l'histoire du savetier
Lettre adressée par Jehan d'Ormois à René d'Hennezel (Extrait, le 8 août 1952)
.... si cela vous intéresse, vous demanderez à ma belle-fille de vous montrer ces deux reliques de "votre Tolloy*'. C'est le bisaïeul de ma belle-fille qui habitait à Nancy "l'hôtel des Loups". J'imagine qu'elle ne connaît pas l'histoire du savetier d'Hennezel que vous me contez de façon si amusante. Mais on m'a toujours dit qu'en effet il existait, du temps brillant des Hennezel de Bettoncourt, des Hennezel. dans la misère à Nancy qui offusquaient le... financier ! Mais je soupçonne que cette histoire de... savetier a bien pu avoir pour auteur l'une des mauvaises langues de La Pille, qui racontait une invraisemblable histoire de titre de comte, acheté par les Hennezel de Nancy à leur ancêtre dans une trop modeste situation pour porter un titre, en un temps, où une titularisation nécessitait un certain décorum. La vérité doit être que ce prétendu savetier était un pauvre peintre en bâtiment et ses proches, assez nombreux à Nancy, sous le second Empire, et qui appartenait à la branche naturelle, issue d'une Jeanne d'Hennezel du Mesnil, pendant la Révolution.
J'ai dressé la filiation de ces bâtards, pour pouvoir suivre leur postérité et nous garder au besoin de ce qu'ils pourraient faire de déshonorant pour notre nom. Il y en a qui sont dans la misère noire et qui ont continué à ... s'abâtardir ... et d'autres (ceux de Saint-Quentin) qui, au contraire, ont été si méritants et si travailleurs qu'ils seront sans doute, d'ici peu, les plus riches de tous les Hennezel. Comme ils sont maintenant honorables et remontés, j'ai obtenu de nos cousins (Charles de E, Henri d'H.) de se joindre à mon frère et à moi, en 1928, pour reconnaître cette descendance illégitime et donner à cette branche obscure des armoiries distinctives, et leur faire accepter officiellement leur situation, au moyen d'un pacte, signé par devant notaire, qui précise leur point de rattachement. Ces braves gens en ont été des plus touchés et déjà le détenteur de l'industrie prospère de Saint-Quentin, ayant épousé une jeune fille de l'aristocratie normande, grâce à ses études et à ses relations à Paris, est en passe de faire bonne figure à la suite des Hennezel authentiques. Je n'ai jamais eu la mentalité des brillants possesseurs de Bettoncourt et de l'hôtel des Loups, j'ai toujours cherché à tendre la perche, plutôt qu'à laisser se noyer dans une obscurité déplorable, ceux qui étaient dignes de porter notre nom.
Un denier détail sur cette histoire : vers 1872, ma tante paternelle était religieuse au couvent des Dames de la Retraite à Nancy ; elle se trouvait naturellement dans les meilleures relations avec la comtesse d'Hennezel, née du Metz de Ronnay, qui habitait l'hôtel des Loups. Dès qu'elle fut arrivée dans son couvent, ma tante reçut de cette lointaine parente le conseil de ne pas porter son nom de Hennezel, pour ne pas être quémandée par les Hennezel nécessiteux de la ville, mais de se faire appeler : "La Mère d'Ormois" et non : "La Mère d'Hennezel"... Il faut en finir avec mes histoires, sous peine d'abuser de votre patience, d'autant que ma lettre tapée doit être bourrée de fautes ; j'écris en grande vitesse et ne vois pas très clair Mais je serai tout de même un peu plus lisible ; vous voudrez donc bien, cher Cousin, m'excuser de cette missive d'aspect commercial.