme car après le décès de sa femme, il rendit la direction à Laurent de Corbion et vint habiter Darney. Dans l'acte de liquidation de la succession de M. de Bazailles, son beau-père, il est qualifié, avocat en parlement au bailliage royal de Darney (15 juin 1786) ».

- « Après les Corbion, que devinrent les usines ».

- « Elles passèrent en des mains bien différentes, répond Maurice de Massey. Elles connurent, au cours du XIX°siècle, des moments difficiles. Parmi les familles industrielles qui se succédèrent dans ce vallon, il y eut les Chavanne, originaires de Bains, les Jacquinot, famille bourgeoise de Langres, qui possédaient aussi les forges de Droiteval et surtout la famille Irroy. Ces Irroy originaires de Fontenoy le Château, vécurent à la Hutte près d'un siècle.

A la fin du directoire, Irroy racheta à un habitant de Darney, une bonne partie de l'ancien prieuré de Droiteval, acquis nationalement en 1792. Il y créa une nouvelle forge annexe de celle-ci. Les deux derniers maîtres de forges de cette famille, Mm. Alfred et Charles Irroy, furent maires d'Hennezel. Ils moururent célibataires après avoir passé la direction des usines à leur neveu, M. Paul Rodier. Plusieurs représentants de ces familles sont morts ici. Ils furent inhumés dans le cimetière d'Hennezel ».

Nous regagnons la route au fond du vallon, pour aller à Thietry. Elle passe à proximité de la Neuve-Forge où résidait M. Rodier en 1901, quand je l'ai connu.

La Neuve-Forge

- « Il mourut quelques mois avant la guerre de 1914, me dit Massey, son fils lui succéda, mais la Neuve-Forge cessa bientôt de fonctionner. Elle a été rachetée il y a quatre ou cinq ans, par des industriels de Darney, M. Demange et Collet. Ils l'ont transformée en filature de coton ».

 

NOTE DE 1947

Ainsi que le prévoyait Maurice de Massey, l'hostellerie de la Hutte ne tarda pas à fermer ses portes après avoir fait faillite.

La chapelle fut rachetée par l'abbé Karam. Après sa mort, les héritiers la vendirent, en 1944, au curé de St Antoine d'Épinal qui y organisa une colonie de vacances pour les enfants de sa paroisse.

La taillanderie de Ste Marie ne marche plus depuis 1936. Seule subsiste celle de la Hutte. Quant à la filature de la Neuve-Forge, elle fut arrétée en 1931. Après la mort de M. Demange, un filateur de Lunéville, M. Stahl la racheta. Mais il ne parvint pas à remettre l'usine en route.

En 1942, la Neuve-Forge devint la propriété de M. Tinchant, directeur de la Société Électrique du Pont-du-Bois. Son fils Pierre Tinchant est actuellement maire d'Hennezel.

Jusqu'en novembre 1945, les bâtiments furent occupés par l'orphelinat de la rédemption qui avait été replie d'Epinal.

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