36 - SELLES

 

 LA VERRERIE DE SELLES ­

 

 

 

Hameau de quelques maisons à la lisière sud de la forêt de Darney, au nord du village de Selles, à trois kilomètres environ. J’ignore à quelle époque fut allumée cette verrerie. Pendant deux siècles, elle resta exclusivement l’apanage des familles du Houx et de Massey. Cependant l’acte le plus ancien que je possède concerne les Hennezel.

 

A la fin du XVI° peut-être était-il détenteur de droits dans cette verrerie du fait de sa femme... elle était née du Houx. Deux cent trente ans plus tard, au début du règne de Charles X demeurait à Selles un autre Hennezel, chevalier de St Louis, ancien officier à l’armée de Condé où il avait été grièvement blessé au combat d’Oberkambach. Sous la restauration, il était devenu capitaine de la légion de l’aube. Ce gentilhomme, né Léopold, appartenait à la branche obscure du Mesnil et était originaire de la Grande Catherine (1825).

 

Entre ces deux dates, on ne trouve guère à la verrerie de Selles que des du Houx et surtout des Massey, qui y furent très nombreux.

C est un Massey François, Sr du Morillon, qui semble avoir été le premier de sa famille à mettre en oeuvre le four de Selles. Était-ce après son mariage, il avait épousé une demoiselle de Bigot, fille d’une du Houx (1672). Le ménage eut quatorze enfants, plusieurs moururent en bas age. Les fils portaient des noms distinctifs, M. du Fay, M. de la Voivre, M. de Beaupré, noms champêtres, tirés de la situation du sol.

 

C’est sans doute ce François de Massey qu’à la fin du grand siècle, mon ancêtre Nicolas Dormoy, venu d’Anor en Lorraine, avait eu le dessein d’entraîner au comte de Namur, pour mettre en oeuvre la verrerie nouvelle qu’il projetait à Taminer.

 

Le contrat passé avec Nicolas Dormoy par François de Massey l’engageait à s’associer avec un Bigot de la Frison (peut-être son beau-frère) pour constituer une équipe de cinq gentilshommes pour aller fabriquer des vitres à Taminer,

  

Pendant deux périodes de quatre mois chacune en 1696 et 1697. Ce document (archives d’Epinal) prouve que de Massey et Bigot connaissaient l’art du grand verre et qu’ils ne craignaient pas de suivre l’exemple des Hennezel et Thietry. Ils faisaient aussi de lointains déplacements pour subvenir aux besoins de leurs nombreuses familles. M. de la Voivre fut père de onze enfants, une  de ses soeurs, mariée à un de ses cousins Christophe de Massey de Fontaine en eut autant.

 

Le capitaine de Massey appartient à une autre branche qui portait le nom d'Arcourt, séparé de la branche de Selles depuis le début du XVII° siècle ...

A l’automne de l’année 1721, un incendie détruisit la halle à bouteilles de la verrerie de Selles. Ce sinistre amena un procès entre M. du Fay, fils aîné de François, et sa soeur Mme de Finance des trois bans, dont le mari habitait la verrerie de la Boudire en Champagne. Le ménage Finance voulait obliger Fay à reconstruire la halle à ses frais (septembre 1723).

 

M. de Massey du Fay était très indépendant de caractère et d’humeur violente. Un jour, le gruyer de passavant lui reproche d’avoir outrepassé ses droits de coupe de bois dans la forêt royale, il le menace d’un procès. Fay répond vertement « qui parle du Roy, parle a mon ... cul ». (30-9-1746). Quelques semaines plus tard le maître de la verrerie de Selles récidive, ses ouvriers sont surpris charriant du bois de la foret domaniale pour alimenter les fours. Le gruyer fait saisir les tas de bûches déposés près de la halle à bouteilles et à verres à boire (décembre 1746).

 

Parmi les ouvriers employés à la verrerie de Selles, à cette époque se trouvaient des représentants de la famille de France, gentilshommes verriers très pauvres, originaires de Magnieuville, fief de la verrerie de Portieux. L’un d’eux Dominique de France épousa (1748) l’une des nombreuses filles de M. de Massey de Fontaine, qui lui, s’établit ici, après son mariage avec une fille de M. de Fay.

 

Le ménage de Massey de fontaine, avec ses onze enfants, vécut dans une médiocrité paysanne. Une de leurs filles épousa un Thietry de St Vaubert, l’un des derniers représentants de cette branche, jadis la plus marquante de la famille. D’autres, illettrées au point de ne savoir signer s’allièrent à des laboureurs du voisinage.

 

Après la mort de M. de Fontaine, ses enfants, les uns après les autres cédèrent leurs parts à Nicolas de Massey. Un autre cousin, fils d’un Massey de Lichecourt, ayant aussi vendu son lot au même Nicolas, ce gentilhomme se trouva, sous le règne de louis XVI, le dernier de sa famille, maître des verreries de Selles. Il avait épousé une Bonnay et s’occupait surtout de cultiver son bien, en vivant de façon rustique. Nicolas de Massey mourut un peu avant la révolution.

 

 

 

Nous arrivons au hameau, il est perdu en plein bois à la bordure ouest d’une clairière que domine le Monparon, coteau abrupt dans la forêt. Le site est sauvage et triste, le soleil ne doit pas facilement pénétrer ici. Les fondateurs de  la verrerie ont été certainement attirés dans ce lieu par une source qui jaillit au pied du coteau et par le passage du ruisseau venant du morillon. Leur choix n'était pas heureux, le sol ne semble pas fameux. D’ailleurs l’étendue de terrain défriché est moins grande que dans les autres acensements de la forêt.

 

Il n y a plus ici que deux ou trois petites maisons, aucune ne parait de construction très ancienne. La principale est située à droite du chemin des bois, vers le nord. Voici à gauche de la porte d’entrée, la pierre de fondation, elle est entourée d’une guirlande de feuilles de chêne et de glands sculptés en relief. L’inscription est malheureusement illisible à cause des multiples badigeonnages dont on l’a barbouillée depuis des siècles.

 

A l’intérieur du logis, dans l âtre, se dresse une magnifique taque à feu aux armes de Lorraine, surmontée d’un fronton avec chiffre enlacé de style Louis XIV. Dans le jardin, derrière la maison et sur le chemin montant dans le bois, de nombreux débris de verre jonchent le sol, les fours devaient être proches.

En face, une autre maison, entre deux bâtiments ruinés par un incendie.  Elle est de construction plus récente ainsi que l’indique la pierre de fondation. Je copie l’inscription gravée en hauteur sur une pierre rectangulaire et encadrée d’un filet aux angles rabattus.

 

C.P. a été

Pozé par

C.D.V. HOV

et C.F

M.C.  SSAM

1793

 

Cette maison, nous dit le paysan qui l’habite, dépendait jadis d’une habitation plus importante, incendiée il y a plusieurs années. On voit les décombres enfouis dans l’herbe. La halle du four se trouvait près de là. L'ancien propriétaire habite Ambievillers. C’est M. Henry Albert. « Vous devriez aller le voir. Il possède de vieux papiers sur la verrerie ».

 

Le bonhomme nous montre à l’intérieur de son logis, une taque à feu moins importante que l’autre (l m. sur 0 m 80) mais amusante. Au centre, un dieu enfant  tout nu, danse en tenant un verre à pied dans la main droite et dans la main gauche une carafe. Ce petit personnage émoustillé par le vin, est entouré d une banderole portant ces mots « vive bacus ». Dans les angles de la taque, de chaque coté de la banderole retombent des branches de laurier. Au milieu coupés en deux par le petit Bacchus on lit la date 17..05. D’autres enfants, également nus, dansent en levant la tête et les bras vers le jeune dieu.

 

L’ensemble décorant cette plaque de fonte, prouve que les constructeurs de la maison étaient disciples de Bacchus. La chaleur des fours desséchait leurs gosiers.....

 

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