15 - TROISIEME VISITE A LA PILLE - 1 - 2 - 4

SOMMAIRE

François de Grandmont et Nicolas de Thietry fondent le domaine en 1555 « dessous les vieux battants » - la verrerie aux mains des Thietry au XVII° siècles, elle passe aux d'Avrecourt, Bigot, Massey et reste aux Beaupré - la scie Félix,  moulin à battants ou Pille, ruiné en 1665 et depuis 1900 - Le château de la Pille, n’a pas changé depuis 21 ans - Cartouche armorié et pierre de fondation de 1132 - Charme du site et de la demeure - Ses derniers hôtes, le chevalier de Beaupré, blessé à l'armée de Condé, marié à 60 ans - Charles Léopold III de Francogney, lieutenant de Louveterie - La noce de son fils aîné, le commandant d’Hennezel - aujourd'hui  la Pille, propriété indivise de la descendance féminine des Francogney.

 

La pille fut fondée au milieu du XVI° siècle par deux beaux frères, François de Hennezel du Grandmont et Nicolas de Thietry de St Vaubert. Ces gentilshommes avaient mis en oeuvre, jusque là, les parts de la Sybille leur appartenant. Tous deux comptaient parmi les maîtres verriers de la région, ayant le plus de compétence et d’autorité. A ce titre, Charles III de Lorraine les avait désignés comme étant les plus propres à garder la forêt du coté de Passavant  « pour assurer la dépense de cette partie de la frontière, entre la Lorraine et la Bourgogne (1555).

 

A la même époque, les deux gentilshommes avaient été presque seuls à entrer en lutte avec l’administration ducale. Ils s’étaient dressés ouvertement contre les prétentions d’un important marchand de verres suisse, Jehan Lange Calderin, qui était parvenu à obtenir de la chambre des comptes de Nancy, l’exclusivité de l’achat des grands verres, fabriqués dans la forêt de Darney et réputés dans toute l’Europe. Ce négociant entendait imposer dans chaque verrerie une règlementation de la fabrication et des conditions de travail et de paiement qui suscitaient une légitime émotion parmi les verriers. Forts de leurs libertés et de leurs privilèges séculaires et très indépendants, les gentilshommes jugeaient inacceptable le contrat qu’on leur proposait. Cependant, le plus grand nombre craignait de mécontenter le fisc ducal, ils n’osaient refuser de signer l’accord demandé.

François et Nicolas, hommes énergiques et habiles, déclarèrent hautement qu'ils ne signeraient jamais. L’affaire eut un vrai retentissement. La chambre des comptes de Nancy assigna à Nancy les récalcitrants pour entendre leurs raisons. Poussé par les agents du fisc, le tribunal n’admit pas les explications données par MM. de la Sybille, il décida que leur verrière serait frappée d’interdiction, tant qu ils ne se seraient pas soumis.

 

François et Nicolas ne se tinrent pas pour battus. Ils décidèrent d’en appeler directement à leur souverain. Ils lui exposèrent le bien fondé de leur attitude et leur résolution. Ils entendaient continuer à fabriquer le verre, suivant leur coutume et quand cela leur plairait, notamment le verre de couleur, le plus recherché et le plus cher. Comme ils ne possédaient qu’un quart de la verrière de la Sybille, si l’on restreignait leur production, il leur deviendrait impossible d’y vivre. Enfin, ils refusaient catégoriquement de livrer sans caution leur marchandise à Jean Calderin (16 septembre 1556)

 

En conséquence, puisqu’on leur enjoignait d’éteindre leurs fours de la Sybille, ils demandaient l’autorisation de créer une autre verrerie et un domaine en défrichant une partie de la forêt, située au bord de la Saône, proche du moulin de Viomenil, ayant découvert un endroit propice « dessous les vieux battants »  si le prince leur accordait ce terrain, ils le mettraient en valeur et pourraient  assurer ainsi l’existence de leurs familles. En outre, ils demandaient la concession de la rive gauche de la rivière sur une assez grande longueur, pour la convertir en prairies. Les deux gentilshommes osaient terminer leur requête par une menace qui dévoile leur esprit d’indépendance et leur caractère.

 

- « si la chambre nous refuse d’allumer une nouvelle verrière dans la forêt nous n’hésiterons pas à nous expatrier avec nos familles, et nous irons installer notre industrie, sous la protection d’un autre souverain ».

 

A la tête de la chambre des comptes se trouvait le président Alix. Ce haut magistrat connaissait bien l’habileté des gentilshommes verriers. Dans un ouvrage célèbre, il avait rendu hommage à leur labeur. Il savait quel profit le duché tirait de leur travail. Après enquête, il donna un avis favorable à la demande de MM. de la Sybille. A la fin de décembre, le comte de Vaudemont, tuteur du jeune souverain, signait à Nancy des lettres autorisant François et Nicolas à créer « pour le plus grand profit et augmentation du domaine ducal » la verrière et le domaine projetés. Le prince rappelait en même temps, les privilèges séculaires et la noblesse des maîtres verriers.

 

Ainsi naquit la Pille (28 décembre 1556). La situation de ce domaine est  assez différente de celle de la plupart des verreries de la forêt. Généralement érigées à mi-pente d’un plateau. Ici, c’est dans un repli de l’étroite vallée que les fondateurs ont blotti leur logis, à l’abri de la bise qui souffle du nord et de l’est, dans ce climat rude. Ils furent aussi tentés par les grasses prairies que deviendrait la rive droite de la jeune rivière, ombragée au midi par le flanc escarpé de la forêt. Ces « beaux près » donneront peut être un jour leur nom aux descendants des fondateurs.

Nul doute enfin, que la proximité des verrières du Grandmont et du Tolloy, du moulin et du village de Viomenil, n’ait été aussi pour François de Hennezel un motif de se rapprocher de ses parents les plus proches. Les verriers étaient sociables, ils aimaient les réunions de famille, ils tenaient à se sentir les coudes pour se défendre et s’entraider, cela ne les empêchait pas quelques fois de se concurrencer âprement.

 

La Pille  « verrière de grand verre blanc et de couleur » prospéra. Un demi-siècle après sa fondation, elle appartenait presque en totalité aux Thietry qui s’avisèrent, vers 1607, d’y travailler « aussi dans l’art du menu verre », c’est à dire d’y faire des bouteilles et autres objets. Cette famille s’y maintint plus d’un siècle. Pendant la guerre de trente ans, ses représentants s’expatrièrent aux Pays-Bas. Nous les avons retrouvés en Hainaut et en Brabant. Certains furent des maîtres-verriers intelligents et courageux, ils se firent, dans ces pays lointains, les entraîneurs de leurs parents exilés. M. de Dordolot m’a donné, l’automne dernier, des preuves de leur activité, en me montrant les protocoles des notaires de Namur.

J’y ai vu leurs signatures.

Dès que la tourmente commence à s’apaiser, les émigrés revinrent à la Pille. A la fin de 1649, trois frères Thietry, dont deux portaient des prénoms bibliques, Jérémie, Isaac et Georges, avaient déjà regagné la verrerie familiale dévastée.

Malgré les dangers et les difficultés qui menaçaient toujours la lorraine, le second Isaac, tint bon à la Pille jusqu à sa mort vers 1615.  A deux reprises, il avait fait en termes émouvants, une fondation en l’église de Viomenil, ainsi que des dons aux couvents des villes voisines. Il n avait pas d’enfants (24 août 1659 - 5 décembre 1666).

Après son décès, sa veuve, une Hennezel, testa à son tour en faveur de sa petite nièce, fille d’Anthoine Dormoy du Grandmont (24 octobre 1676). M. et Mme de la Pille reposent en l’église de Viomenil.

La verrière passa aux Hennezel, par le mariage d’une nièce d’Isaac, héritière de la Pille avec Philippe Ernest d'Avrecourt, fils de Clément, le gentilhomme dont nous avons lu le testament à Namur (14 octobre 1680). Une quinzaine d’années auparavant, une soeur de Philippe et petite nièce d’Isaac avait épousé à la Pille notre aïeul, Josué d'Ormoy, demeurant à cette époque au Grandmont (3 novembre 1654).

Plus tard, par suite d’alliances de demoiselles d’Avrecourt avec un Bigot et un Massey, les descendants de ces gentilshommes se trouvèrent un certain temps propriétaires de la Pille. Mais ils cédèrent leurs parts aux Hennezel de Beaupré issus des d'Avrecourt. Ceux-ci se trouvaient seuls détenteurs du domaine au moment de la révolution.

Le dernier Beaupré, chevalier de Saint Louis et capitaine à l’armée de Condé mourut à la Pille sous la restauration. Il repose dans le cimetière de Viomenil. Nous venons de voir sa tombe et celles de ses filles, Caroline et Amélie,  mariées à des Francogney.

Leurs descendants possèdent encore actuellement le domaine.

 

Nous voici à trois cents mètres de la Pille. A gauche de la route et de l’autre coté de la Saône, on aperçoit la digue d’un ancien étang envasé, à son extrémité ouest, un amas de pierres disparaît sous la végétation sauvage. C’est l’emplacement de la "scie Félix" moulin à eau encore debout il y a vingt sept ans.

Ce moulin était fort ancien. C’est lui que les fondateurs de la pille désignaient, en demandant à leur souverain, la concession d’un terrain situé au bord de la Saône  «dessous les vieux battants ».

 

M. Georges Varlot, l’un des propriétaires de la Pille, m’a appris qu’on appelait ainsi autrefois un moulin à foulon ou martinet pour battre le fer et fabriquer des outils. Les "battants" servaient aussi à fouler le drap et les vieux chiffons pour les transformer en papier. Ce genre de moulin était communément de signe dans le pays, une pille « nom venu de la pile ou du pilon servant à broyer ou à écraser ». Il est donc probable que la Pille tire son nom de ce moulin. En tout cas, des 1660, les actes mentionnent le nom de la "verrière de la pille".

Pendant la guerre de trente ans, la scie Félix avait été abandonnée et ruinée. En 1665, deux habitants du pays voulurent la remettre en état, ils demandèrent à M. de Thietry de la Pille, de présider au constat des dommages et à l’estimation des travaux à faire, pour restaurer le moulin. Il y avait fort à faire. Un grand cerisier, des saules, des trembles poussaient au milieu des décombres des bâtiments, l’étang était à sec et comme aujourd'hui rempli de buissons. Les restaurateurs obtinrent de l’administration ducale, l’autorisation de couper dans la forêt le bois nécessaire à la reconstruction des bâtiments  (16-6-1665).

 

Il y a une quarantaine d’années, la "scie Félix" qu’on appelait aussi le « moulin de Jean du bois » était en pleine activité, on y faisait de la farine et de l’huile de faine. Les propriétaires l’ayant abandonnée à la fin siècle, il tomba en ruines. Lors de mon premier passage en 1901, les bâtiments étaient encore debout, mais la roue du moulin délabrée. Aujourd’hui, la "scie Félix" n’est plus, comme le Grandmont, qu’un lieu-dit, désignant quelques ares d'un terrain en friche retournant au bois. Ce terrain est enclavé dans le domaine de la Pille et il appartient à un cultivateur de Viomenil.

 

Enfin voici la Pille. Je retrouve le manoir tel que je l’avais vu jadis, par une matinée d'automne, encadré des panaches rougissants de la forêt. Aujourd’hui il est assoupi sous le soleil brûlant d’une étouffante journée. Dans l’écrin majestueux de ses chênes, de ses hêtres, de ses sapins, il a l’attrait d'un ermitage perdu au fond des bois.

Au bord du chemin, le petit mur de pierres branlantes, chargé de mousses jaunies, de fines fougères, de fleurs sauvages, craque sous la chaleur. La maison semble encore inhabitée. Seuls, quelques cris d’oiseaux, des bourdonnements d'insectes, et le frais murmure de la Saône qui court dans l’herbe en face du logis, animent ce lieu solitaire. Depuis 1911, je le sais, le château de la Pille est la propriété de deux demoiselles de Francogney, filles de l’industriel de Godoncourt. L’une est la femme du capitaine Varlot, l’autre celle du colonel de Magagnosc. Ces dames n’y passent guère, à tour de rôle, que quelques semaines de vacances. La grille du portail n’est pas fermée. Nous la poussons. Le vieux perron usé par les pas de six générations s’offre à nous. L’herbe perce entre les fissures de ses pierres. Cette demeure est la dernière de la forêt de Darney qui soit encore habitée par des membres de la famille. On voit toujours, de chaque coté des marches, l’emplacement des scellements de rampes de fer forgé, aujourd'hui disparues.

 

La porte d’entrée est encadrée par deux solides montants de gré mouluré supportant un énorme linteau. Sous la fenêtre du premier étage, est encastré un trumeau de pierres aux sculptures hachurées. Le marteau des vandales n’a pas réussi à nous empêcher de deviner les traces du blason que les d’Avrecourt, constructeurs du logis, avaient placé là. Un écusson ovale à trois glands accompagnés d’un croissant, soutenu par deux lions en baroque et surmonté d’une couronne de marquis, armes qui se retrouvent sur une lettre de M. d’Avrecourt, datée de la Pille,  du temps du bien aimé.

Une robuste porte de chêne massif, à deux vantaux ornés de moulures louis XV clôt le logis. Patiné par un siècle et demi d'allées et venues, elle est émouvante dans sa simplicité. Une imposte à petits carreaux la surmonte, éclairant le vestibule. Sur le vantail de droite, le plus large, un heurtoir, lourde poignée de fer ouvragé, occupe la base du panneau supérieur; il permet au visiteur de signaler sa présence.

A droite du perron et au-dessous du bandeau de grés qui ceinture la base des fenêtres du rez-de-chaussée, se voit la pierre de fondation. De grosses moulures à volutes l’encadrent et forment un cartouche portant l’inscription. Comme à la Neuve-Verrerie et au Tolloy, le texte présente une orthographe des plus fantaisiste :

 

Dieu soit béni

cet pierre a été posée

par monsieur Charles

d’Henezel (Partie hachurée)

1782

 

Le parrain de cette demeure était le second fils des Beaupré. A cette époque il approchait de la quarantaine et n’était pas encore marié. A la veille de la révolution, il épousa une dame de Bonnay et n’eut pas d’enfants. On l’appelait le chevalier de la pille, parce qu il passa toute son existence ici. Il comparut à Mirecourt en 1789 avec la noblesse du bailliage de Darney. Tandis que son aîné avait rejoint l’armée de Condé, il s’efforça, avec ses frères cadets, de sauver la demeure et le patrimoine familiaux. Sous la terreur et jusqu'au consulat « le ci-devant noble citoyen d'Hennezel » paraît dans les actes avec la profession de manoeuvre. A partir de 1803, il est qualifié rentier et propriétaire à la Pille et la particule de son nom réapparaît avec une apostrophe.

 

Je gravis le perron et fais résonner, plusieurs fois, aussi fort que possible, le vieux heurtoir. Personne ne paraît,  comme en 1901, je glisse sous la porte deux cartes de visite, elles témoigneront aux dames du lieu  mon regret de ne pouvoir faire leur connaissance. Les clichés de ce perron, de la porte d’entrée et de la pierre de fondation, des vues de face et des angles de la maison me permettront de fixer l’aspect du logis, beaucoup mieux que le dessin hâtivement crayonne jadis. D'ailleurs, ce croquis a disparu à Bourguignon, pendant l’invasion de 1914.

 

Je retrouve la description de cette grosse maison carrée, faite par ma femme et mon oncle en 1911, au retour de la Pille. A droite et à gauche, les jardins, plantés d’arbres fruitiers, en plein vent, sont toujours aussi enherbés. Mais sur le coté est, se dresse un jeune sapin qui n’existait pas lors de ma première visite. Du même coté et au pied du coteau du  « petit bois », passe le ruisselet venant de l’étang de Jolivet. En cette saison, il est à sec. Tout près, une petite source d’eau claire assure la vie aux habitants de la Pille. Ses eaux traversent la route pour aller se jeter dans la Saône. Derrière quelques bâtiments granges, écuries, bûchers anciens logements, plus ou moins abandonnés. Dans la partie resserrée de ce repli de vallon, commence un chemin creux, il doit conduire au plateau en forme de triangle, sur lequel se trouvent les terres cultivables du domaine, à la veille de la révolution, elles comptaient près de deux cents arpents. Deux ou trois étangs, creusés par les Thietry, drainent les eaux de ce plateau et les descendent vers la Saône. Tout le long de la rivière et jusqu’au chemin conduisant à Clairefontaine, les propriétaires de la Pille avaient, parait-il, aménagé un petit étang pour les truites, et des réservoirs à poissons.

En errant autour de la Pille, n’allons nous pas voir apparaître les ombres de quelques uns de ses détenteurs passés... le chevalier de Beaupré rentrant ici au début du printemps de 1801, après dix ans d’émigration, grièvement blessé à l’assaut de la redoute de Belheim. Une balle lui traversa la tête, il perdit l’ouie.

Au retour des bourbons, il obtint une pension de capitaine et la croix de chevalier de Saint Louis. C’était justice. Dans l'ancienne France, le roi incarnait la patrie, défendre sa personne, c’était faire acte de patriotisme. Comme tant d’autres gentilshommes, ses parents et alliés, Beaupré, émigrant en 1792, espérait délivrer Louis XVI des mains des révolutionnaires. Il avait bien risqué sa vie par patriotisme et par respect de la foi jurée.

Lorsqu'un quart de siècle plus tard, la croix vint récompenser sa fidélité, l’ancien condéen venait d’entrer dans sa soixante douzième année. La vie, seul à la Pille, avec un frère cadet célibataire, lui devenait difficile à supporter, il songeait qu’après sa mort leur branche s’éteindrait, que le domaine familial passerait aux mains d’héritiers éloignés, il décida de se marier. Sa pension militaire et sa croix séduisirent une cousine de la branche de Francogney, fille d’un ancien brigadier des gardes du corps de louis XVI, qui s’était distingué le 10 août aux tuileries, en défendant la famille royale. Cette jeune fille avait vingt huit ans, elle était sans fortune. Elle épousa ce vieillard sourd et de quarante trois ans plus âgé qu’elle et vint ici, pour entourer d'affection et de soins son vieux cousin (1er août 1819).

 

J’imagine aussi la silhouette caractéristique du Francogney, second des gendres de M. de Beaupré. Ce gentilhomme portait les mêmes prénoms que son père et son aïeul, ceux des derniers ducs de Lorraine, aussi dans la famille l'appelait-on « Charles Léopold III ». Sans fortune, il avait obtenu une situation dans l’administration des postes, il y fit sa carrière pendant une trentaine d’années. Lors de sa retraite, il se fixa à Godoncourt, son village natal et en devint maire et conseiller d’arrondissement. Chasseur émérite, il était lieutenant de louveterie.

 

Il faisait de fréquents séjours à la Pille, pour se livrer à son sport favori.

 

Enfin, j'évoque le souvenir d’une des dernières fêtes de famille célébrée ici, il y a cinquante ans, le mariage du commandant d'Hennezel, après le décès duquel ses enfants me proposèrent en 1911, d’acheter la Pille. Charles Léopold IV de Francogney, officier d’infanterie à Poitiers, épousa à la Pille, la fille d’un ingénieur parisien qui avait accepté de venir de la capitale, avec ses parents, dans ce lieu solitaire pour que son union y soit célébrée, sous la protection des manes de son fiancé.

Un matin de printemps 1877, dans la mairie de Viomenil, ancien château des du Houx, le maire du village procédait au mariage civil du jeune officier, assisté de ses parents "domiciliés au château de la Pille" dit l'acte. Après qu’ils eurent reçu la bénédiction nuptiale dans l’église visitée ce matin, les époux et leur cortège se rendirent à la Pille pour fêter leur union. Trois de ses cousins germains assistaient la mariée, Alexandre de Francogney de la Neuve-Verrerie, époux de l'aînée des demoiselles de Beaupré, le futur général ménestrel et son frère, inspecteur des forêts. La jeune femme avait pour témoin l’ un de ses oncles, ingénieur civil à Paris (23 avril 1877).

Malgré l’hommage de fidélité à la vieille maison que signifiait ce mariage voulu à la Pille, malgré l’acte de foi dans la continuité de la possession par les Hennezel que représentait cette cérémonie, le domaine, apanage des Hennezel, pendant plus de quatre siècles et demi, passera trente cinq ans plus tard par les femmes, dans deux autres familles. Il est juste de dire que celles-ci y restent aussi attachées.

 

Puisque aujourd'hui la Pille est inhabitée, il faut remettre à une autre visite, l’occasion d'y être reçu. Deux kilomètres à peine nous séparent de la Bataille, là aussi je tiens à  m’arrêter. Le curieux vestige de cet autre domaine des Hennezel, découvert il y a vingt sept ans, n’a-t-il pas subi le sort de la tour du Grandmont. 

 

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