DERNIER DISCOURS AVANT MA CRÉMATION

 

Bon, c'est fini. Pas la peine de pleurer. Je m'enflamme.

Je n'existe plus. C'est programmé, la mort fait partie de la vie.

Finalement c'est comme si l'humanité avait disparu à mes yeux, qui ne voient plus.

Je suis dans l'urne.

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Je suis simplement en avance sur les prémonitions d'Yves Paccalet quand il a écrit son livre :

« L'humanité disparaîtra, bon débarras ? »

Finies mes colères, mes sautes d'humeur, mes indignations répétées, mes vociférations blessantes, mes ruptures avec des gens importants, qui ne pensent qu'à eux ! Enfin le silence, la paix. Bon débarras ! Vous allez pouvoir vivre tranquille et rigoler.

De toutes façons, j'étais fatigué.

C 'est sûrement la raison pour laquelle je commençais à somedéquer.

Somedéquer ? Certains fantaisistes connaissent ce verbe et les amusent. Ce n'est pas si drôle.

Tout d'abord il n'a pas le même sens suivant que vous êtes seul à le faire ou à plusieurs.

Somedéquer tout seul dans son coin, pour moi c'est commencer à douter de sa propre vision du monde. A force de considérer l'humanité comme l'échec le plus cuisant dans l’histoire de l'univers, on devient malade. J'étais donc malheureux. Comment faire pour être heureux comme tous ceux qui regardent Ruquier et TF1, un sommet dans l'art de crétiniser ...

Malade à en pleurer et vomir de ne voir autour de moi qu’égoïsmes et recherches sans cesse croissantes du profit, populations assassinées ou croupissant dans des misères inouïes, racisme encore partout et colonisations qui n'en finissent pas, vénérations hystériques et sans bornes pour ces stars à crampons qui gagnent des milliards à jouer du ballon, militaires profondément débiles dont le cerveau n'est formaté que pour encenser les valeurs du patriotisme profitable aux marchants de canons facteurs de tous les conflits, guerres permanentes initiées seulement par quelques uns pour s'enrichir, corruptions a tous les niveaux des états complices des mafias et trafiquants de tous genres, cette poignée d'individus qui a fini par faire exactement tout ce qu'elle veut, absolument tout, y compris les crimes les plus odieux dans la plus grande impunité. Depuis des millénaires, même aucune religion n'a réussi à empêcher cela … ce capitalisme sauvage définitivement triomphant a réussit à faire régner dans le monde, sans que personne s'en aperçoive, la politique du « Moi, je … » d'abord moi ! Mon fric, Les autres ? je m'en fous … les immigrés m'emmerdent, tout ce qui compte c'est … Mon portable et Mes applications, Ma banque, Ma sécu, Ma voiture, Mon SUV, Mon argent, Ma box, Mes semelles connectées, mon tatouage, Ma passion pour le foot* et ses stars fabuleuses, Mon feuilleton etc … j’en passe, la liste serait trop longue.

* Lire sur ce sujet le chapitre 16 du document "Bientôt les puces", "le football, une peste émotionnelle", pour savoir jusqu'où on peut aller dans abrutissement.

Le comble, c'est quand je vois qu'une radio publique se permet de faire de la publicité pour des jaguars, pour que la vie soit plus belle ? Il n'y a vraiment plus rien à espérer quand on devient fou à ce point.

Il aurait fallu que je ne sois plus seul à somedéquer, dans mon coin, donc pour conclure être plusieurs à le faire, ensemble, aller jusqu'au plus profond de mes doutes et en finir grâce à eux, pour me sauver, communier avec les plus heureux de ce monde qui pour être parfait ne devra plus jamais se soucier des injustices, des misères des inégalités et des richesses sans partage …. crier et chanter avec eux, en chœur le plus éblouissant et lumineux hymne de ce siècle,

« Ooooh ! Cette joie quand nous somedéquons ! » L'orgasme le plus pur, le plus abouti, égal à celui que produit un ballon qui pénètre entre deux poteaux.

C'est bien ce que voulaient ceux qui dominent le monde pour s'en mettent plein les poches, maintenant assurés que plus rien ne les arrêtera, même pas les misérables ...

Décidément, je n'ai vraiment pas envie de revenir.

Philippe