CONNAISSANCE DU CINEMA  1 - 2

SON HISTOIRE : LES GRANDES ÉTAPES

 InventionMeliesLe cinéma muetHollywoodGriffihChaplinExpressionismeCinéma soviétique et russeDébut du parlant

Le cinéma à HollywoodNéoréalismeRéalisme poétiqueA l'étrangerNouvelle vagueChacun son styleLes films de guerre 

Scènes cultes du cinéma français      

le cinéma n'était pas considéré dés ses débuts comme un art. Plutôt comme une industrie profitable qui avait certes fasciné le public : mais bientôt, le spectateur se lassa de voir éternellement les trains entrer en gare, les bébés déjeuner, les ouvriers sortir des usines ou les arroseurs arrosés. En 1907 et 1908, beaucoup croyaient le cinéma prêt à mourir. Les salles obscures se vidaient et faisaient faillite. Le cinéma manquait d'imagination et chercha dans le théâtre et la littérature des sujets plus nobles pour sortir d'un cercle vicieux et attirer dans ses salles un public plus fortuné que celui des baraques foraines.

En1906 un film "la Passion" produit par Pathé, et d'autres films comme les Derniers jours de Pompéi, la Dame aux Camélia, stimulent un mouvement qui fera évoluer le cinéma vers la reconnaissance d'un 7ème Art. Pathé fonde la Société Cinématographique des Auteurs, les frères Lafitte fondent une petite société de production "Film d'art" et commandent des scénarios originaux aux plus grands écrivains français. Anatole France, Rostand....

Le cinéma devenait un art, comme la musique. Le cinéma, qui commençait timidement à se désigner comme art de l'image, était avant tout art du mouvement, comme l'est la musique. Le mouvement, le rythme, voila donc le premier lien entre la musique et le cinéma. Le cinéma est mouvement, il s'apparente donc aux deux arts du mouvements qui existaient avant lui, et d'ailleurs liés : la danse et la musique.

La surconsommation des images aurait tendance à nous faire oublier que le cinéma possède un langage d’une richesse infinie dont l’enseignement semble être de plus en plus nécessaire :  les médias et la télévision, leur omniprésence (Vidéo, Internet, TV, CD rom, DVD, images de synthèse, etc...) envahit notre environnement et finit par nous rendre aveugle à toute manipulation.

 « Comprendre le cinéma », celui d’hier et celui d’aujourd’hui, comment il a pu évoluer depuis sa naissance relativement récente soit en tant que produit « industriel » de divertissement, soit en tant que moyen de communication, de réflexion et d’expression artistique. De l’invention par les frères Lumières en passant par Méliès, jusqu’aux nouvelles technologies employées comme l’image de synthèse.

Le « spectateur d’un film » ne doit pas rester passif devant les images projetées sur un écran (petit ou grand). Il doit mieux apprendre, à travers sa propre culture, sa sensibilité et les quelques éléments de réflexion à s’exprimer sur le sens de chaque film, l’intention de son auteur, ce qu’il a de révélateur sur l’histoire et la société des hommes, ou encore tout simplement les raisons essentielles qui ont poussé à le produire.

Des extraits de plusieurs des films cités seront donc présentés, après avoir consulté ces différentes étapes.

         I - INVENTION DU CINEMA PAR LES FRERES LUMIERES   

 

       LUMIÈRE Antoine, LUMIÈRE Auguste                             

Mécanisme Lumière :

came excentrique et griffes, film à perforations ronde

             Le cinématographe              

Auguste et Louis Lumière, souvent désignés par l'expression frères Lumière, sont deux ingénieurs et industriels français qui ont joué un rôle primordial dans l'histoire du cinéma et de la photographie. Auguste Lumière est né le à Besançon et mort le à Lyon. Louis Lumière est né le à Besançon et mort le à Bandol dans le Var.

« Chaque frère œuvre de son côté, mais, jusqu’en 1918, tous leurs travaux seront signés de leurs deux prénoms. Cette communauté de labeur se double d’une parfaite entente fraternelle. Les deux frères, qui ont épousé deux sœurs, vivent dans les appartements symétriques d’une même villa. Des années durant, l’opinion publique a évoqué le couple légendaire des « frères Lumière », unis dans la célébrité comme dans la vie. »

Contrairement à une idée reçue plus que tenace, les frères Lumière n'ont pas réalisé les premiers films du cinéma, mais la première projection collective gratuite de films photographiques sur grand écran, le , devant un parterre restreint de savants de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, au n° 44 de la rue de Rennes, correspondant désormais au 4 place Saint-Germain-des-Prés à Paris. Le premier film tourné par Louis Lumière est Sortie d'usine, plus connu aujourd'hui sous le nom de La Sortie de l'usine Lumière à Lyon. Il a été tourné le , à Lyon rue Saint-Victor (rue actuellement nommée rue du Premier-Film). La première représentation privée du Cinématographe Lumière a lieu à Paris le dans les locaux de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale. Dans la foulée, Louis Lumière tourne durant l'été 1895 le célèbre Jardinier qui deviendra plus tard L'Arroseur arrosé. C'est le film le plus célèbre des frères Lumière et la première des fictions photographiques animées. En attendant la première séance publique, les Lumière présentent le Cinématographe à de nombreux scientifiques. Le succès est toujours considérable

L'arroseur arrosé - Arrivée d'un train à la gare de la Ciotat - Sortie des usines Lumière

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                     II - GEORGE MELIES    

 

Avec lui, le cinéma devient un art.

 

Georges Méliès, né Marie Georges Jean Méliès le 8 décembre 1861 à Paris et mort le 21 janvier 1938 dans la même ville, est un réalisateur de films français et illusionniste. Ayant choisi la prestidigitation comme profession, il profite d'une donation de son père, industriel de la chaussure, pour devenir propriétaire et directeur en 1888 du théâtre Robert-Houdin, en sommeil depuis la mort du célèbre illusionniste.

Le 28 décembre 1895, il découvre avec émerveillement les images photographiques animées lors de la première représentation publique à Paris du Cinématographe par les frères Lumière et propose même de racheter le brevet de la machine. Un refus poli mais narquois le pousse à se tourner vers un ami londonien, le premier réalisateur britannique, Robert W. Paul, qui lui fournit un mécanisme intermittent avec lequel il tourne son premier film en 1896, Une partie de cartes, réplique du même sujet réalisé par Louis Lumière.

La même année, avec l’Escamotage d'une dame au théâtre Robert Houdin, il utilise pour la première fois en Europe le principe de l'arrêt de caméra, découverte américaine, qui lui assure un franc succès dans son théâtre où il mélange spectacles vivants et projections sur grand écran. Il fait alors de ses tableaux, ainsi qu'il appelle ses films, un nouveau monde illusoire et féerique, mettant à profit les dons de dessinateur et peintre que chacun a pu remarquer dans son adolescence.

Georges Méliès est considéré comme l'un des principaux créateurs des premiers trucages du cinéma, entre autres les surimpressions, les fondus, les grossissements et rapetissements de personnages. Il a également été le premier cinéaste à utiliser des storyboard. Il a fait construire le premier studio de cinéma créé en France dans la propriété de Montreuil dont son père l'avait également doté. Par son film sur l'affaire Dreyfus, il est aussi considéré comme le premier réalisateur d'un film politique dans l'histoire du cinéma.

 

EXTRAIT : Le voyage dans la lune.  -  LE FILM en entier

Lors d'un congrès du Club des Astronomes, le professeur Barbenfouillis, président de ce club, surprend l'auditoire en faisant part de son projet de voyage dans la Lune. Il organise ensuite pour ses confrères la visite de l'atelier où l'obus spatial est en chantier. Il sera propulsé en direction de la Lune au moyen d'un canon géant de 300 mètres de long, embarquant à son bord six savants astronomes, dont Barbenfouillis.

Après le lancement réussi de leur fusée-obus, les six savants découvrent l'environnement lunaire et assistent à un lever de Terre. Épuisés par leur voyage, ils se couchent à même le sol et s'endorment. Apparaissent sept étoiles représentant la Grande Ourse, puis une étoile double, Phœbé et Saturne. Survient une tempête de neige provoquée par Phœbé (déesse assise sur son croissant de lune), qui les réveille. Ils s'engouffrent dans un cratère lunaire et arrivent à l'intérieur d'une grotte où ils découvrent des champignons géants. Lorsque surgit un Sélénite (représentant du peuple autochtone de la Lune), un savant le pulvérise d'un coup de parapluie. Les Sélénites suivants arrivent en nombre, capturent les visiteurs, les ligotent et les présentent à leur roi. L'un des prisonniers se précipite sur le souverain, le jette au sol et les savants parviennent tous à s'échapper, poursuivis par les Sélénites. Barbenfouillis s'accroche à la corde qui pend à la pointe de l'obus et le fait basculer dans le vide. L'un des poursuivants reste accroché à son fuselage alors que l'obus prend la direction de la Terre où il amerrit. Les savants sont accueillis en héros. Leur retour donne lieu à une grande fête, avec remise de décorations, exposition triomphale de leur capture, défilé des marins et des pompiers, et inauguration d'une statue commémorative

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                           III - LE CINEMA MUET      

Abel Gance Hollywood Griffith Intolérence Charlie Chaplin Robert Wiene Murnau Fritz Lang Georg Wilhelm Pabst

ABEL GANCE

Abel Gance, né Abel Eugène Alexandre Perthon le 25 octobre 1889 à Paris1 et mort le 10 novembre 1981 (à 92 ans) dans la même ville, est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma français. Il fut un pionnier du langage cinématographique.

Né dans le 18e arrondissement de Paris en 1889, Abel Gance a par sa mère, Françoise Perthon, une origine bourbonnaise. Il passe une partie de sa petite enfance à Commentry (Allier) chez ses grands-parents, et part à Paris où il étudie dans un collège catholique puis au Lycée Chaptal5. Il commence des études de droit, les abandonne pour se consacrer au théâtre et à la poésie.

Il obtient en 1908 un engagement au théâtre royal du Parc à Bruxelles et effectue quelques tournées théâtrales en France. Il publie un recueil de poèmes intitulé Un doigt sur le clavier  et commence à s'intéresser au cinéma en faisant de la figuration dans quelques films à partir de 1909. C'est Léonce Perret qui lui confie son premier rôle important au cinéma — celui de Jean-Baptiste Poquelin — dans son film Molière sorti en 1909. Il écrit quelques scénarios pour Léonce Perret — Le Portrait de Mireille (1909), La Fille de Jephté (1910) — pour Camille de Morlhon — L'Auberge rouge (1912) — ou encore pour Albert Capellani — Un clair de lune sous Richelieu (1911), Un tragique amour de Mona Lisa (1912) —.

En 1911, il fonde la société de production Le Film français et réalise son premier film — La Digue — la même année. De 1911 à 1917, il signe une quinzaine de films qui le font connaître du public français, parmi lesquels on peut citer Le Nègre blanc (1912), La Fleur des ruines (1915), Ce que les flots racontent (1916) ou encore Mater Dolorosa (1917).

Le 9 mars 1912, Ciné-Journal publie le premier écrit théorique connu d'Abel Gance sur le cinéma : « Qu'est-ce que le cinématographe ? Un sixième art ! ».

Il s'affirme dès 1918 comme un cinéaste novateur, dont le style empreint de lyrisme tranche sur la production de l'époque. J'accuse et La Roue font de lui un réalisateur reconnu, tandis que Napoléon est l'un des derniers grands succès français du cinéma muet. Mais le grave échec financier de La Fin du monde, en 1931, brise sa carrière.

Il est amené à tourner des films moins personnels et, bien que sa carrière compte des succès commerciaux comme Lucrèce Borgia (1935) — qui fit scandale car Edwige Feuillère y apparaissait nue et fut attaqué par la Ligue pour le relèvement de la moralité publique — ou l'année suivante Un grand amour de Beethoven (1936) avec Harry Baur, ou encore J'accuse (1938) avec Victor Francen (remake parlant du film de 1919), Paradis Perdu (1940) très admiré par François Truffaut et qui lance Micheline Presle, La Tour de Nesle (1955) ou Austerlitz (1960) au casting international et reconstituant magistralement la célèbre bataille en studio (avec Henri Alekan à la photographie), il ne retrouve jamais le prestige qui était le sien.

En 1974, il reçoit le Grand prix national du cinéma et, en 1981, un hommage lui est rendu lors la cérémonie des Césars au cours de laquelle il reçoit — en même temps qu'Alain Resnais et, à titre posthume, Marcel Pagnol — un César d'honneur, quelques mois avant sa mort, qui survient le 10 novembre de la même année. Kurosawa et Coppola n'ont jamais caché leur admiration pour Gance.

Il a eu comme secrétaire et assistante Nelly Kaplan.

La rue Abel-Gance à Paris porte son nom en hommage. Il est inhumé au cimetière d'Auteuil, à Paris.

Abel Gance et la technique

Affiche par Cândido de Faria pour le film muet Le tragique amour de Mona Lisa (1912) d'après le scénario de Gance. Collection EYE Film Instituut Nederland.

Abel Gance élabore en 1925 avec André Debrie, 40 ans avant le cinérama*, un procédé de film avec trois caméras par juxtaposition qui donne une largeur d'image trois fois supérieure au format traditionnel et permet aussi un récit en trois images différentes, la « polyvision ». 

En 1929/1932, il dépose, avec André Debrie, un brevet sur la « perspective sonore », ancêtre de la stéréophonie. En 1934, il sonorise son film Napoléon, avec ce procédé.

Il met au point à partir de 1937, avec l'opticien Pierre Angénieux, le « pictographe », appareil optique pour remplacer les décors par de simples maquettes ou photographies, et qui est à l'origine de l'incrustation télé d'aujourd'hui8.

Ses derniers travaux avant sa mort portaient sur l'image virtuelle.

Extraits : *Napoléon (Bande annonce restauration) - La Roue

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HOLLYWOOD
 

Hollywood  est un quartier de la ville américaine de Los Angeles, en Californie, situé au nord-ouest de Downtown Los Angeles;

Du fait de sa célébrité et de son identité culturelle en tant que centre historique des studios de cinéma, le terme « Hollywood » est souvent utilisé comme un métonyme du cinéma américain. Le surnom « Tinseltown » fait référence au rapport qui lie l'industrie cinématographique américaine à Hollywood.

Aujourd'hui, toutefois, la plupart des sociétés de production cinématographique sont dispersées dans d'autres lieux proches, comme Westwood, Century City et West Los Angeles ; cependant, plusieurs des studios importants tels que ceux de montage, des effets visuels ou encore de postproduction demeurent toujours à Hollywood, comme les studios de Paramount Pictures.

Le premier film tourné à Hollywood est The Count of Monte Cristo de Francis Boggs (1908).

Au cours des années 1910, Hollywood devient le principal centre de production de la nouvelle industrie cinématographique : une légende dit que les producteurs voulaient quitter la côte Est pour Hollywood afin d'échapper aux représentants du Trust Edison mais les détectives privés payés par Edison pouvaient tout aussi bien débarquer sur les tournages des studios de Hollywood et vérifier ainsi que les caméras étaient chargées de pellicules Eastman, monopole de la Motion Picture Patents Company. En réalité, une partie des producteurs étaient attirée par la Californie, sa luminosité et son climat ensoleillé (350 jours de soleil par an, comme l'alléguait l'office de tourisme de Los Angeles), la diversité de ses décors naturels (montagne, mer, forêt, désert), ses terrains bon marché, l'absence de syndicats (qui apparaîtront dans les années 1930), une main d'œuvre cosmopolite (Indiens, Asiatiques, Hispaniques pour des rôles de figurants). Les lieux de tournage ressemblaient à l'origine plus à des campements qu'à de véritables studios8.

Début 1910, le réalisateur D.W. Griffith est envoyé par la Biograph Company sur la côte ouest des États-Unis avec sa troupe composée des acteurs Blanche Sweet, Lillian Gish, Mary Pickford ou encore Lionel Barrymore. Ils commencent à filmer sur un terrain libre à proximité de Georgia Street dans le centre de Los Angeles. Décidant de prospecter vers le nord, la troupe parvient finalement jusqu’au petit village de Hollywood où elle reçoit un accueil amical. Griffith y réalise In Old California, le premier film tourné à Hollywood, un mélodrame mettant en scène des Mexicains occupant la Californie au début du XIXe siècle. L'équipe y reste plusieurs mois, produisant plusieurs courts métrages - le long métrage en tant que tel n'existe pas à cette époque - avant de retourner à New York. Entendant parler de ce nouvel Eldorado, plusieurs réalisateurs se rendent à l’Ouest en 1913. En 1912, Mack Sennett y fonde, sur un terrain vague, le studio Keystone qui devient le principal foyer du cinéma burlesque. Progressivement se forme une ville champignon. C'est au milieu des années 1910 que naissent les premières grandes stars du cinéma américain : Douglas Fairbanks, Florence Lawrence, Florence Turner, Mary Pickford et Charlie Chaplin, les acteurs étant jusque-là anonymes (la légende du cinéma raconte souvent que Hollywood a inventé les stars mais la firme Pathé en crée une dès 1910 avec Max Linder). Le premier long métrage, marquant la naissance de l’industrie du cinéma à Hollywood — Le Mari de l'Indienne — est dirigé par Cecil B. DeMille en 1914.

Dès lors, s'y installent de grosses sociétés de production. En 1915, c'est la Triangle Film Corporation. Fairbanks, Pickford et Chaplin s'associent en 1919 avec Griffith et William S. Hart pour former la United Artists, destinée à l'exploitation de leurs propres films. Puis, en 1925, naît la Metro-Goldwyn-Mayer. Dès 1917, avec l'augmentation des budgets (décors, figurants, costumes) et la venue de stars pour fidéliser le public, les studios ont recours au financement extérieur par des particuliers et des banques dont les prêts s'appuient sur les actifs que sont devenus les stars, les scénarios et les réalisateurs8. Ils achètent des salles de cinéma dans les grandes villes du pays, des salles de première exploitation comme les nickel odéons. Durant la Première Guerre mondiale, l'industrie européenne du cinéma étant paralysée par les efforts de guerre, Hollywood devient la capitale mondiale du cinéma.

Les années 1930 voient l'expansion des cinq grandes compagnies cinématographiques que sont Paramount Pictures, Metro-Goldwyn-Mayer, Warner Bros., RKO Pictures et la Fox, avec un doublement du nombre de travailleurs permanents qui passent de 30 000 à 75 000.

Les années noires 1947 - 1960 - La commission des activités anti-américaines sur les influences communistes dans l'industrie cinématographique.

À partir des années 1980, les studios de cinéma de Hollywood se diversifient en investissant dans les secteurs hôtelier, musical ou des médias.

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GRIFFITH

David Llewelyn Wark Griffith, plus connu sous le nom D. W. Griffith, est un réalisateur américain, né le 22 janvier 1875 au Manoir de La Grange à Crestwood (Kentucky)  et mort le 23 juillet 1948 à Hollywood (Californie). Réalisateur prolifique, il a tourné environ quatre cents films courts en cinq ans, de 1908 à 1913, et réalisé, dès 1914, les premières super-productions américaines.

Trouvant l'équivalent au cinéma du don d'ubiquité de la littérature, il a notamment fait évoluer l'écriture des scénarios, permettant aux cinéastes de faire des films de plus en plus longs. En 1919, après l'échec de sa dernière super-production, Intolérance, il fonde United Artists avec les comédiens Mary Pickford, Douglas Fairbanks et Charlie Chaplin, pour mieux contrôler leurs droits sur les recettes de leurs films.

Mais son apport fondamental au cinéma reste bien l'importation et l'adaptation au langage filmique de la technique des récits alternés, qui est à la base du roman. Le grand historien français du cinéma, Georges Sadoul, précise que « le grand mérite du maître durant ses années de travail fut d'assimiler les découvertes éparses de diverses écoles (les Anglais de Brighton, notamment) ou réalisateurs et de les systématiser. Mais jusqu'en 1911, et quoi qu'on ait écrit, Griffith paraît avoir traité toutes ses scènes en plans généraux, à peine plus rapprochés que ceux de Méliès. Son originalité se manifeste par une recherche dans le montage alterné. » Sadoul conteste avec raison les allégations assez opportunistes de l'historien du cinéma Jean Mitry qui, invité à un colloque sur Griffith, lui attribue l'invention de pratiquement tous les éléments du langage du cinéma, et notamment la découverte de « l'échelle des plans ». « Pensant que la caméra, fort maniable, permettait de s'approcher ou de s'éloigner à dessein des personnages et de se mouvoir - ou de se situer - librement autour d'eux, il les fit agir dans un espace qui n'était plus limité par le cadre étroit de la scène... La scène - c'est-à-dire ce qu'on appelle aujourd'hui une séquence - fut donc fragmentée en une succession de plans différents, Griffith instaurant et précisant au fur et à mesure l'échelle des plans ».

 

INTOLÉRANCE : US 1916 : D. W Griffth. Scénario : D. W. Griffith.

Scénario:

I. The Mother and the Law.

Il. La Saint-Barthélemy : Une jeune huguenote et son fiancé arrivent à Paris où Catherine de Médicis et Charles IX préparent la Saint-Barthélemy. Ils sont massacrés.

Ill. La Passion du Christ.

IV. Histoire babylonienne : A Babylone, en 539 avant J.-C., les prêtres de Baal, aidés d'un rhapsode , conspirent contre le tolérant prince Balthazar et, au cours d'un fastueux festin, les troupes de Cyrus envahissent Babylone, malgré les efforts d'un valeureux capitaine et d'une pétulante fille des montagnes.

V. La femme au berceau : Après une grève, durement réprimée par un industriel poussé par sa sœur, un jeune garçon va vivre en ville où il épouse sa bien-aimée et fréquente des vauriens. Une femme qu'il a délaissée tue le chef de gang avec qui il se bagarrait, et le laisse accuser, puis envoyer à la potence. Une heure avant sa pendaison, la coupable avoue tout, le gouverneur gracie le condamné que sa femme sauve à la dernière minute.

Intolérance porte en sous-titre "Love's Struggle through the Ages" et son récit mélange ses quatre histoires « coulant d'abord comme des fleuves majestueux, puis se mélangeant comme des torrents impétueux ». Mother and the Law fut conçu et presque entièrement réalisé fin 1914, sitôt après le tournage de Naissance d'une nation. Son scénario avait été inspiré à Griffth par une cause célèbre : The Strelow Case et un rapport fédéral de tendance wilsonienne, qui avait dénoncé les « Pinkerton » (les « Thugs » du film), ces milices privées armées et payées par le grand patronat pour réprimer les grèves, au besoin en massacrant les ouvriers. Nous avons pu voir cet épisode, séparé des autres, tel que Griffith le présenta en 1918, après l'échec d' Intolérance. La Mère et la Loi est une œuvre d'une grande puissance ; ses audaces sociales l'opposent fortement à Naissance d'une nation (pourtant réalisée la même année). Peut-être est-ce ce caractère qui décida Griffth à ne pas éditer d'abord le film séparément, mais à l'inclure dans une œuvre trois fois plus vaste, dont la principale partie, réalisée en 1916, devint l'épisode babylonien, dont la colossale mise en scène fut en partie inspirée par les films italiens de 1912-1915 et surtout la Cabiria de Pastrone. A lui seul, le Festin de Balthazar coûta 650 000 dollars, avec ses décors hauts comme une maison de six étages, et profonds de deux kilomètres, où se déployèrent 4000 figurants, sans compter les chevaux, qui purent traîner des chars sur le haut des remparts de Babylone, larges comme une route.

Pour ces foules, comme pour les 2 5()() participants de la Saint-Barthélemy, il fallut organiser des campements, et une ligne de chemin de fer pour le ravitaillement. Improvisé sans découpage préalable, puis minutieusement monté par son auteur, d'après les 100 000 mètres de négatifs enregistrés, Intolérance fut présenté en septembre 1916, mais cette « Sun Play of the Âges » tint l'affiche 22 semaines seulement (contre 44 pour Naissance d'une nation), avec un succès très vite décroissant. La production et sa publicité avaient coûté 2 millions (soit au moins 6 millions de dollars 1960) et la carrière du film fut, dès 1917 et l'entrée en guerre des États-Unis, contrariée par son esprit évidemment pacifiste.

Griffith, qui avait financé cette colossale superproduction, se trouva ruiné et eut des dettes à payer jusqu'à sa mort. Intolérance est essentiellement fondé sur des montages parallèles, unissant des actions se déroulant dans quatre siècles et dix lieux différents. La dernière partie, où le montage s'accélére prodigieusement, est un chef- d'œuvre, mais alors difficilement compréhensible pour le grand public. Les quatre parties sont de valeur bien inégales, et le colossal épisode babylonien n'est pas le plus réussi. Griffth y fit prendre une scène en ballon captif, un des rares travellings intervenant dans une œuvre essentiellement fondée sur le montage. Sa faiblesse principale fut de vouloir unir, par une notion que Griffth définit bien mal, quatre histoires aussi différentes qu'une erreur judiciaire américaine de 1914, la chute de Babylone et la Saint- Barthélemy (la Passion du Christ n'intervenant guère que comme une brève métaphore). Ce fut en définitive le Festin de Balthazar qui écrasa sous sa confuse munificence une œuvre géniale, mais disparate. Projeté en URSS en 1920, Intolérance y exerça une grande influence sur les jeunes cinéastes soviétiques Eisenstein, Poudovkine, Koulechov, mais surtout par ses premières séquences, qui montraient une grève et sa sauvage répression. .

EXTRAIT : Intolérence

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                     Charlie Chaplin

Le Kid, un art hérité de la pantomime.

Charles Spencer Chaplin, dit Charlie Chaplin né le 16 avril 1889 probablement à Londres (Royaume-Uni) et mort le 25 décembre 1977 à Corsier-sur-Vevey (Suisse), est un acteur, réalisateur, scénariste, producteur et compositeur britannique.

Le plus grand génie qu'ait jamais produit le cinéma, justement comparé à Molière par Delluc et à Shakespeare par Elie Faure. Son enfance, à la fin de l'ère victorienne, ressembla à un roman de Dickens. Il était fils d'un chanteur et d'une chanteuse de music-hall tombés dans la misère. Charles et son frère aîné Sidney connurent les taudis, les nuits passées dans la rue, la mendicité, les orphelinats. Dés l'âge de six ans, il monta sur les planches pour un numéro de danse. Les deux frères, à peine adolescents, furent engagés par Fred Karno, qui conservait les grandes traditions de la pantomime anglaise. Des toumées conduisirent les jeunes garçons dans les music-halls de province, puis aux USA. A la fin de 1913, découvert par Mack Sennett, il accepta sans enthousiasme de signer un contrat. A Hollywood en 1914, il interpréta pour Keystone 35 films comiques, où les poursuites et les tartes à la crème étaient rois, Il y avait adopté, avec quelque hésitation, le type qui le rendit célèbre : chapeau melon, petite moustache, démarche de canard, grandes chaussures. Pantalon trop large. Avec les 14 films de l'Essanay, 1915, les gros effets et la férocité passèrent à l'arrière-plan, et il devint le petit homme chômeur, amoureux, aux prises avec les pires et constantes difficultés, desquelles il se tire, par son humour, sa dignité, ses trouvailles ingénieuses.

Extrait: Les temps modernes :

Les Temps modernes (Modern Times) est une comédie dramatique américaine de Charlie Chaplin, sortie en 1936. Il s'agit du dernier film muet de son auteur et du dernier qui présente le personnage de Charlot, lequel lutte pour survivre dans le monde industrialisé.

Le film est une satire du travail à la chaîne et un réquisitoire contre le chômage et les conditions de vie d'une grande partie de la population occidentale lors de la Grande Dépression, imposées par les gains d'efficacité exigés par l'industrialisation des temps modernes.

Charlie commença à préparer le film en 1934, comme son premier film parlant, et alla jusqu'à écrire un script, et expérimenter avec des scènes de son. Cependant, il abandonna vite ces tentatives et reprit un format silencieux avec des effets sonores synchronisés. L'expérience du dialogue confirma sa conviction inébranlable en le fait que la popularité universelle de Charlot serait perdue si le personnage parlait à l'écran. La plupart du film a été tourné à « vitesse silencieuse » soit 18 images par seconde, ce qui, quand il est projeté à la « vitesse sonore » de 24 images par seconde, rend l'action encore plus frénétique. Des copies du film corrigent maintenant ce point. Le tournage du film fut long, débutant le 11 octobre 1934, et finissant le 30 août 1935.

La référence aux drogues lors de la séquence de la prison est très osée pour l'époque (étant donné que le code Hays, établi en 1930, interdisait toute forme de représentation et d'utilisation de drogues illégales dans les films). Chaplin avait déjà fait des références à la drogue auparavant, dans l'un de ses plus célèbres courts-métrages, Charlot policeman, sorti en 1917.

 

Charlie Chaplin, le génie de la liberté : Documentaire de François Aymé et Yves Jeuland (France, 2020) 90 mn. Inédit.
 

En 1921, un gamin des rues partage son infortune avec un père d'occasion à peine mieux loti que lui. « Qui est Charlie dans l'histoire ? Legosse ou le vagabond ?» s'interrogent finement les deux auteurs de ce documentaire sur un extrait du Kid, film centenaire qui nous arrache toujours autant de larmes que de rires. D'entrée, tout est dit de leur audacieuse entreprise : embrasser l'œuvre et la vie de Chaplin, en puisant dans l'une de quoi éclairer l'autre.

Projet d'une belle pertinence, tant ses films sont pleins de sa biographie et de ses convictions. De son enfance dans le Londres misérable de la fin du XIXe siècle à ses décennies de gloire à Hollywood, en passant par la construction de Charlot, personnage miséreux qui fit l'immense fortune de son créateur, et par ses démêlés douloureux avec une Amérique qui le contraignit à l'exil, Yves Jeuland et François Aymé bâtissent une sorte de Chaplin par Chaplin, écartant les interviews d'experts pour nous régaler d'extraits tirés de sources parfaitement restaurées.

Au plaisir du récit élégamment guidé par la voix de Mathieu Amalric — s'ajoute ainsi celui du florilège ; le tout avec beaucoup d'allant et une gourmandise partageuse. De quoi donner envie de (re)plonger sans attendre dans les films, courts et longs, de ce roi du burlesque devenu l'un des grands maîtres du cinéma.

 

 

 

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           UNE PREMIERE ECOLE : L’EXPRESSIONNISME ALLEMAND

L'expressionnisme cinématographique issu de certaines recherches picturales (Kokoschka, Kubin) et théâtrales (Max Reinhardt) est apparu en Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale. Ce mouvement s'est attaché essentiellement à exprimer les états d'âme des personnages par le symbolisme des formes; d'où l'importance des décors (contrastes heurtés, déformation volontaire du monde réel et des jeux de lumière. Parmi les représentants les plus notables de cette tendance Robert Wiene (le Cabinet du Dr. Cafigari, 1919), Paul Wegener (le Golem, 1920), Fritz Lang (le Docreur Mabuse, 1922), F. W. Murnau (Nosferatu le Vampire 1922), Paul Leni (le Cabinet des figures de cire 1924). On retrouve des traces de l'expressionnisme chez les réalisateurs comme J. von Sternberg, M. Carné, O. Welles, C. Reed, I. Bergman.

Robert Wiene, Murnau et Fritz Lang

 

Le cabinet du Dr Caligari - Nosferatu - L'aurore - Metropolis

Il est avec Fritz Lang le plus grand réalisateur de l'art muet allemand. Après ses débuts comme scénariste et réalisateur, il s'imposa internationalement avec Nosferatu, expressionniste par son scénario et son esprit plus que par ses décors, souvent naturels. Dès "La terre qui flambe", il avait été placé à côté et au-dessus des écoles par sa forte personnalité, et malgré le scénario de Carl Mayer, le Dernier des hommes s'inscrivit un peu en marge du Kammerspiel. Il disait alors « Les décorateurs qui ont produit Caligari ne s'imaginaient pas l'importance qu'aurait leur film, et pourtant ils découvrirent des choses étonnantes. Simplicité, simplicité plus grande et plus grande encore, voilà quel doit être le caractère des films à venir. [...] Tout notre effort doit être tendu vers l'abstraction de tout ce qui n'est pas du vrai cinéma, vers le balayage de tout ce qui n'est pas du vrai domaine du cinéma, de tout ce qui est trivial et venu d'autres sources : tous les trucs, expédients, poncifs, issus de la scène et du livre. C'est ce qui a lieu quand certains films atteignent le niveau du grand art. » Avec le Dernier des hommes, salué à l'époque aux US comme le meilleur film du monde, Murnau avait fait de la caméra « un personnage du drame» (Carné), exprimant par ses mouvements ce pour quoi les expressionnistes avaient employé les déformations ou les éclairages. Le décor tenait un rôle analogue, comme les objets : « Dans leur image, il y a du drame pour l’œil, en raison de la façon dont ils ont été placés ou photographiés. Par leur relation avec d'autres objets ou avec les personnages, ils sont des éléments dans la symphonie du film. »

Le Cabinet du docteur Caligari (Das Cabinet des Dr. Caligari) est un film expressionniste et muet allemand de Robert Wiene sorti en salles en 1920.

Devenu l'acte de la naissance du genre horrifique, le film introduit une iconographie, des thèmes, des personnages et des expressions qui seront importants pour des films comme Dracula, réalisé par Tod Browning, et Frankenstein (tous les deux sortis en 1931) ou La Fiancée de Frankenstein, de James Whale en 1935.

Mis à part le préambule, la scène dans le parc, et l'épilogue, le film décrit en fait le délire d'un fou, en l'occurrence Francis. Ce film donnait à voir une histoire de fou racontée par un fou, ce qui était déjà révolutionnaire à une époque où le récit filmique à la première personne n'existait pas encore. Les décors faits de fausses perspectives, tout en obliques, d'angles aigus, de proportions tronquées, l'écriture des cartons intertitres, la colorisation de la pellicule différant selon les scènes, et bien sûr le jeu expressionniste des acteurs, sont autant d'éléments qui contribuent à accentuer l'impression d'irréalité. Ce décor correspond donc bien au mouvement de l'expressionnisme allemand, caractérisé par le chaos, les formes violemment torturées. Le cabinet du docteur Caligari peut témoigner de cette influence picturale. Les décors du cabinet du Docteur Caligari sont des tableaux peints, Walter Reimann, Hermann Warm et Walter Röhrig  en sont les décorateurs attitrés. Les décors sont caractérisés par des ombres très fortes, des lignes franches, des figures géométriques presque exagérées. C’est un réel retour à une perspective frontale des décors, qui va être préféré au réalisme. D'ailleurs Warm insiste sur ce caractère fantastique et irréel en disant que « les images du film devaient être éloignées de la réalité et revêtir un style graphique fantastique ». C’est finalement le décor qui va déterminer le cheminement des acteurs, comme prisonnier d’un espace irréel.

L'éclairage joue également un rôle important en jouant sur l'affrontement de l'ombre et de la lumière et en soulignant ainsi les contrastes. « Les films doivent être des gravures rendues vivantes », affirmait Hermann Warm, l'un des trois décorateurs du film. 

Le film intégral Synopsis - Le cabinet du Docteur Caligari

Extrait : l'Aurore de Murnau

Sur un excellent scénario de Carl Mayer, l'Aurore fut l’œuvre la plus parfaite de Murnau. Bien que réalisée à Hollywood, elle reste profondément germanique. La mobilité de la caméra, qui domine le récit, est utilisée avec une telle maîtrise qu'elle est presque invisible, dans une séquence d'exposition où le jeune pécheur attend sa maîtresse dans des marais brumeux. La dernière partie est étonnante, dans son mouvement et sa passion. La femme effrayée aborde sur un rivage boisé. Son mari la poursuit. Ils sautent dans un tram. Ils se rapprochent. Derrière eux, le paysage change, on passe de la campagne à la banlieue, aux faubourgs, à la grande ville (où aura lieu la réconciliation). Les décors de plein air sont d'une exceptionnelle qualité, et ceux (gigantesques) de Tilsitt restent à l'arrière-plan, tout en jouant un rôle important dans l'action. Les deux protagonistes formaient alors « couple idéal » célèbre. Ils ont été supérieurement dirigés, la femme étant une ingénue d'un style proche de Lilian Gish.D'énormes moyens avaient été donnés par la Fox au réalisateur fraîchement arrivé de Berlin, après le triomphe du Dernier des hommes aux Etats-Unis. Sunrise fut un lourd échec financier, dont Murnau ne se releva pas.

 

Extrait : Nosferatu de Murnau

Pour Siegfried Kracauer, Nosferatu est un «tyran assoiffé et gorgé de sang, un mirage des régions où se rencontrent mythes et contes de fée. Il est hautement significatif que, durant cette période, l'imagination germanique gravitait toujours autour de tels personnages et de la contrainte de l'amour-haine. La conception qu'un grand amour peut faire reculer la tyrannie était symbolisée par le triomphe d'Ellen sur Nosferatu ». Cette interprétation relève d'un système plus que des faits. Pourrait-on penser que (inconsciemment peut-être) Murnau servit une propagande préparant le triomphe nazi ? Ado Kyrou estime au contraire que, «franchi le pont de Nosferatu, nous atteindrons la parfaite expression de l'Amour et de la Révolte ». Ce  film fascinant, quelque sens qu'on prétende lui donner, est en tout cas supérieur au roman fin de siècle adapté et aux nombreux Dracula qu'inspira Bram Stoker.

 

 

 

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Fritz Lang

Friedrich Christian Anton Lang, connu sous le nom de Fritz Lang , né le 5 décembre 1890 à Vienne et mort le 2 août 1976 à Beverly Hills, est un réalisateur austro-hongrois, binational allemand par mariage à partir de 1919 et naturalisé américain en 1935.

Inventeur d'un grand nombre de techniques innovantes qui sont devenues autant de standards et lui ont valu le titre de « Maître des ténèbres », il introduit dès 1919 dans le cinématographe une esthétique expressionniste qui fera école et inspirera en particulier le film noir. Son œuvre est traversée de thèmes récurrents : la vengeance, la pulsion de mort qui mine l'individu et la société, la manipulation des foules par un surhomme, la lutte pour le pouvoir, la violence de l'homme pour l'homme, la liberté pour le mal. Celui du double, image d'une inquiétante étrangeté, est présent dans la quasi-totalité de ses films.

"Les Nibelungen"

 

 

"Synopsis" - Extraits

 

 I - La Mort de Siegfried

II - La Vengeance de Kriemhild

Siegfried, fils du roi Siegmund de Xanten, termine son apprentissage chez le nain Mime. Il forge une magnifique épée. Désormais, il peut retourner chez lui, mais l'ambitieux jeune homme veut se rendre à Worms, capitale des Burgondes, pour conquérir la belle Kriemhild, sœur du roi Gunther. Traversant une forêt, il triomphe d'un dragon. Suivant les conseils d'un oiseau, il se trempe dans le sang du dragon qui le rend invulnérable à l'exception d'un endroit de son épaule où s'est posée une feuille de tilleul. Son voyage le mène ensuite sur le territoire des Nibelungen et s'empare du trésor volé aux filles du Rhin par le roi des Nains, Alberich, ainsi que du heaume magique (en fait un camail) qui lui permet de prendre n'importe quelle apparence. Déjouant une ruse du méchant nain, Siegfried le tue mais celui-ci a le temps de maudire tous ceux qui détiendront le trésor.

Chez les Burgondes, le roi Gunther est sous la coupe d'un de ses vassaux, Hagen de Tronje, silhouette noire au casque de fer orné de plumes de corbeau. Celui-ci impose un échange : Siegfried aura Kriemhild s'il aide Gunther à séduire celle qu'il convoite, la redoutable Brunhild, qui règne sur l'Islande depuis un château protégé par un lac de feu. Le feu s'éteint devant le héros. Pour conquérir Brunehilde, Gunther doit la vaincre au lancer de rocher, au saut et au javelot. Grâce à son heaume, Siegfried se substitue à Gunther. Défaite, Brunhild est ramenée à Worms, mais encore faut-il la dompter pour la nuit de noces. Là encore, Siegfried, aidé de son heaume, s'exécute...

Siegfried a épousé Kriemhild. Entre elle et Brunhild, qui veut la considérer comme sa vassale, les choses se passent mal. Kriemhild révèle à la nouvelle reine des Burgondes le rôle joué par Siegfried. Désormais, le sort de celui-ci est scellé : Brunhild réclame à Gunther la mort de Siegfried, qui en prenant sa virginité, dit-elle, l'a déshonorée (or il se révèle que c'est faux). Kriemhild, pensant le protéger, montre à Hagen où se trouve l'endroit vulnérable de son mari et c'est naturellement là que Hagen, sur l'ordre de Gunther, frappe le héros au cours d'une partie de chasse improvisée. Malgré le désespoir de Kriemhild, le clan des Burgondes, conscient de sa complicité, fait front autour de Hagen. Elle jure de se venger alors que Brunhild, prise par le remords, se suicide sur le corps de Siegfried, après avoir révélé son mensonge.

 

Kriemhild n'a pas pu oublier Siegfried et son lâche assassinat par Hagen de Tronje, qui reste le protégé du clan des Burgondes et s'est approprié le trésor des Niebelungen qu'il a caché dans le Rhin. Le margrave Ruediger von Bechlarn lui apporte la demande en mariage du roi Etzel (en français Attila) : elle l'accepte. La voilà reine des Huns.

Un enfant naît, nommé Ortlieb. Etzel, amoureux fou, promet alors de venger le tort fait à sa femme par les assassins de Siegfried. Pour fêter l'évènement, les Burgondes sont invités avec leur âme damnée, Hagen. Mais Etzel ne peut pas tenir sa promesse : pour les « hommes du désert », l'hospitalité est sacrée. Kriemhild fomente alors une révolte parmi les Huns qui envahissent la salle de banquet. Hagen tue l'enfant et perd de ce fait son statut d'hôte. Il est à la merci de la vengeance d'Etzel. Kriemhild accepte de laisser partir Gunther et ses proches, retranchés dans le palais, en échange de la tête de Hagen. Il refuse.

Dans la bataille qui s'ensuit Ruediger et les deux jeunes frères de Kriemhild, Gerenot et Giselher, sont tués. Elle ordonne alors de mettre le feu au palais. Seuls Hagen et Gunther en réchappent. Capturé, Hagen refuse de révéler où est caché le trésor tant que son roi vivra. Kriemhild fait exécuter Gunther, ainsi que Hagen l'espérait : il avoue qu'il est le seul désormais à connaître le secret et qu'il ne dira rien. De rage, elle le frappe avec l'épée de Siegfried avant d'être à son tour abattue par Hildebrand. Etzel ordonne que sa dépouille rejoigne celle de Siegfried, auquel elle n'a jamais cessé d'appartenir.

 

 

Extraits

 

 

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Georg Wilhelm Pabst

Georg Wilhelm Pabst (Raudnitz-sur-l'Elbe (Royaume de Bohême, Autriche-Hongrie), 25 août 1885 Vienne (Autriche), 29 mai 1967)

Réalisateur, scénariste et producteur autrichien (et devenu allemand durant la période 1938-1945, du fait de l'Anschluss).
 

Il naît dans une famille autrichienne du royaume de Bohême, où son père est employé des chemins de fer. Il est d'abord comédien pour le théâtre, en Suisse, puis à Berlin. Il séjourne aux États-Unis, puis revient en Europe, notamment en France où il est interné pendant la Grande Guerre jusqu'en 1919 dans le camp de l'Île Longue.

De retour en Allemagne, il fonde avec Carl Froelich, un des pionniers du cinéma allemand, une maison de production, dans laquelle il débute comme réalisateur en 1923.

Il obtient de grands succès à l'époque du muet avec La Rue sans joie (1925), avec Greta Garbo.

Synopsis: À Vienne en 1921, dans la rue « Sans Joie » (rue Melchior) d’un quartier misérable, sévissent une mère maquerelle manipulatrice et un boucher impitoyable alors que famine et misère écrasent les foyers des pauvres gens et la classe moyenne. La prostitution dans les endroits fréquentés par des riches reste la seule solution pour survivre. Une jeune femme dans le besoin se laisse tenter par une entremetteuse. Finalement, l’amour d’un soldat américain la sauvera de la déchéance.

Les Mystères d'une âme (1926), L'Amour de Jeanne Ney (1927) et Loulou (1929), avec Louise Brooks, des films réalistes influencés par la psychanalyse (qui était alors peu connue du grand public) et abordant avec franchise les problèmes de la sexualité. Ces films l'imposent alors, aux côtés de Friedrich Wilhelm Murnau et Fritz Lang, comme une des principales figures du cinéma allemand.

Au début du parlant, il réalise deux exhortations à l'amitié franco-allemande : Quatre de l'infanterie (1930) et La Tragédie de la mine (1931), encadrant le célèbre Opéra de quat'sous d'après Bertolt Brecht, avec une musique de Kurt Weill.

Au moment de l'arrivée au pouvoir d'Hitler, il est en tournage en France, où il réalise son Don Quichotte. Il travaille un temps à l'étranger, entre les États-Unis et la France (Salonique, nid d'espions, 1937), avant de revenir en Allemagne, où il poursuit son travail de cinéaste tout en s'accommodant du nouveau régime. Il réalise notamment, au cœur de la Guerre, un film à la gloire d'une figure germanique, Paracelse (1943).

Après la guerre, il redevient autrichien par la fin de l'Anschluss ; il s'efforce d'exorciser les démons du nazisme, avec notamment Le Procès (1948), La Fin d'Hitler et C'est arrivé le 20 juillet (1955).

Il cesse de tourner en 1956, reçoit un hommage du cinéma en 1963 et meurt, presque oublié, le 29 mai 1967 à Vienne.

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                  LE CINEMA SOVIETIQUE et RUSSE

Serge Eisenstein Grigori Kozintsev Sergueï Iossifovitch Paradjanov Tarkovski Zviaguintsev

 

Serge Eisenstein : "Alexandre Newski" « Le cuirassé Potemkine »

Avec le Potemkine, un nouveau cinéma, le cinéma soviétique, s'imposa à tous les cinéphiles du monde entier, et les échos de sa géniale explosion ne sont pas prêts de s'éteindre.

Réalisateur URSS (Riga 23 janv. 1898 - Moscou 11 fév. 1948) Un titan, un génie du cinéma, un homme de la Renaissance, tout à la fois créateur et théoricien, possédant une culture universelle. D'abord attiré par le théâtre, il donna alors des spectacles fondés sur « le montage des attractions » (« le Sage », 1923), niant la règle des trois unités. puis donna « le Masque à gaz », dans le décor naturel d'une usine, avant de passer au cinéma avec la Grève (l924). En deux mois, à 27 ans, le jeune cinéaste réalisa Potemkine. Ce film m'a amené à repenser le rôle du gros plan, à en faire un élément capable d'éveiller chez le spectateur la conscience et le sentiment du tout. Ainsi le pince-nez du médecin-major se substitue à lui, au moment voulu, par un emploi du gros plan comparable à la « synecdoque », reconstituant le tout par la représentation de la partie. Le film tout entier était une « synecdoque », incorporant directement. la révolution de 1905, dont l'histoire tout entière avait d'abord été le sujet. Le « montage des attractions », absent du Potemkine, devint « montage intellectuel » avec Octobre, où le réalisateur refusa également le studio et les acteurs professionnels, et « montage harmonique » dans la Ligne générale. Si Octobre et la Ligne générale (surtout dans les versions tripatouillées à l'étranger) n'avaient pas pleinement valu son Potemkine, le créateur était toujours à l'apogée de son génie lorsqu'il visita l'Europe. Il travailla quelques mois à Hollywood, puis s'établit au Mexique pour y réaliser avec Tissé et Alexandrov une nouvelle et gigantesque épopée (1929-1931). Une mauvaise période commença alors pour lui avant d'être terminé, Que Viva Mexico lui fut enlevé, et il ne put jamais tenir en main ses négatifs pour construire, par le montage, un monument filmique qui aurait peut-être surpassé Potemkine. De retour en URSS, il se mura dans son désespoir, puis entreprit le Pré de Bejine que des intrigues l'empêchèrent de terminer. Malgré une vive campagne contre lui, on lui confia la réalisation d'Alexandre Nevsky, avec des moyens considérables. Ce fut son premier film sonore. « Le son ne s'était pas introduit dans le cinéma muet : il en était issu, sorti du besoin qui poussait le muet à dépasser la pure expression plastique. » (Eisenstein.) Nevsky fut un opéra, où un contrepoint audio-visuel combina organiquement le montage des images et la partition de Prokofiev. Ce fut un film d'acteurs au jeu stylisé et expressif. Réalisé en majorité pendant une guerre cruelle, lvan le Terrible, fut une monumentale tragédie-opéra en deux parties (la deuxième fut interdite par Staline et éditée seulement après Sa mort). Le film amplifia encore les recherches de Nevsky et ouvrit des perspectives nouvelles au cinéma. Il mourut à cinquante ans, après avoir prophétisé ainsi l'avenir du cinéma dans un texte (ici condensé) « Le cinéma est bien sûr le plus international des arts. De ses réserves inépuisables le premier demi-siècle n'a pourtant utilisé que des miettes. On n'a pas encore opéré de solution définitive au problème de la synthèse des arts qui aspirent à se fondre dans son sein : totalement, organiquement. Nous assisterons au stupéfiant aboutissement de deux extrêmes. L'acteur thaumaturge, chargé de transmettre au spectateur la matière de ses pensées, tendra la main au mage cinéaste de la TV qui, jonglant avec les objectifs et les profondeurs du champ, imposera directement et instantanément son interprétation esthétique de l'événement, pendant la fraction de seconde où il se produit. Le cinéma a cinquante ans. Un monde immense et complexe s'ouvre devant lui. »

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Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg

Le rôle de la musique dans les films muets "La nouvelle Babylone"(Internet), film de Kozintsef (Internet) et Odna "Seule" (Internet) , un film qui avait été tourné muet, mais en vue d'une sonorisation. On y entend quelques couplets, mais tout est surtout dit par un exemplaire commentaire musical de Chostakovitch, la meilleure partition qu'il ait jamais écrite pour un film et qui a été conçue pour s'allier à des bruits (machine à écrire, télégraphe, radio).

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Sergueï Iossifovitch Paradjanov

Sergueï Iossifovitch Paradjanov (en cyrillique russe : Сергей Иосифович Параджанов ; en arménien : Սարգիս Հովսեպի Պարաջանյան, Sarkis Paradjanian), né le 9 janvier 1924 à Tbilissi en République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, mort le 20 juillet 1990 à Erevan en RSS d'Arménie, est un réalisateur soviétique.

Il fut controversé en Union soviétique (astreint en 1973 aux travaux forcés pendant quatre ans, puis incarcéré à différentes reprises jusqu'en 1982), mais très défendu et apprécié par les cinéphiles occidentaux. Un musée lui est consacré à Erevan, en Arménie, où il est considéré comme le grand cinéaste national.

Biographie

Sans connaître la langue de ses ancêtres arméniens, ni leur pays, Paradjanov va graduellement s’éloigner de la grammaire soviétique pour élaborer une œuvre cinématographique en prise directe avec les traditions des régions où il tourne (Ukraine, Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie). Artiste pluriethnique, musicien, plasticien, peintre, il doit en partie sa tournure d’esprit au fait que son père, Iossif Paradjanian, était antiquaire. Un contact précoce avec les objets d’art a façonné son imaginaire et son goût pour les collections. Il a inspiré sa pratique passionnée des collages, qui tiennent à la fois de l’art conceptuel et du folklore naïf ; des films compressés en quelque sorte, que Paradjanov bricolait lorsqu’il ne pouvait pas tourner (en prison notamment). Sa vie et son art étaient mêlés. Sa maison familiale de Tbilissi, ouverte aux hôtes de passage, était un grand capharnaüm où s’entassaient décors, costumes et objets d’art hétéroclites.

Paradjanov est issu de l’une des plus grandes écoles de cinéma du monde, le VGIK de Moscou, dans laquelle il entre en 1945 et où il étudie dans la classe d'Igor Savtchenko. Un de ses professeurs est Alexandre Dovjenko.

En 1954, il réalise son premier long métrage Andriesh, adapté du conte d'Emilian Radu Bucov. Paradjanov émigre ensuite à Kiev où il tourne plusieurs documentaires (Doumka, Les Mains d'or, Natalia Oujvy).

En 1964 et 1968, Paradjanov réalise deux des chefs-d'œuvre cinématographiques du XXe siècle : Les Chevaux de feu et Sayat-Nova.

Vie privée

En 1950, Paradjanov se marie avec Nigyar Kerimova, à Moscou. D'origine musulmane tatare, elle se convertit à la religion orthodoxe pour l'épouser. Elle sera plus tard assassinée par des parents qui ne lui ont pas pardonné cette conversion. Lorsqu'il s'installe à Kiev, il apprend l'ukrainien et se remarie avec Svetlana Ivanovna Cherbatiouk en 1956. Elle lui donnera un fils (Suren, 1958).

Filmographie commentée et censure soviétique

Les Chevaux de feu

Les Chevaux de feu (Тіні забутих предків) est réalisé en 1964. C'est la version courte des Ombres des ancêtres oubliés. Tiré de l’œuvre de Mikhaïl Kotzioubinski, ce conte met en scène des bergers et bûcherons des Carpates ukrainiennes. Douze chapitres retracent la vie tragique d'Ivan, paysan accablé par le destin, mis au ban de sa communauté. En 1991, on attribue à Paradjanov le prix national Taras Chevtchenko pour ce film à titre posthume.

Sayat-Nova

En 1968, il réalise Sayat Nova. Le film sera également censuré. Sayat Nova (La Couleur de la grenade), est inspiré de la vie d’un poète arménien mort en Géorgie. Au lieu d’un récit linéaire, le cinéaste, à la fois structuraliste et traditionaliste, opte pour une série de tableaux vivants représentant des moments clés de la vie du poète. Paradjanov déclare : « Il m’a semblé qu’une image statique, au cinéma, peut avoir une profondeur, telle une miniature, une plastique, une dynamique internes… »

« Immense mulquinier (ou tisserand) d'images, comme Sarkis Paradjanian (dit Sergueï Paradjanov) a été bateleur d'images. Son film allégorique, demeurera comme une vraie clef pour la compréhension de l'œuvre du troubadour. Tous deux parlent autrement, par figures, et c'est là, toute la force de leur création temporelle sur l'agora de leur temps et de tous les temps », selon les traducteurs français.

Ses films singuliers sont souvent influencés par la diversité ethnique de sa région natale, le Caucase, et mêlent réalité sociale, folklore, légendes et chamanisme. Ses premières œuvres, tournées en Ukraine (et inédites en France), sont assez proches du réalisme socialiste (comme Le Premier gars, amourettes champêtres dans un kolkhoze) jusqu'à la rupture des Chevaux de feu en 1965. Découvert dans les festivals internationaux avec ce film, Paradjanov sera pour l’Occident le premier symbole officiel de l’oppression des artistes soviétiques (Tarkovski en sera un autre).

Victime de la censure soviétique

Ce chef-d’œuvre est désavoué par les autorités de Moscou parce qu’il est tourné en dialecte houtsoul (des Carpates ukrainiennes) et non doublé en russe. C'est une des raisons pour lesquelles, certains historiens du cinéma le considéreront comme un exemple de cinéma ukrainien. Il est également désavoué par le cinéaste lui-même parce qu’on l’a raccourci contre son gré, mais aussi parce qu’il ne correspond pas au cinéma non narratif auquel il aspire.
Si cet artiste hors catégorie jouit alors d’une certaine notoriété, c'est moins pour son œuvre que pour son statut politique. En décembre 1973, les autorités soviétiques le condamnent à cinq ans de travaux forcés. Paradjanov fait la une des journaux lorsqu’il est incarcéré en Ukraine en 1974 pour « commerce illicite d’objets d’art, homosexualité et agression sur la personne d’un fils de dignitaire du régime », les médias, les comités se mobilisent (en France, Yves Saint Laurent, Françoise Sagan, et surtout Louis Aragon, montent au créneau). Le pouvoir reproche implicitement au cinéaste de promouvoir le nationalisme. À l’époque, il a déjà tourné l’essentiel de son œuvre : six longs métrages. Il est incarcéré pendant quatre ans.

Au sortir de sa détention, il réalise des collages et produit un grand nombre de dessins abstraits. Mais il sera à nouveau incarcéré. Ses divers séjours en prison s’achèvent en 1982. Il en revient malade (diabétique, cancéreux). Mais soutenu par plusieurs intellectuels géorgiens, il réussit à tourner deux films.

La Légende de la forteresse de Souram (1985)

Le film est tiré d’une nouvelle du Géorgien Daniel Chonkadzé selon laquelle une forteresse ne peut être sauvée de la ruine que si un homme y est emmuré. Le film est tourné en plans larges fixes et frontaux.

Achik Kérib (1988) ou le conte d'un poète amoureux

Article détaillé : Achik Kérib, conte d'un poète amoureux.

Le film s'inspire d’une nouvelle du poète russe Mikhaïl Lermontov, rappelle les contes des Mille et une nuits : un jeune troubadour pauvre tombe amoureux de la jolie fille d'un riche marchand. Pour pouvoir l’épouser il décide de faire fortune en parcourant le monde... Paradjanov dédiera ce film à son grand ami le cinéaste Andreï Tarkovski.

Pour Paradjanov, l’essentiel n’était pas la narration, mais la vision, l’image. En effet, il s'agit comme chez Pier Paolo Pasolini d'un cinéma de poésie selon la formule de Pasolini lui-même. En cela Paradjanov demeure influencé par le cinéma de Pasolini. Il disait s’inspirer souvent de ses rêves et ne faisait pas de distinction entre un tableau et un film. Il avait à peine commencé le tournage de La Confession, une allégorie ouvertement politique et polémique, quand il meurt d'un cancer à l'âge de 66 ans. Les quelques plans qu'il a réussi à tourner seront inclus dans le film Paradjanov : Le Dernier Printemps, réalisé par son proche ami Mikhaïl Vartanov en 1992.

Le scandale Paradjanov

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Andreï Tarkovski

Andreï Arsenievitch Tarkovski (en russe : Андрей Арсеньевич Тарковский [ɐnˈdrʲej ɐrˈsʲenʲjɪvʲɪtɕ tɐrˈkofskʲɪj]1) est un réalisateur, scénariste et écrivain soviéto-franco-italien né le 4 avril 1932 à Zavrajié dans le raïon de Iouriévets (ru) en URSS (actuellement raïon de Kady (ru), oblast d'Ivanovo en Russie) et mort le 29 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine en France d'un cancer du poumon.

Considéré comme un des plus grands réalisateurs soviétiques, il a réalisé sept longs-métrages qui le placent parmi les maîtres du septième art. Son premier film, L'Enfance d'Ivan (1962), est vu comme le signe d'un renouveau du cinéma soviétique. Mais Tarkovski s'éloigne dès le film suivant, Andreï Roublev (1966), de toute considération politique pro-soviétique, ce qui le fera se confronter à la censure avec ses quatre films suivants. Il choisit à la fin des années 1970 de quitter l'URSS pour réaliser ses deux derniers films à l'étranger, Nostalghia (1983) et Le Sacrifice (1986) car les organes soviétiques de cinéma ne lui permettent plus de financer ses films.

Il est récompensé dès son premier long-métrage du Lion d'or à la Mostra de Venise 1962, pour L'Enfance d'Ivan. À leur sortie, ses films sont des succès critiques, mais peinent à trouver leur public. Ils rencontrent néanmoins le succès lorsqu'ils sont de nouveau autorisés en URSS lors de la perestroïka. En 1986, il obtient le grand prix du jury à Cannes pour Le Sacrifice.

Son oeuvre, exigeante et empreinte de mysticisme, convoquent plusieurs thématiques, comme l'enfance, l'histoire russe, le quotidien, ou encore le rapport à la terre et aux éléments naturels. Ses films, qu'il s'agisse de Stalker (1979) ou de Le Miroir (1975) sont considérés comme des classiques.

Enfance et formation

Fils du poète Arseni Tarkovski et de Maria Vichniakova, correctrice (qui jouera son propre rôle dans Le Miroir), Andreï Tarkovski évolue dans un milieu qui le pousse à s'intéresser aux arts. « Sa mère avait senti en lui un tempérament artistique » affirmera sa femme Larissa Tarkovskaïa. Sa sœur, Marina, naît en 1934.

Son père quitte le foyer familial en 1935. L'existence d'Andreï Tarkovski se partage alors entre un appartement communautaire à Moscou et la maison de campagne de son grand-père, où son père a laissé de nombreux objets et poèmes qu'Andreï lit dans son adolescence.

En 1943, il suit les cours au lycée de Moscou et étudie aussi la musique et la peinture. En 1947, il doit faire un séjour en sanatorium après avoir contracté la tuberculose. Il étudie ensuite l'arabe à l'institut des langues orientales de Moscou entre 1951 et 1954, et part en Sibérie étudier la géologie.

Tarkovski se marie en avril 1957 avec Irma Raush, une camarade de cours du VGIK qui sera actrice et tiendra notamment le rôle de l'innocente muette dans Andreï Roublev. Ils ont un fils, Arseni, né en 1962, qui deviendra médecin. Le couple se sépare en juin 1970.

Il intègre le VGIK (Institut fédéral d'État du cinéma) à Moscou en 1956 où il suit les enseignements de Mikhaïl Romm.

Premières armes au cinéma

C'est à partir de là qu'il met en scène son premier court métrage : Les Tueurs, adapté de la nouvelle d'Ernest Hemingway. En 1960, il réalise son film de fin d’études Le Rouleau compresseur et le violon, un moyen-métrage pour enfants en couleurs dont le scénario a été écrit avec Andreï Kontchalovski.

Son premier long-métrage L'Enfance d'Ivan le rend célèbre sur la scène internationale grâce à l'obtention du Lion d'or à la Mostra de Venise en 1962 et sept prix internationaux. Il voyage aux États-Unis et en Italie. Le film est défendu par Jean-Paul Sartre face aux critiques des communistes italiens. L'Enfance d'Ivan annonce un renouveau dans le cinéma soviétique, et permet enfin un détachement avec le réalisme socialiste et l'arrivée de nouveaux auteurs.

Premiers films et ennuis avec la censure soviétique

Tarkovski présente Andreï Roublev au festival de Cannes en 1969. Il a mis quatre ans à réaliser ce film, dont le scénario a été écrit avec Andreï Kontchalovski. L'imprégnation de culture ancienne russe, les allusions politiques et la non-conformité aux idéaux soviétiques déplaisent à la Goskino, à Leonid Brejnev et à la censure, ce qui entraîne un remaniement du montage et une certaine mise au ban du réalisateur dont les projets sont refusés jusqu'en 1972.

Il se remarie en 1970 avec Larissa Egorkina, rencontrée sur le tournage de Andreï Roublev. Ils s'installent la même année dans une maison de campagne à 300 kilomètres de Moscou, qui sera la datcha du film Le Miroir. Le réalisateur y commence l'écriture de son Journal, poursuivie presque quotidiennement jusqu'à sa mort, et qu'il accompagne de dessins et de projets. Son second fils, Andreï Jr., naît dans les mois qui suivent.

En 1971, il écrit avec Gorenstein le scénario d'Ariel (Vent clair).

En 1972, il obtient le grand prix spécial du jury du festival de Cannes pour Solaris malgré les 48 coupures imposées par la censure soviétique (Goskino (Госкино)). Ce film, souvent considéré comme le pendant soviétique de 2001, l'Odyssée de l'espace de Stanley Kubrick, obtient un retentissement conséquent. Pourtant, à la fin de sa vie, Tarkovski déclare que c'est le film qu'il aime le moins, à cause des « gadgets pseudo-scientifiques dans le film. Les stations orbitales, les appareils, tout cela m'agace profondément. Les trucs modernes et technologiques sont pour moi des symboles de l'erreur de l'homme ».

Mug shot d'Andreï Tarkovski, pris en août 1985 au camp de réfugiés de Latina (Italie).

Le Miroir, sorti en 1975, intègre dans son récit des épisodes de sa propre enfance ainsi que des poèmes de son père. Son contentieux avec les autorités soviétiques, qui le jugent trop avant-gardiste, éclate à nouveau au grand jour quand celles-ci déprogramment le film du festival de Moscou. Il sera néanmoins projeté devant un comité réduit, sous la pression de Michelangelo Antonioni.

La situation force Tarkovski à émigrer pour trouver d'autres ressources financières, artistiques et professionnelles. Il achève néanmoins en URSS la réalisation de Stalker d'après un roman des frères Strougatski.

Départ de l'URSS

Après plusieurs voyages en Italie, en Suède ainsi qu'au Royaume-Uni où il monte Boris Goudonov, l'opéra de Moussorgski, il décide finalement de revenir en URSS en 1981 afin de retrouver Larissa, son épouse et Andreï Jr., leur fils. Tarkovski quitte définitivement son pays l'année suivante pour s'établir en Italie où il tourne Nostalghia, écrit avec Tonino Guerra, le scénariste de Michelangelo Antonioni, un film largement autobiographique sur la nostalgie que peuvent éprouver les Russes très attachés à leurs racines.

Mosfilm empêche son fils Andriouchka, sa femme Larissa et leur chien Dakus de le rejoindre de crainte qu'ils ne retournent pas en Union soviétique. Tarkovski est finalement rejoint quelques années plus tard par sa femme en Italie. À Cannes, en mai 1983, il reçoit des mains d'Orson Welles le prix du cinéma de création pour Nostalghia, ex-aequo avec L'Argent de Robert Bresson.

Enfin, Ingmar Bergman invite Tarkovski à tourner Le Sacrifice sur l'île de Fårö où il habite. En décembre 1985, alors qu'il monte ce film, un cancer du poumon lui est diagnostiqué. Cette maladie a déjà tué en 1982 Anatoli Solonitsyne, l'un de ses acteurs fétiches. Des amis français, dont l'actrice Marina Vlady et son compagnon le chirurgien Léon Schwartzenberg, qui le soignera, accueillent le réalisateur à Paris. Il y est hospitalisé grâce à François Mitterrand et au maire de la ville, Jacques Chirac, qui lui offre un logement et des soins gratuits. Son fils Andreï reçoit l'autorisation de quitter l'URSS et le rejoint le 19 janvier 1986. Leurs retrouvailles sont filmées par Chris Marker. Il songe au scénario sur la Tentation de Saint-Antoine.

Tarkovski meurt des suites de son cancer le 29 décembre 1986 à Neuilly-sur-Seine. Le service funèbre est célébré à la cathédrale Saint-Alexandre-Nevsky de Paris pendant lequel le violoncelliste Mstislav Rostropovitch joue une Sarabande de Bach. Tarkovski est inhumé le 5 janvier 1987 au cimetière russe orthodoxe de Sainte-Geneviève-des-Bois aux côtés d'autres personnalités russes comme Ivan Bounine. Le monument funéraire en granit vert tropical du sculpteur Ernst Neïzvestny évoque le Golgotha et comporte sept étages, symbolisant les sept films de Tarkovski. Il est surmonté d'une croix orthodoxe réalisée à partir des croquis du réalisateur lui-même.

Analyse de l’œuvre

Rapport au cinéma soviétique

Après la mort de Sergueï Eisenstein en 1948, le cinéma soviétique est orphelin. Le jeune Tarkovski apparaît un temps comme l'homme du renouveau de ce cinéma soviétique, surtout à l'époque de déstalinisation, qui permettrait, dans l'esprit de certains intellectuels de cette époque, de revenir à l'effervescence cinématographique des années 1920, avant la glaciation stalinienne. Son court-métrage de fin d'études, Le Rouleau compresseur et le Violon, reprend le genre ultra-classique du cinéma pour enfants. Puis il reprend le projet L'Enfance d'Ivan, lancé par la Mosfilm, film de guerre tragique que la maison de production voudrait symbole d'une « nouvelle vague soviétique ». Malgré l'incompréhension que suscitent les scènes de rêve, le résultat est jugé satisfaisant par la censure. Il est donc présenté à Venise en 1962, caractérisé par Jean-Paul Sartre de nouvelle vague « surréaliste socialiste ».

Mais Tarkovski dépasse largement l'effort de « retour aux années 20 » ; il pousse plus loin et revient aux sources russes d'avant la Révolution de 1917. C'est justement cela qui gêne le plus la censure, d'Andreï Roublev jusqu'au Miroir, et qui le contraint à quitter l'URSS, bien plus que les allusions politiques, selon l'historien et critique de cinéma Antoine de Baecque.

Filmer la terre

La première scène de L'Enfance d'Ivan ainsi que la dernière du Sacrifice montrent un enfant au pied d'un arbre. De même, dans la sixième partie d'Andreï Roublev, le fondeur Boris suit du regard l'enchaînement naturel d'une racine jusqu'à l'arbre, puis revient à la terre. Le prologue de ce même film montre un homme s'envolant dans un ballon d'air chaud, mais la caméra ne regarde que le sol sous lui, et jamais le ciel. Antoine de Baecque note même que, dans Stalker, il n'y a que quatre plans dans lesquels on aperçoit le ciel. L'eau aussi, qu'elle soit mêlée à la terre pour former de la boue, ou sous forme de pluie, est aussi très présente dans les films du réalisateur : Jean Delmas affirme ainsi de Tarkovski qu'il est « le poète de l'eau lourde ».

Filmer le concret et le quotidien

L’œuvre de Tarkovski convoque souvent un arrière-plan philosophique, historique, voire théologique, d'où la réputation de « cinéma intellectuel ». Pourtant, les lettres de spectateurs et de nombreux analystes, notamment Michel Chion, montrent que les films de Tarkovski frappent avant-tout par leur caractère concret, de nombreux objets quotidiens imprégnant l'image. Michel Chion parle d'« hypersynesthésie » pour caractériser ces films.

L'enfance

La sensibilité de Tarkovski pour l'âme enfantine faite de mélanges des pensées rationnelles et magico-phénoménistes, est la marque de ses nombreuses références à des enfants dans ses films. Ivan, Boriska et Aliocha perçoivent le monde comme tout enfant peut l'appréhender. Ils sont heureux, malheureux, déçus par les adultes qu'ils idéalisent (Boriska dont le père est le détenteur avare d'un secret de fabrication) et finissent par se construire en adultes plus ou moins écorchés (Ivan). On peut ainsi faire le rapprochement avec Bergman souvent frappant, quelles différences entre les enfants des films de Tarkovski et Fanny et Alexandre par exemple ou encore Alexandre et Voula dans Paysage dans le brouillard d'Angelopoulos ?

Mysticisme

Postérité artistique

Son œuvre, teintée de mysticisme, est l'une des plus originales du cinéma du XXe siècle. Andreï Tarkovski est souvent considéré par la critique comme un des maîtres du septième art, à l'égal d’Ingmar Bergman, Orson Welles, Luis Buñuel, Akira Kurosawa, Kenji Mizoguchi, Robert Bresson, Michelangelo Antonioni ou Federico Fellini, Alexandre Dovjenko, Jean Vigo, Satyajit Ray (qui ont d'ailleurs tous été pour lui des modèles majeurs).

Le cinéma de Tarkovski est unanimement reconnu. Il a particulièrement influencé Nuri Bilge Ceylan dans son film Uzak, Sharunas Bartas, Alexandre Sokourov ainsi qu'Andreï Zviaguintsev et son film Le Bannissement.


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Andreï Petrovitch Zviaguintsev

Andreï Petrovitch Zviaguintsev (en russe : Андрей Петрович Звягинцев)

Réalisateur et scénariste russe né le 6 février 1964 à Novossibirsk, dans l'ancienne RSFS de Russie (URSS).

Extraits : LEVIATHAN - FAUTE D'AMOUR

Biographie

Dans son enfance, sa mère, Galina Alexandrovna travaille comme professeur de langue russe et de littérature. Son père Piotr Alexandrovitch1 est policier. Ce père quitte sa mère pour une autre femme quand il a cinq ans. Il n'a ensuite plus jamais eu de relations avec son père jusqu'à la mort de ce dernier.

D'abord acteur, il a étudié à l'institut de théâtre de Novossibirsk avec Lev Belov jusqu'en 1984, puis travaille à Moscou avec Evgueni Lazarev à l'Académie russe des arts du théâtre (GITIS). Après avoir terminé les cours de cette Académie, il ne poursuit pas dans le même domaine parce qu'il est déçu du fait que le théâtre cherche à créer un produit au lieu de s'occuper de l'aspect artistique des productions. Il écrit quelques récits, mais ne poursuit pas longtemps dans cette voie. Il se passionne pour le cinéma, grâce aux rétrospectives du Musée du cinéma de films de Jean-Luc Godard, Michelangelo Antonioni, Akira Kurosawa, Ingmar Bergman. Jusqu'en 1993 il travaille au service de l'entretien des espaces publics parce que cela lui donne droit à un appartement à proximité du Théâtre Maïakovski, dans une ancienne maison de nobles datant de 1825, avec une pièce de 50 mètres carré.

Il se révèle au grand public dès son premier long-métrage Le Retour, récompensé par le Lion d'or de la Mostra de Venise 2003, qui obtient un grand succès international.

Avec Le Bannissement, il accède à la sélection officielle du Festival de Cannes 2007 où son comédien Konstantin Lavronenko, déjà présent dans Le Retour, obtient le Prix d'interprétation masculine. Son drame Elena est récompensé par le Prix spécial du jury de la section Un certain regard au 64e Festival de Cannes.

Il revient en compétition officielle à Cannes en 2014 avec Léviathan qui reçoit le Prix du scénario. Le même film remporte le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère lors de la 72e cérémonie des Golden Globes.

Il est président du jury du festival Kinotavr 2014.

En 2015 il est président du jury du 18e Festival international du film de Shanghai.

En janvier 2016, il est l'objet d'une rétrospective spéciale à l'occasion du festival de cinéma Premiers plans d'Angers au cours de laquelle ses quatre longs-métrages sont projetés.

Lors du Festival de Cannes 2017 son film Faute d'amour remporte le prix du jury. L'année suivante il revient au Festival de Cannes, mais cette fois en tant que membre du jury, présidé par Cate Blanchett, aux côtés des actrices Léa Seydoux et Kristen Stewart, de la réalisatrice Ava DuVernay, de la chanteuse Khadja Nin, de l'acteur Chang Chen et des réalisateurs Robert Guédiguian et Denis Villeneuve.

Style : filiation tarkovskienne ?

La majorité des critiques français a détecté et mis en avant, dès la sortie du premier film de Zviaguintsev (Le Retour), en 2003, l'influence majeure jouée par Andreï Tarkovski sur l'œuvre du cinéaste. Marion Poirson-Dechonne, maître de conférence à l'Université Paul-Valéry-Montpellier analyse cette filiation tarkovskienne dans l'ouvrage collectif Cinéma russe contemporain, (r)évolutions.

De prime abord qu'est-ce qui rapproche les deux réalisateurs se demande Marion Poirson-Dechonne ? Zviaguintsev filme peu la ville et préfère comme Tarkovski magnifier la nature, les lacs, les îles, les paysages sauvages. Comme lui, il dépeint des personnages fragiles : les deux fils dans Le Retour, les enfants d'Elena, le fils Roma qui perd sa mère dans Léviathan. Les films de ces deux réalisateurs sont exempts de légèreté, toujours lourds de signification.

Leurs intentions peuvent-elles pour autant coïncider ? Les films de Tarkovski prennent place dans l'Union soviétique en se démarquant du réalisme socialiste, comme ceux de Nikita Mikhalkov et de quelques autres. Le cinéma de Zviaguintsev, par contre, se situe dans la Fédération de Russie, un regroupement d'États soumis à tension entre idéologie politique et libéralisme économique. Par ailleurs les deux auteurs sont encensés en Occident et critiqués dans leur propre pays.

Références bibliques

Comme ceux de Tarkovski, les films de Zviaguintsev font de multiples références aux textes de la Bible et au sacré : la perspective du corps du père dans Le Retour, semblable à celle de La Lamentation sur le Christ mort d'Andrea Mantegna ; la dimension temporelle du Banissement qui rappelle la Genèse en s'inscrivant jour après jour de manière implacable dans une seule semaine ; la pluie incessante dans ce même film qui rappelle le Déluge.

Le film Léviathan reprend lui ouvertement le motif biblique du Livre de Job (chapitre 3:8, 40:25, 41:1), des Psaumes (74:14, 104:26) et d'Isaïe (27-1) : un monstre marin en conflit avec Dieu. La mâchoire des engins de chantiers qui viennent dévorer la maison de Kolia est le symbole de ce monstre marin de la Bible. Aux chapitres 38 à 42 du Livre de Job, Dieu répond aux questions de Job qu'il partage le monde avec de nombreuses créatures puissantes et remarquables, parmi lesquelles Béhémoth et le Léviathan, chacune ayant sa vie et ses besoins, auxquels Dieu doit pourvoir.

Longs plans-séquences, couleurs, son

Comme son prédécesseur Zviaguinsev aime les longs plans-séquences. Il les tourne hors des lieux trop connus pour échapper aux stéréotypes. Le Bannissement est tourné en partie en Moldavie, en France, en Belgique. Léviathan est tourné en grande partie sur la péninsule de Kola. Les films se passant davantage en intérieur comme Eléna ou Faute d'amour sont tout autant d'une grande beauté plastique grâce au travail sur le cadre et la couleur et aux plans tableaux extrêmement lents qui captivent le spectateur. Comme chez Tarkovski l'écriture est contemplation. Le silence lui-même est au service de cette contemplation.

Dans plusieurs films de Zviaguintsev, la musique est de Philip Glass précurseur en matière de musique minimaliste.

Le mystère

Marion Poirson-Dechonne retrouve chez Zviaguintsev le rôle fondamental du mystère omniprésent dans le cinéma de Tarkovski. Le récit procède par métaphores, énigmes, paraboles, lacunes et non-dits. Dans le premier film, Le Retour le silence occupe une place importante. Les deux garçons parlent peu. Dans Le Bannissement, le mystère d'une brouille familiale est à l'origine de l'attitude du personnage principal, Alex, incapable de la moindre communication envers sa femme Véra. Dans Elena comment Vladimir s'est-il enrichi ? La mort des personnages vient clore les éclaircissements qu'ils auraient pu apporter. L'écriture de Zviaguintsev repose sur l'ellipse, le mystère. Ce mystère a aussi un sens religieux et fait partie de la théologie chrétienne, souligne M.Poirson-Dechonne.

Dans Leviathan, l'évêque orthodoxe invoque dans un long prêche des vérités éternelles pour couvrir sa complicité terrestre avec la cupidité criminelle du maire. Incapable de pardon envers sa femme, le personnage principal est broyé par le complot de ces autorités qui incarnent la toute puissance du mal dans la Russie de Poutine. La musique de Philip Glass et la photographie de la mer de Barents du chef opérateur Mikhaïl Kritchman soulignent la marche lente de l'histoire vers son dénouement tragique. En dénonçant vigoureusement la réalité sociale, politique et religieuse en Russie, le réalisateur s'éloigne de Tarkovski. Ce dernier présentait de telles critiques de manière plus métaphorique.

Spiritualité

L'univers des films de Zviaguintsev est sombre et ne laisse pas de place à l'espérance. Les personnages sont désespérés et aucun acte de foi ne vient les sauver. Les éléments comme l'eau et le feu n'ont pas de fonction purificatrice comme chez Tarkovski. Même le traitement de la nature semble vidé de signification spirituelle contrairement à celui de Tarkovski.

À l'opposé de Tarkovski encore, l'utilisation des icônes est critique chez Zviaguintsev et perd toute vocation spirituelle parce que celles-ci sont associées au pouvoir matériel et politique. Les maximes des Béatitudes telles que « Heureux les pauvres d'esprit » ou «Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés », ne trouvent pas d'écho chez Zviaguintsev comme elles en trouvaient chez Tarkovski. Ni non plus les paroles de Saint-Paul dans la Deuxième épître aux Corinthiens (12-10) dont le film de Tarkovski Stalker semblait faire écho dans un de ses monologues : « C'est pourquoi je me plais dans la faiblesse, dans les outrages , dans les privations, dans les persécutions, dans les angoisses, pour Christ ; en effet quand je suis faible, c'est alors que je suis fort ».

Rêve et mémoire

La mémoire et le passé nourrissent l'existence spirituelle des personnages de Tarkovski. Chez Zviaguintsev le rêve est absent, la mémoire également. Seules quelques photos sont là plutôt pour évoquer la difficulté de suture entre passé et présent. Dans Le Retour, les enfants tentent de faire coïncider l'image actuelle de leur père avec une ancienne photographie. Cette scène souligne le décalage entre passé et présent. Dans Elena les photos rendent présente la famille absente de l'appartement de Vladimir. Pour M. Poirson-Dechonne c'est peut-être dans l'absence de rêve et de mémoire et dans la liaison difficile entre passé et présent chez Zviaguintsev que réside la véritable rupture entre les deux cinéastes.

Iconoclasme de Zviagintsev

Contrairement au traitement spiritualiste des images chez Tarkovski, leur utilisation par Zviaguintsev est critique. Elles sont contaminées chez lui par la propriété, le pouvoir matériel. Les images religieuses sont ainsi récupérées et privées de leur signification spirituelle.

Vision plus personnelle

Les deux premiers films de Zviaguintsev le faisaient apparaître comme un héritier de Tarkovski (Le Retour et Le Banissement ). Les derniers (Elena, Leviathan, Faute d'amour) le montrent s'orientant vers une vision plus personnelle de son art. Il fait un tableau sans concession de la société russe actuelle, mais les temps ont changé depuis la mort de Tarkovski en 1986. La religion revient en force en Russie, associée cette fois au pouvoir, alliée à lui comme à l'époque des Tsars. Dans Leviathan on en voit une face fort sombre à laquelle Zviaguintsev s'attaque avec véhémence.

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             IV - LES débuts DU PARLANT

Chantons sous la pluie

Le chanteur de Jazz  (The Jazz Singer) est un film musical américain réalisé par Alan Crosland, sorti en 1927.

Il est communément considéré comme le premier film parlant, plusieurs scènes chantées et un monologue étant insérés au milieu des scènes muettes (qui restent cependant les plus nombreuses). Mais c'est un film sonore.

Synopsis

Le chanteur Rabinowitz furieux a trouvé son fils Jakie en train de chanter dans un bar, et l’a chassé du foyer familial.

Quelques années plus tard, Jakie est chanteur de jazz dans un night-club et se fait appeler Jack Robin. Il est remarqué par l’actrice Mary Dale, qui se propose de l'aider à faire carrière.

Et en effet, Jakie est propulsé sur les scènes de Broadway pour y faire un nouveau spectacle, un spectacle qui ferait de lui à coup sûr la nouvelle vedette de la chanson sous les traits d'un blackface. Mais le concert tombe le soir de Yom Kippour, et le père de Jakie, très malade, est incapable de chanter à la synagogue. Sa mère et un voisin essaient de convaincre Jakie de renoncer à son show et participer à la célébration. Incapable de résister, il se précipite à la synagogue pour y chanter le Kol Nidre, la prière traditionnelle. Son père meurt dans la joie. Quelques années plus tard, Jakie est de nouveau sur les planches et obtient un immense succès, sous le regard de sa mère.

 

La révolution du film sonore

Un aspect traité dans « Chantons sous la pluie » de Stanley Donen et Gene Kelly.

Sorti en 1952. Il dépeint joyeusement le Hollywood des années 1920 et la transition du film muet au film parlant à travers le parcours de trois artistes interprétés par Gene KellyDebbie Reynolds et Donald O'Connor.

Le film connaît un succès modeste à sa sortie. Donald O'Connor remporte le prix du meilleur acteur aux Golden Globes et les deux scénaristes Betty Comden et Adolph Green un prix aux Writers Guild of America Awards. Ce n'est que plus tard qu'on lui reconnaît son statut de monument du cinéma. Ce film est aujourd'hui classé première plus grande comédie musicale du cinéma par l'American Film Institute.

Final (en VF)

 

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                 V - HOLLYWOOD

 

Le western américain

 John Ford

 John Huston

 Frank Capra

 Elia Kazan

 Douglas Sirk

 Orson Welles

 Charles Laughton

 Dalton Trumbo

 Billy Wilder

 

Une production type du cinéma hollywoodien : « Autant en emporte le vent » (Extrait). Un film américain de Victor Fleming réalisé en 19391, adapté du roman du même nom de Margaret Mitchell paru en 19362. Il sort en salles en 1939 aux États-Unis, et au cours des deux décennies suivantes dans le reste du monde, sa sortie en Europe ayant été retardée par la Seconde Guerre mondiale.

Avec pour acteurs principaux Clark Gable et Vivien Leigh, le film raconte l'histoire de la jeune Scarlett O'Hara et de Rhett Butler, des sudistes, sur fond de guerre de Sécession. Il met également en vedette les acteurs Leslie Howard et Olivia de Havilland.

Écrit par le scénariste Sidney Howard et réécrit dans l'urgence, notamment par Ben Hecht, le film a reçu huit Oscars dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur. Il permet également à l’actrice Hattie McDaniel d’être la première interprète afro-américaine à recevoir un Oscar, celui de la meilleure actrice dans un second rôle.

En 1998, Autant en emporte le vent est considéré par l'American Film Institute comme le quatrième meilleur film américain de l'histoire du cinéma dans la catégorie « films épiques ». Considéré comme l'un des meilleurs films de tous les temps, il est élu film préféré des Américains dans un sondage de 2 279 adultes entrepris par Harris Interactive en 2008, et de nouveau dans un autre de 2 276 adultes en 2014. En France, il figure en sixième position au palmarès des films les plus vus.

Le film est considéré comme un des plus gros succès de l'histoire du cinéma ; en 2020, ses recettes sont estimées à plus de 3,44 milliards de dollars en tenant compte de l'inflation. Mais en 2020 aussi, des voix se sont élevées pour interdire ce film comte tenu de son racisme, contre lequel on s'indigne face à la montée des violences policières envers les noirs particulièrement. N'est ce pas se voiler la face quand pratiquement tout le monde a adoré les premiers albums d'Hergé avec "Tintin au Congo" qu'il faudrait donc interdire ?

 

Insupportable Scarlett comme on peut le voir dans l'extrait proposé ! D'autres productions aujourd'hui ont heureusement un autre regard sur les sudistes et surtout les nordistes assez sanguinaires et inhumains, comme nous le montre Clint Eastwood dans"  José Wales hors la loi".

 

 

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Billy Wilder

Billy Wilder est l'une des figures les plus importantes du cinéma américain du XXe siècle, notamment des années 1950 et 1960. Quatre de ses films sont présents dans le Top 100 de l'American Film Institute, tout comme pour Alfred Hitchcock et Stanley Kubrick. Il a dirigé quatorze acteurs différents ayant été nommés pour leur performance aux Oscars. Dans le classement du magazine Sight & Sound, il figure à la septième place des plus grands réalisateurs1. Billy Wilder a obtenu l'AFI Life Achievement Award en 1986, prix remis par l'American Film Institute une fois par an à un acteur ou un réalisateur ayant accompli une carrière remarquable.

Sunset Boulevard

Boulevard du crépuscule (Sunset Boulevard ou Sunset Blvd) est un film noir américain, réalisé et coécrit par Billy Wilder, sorti sur les écrans en 1950, mêlant drame et humour noir. Il tire son nom du célèbre Sunset Boulevard, qui traverse Los Angeles et Beverly Hills, bordé de villas de vedettes hollywoodiennes.

William Holden interprète le scénariste malchanceux Joe Gillis, et Gloria Swanson incarne Norma Desmond, une ancienne vedette du cinéma muet (comme elle), qui parvient à enfermer Gillis dans sa vie dominée par le fantasme d’un retour triomphant à l’écran. Erich von Stroheim, Nancy Olson, Fred Clark, Lloyd Gough et Jack Webb apparaissent dans des seconds rôles. Le réalisateur Cecil B. DeMille et la journaliste à scandales Hedda Hopper jouent leurs propres rôles, tandis qu’on peut voir une apparition fugace de vieilles stars du muet : Buster Keaton, H. B. Warner et Anna Q. Nilsson.

Apprécié par la critique américaine à sa sortie, Boulevard du crépuscule obtient onze nominations aux Oscars du cinéma, et en remporte trois. Considéré depuis comme un classique, le film est parfois cité parmi les chefs-d’œuvre du cinéma américain. C’est ainsi qu’il a été considéré comme « culturellement significatif » par la Bibliothèque du Congrès en 1989 qui l’a inclus dans sa première sélection de films pour faire partie du National Film Registry et y être restauré. L’American Film Institute l’a, en outre, placé en douzième place de son Top 100, en 1998, puis en seizième place dans celui de 2007. Extrait : Final

 

Générique

Année : 1950  Pays : États-Unis  Genres : Drame, Film-Noir - Réalisé par : Billy Wilder  Avec : William Holden, Gloria Swanson, Studios de production : Paramount Pictures

  Joe Gillis, scénariste fauché, est relancé une fois de plus par ses créanciers. Deux gros bras lui réclament sa voiture qu'il déclare ne plus avoir en sa possession, avant de partir la récupérer discrètement pour la mettre en lieu sûr. Sur sa route, il recroise les deux brutes et une poursuite s’engage. Pour leur échapper il se cache sur une petite route et y découvre une immense demeure décrépie. Quelqu’un le hèle de l’intérieur, il semblerait qu’on l’attend...

Analyse et critique

Quand Norma Desmond dit à celui qu’elle croit être le fossoyeur qu’elle désespère de voir arriver : « Enfin vous voilà ! Pourquoi m’avez-vous fait attendre si longtemps ? », c’est bel et bien, sans le savoir, au scénariste qu’elle a en face d’elle et même au cinéma tout entier qu’elle s’adresse. Norma est une star. Une star du muet qui fut adulée et chérie et qui, avec l’arrivée du parlant, est brutalement tombée en désuétude. « Je vous reconnais, vous étiez une grande » ; « Je SUIS une grande, ce sont les films qui sont devenus petits. » Norma vit dans l’illusion de sa gloire perdue, dans un monde tout entier figé en cette époque bénie où elle recevait des milliers de lettres de fans par semaine. Joe Gillis, scénariste arriviste et corrompu, abusera de sa confiance et profitera de la situation en aidant Norma à préparer son "come-back".

Considéré dès l’écriture comme traitant d’un sujet brûlant, le script de Sunset Boulevard fut distribué aux différents intervenants avec une mention spécifiant bien la nécessité de tenir secret le contenu du scénario. Billy Wilder avait raison, Sunset Boulevard sera très mal reçu par la profession. Il faut dire que Wilder dresse un portrait terrible de l’industrie cinématographique. Hollywood fabrique des vedettes, il fait d’individus des monstres aux égos boursouflés, les exploite et les oublie. Joe Gillis (incarnation de cet Hollywood sans morale) traitera Norma avec mépris jusqu’à ce qu’il saisisse comment tirer profit de la situation dans laquelle le hasard l’a plongé. Film sur la célébrité et ses dérives, violent pamphlet contre la puissante machine hollywoodienne, Sunset Boulevard porte également un regard plein de tendresse sur le cinéma et sa magie. Le retour de Norma aux studios Paramount pour y rencontrer Cecil B. DeMille (sur le tournage réel de Samson et Dalila) permet d’ailleurs au cinéaste de signer l'une des plus belles séquences du film : Norma y sera reconnue par les siens, ceux qui font le cinéma, les techniciens et figurants des studios, ces petites mains sur lesquelles Wilder porte un regard plein d’une bienveillante affection.

Cette subtile alchimie de tons (version emphatique de ce que seront plus tard des films plus nuancés tel La Garçonnière où, là non plus, le rire n’est jamais très loin des larmes) se retrouve dans le jeu grandiloquent de Gloria Swanson. On est ébloui par son incroyable présence à l’écran. Ses éclats de colère, sa détermination sans faille et sa fragilité font de sa prestation l'une des plus belles performances d’acteur de l’histoire du cinéma. Cette star imaginaire à la personnalité baroque est aujourd’hui une véritable icône et représente à jamais à nos yeux de cinéphile l’image même de la "Diva". Gloria Swanson fut véritablement une des idoles du muet. Contrairement à Norma Desmond, elle survécut au passage à l’ère du parlant, tournant même dans une comédie musicale, mais disparut tout de même des écrans quelques années plus tard. Sunset Boulevard marqua en 1950 son retour au cinéma dans un premier rôle pour une performance absolument inoubliable.

S’il faut saluer la performance de Gloria Swanson, il faut également louer l’intégralité d’un casting particulièrement bien choisi. Erich Von Stroheim hésita longuement avant d’accepter le rôle de Max qui offrait, tout de même, de tragiques résonances à ce qu’avaient été son parcours et sa vie. Lui qui fut l’un des plus brillants réalisateurs des années 20 et offrit au cinéma quelques-uns de ses plus grands chefs-d’œuvre (il dirigea d’ailleurs Gloria Swanson dans Queen Kelly en 1929) fut rejeté par Hollywood à force de dépassement de planning et de budget (Foolish Wifes coûta plus d’un million de dollars, ce qui en 1922 était absolument faramineux). En 1950 il n’était plus qu’un second rôle au visage connu, un faire-valoir de luxe. Wilder lui rendra l’un des plus émouvants hommages d’un réalisateur à l’un de ses pairs en le replaçant à nouveau, le temps de la dernière séquence du film, derrière une caméra. Von Stroheim, revenu exprès d’Europe aux Etats-Unis pour y tourner le film, retournera définitivement finir ses jours en France après le tournage.

On le voit, le film tisse habilement des parallèles entre pure fiction et matériau historique, et si cette spécificité du film lui confère un aspect particulièrement jouissif (comme une sorte de connivence entre le film et le spectateur "initié", l’essentiel de sa beauté n’est pas là. Nul besoin en effet de connaître la biographie de Von Stroheim ou celle de Gloria Swanson pour éprouver du plaisir à la vision de ce chef-d’œuvre. Le scénario d’une richesse infinie ménage de formidables rebondissements, les dialogues étincelants fourmillent de répliques cultes et cet incroyable mélange de tonalités entre rires, larmes et compassion fait du script de Sunset Boulevard un bijou à l’éclat inégalé. Ce mélange des genres (film sur la folie ? film sur le cinéma ? film noir ?), cette atmosphère mortifère teintée de fantastique, l'inventivité de la mise en scène, la qualité globale d’une production en tous points irréprochable et la sublime prestation de Gloria Swanson font définitivement de Boulevard du crépuscule un chef-d’œuvre absolu.

Voir aussi "Certains l'aiment chaud" de Billy Wider (Cinéma burlesque et comique)

 

 

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Le western américain :

John Ford :  "La chevauché fantastique" . La Grande Dépression de 1929 a paradoxalement propulsé les grands studios dans l'âge d'or d'Hollywood. La période classique du western est souvent identifiée comme s'étalant des années 1930 aux années 1950. C'est La Chevauchée fantastique (1939) de John Ford qui fera définitivement sortir le genre de la série B. Le film inaugure l'ère de prospérité du western, qui atteindra son apogée durant les années 1950.

Durant ces années, le western est un genre dominant du cinéma américain. Plusieurs acteurs ont connu la gloire ou tout simplement lancé leur carrière grâce à lui : Gary Cooper ou John Wayne. Certains, comme Karl Malden ou Lee Marvin y incarnèrent avec succès de sordides crapules. D'autres s'illustrèrent dans des seconds rôles dont l'importance n'est pas moindre, tels que Walter Brennan ou Andy Devine. Pour les grands acteurs comme pour les réalisateurs, le western constituait alors *.

L'élément caractéristique du western classique est le manichéisme exacerbé avec lequel est dépeint l'Ouest, et par là le schéma plus général « des bons et des méchants » qu'il véhicule. Les personnages sont stéréotypés, du héros sans travers au bandit sans foi ni loi. Les Indiens sont considérés comme des « sauvages » ennemis de la civilisation* et font pendant longtemps partie du camp des mauvais (La Chevauchée fantastique, 1939). L'armée américaine est quant à elle valeureuse et bienfaisante (La Charge héroïque, 1949, Rio Grande, 1950). Les femmes sont toujours des êtres distingués et protégés (La Poursuite infernale, 1946 ). Ce manichéisme apparent est souvent l'articulation de l'action : le bon shérif contre les bandits (Règlements de comptes à OK Corral, 1957, Rio BravoLe train sifflera trois fois), les cultivateurs contre les éleveurs (L'Homme des vallées perdues, 1953), les gens de la ville contre ceux du cru, l'homme de loi contre le shérif véreux, etc. Il met en scène des types d'histoires et de valeurs universelles, ce qui a contribué à populariser le genre dans le monde entier.

* Les westerns ont été incontestablement des outils de propagande, tout autant que les films produits sous le régime soviétique - Curieusement, "ON" a vomi sur ces derniers, par sur les premiers. l'objectif étant de préserver  l'image du "rêve américain" vis à vis de l'Europe : "justifier, pour laisser la place aux pauvres colons qui voulaient s'enrichir,  l'élimination pure et simple du peuple indien qui a fait des millions de morts au nord de l'Amérique". Des indiens qui, attaquant une diligence ou un peloton de cavalerie et ne savant faire que pousser des hurlements à cheval sur leurs montures, ne disposant comme seules armes archaïques des arcs et des flèches,  étaient l'image symbolique la plus efficace dans le cinéma américain,  afin de les montrer  "Comme des singes et affreux sauvages" - Utilisation subtile de l'image de pouvoir affirmer, " ce que les mots diraient d'une manière agressive et indécente ", que ce n'était pas des êtres humains ?

Analyse du film "Dead Man" de Jim Jarmusch" une démystification définitive du western américain.

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John Ford : Les raisins de la colère

Rares sont les films qui atteignent un tel degré d’intensité dramatique et d’accomplissement formel. « Les Raisins de la colère » est à la fois une bouleversante élégie sur la capacité de résistance humaine et sur la force de l’idéalisme qu’une virulente charge politique contre un capitalisme dévoyé (l’écho avec notre crise actuelle est saisissant) et contre la notion de progrès qu’il implique

Le film raconte la transformation d’une civilisation qui quitte un monde de tradition pour s’inscrire dans celui de la modernité. Aux yeux de certains, le choc provoqué par la modernisation de la société est synonyme de progrès, mais pour Steinbeck et Ford, il est une source de souffrance endossée par les délaissés, ceux qui comme les cow-boys de « L’homme qui tua Liberty Valance » ou les mineurs de « Qu’elle était verte ma vallée » sont inexorablement abandonnés au "carrefour" des civilisations.

Ford est parvenu à transcender la nature romanesque du livre de Steinbeck, en particulier grâce à une interprétation qui touche à la grâce (Henry Fonda n’a jamais été aussi incandescent), à une ébouriffante direction artistique, qui ose le mélange du réalisme et de l’onirisme (le magnifique noir et blanc de Tolland, le réalisme des décors) et à une mise en scène au cordeau (l’ouverture du film est un modèle de perfection scénographique). Il a su restituer le souffle épique de cette aventure tragique, sans perdre toutes les subtiles nuances de ses personnages (naissance douloureuse d’une conscience avec Tom Joad, énergie sacrificielle avec Ma Joad, etc).

L’humanisme qu’il parvient à insuffler à son film, sans jamais tomber dans le misérabilisme ni l’édifiant, ne cesse de monter en puissance durant tout le récit jusqu’au bouleversant final. Difficile aussi de faire mieux quant à la dimension implacable d’une tragédie humaine (et historique). D’une incroyable modernité (virulence du discours politique, complexité des enjeux, radicalité des partis-pris visuels), d’une force narrative peu commune, et d’une inoubliable ampleur humaniste, « Les Raisins de la colère » est définitivement un des plus beaux films de l’histoire du cinéma.

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Le cinéma d’auteur américain de cette époque, mal connu avec John Huston :

« le trésor de la Sierra Madre » et African Queen" : extraits.

John Huston est un réalisateur et acteur américain, né le 5 août 1906 à Nevada, dans le Missouri, et mort le 28 août 1987 à Middleton, dans le Rhode Island aux États-Unis.

Aventurier, boxeur, militaire, joueur, peintre, collectionneur d’art, clochard, buveur, écrivain, acteur, cinéaste1, John Huston s'imposera à Hollywood comme scénariste et dialoguiste (il collabora notamment à l'écriture de Sergent York en 1941) puis comme réalisateur. Il fut l'auteur d'une quarantaine de films, dont certains — comme Le Faucon maltaisLe Trésor de la Sierra MadreKey LargoQuand la ville dortL'Odyssée de l'African QueenMoby DickLa Nuit de l'iguane ou L'Homme qui voulut être roi — sont devenus des classiques.

Après la guerre, Huston présente un de ses films les plus célèbres, Le Trésor de la Sierra Madre, un drame d'aventure tourné au Mexique et mettant en vedette une fois encore Humphrey Bogart, mais aussi son propre père, Walter Huston. Le film est l’adaptation d’un roman de l’énigmatique B. Traven.  Il permet à John Huston d’obtenir les Oscars du meilleur réalisateur et du meilleur scénario adapté. Walter, de son côté,  se voit décerné l’Oscar du meilleur second rôle masculin.

Parmi les autres films notables que Huston tourne pendant cette période, on compte Key Largo, un drame policier dans lequel Humphrey Bogart incarne un ancien soldat aux prises avec un groupe de gangsters ; Quand la ville dort, œuvre décrivant la préparation minutieuse d'un vol de bijoux qui tournera mal et dans laquelle Marilyn Monroe fait une de ses premières apparitions à l'écran.

Huston se rend ensuite en Afrique pour y tourner un de ses films les plus célèbres, L'Odyssée de l'African Queen, un drame d'aventures dans lequel s'affrontent Humphrey Bogart et Katharine Hepburn. Le comportement de John Huston durant le tournage de L'Odyssée de l'African Queen inspire Peter Viertel, le coscénariste du film, pour l'écriture de son roman Chasseur blanc, cœur noir (White Hunter Black Heart), roman qu'adaptera au cinéma, sous le même titreClint Eastwood en 1990.

John Huston eut trois pays : les États-Unis, le Mexique et l'Irlande, où il s'expatria au cours des années 1950 et à qui il rendit, mourant, un dernier hommage dans Les Gens de Dublin.

Un trait commun à nombre de ses films réside dans l'échec final du personnage principal, à tel point qu'on a pu parler d'une thématique « hustonienne » de l'échec (cependant, l'échec n'est pas l'important pour Huston ; ce qui importe, c'est l'aventure en elle-même, plus que le but qu'elle poursuit).

Il est le fils de la journaliste Rhea Gore (1882-1938) et de l'acteur Walter Huston, qu'il dirigea dans Le Trésor de la Sierra Madre pour lequel, fait exceptionnel, John Huston remporta l'Oscar du meilleur réalisateur (ainsi que celui du scénario) et son père celui du meilleur acteur dans un second rôle.

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Frank Capra

Francesco Rosario Capra, dit Frank Russell Capra, Frank R. Capra ou plus simplement Frank Capra, est un réalisateur, scénariste et producteur américain d'origine italienne, né le 18 mai 1897 à Bisacquino (Sicile, Italie) et mort le 3 septembre 1991 à La Quinta (Californie, États-Unis).

Fils d'immigrés italiens, Frank Capra débuta dans le cinéma par hasard, et apprit son métier auprès de Mack Sennett comme scénariste, notamment en tant que gagman (scénariste spécialisé dans les blagues), avant d'entamer une carrière de réalisateur. Il participa, grâce à son association avec le producteur Harry Cohn, à l'essor de la Columbia et devint l'un des metteurs en scènes les plus importants du cinéma américain des années 1930, remportant trois fois l'Oscar du meilleur réalisateur (il fut le premier à en remporter trois). Il signa plusieurs grands succès, aujourd'hui considérés comme des classiques du cinéma américain : New York-Miami, L'Extravagant Mr. Deeds, Les Horizons perdus, Vous ne l'emporterez pas avec vous, Monsieur Smith au Sénat, L'Homme de la rue, Arsenic et vieilles dentelles et La vie est belle, ainsi que plusieurs films de propagande réalisés pendant la Seconde Guerre mondiale, dont la série Pourquoi nous combattons. Sa carrière déclinant, il prit sa retraite au début des années 1960 et publia son autobiographie, The Name Above the Title : An Autobiography, en 1971.

Salarié de studio, il fut néanmoins l'un des quelques metteurs en scène de Hollywood à bénéficier d'une totale liberté artistique pour la plupart de ses films. Fort de leur succès public et critique, il fut l'un des premiers à pouvoir imposer l'idée du réalisateur comme auteur du film, ouvrant ainsi la voie à la politique des auteurs. Fait rare, son nom était connu du public et figurait au-dessus du titre sur les affiches promotionnelles de ses films, avant celui des vedettes. Il tenta plusieurs fois, avec Liberty Films notamment, de fonder sa propre société de production indépendante, sans succès.

Mise en scène

Frank Capra occupe une place à part dans la comédie américaine. Il est, comme Howard Hawks, un cinéaste de l'image-action et non de l'image-situation comme Ernst Lubitsch, Leo McCarey et George Cukor. Ses comédies ne reposent pas sur l'ellipse, la révélation des cœurs ou d'une situation amoureuse contrecarrée le temps du film. Ses héros poursuivent obstinément la recherche d'un bonheur idéal reposant sur les valeurs de l'Amérique profonde.

Parti de la comédie burlesque et sentimentale ce sont ses comédies sociales qui avec le temps ont finit par s'imposer. Dans L'extravagant monsieur Deeds, le héros distribue sa fortune aux chômeurs, dans Monsieur Smith au sénat, il parvient à empêcher un barrage inutile de détruire une petite ville, dans La vie est belle, il parvient à garder les valeurs de solidarité dans sa ville natale. Parti, ou resté dans leur petite ville de campagne, ces héros finiront toujours par y retourner tant la grande ville parait être le lieu de la corruption qui, à la longue aurait fini par les vaincre. Deeds le dira à Babe :

Dans Monsieur Smith au sénat, James Stewart se présente aussi en héritier direct de la philosophie jeffersonienne (il s'appelle Jefferson Smith). Il incarne ce personnage de yankee rural excentrique, venu en ville pour moraliser et réorganiser la vie de ses contemporains. Américain moyen, il est porteur des valeurs originales de l'Amérique, issu de ses petites villes où il fait bon vivre à l'écart de l'influence fédérale. Convaincu de la menace représentée par une élite sophistiquée et mal intentionnée, il prouve par son action que le progrès social dépend de la prise de conscience individuelle et non de réformes de structure.

On pourra ainsi, comme Jacques Lourcelles, reprocher à Capra son manichéisme désincarné supposé aboutir à la fin de la corruption du sénat. Si les films de Capra ne brillent pas par leur subtilité politique, ils font feu de tout bois, multipliant les angles d'approche, les situations cocasses tout en étant portés par un moteur unique et puissant : la pureté de l'enfance. Smith, son père mort au nom de ses idéaux de pureté politique, est devenu chef des scouts. Et ce sont les enfants, par l'intermédiaire de ceux du gouverneur qui conduisent Smith au pouvoir. Ce sont eux qui applaudissent son projet au sénat. Ce sont eux enfin qui le sauveront en diffusant leur journal.

Cette capacité à varier les effets tout en n'oubliant pas la pureté d'intention du héros donne de grandes séquences lyriques. La visite du tombeau de Grant dans L'extravagant Monsieur Deeds ou la visite du Capitole dans Monsieur Smith au sénat. La mise en scène puissamment lyrique ne rechigne ni sur les surimpressions de La déclaration d'indépendance sur fond de bannière étoilée, de cloche et flamme de la liberté ni sur la succession des statues des grands hommes ponctuées des mots "vie", "justice" et "liberté"... Les valeurs de Frank Capra.

Frank Capra, il était une fois l'Amérique

Irrésistible mélange d’idéalisme et d’humour, la "Capra’s touch" a fait entrer ses plus beaux films au panthéon du cinéma : "New York-Miami", "L’extravagant Mr. Deeds", "Monsieur Smith au Sénat" ou "La vie est belle". De l’exil de l'enfance au succès, un portrait de l’étincelant Frank Capra, chantre du rêve américain au cinéma.  Il fut le premier à recevoir, en 1934, cinq Oscars pour "New York-Miami", une comédie avec Claudette Colbert et Clark Gable. Trois décennies après son arrivée à Ellis Island, à l’aube du XXe siècle, le petit immigré sicilien n’a pas fini de savourer son rêve américain, premier aussi à décrocher trois fois l’Oscar du meilleur réalisateur. Francesco Rosario Capra a 6 ans lorsque ses parents quittent Bisacquino, leur village sicilien, dans l’espoir d’une vie meilleure. Installé avec sa famille dans un ghetto de Los Angeles, il bûche dur pour suivre une formation d’ingénieur chimiste. Mais un coup de pouce du destin le fait entrer, au début des années 1920, dans le studio de Mack Sennett en tant que gagman. Recruté par le producteur Harry Cohn, qui lui fait signer ses premiers films pour la Columbia, Francesco devenu Frank va passer habilement du muet au parlant avant de s’imposer avec sa "Capra’s touch", irrésistible mélange d’idéalisme et d’humour qui teinte quelques-uns de ses chefs-d’oeuvre, parmi lesquels "Vous ne l’emporterez pas avec vous", "L’extravagant Mr. Deeds", "Monsieur Smith au Sénat" ou "La vie est belle", entrés au panthéon du cinéma. Conte de fées  C’est à la manière d’un conte de fées s’inspirant du style narratif de Capra dans ses films, dont les plus célèbres ont été réalisés pendant la Grande Dépression, que Dimitri Kourtchine retrace, de l’enfance à la fin de la carrière, la fabuleuse ascension du réalisateur à Hollywood. Raconté par le sociétaire de la Comédie-Française Didier Sandre et nourri d’extraits de films et d’interviews, un portrait richement documenté du cinéaste, disparu en 1991, qui exaltait le rêve américain sans être dupe de ses limites.

Documentaire de Dimitri Kourtchine (France, 2020, 53mn) [ Diffusion jusqu'au 27/02/2021 ]

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Elia Kazan

Il est né à Constantinople dans l'Empire ottoman1, fils d'un marchand de tapis grec, Yorgos (George) Kazanjoglous et d'Athena (née Sismanoglou). Enfant, il immigre aux États-Unis avec sa famille en 1913. Sa famille s'installe dans un premier temps dans le quartier grec de Harlem, puis emménage à New Rochelle (État de New York).

 

Il suit ses études secondaires au New Rochelle High School, puis il s'inscrit au prestigieux Williams College où il obtiendra un Bachelor of Arts8 (option littérature anglaise.

Puis il suit des cours de théâtre à la Yale Drama Schoo de l'Université de Yale de 1930 à 19328.

Dans les années 1930, il s'engage dans la vie théâtrale au sein du Group Theatre d'abord comme acteur, puis comme metteur en scène (notamment de Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams en 1947 et Mort d'un commis voyageur d'Arthur Miller, en 1949). Il est un des fondateurs, avec Cheryl Crawford et Robert Lewis, d'une école d'art dramatique, l'Actors Studio, en 1947.

Il se tourne vers le cinéma dans les années 1940. Il réalise Un tramway nommé Désir (1951), Viva Zapata ! (1952), À l'est d’Éden (1955), Sur les quais (1954) qui est classé à la dix-neuvième place du Top 100 de l'American Film Institute, le Fleuve Sauvage (1960), la Fièvre dans le sang (1961), America, America (1963) et l'Arrangement (1969).

Il épouse Barbara Loden (réalisatrice de Wanda) en 1968.

Il reçoit en 1948 (Le Mur invisible), en 1955 (Sur les quais) l'oscar du meilleur réalisateur et en 1999 un oscar pour l'ensemble de sa carrière.

Divers festivals comme celui de Cannes, des Golden Globes, des Berlinales, etc lui ont décerné divers prix et récompenses.

 En 1934 il adhère au parti communiste et en est exclu en 1936. Plus tard, il participera à la chasse aux sorcières en dénonçant des gens du cinéma (dont certains de ses amis) appartenant à la gauche auprès de la commission des activités anti-américaines. Kazan a d'ailleurs regretté cet épisode qui a entaché jusqu'à sa réputation de réalisateur. Il l'a représenté symboliquement dans le film Sur les Quais, en particulier dans une scène aussi longue que transparente au cours de laquelle Terry Malloy (Marlon Brando), les bras repliés sur sa poitrine, suit son chemin de Croix devant les rangs des dockers trahis et asservis par un syndicaliste arriviste aux procédés mafieux qu'il vient d'abattre en témoignant contre lui lors d'un procès et avec lequel il vient de se battre physiquement.

Elia Kazan décède à l'âge de 94 ans dans son domicile de Manhattan. Kazan par Michel Ciment - Clip

Ses archives sont déposées à Reid Cinema Archives de l'Université Weysleyenne.

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Douglas Sirk

Douglas Sirk, de son nom de naissance Hans Detlef Sierck, né le 26 avril 1897 à Hambourg (Allemagne) et mort le 14 janvier 1987 à Lugano (Suisse), est un réalisateur et scénariste allemand d'origine danoise. Il a également été metteur en scène au théâtre. Au cinéma, il commence sa carrière en Allemagne puis s'expatrie aux États-Unis, où il réalise des thrillers et des mélodrames.

Entrant de plain-pied dans ce qui est une industrie, Sierck adapte ses ambitions artistiques à ce média populaire par essence. Il obtient rapidement des succès importants. Bien que fortement courtisé, il fuit littéralement l'Allemagne en 1937, laissant derrière lui un fils issu de son premier mariage avec l'actrice Lydia Brincken, devenue adhérente au parti nazi. À la prise du pouvoir par Hitler, cette dernière obtint un jugement interdisant au réalisateur de voir son fils. Embrigadé dans les jeunesses hitlériennes, le jeune garçon devint une star dans quelques films de propagande. Douglas Sirk rejoint alors sa femme dont il est séparé physiquement depuis plusieurs années. Il s'installe brièvement en Italie, puis en France, avant de gagner les États-Unis.

Carrière à Hollywood

Durant les premières années de ce qu'il conçoit alors comme un exil bien temporaire, Sierck, après l'échec de son premier projet avec la Warner, embrasse une brève carrière d'éleveur puis de fermier (années qu'il considère comme parmi les plus heureuses de sa parenthèse américaine). Rattrapé par l'histoire (l'attaque sur Pearl Harbor et l'entrée en guerre des Etats-Unis ouvrent une période plombée par des ressentiments anti-germaniques sourds mais généralisés), il est contraint d'abandonner son activité et trouve refuge dans sa famille du cinéma où, bien que porté par son pedigree de réalisateur à succès, il débute comme simple auteur sous le nom américanisé de Douglas Sirk.

C'est avec un petit projet indépendant (Hitler's Madman), porté par un groupe d'exilés germaniques et réalisé en une semaine (la version finalement exploitée sera étoffée, à la demande de Mayer, de plans complémentaires tournés par l'auteur) qu'il ravive l'intérêt des studios en tant que réalisateur. Il consolide cette position avec ses réalisations suivantes, premiers films où il dirige George Sanders qui devient un ami. Sa carrière débute alors réellement, carrière type d'un réalisateur sous contrat à Hollywood se traduisant par une filmographie éclectique. Autant de projets, plus ou moins imposés par les pontes des studios, auxquels il tente d'imprimer une touche personnelle.

De fait, éprouvé par l'attitude des grands industriels d'Hollywood (tout particulièrement Harry Cohn, qu'il juge simplement médiocre), désireux aussi de retrouver des traces de son fils (qu'il ne revoit jamais, car tombé sur le front russe), Sirk abandonne en 1949 cette position pendant un an dans l'espoir de renouer avec son Allemagne. Ce retour au pays s'avère non fécond. Déçu, Sirk rejoint la Californie.

Il renoue dans les années 1950 avec des succès publics importants (construits en partie autour de l'acteur Rock Hudson qu'il aime comme un fils et dont il fait une star), tout particulièrement une série de mélodrames dans lesquels il finit par imposer une signature. Ces œuvres, aujourd'hui ses plus connues (de Tout ce que le ciel permet à Le Temps d'aimer et le Temps de mourir et Mirage de la vie), sont cependant reçues froidement par les critiques institutionnels. Son œuvre a commencé à être réévaluée à partir de la fin des années 1950, alors que sortaient ses derniers films américains.

Retour en Europe

Après le grand succès de son dernier film Mirage de la vie, dû en partie au scandale auquel est mêlée la star du film, Lana Turner, Sirk revient en Europe et s'installe en Suisse. Il aurait du être le président du jury du Festival de Cannes 1980, mais le chargé d'envoyer le télégramme comprit ou transcrit mal le destinataire et adresse l'invitation à un certain ... Kirk Douglas ! Celui-ci accepta et l'erreur ne put jamais être rectifiée. Il meurt à Lugano en 1987.

Œuvre

La structure narrative chez Douglas Sirk

Les mélodrames de Douglas Sirk se fondent principalement sur les antithèses pour souligner le pathétique des situations. Douglas Sirk oppose la ville hypocrite à la campagne naturelle, l'individu à la société, les hommes aux femmes, les Blancs aux Noirs, les riches aux pauvres. Une de ses oppositions fondamentales est celle d'un personnage vacillant et tragique à un personnage stable (comme dans Écrit sur du vent).

L'esthétique sirkienne

Si un trait stylistique est caractéristique de l'œuvre de Sirk, ce sont bien ses couleurs : celles-ci sont baroques, chaudes, excessives, à l'image des bouleversements des personnages et des situations. Ses couleurs de prédilection sont le rose et le rouge (qui représentent pour lui rage de vivre et fringale sexuelle) et le jaune (couleur typiquement artificielle qui évoque l'importance des apparences). À ces couleurs chaudes, Sirk oppose les tons de bleu pour des atmosphères nocturnes. Finalement, il utilise le violet ou le lilas pour ajouter une valeur sentimentale et nostalgique au récit.

Sirk utilise également les décors de manière symbolique. Selon Sirk, les escaliers évoquent le désir des protagonistes de s'élever et de dominer leur vie. Le réalisateur affectionne aussi les miroirs, parce qu'on y voit tomber les masques ou bien parce qu'ils permettent de renvoyer l'image multipliée de la solitude. Il utilise également les fenêtres, qui marquent une pause dans le récit, une ponctuation pathétique dans celui-ci : « la femme à la fenêtre est un témoin passif, situé à la frontalité du monde clos, intérieur, et du monde extérieur, à la limite de la cellule familiale et de l’univers social, mais – quoiqu’elle regarde à l’extérieur – elle ne franchit pas cette limite, elle ne cesse pas d’appartenir au cercle domestique qui simultanément la protège et l’enferme. »

 

Rainer Werner Fassbinder

L'hommage critique de Fassbinder à Douglas Sirk contribua puissamment à la réévaluation critique du cinéaste. Si ces deux grands maitres du mélodrame se sont bien compris, il n'en demeure pas moins que leurs oeuvres sont très différentes. L'esthétique de Fassbinder est celle du naturalisme où l'inquiétant monde original grouille sous la surface des mondes dérivés et empêche presque toute rédemption.

Chez Sirk, tout est toujours possible. Les ténèbres n'existent pas par elles-mêmes : elles marquent seulement l'endroit où la lumière s'arrête. Les luttes de l'amour contre les conventions bourgeoises (Tout ce que le ciel permet) ou l'interdit (Ecrit sur le vent), de la démocratie contre l'hitlérisme (Hitler's madman), de l'acceptation de sa couleur contre le racisme (Mirage de la vie) , du bonheur contre les drames (Le secret magnifique) ou la guerre (Le temps d'aimer et le temps de mourir) ne triomphent pas toujours dans l'espace du film mais, pour Douglas Sirk, la cause n'est jamais perdue et le combat toujours à mener.

Certes, il existe chez lui des mélodrames frénétiques avec des êtres épris d'alcool, de vitesse de sexe et de puissance (Ecrit sur le vent , La ronde de l'aube) où se combinent frustration et autodestruction. L'aliénation des personnages est cependant plus souvent extérieure, provenant du fait qu'ils vivent au milieu des normes visuelles qui les environnent et les conditionnent. Ainsi, par exemple, au début de No room for the groom les mains des deux futurs mariés en gros plan qui enchaîne sur la pancarte publicitaire pour les marieurs professionnels de Las Vegas.

Chez Sirk, les visages des personnages sont apparemment lisses. La richesse est factice et hypocrite. La douceur du style aplanie en surface cette aigreur de vue mais, en fait, elle l'accentue quand ce style tranquille s'applique à des émotions dont elle emprisonne la violence et empêche la libération. La fêlure y est suggérée telle les séquences de la télévision ou de la parade dans Tout ce que le ciel permet . De même, les angles de prises de vu présentent souvent un obstacle au milieu du cadre : cadre de photos, mobiliers, barreaux ou simple vitre qui symbolisent une frontière entre le personnage et son désir ou une contrainte qui pèse sur lui.

Sirk se révèle un coloriste délicat. Il détache des teintes très saturées et les répète en des échos et des familles de couleurs. Costumes, décors et personnages se répondent alors dans une même affirmation de l'affect, de l'intense potentialité de ce qui va s'y passer. Dans le déchaînement de la couleur chez Sirk dans l'affrontement de ses noirs et blancs, on atteint non pas à la lutte de la lumière avec les ténèbres comme dans l'expressionnisme mais à l'aventure de la lumière.

Le parcours du personnage de Sirk est celui d'une révélation qui passe par le regard. Sirk aime opposer, dans la logique du mélodrame, des personnages clivés à des personnages qu'il qualifie lui-même d'immuables. Dans Le secret magnifique, Bob Merrick s'aveugle dans ses artifices de séducteur et Helen ne voit pas son amour. Pour tous les deux, il s'agira d'ouvrir les yeux sur la morale. Sirk reprend le même propos que celui de Diderot dans sa Lettre aux aveugles à l'usage de ceux qui voient : c'est dans le spectacle du monde que l'on peut atteindre à la compassion. Les aveugles ne peuvent pas se rendre compte qu'autour d'eux il y a la misère et la faim parce qu'ils n'ont pas la clé sensible du monde. Ceux qui voient peuvent être touchés par ceux qui souffrent. Sirk nous rend sensible à la beauté du spectacle du monde par l'intensification du réel. Il rend les couleurs plus vives qu'elles ne le sont avec une obsession du détail comme celui du parasol jaune quand Helen comprend que son mari vient de mourir. Les couleurs nous réconcilient avec le monde, nous donnent envie de faire partie du monde. "Je ne savais pas que le monde pouvait être aussi beau" dit ainsi Helen. La beauté du cinéma de Sirk, c'est cet écho entre la plastique et la morale.

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Orson Welles

Carrière d'artiste :  l'homme est avant tout un féru de littérature, de musique, de peinture et de théâtre. En 1958, venu présenter La Soif du mal en France, Orson Welles rencontre André Bazin, journaliste et fondateur des Cahiers du cinéma, à qui il accorde un long entretien qui est repris dans le livre que le critique consacre à Welles. Il parle des cinéastes qu'il admire : Marcel PagnolJohn Ford dont il a vu La Chevauchée fantastique une quarantaine de fois avant de réaliser son premier film, Vittorio De SicaKenji MizoguchiSergueï EisensteinCharlie ChaplinRené Clair et David Wark Griffith. Mais il n'est pas tendre avec certains de ses pairs. Toujours dans l'entretien avec Bazin, il descend Roberto RosselliniNicholas Ray et Vincente Minnelli. Seul Stanley Kubrick trouve grâce à ses yeux. Du reste, il est possible de considérer Kubrick comme le meilleur disciple de Welles tant les deux artistes ont de points communs.

 

Sa carrière n'a pas été un long fleuve tranquille. Il a été obligé de batailler ferme pour mener à bien tous ses projets, qu'il s'agisse de théâtre ou de cinéma. Après 1946 et l'échec commercial cuisant du Tour du monde en quatre-vingts jours de Jules Verne, au théâtre, il a eu des ennuis avec le fisc. Mais il a également connu des moments heureux. Il a pu monter quelques pièces de Shakespeare en Angleterre. Visionnaire et audacieux, il a monté, à New-York, Macbeth et transposé l'histoire de l'Écosse brumeuse à l'île d'Haïti sous le règne du roi Christophe, en faisant jouer des acteurs noirs. Sa passion pour le grand dramaturge anglais ne s'arrête pas au théâtre et au cinéma : il réalise plusieurs adaptations radiophoniques qu'il sort par la suite en disque. Il collabore avec entre autres plusieurs musiciens : en tant que narrateur, sur l'album musical d'Alan Parsons Project intitulé Tales of Mystery and Imagination sur le titre A Dream Within a Dream ; avec le groupe de heavy métal Manowar en prêtant sa voix pour des narrations sur les titres Dark Avenger et Defender.

L'influence de Shakespeare se manifeste dès Citizen Kane (Analyse): un roi de la presse, qui cherche à étendre son empire, doit essuyer plusieurs échecs sentimentaux, relationnels et professionnels qui le conduisent à la solitude et à la mort. Nous retrouvons dans ce premier film de nombreuses thématiques shakespeariennes : un roi solitaire, tentant en vain de concilier ambition, pouvoir et vie de famille, et devant faire face à la trahison ; celle de ses amis, mais aussi la sienne propre, car Charles Kane trahit sa profession de foi. Ce thème de la trahison, et de l'échec qui s'ensuit, va se retrouver tout au long de son œuvre, mais également de sa vie professionnelle. Il suffit de penser à It's All True et Don Quichotte : trahi par ses échecs commerciaux, le cinéaste a de nombreuses difficultés pour mener à bien ses projets. (Extrait : la profondeur de champ)

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Charles Laughton : "la nuit du chasseur"

Charles Laughton est un acteur et réalisateur britannique, né le 1er juillet 1899 à Scarborough (Yorkshire), naturalisé américain en 1950, et mort le 15 décembre 1962 à Hollywood des suites d'un cancer. Il a également participé à l'élaboration de quelques scénarios, produit quelques films et donné des lectures d'œuvres.

L'âge venant, il utilise de plus en plus souvent son physique dans son jeu et assoit sa réputation grâce, entre autres, à ses interprétations du capitaine Bligh dans Les Révoltés du Bounty et de Quasimodo dans le film du même nom qui font de lui une des figures les plus respectées du septième art. Il est le réalisateur d'un unique long métrage, La Nuit du chasseur, considéré comme un classique du cinéma.

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Dalton Trumbo

 

Dalton Trumbo, né le 9 décembre 1905 à Montrose (Colorado) et mort le 10 septembre 1976 (à 70 ans) à Los Angeles, est un écrivain, scénariste et réalisateur américain. Il est surtout connu pour être l'auteur et le réalisateur de Johnny s'en va-t-en guerre (Johnny Got His Gun) et pour avoir été l'un des « Dix d'Hollywood », un groupe de professionnels du cinéma qui a refusé de témoigner devant le House Un-American Activities Committee (Commission de la Chambre des Représentants sur les activités anti-américaines) lors de la commission d'enquête de 1947 sur les influences communistes dans l'industrie cinématographique. Inscrit sur la liste noire, il ne peut dès lors plus travailler. Exilé au Mexique, il continue toutefois à travailler sous divers pseudonymes, remportant même à deux reprises l'Oscar de la meilleure histoire originale en 1954 et fin de l'année 1956.

Jeunesse et débuts dans le cinéma (1905-1947)

Dalton Trumbo naît dans le Colorado en 1905. À l'âge de vingt ans, il part pour la Californie. Il y travaille comme boulanger la nuit, tandis que le jour il étudie à l'Université de Californie du sud. À la fin de ses études, il commence à écrire des articles en tant que journaliste indépendant.

En 1933, il devient rédacteur en chef de la revue Hollywood Spectator, une publication de critique cinématographique. La revue cesse de paraître un an plus tard. Trumbo est alors engagé comme lecteur à la Warner Bros jusqu'en 1936. Il est renvoyé, car il refuse de démissionner de la Screen Writers Guild, un syndicat fortement ancré à gauche. Il écrit quelques scénarios sans grande importance pour la Screen Writers Guild et milite dans plusieurs associations de gauche.

En 1938, il épouse Cléo Beth Fincher avec qui il a trois enfants. Cette année-là, il écrit le roman Johnny s'en va-t-en guerre (Johnny Got His Gun). Il écrit également le scénario de son premier « grand » film, A Man to Remember de Garson Kanin. Il devient rapidement l'un des scénaristes les mieux payés de Hollywood. Il a une capacité à écrire très rapidement : en une journée il peut proposer trois, quatre versions d'une même scène. En 1941, Kitty Foyle, réalisé par Sam Wood, est nommé pour l'Oscar du meilleur scénario. Il est également un grand pamphlétaire.

En 1941, peu de temps après l'invasion allemande de l'URSS, alors que le Parti communiste USA vient de faire un virage à 180° sur la question de l'entrée en guerre, Johnny s'en va-t-en guerre est épuisé et l'extrême droite américaine fait pression sur lui et son éditeur pour obtenir une réédition. Cela le convainc que c'est « exactement le type de livre qu'il ne fallait pas réimprimer avant la fin de la guerre ». Il va jusqu'à informer le FBI des agissements de ces correspondants, ce qui provoque le début de ses ennuis avec celui-ci.

Il est membre du Parti communiste USA de 1943 à 1948.

Les années noires (1947-1960)

En octobre 1947, le House Un-American Activities Committee (commission des activités antiaméricaines) se réunit à Washington et commence des audiences afin de déterminer quels sont les individus « déviants » du monde hollywoodien. Trumbo est l'un des Dix d'Hollywood, qui refusent de répondre à la question : « Êtes-vous encore, ou avez-vous été membre du parti communiste ? ». Les dix invoquent le premier amendement (liberté d'expression et de réunion) pour justifier leur refus de répondre. La commission, quant à elle, estime qu'ils outragent le congrès. Trumbo est condamné à une peine de prison qu'il effectue en 1950 pendant onze mois.

La commission des activités anti-américaines

Trumbo ne refuse pas catégoriquement de répondre à la question, mais ne répond pas comme le désirerait la commission. Un exemple de ceci est l'extrait suivant, tiré de l'audience de Dalton Trumbo devant la commission. L'échange a lieu entre Trumbo, J. Parnell Thomas (président de la Commission) et Robert E. Stripling, l'enquêteur en chef de la Commission :

Le président - (coups de marteau)… un instant. La commission veut savoir quelle était la question, et voir si votre réponse est pertinente. Quelle était la question ?

L'enquêteur en chef - Monsieur Trumbo, je vais vous poser diverses questions, toutes auxquelles il peut être répondu par "oui" ou par "non". Si vous voulez donner une explication après avoir fourni cette réponse, je suis persuadé que la commission donnera son accord. Cependant, afin que cette audience puisse se passer régulièrement, il est nécessaire que vous répondiez à la question sans faire de discours en réponse à chaque question.

Dalton Trumbo - Je comprends, Monsieur Stripling. Cependant votre travail est de poser des questions et le mien est d'y répondre. Je répondrai par oui ou par non si cela me convient de répondre ainsi. Je répondrai en utilisant mes propres mots. Il y a beaucoup de questions auxquelles il ne peut être répondu par "oui" ou "non" que par un imbécile ou un esclave.

Le président - La Commission est d'accord avec vous, vous n'avez pas besoin de répondre par "oui" ou par "non".

Dalton Trumbo - Merci, monsieur.

Le président - Mais vous devez répondre aux questions.

Trumbo souhaitait également ajouter une déclaration dans laquelle il présente une défense offensive, niant la légitimité de la Commission et comparant la situation à l'incendie du Reichstag en 1933 qui avait permis d'asseoir le pouvoir de Hitler.

La liste noire

Il est inscrit sur la liste noire de Hollywood ce qui lui interdit de travailler dans le cinéma. Il s'exile au Mexique avec Hugo Butler et sa femme Jean Rouverol eux aussi sur la liste noire. Il y rencontre Luis Buñuel et une relation amicale se noue entre les deux cinéastes. Il lui parle alors d'un projet qui lui tient à cœur : l'adaptation au cinéma du livre qu'il a écrit en 1938, Johnny s'en va-t-en guerre.

Au Mexique, il continue à écrire pour le cinéma américain sous des noms d'emprunts : Millard Kaufman (Gun Crazy en 1950), Guy Endore (Menace dans la nuit, en 1951) ou encore Robert Rich, nom sous lequel il remporte même l'Oscar du meilleur scénario pour Les Clameurs se sont tues de Irving Rapper, en 1956 (Robert Rich est en fait le nom du neveu des frères King, producteurs du film). À partir de 1957, tout contribue à affaiblir le pouvoir de la liste noire.

La consécration (1960-1976)

Il sort officiellement de la liste noire en 1960, lorsque Otto Preminger, pour Exodus (film, 1960) et puis Kirk Douglas, pour Spartacus (Kubrick) demandent que Dalton Trumbo soit crédité sous son vrai nom au générique. Douglas a besoin d'un scénariste rapide et efficace, et Trumbo s'avère être l'homme de la situation (d'autant plus qu'il a été le compagnon de cellule d'Howard Fast, auteur du roman sur lequel est basé le film).

En 1971, il réalise son unique film, une adaptation de son roman Johnny s'en va-t-en guerre. Le film est montré au festival de Cannes et reçoit les louanges de Jean Renoir et Luis Buñuel. Il obtient le Grand prix du jury.

 

Extrait du film "Dalton Trumbo" de Jay Roach (Avril 2016)

 

"Nomination aux Golden Globes"

 

"Meilleur acteur : Bryan Cranston"

 

"Meilleure actrice : Helen Mirren"

 

Johnny s'en va-t-en guerre : bande annonce - Final

 

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                 VI - LE NÉORÉALISME ITALIEN

Commentaires et documentaire

 Giuseppe de Santis

 Vittorio de Sica

 Fellini

 Rossellini

 

 

Mouvement ciné­matographique né en Italie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale,

visant à l'objectivité, à l'observation des réalités quoti­diennes insérées dans leur contexte social.

 

1 -Mouvement littéraire italien né du refus de la littérature d'évasion en faveur sous le fascisme. (Pénétré d'idéologie marxiste et influencé par les premiers films de Rossellini et de De Sica, il s'est surtout exprimé dans le roman par un large usage de la langue parlée et des dialectes. Il a notamment marqué, à divers degrés les Premiers récits de Pavese, de Calvino et de Pratolini.)

2 - Tendance, dans les arts plastiques du XXe Siècle, à renouer avec la figuration réaliste, par opposition au cubisme, a l'abstraction, etc.

 

Si Ossessione de Luchino Visconti (1942) annonce déjà le néoréalisme, le mouvement se développe surtout après la fin de la guerre, avec Rome ville ouverte (19451 et Païsa (1946) de Roberto Rossellini, Sciuscia (1946) et le Voleur de bicyclette(1948) de Vittorio De Sica, Dimanche d’août (1950) de Luciano Emmer, Sous le soleil de Rome (19481 et Deux Sous d’espoir (1952) de Renato Castellani, avec différentes oeuvres de Giuseppe De Santis, Alberto Lattuada, Aldo Vergano, Pietro Germi, Luigi Zampa, et les premiers essais d'Antonioni et de Fellini. Ces oeuvres de constat, souvent tournées en décors naturels avec des acteurs qui n'étaient pas toujours des professionnels, s'opposaient essentiellement aux oeuvres bourgeoises ou historiques, aux films à « télephones blancs » qui caractérisaient la période précédente. Le néoréalisme n'a jamais été une école au sens strict du terme. Il a évolué au cours des années et l'on peut penser qu'il s'est éteint vers 1953 (année des Vitelloni de Fellini et du Voyage en Italie de Rossellini), méme si des cinéastes comme De Sica et des scénaristes comme Zavattini ont cru pouvoir prolonger une sensibilité directement liée au traumatisme des années de guerre et à la chute du fascisme.

 

Commentaires et documentaire : Le néoréalisme

 

 

Alain Tanner et le néoréalisme

Martin Scorsese nous parle de Rossellini

Roberto Rossellini

 

Giuseppe de Santis : Riz Amer

Un des meilleurs auteurs du néoréalisme est Giuseppe De Santis, qui dépeint les conditions extrêmement pènibles des travailleurs des rizières dans un petit bijou du cinèma italien qui connut un grand succès à l'époque mêlant le néoréalisme au mélodrame policier! Son style réaliste très influencé par la grande tradition du cinéma soviétique révolutionnaire s'èpanouit dans ce "Riz amer", violente protestation contre la misère sexuelle dont sont victimes les ouvrières italiennes! Cependant, les producteurs, très conscients de la beauté de l'héroïne, la plantureuse Silvana Mangano, ne manquèrent pas d'en faire un objet érotique destinè à appâter les spectateurs! Les affiches montraient la silhouette provocante de la belle italienne, avec sa poitrine splendide et ses cuisses nues, qui ètaient une puissante invitation au plaisir ! Belle occasion de faire oublier que le propos du film était tout à fait ailleurs mais on n'est pas près d'oublier les cuisses sensuelles et la tenue de Silvana dans les rizières de Pô, ancrées définitivement dans la légende du 7ème art...

 

Le Voleur de bicyclette (Ladri di biciclette) est un film italien de Vittorio De Sica sorti en 1948. Le film retrace l'histoire d'un père de famille pauvre de l'immédiat après-guerre qui s'est fait voler l'outil de travail indispensable à la survie de sa jeune famille, sa bicyclette.

Adapté pour le cinéma par Cesare Zavattini du roman de Luigi Bartolini avec Lamberto Maggiorani dans le rôle du père désespéré et Enzo Staiola dans le rôle de son courageux jeune fils,

Le Voleur de bicyclette est considéré comme un des chefs-d'œuvre du néoréalisme italien, mais également comme l'un des meilleurs films de tous les temps. Bande annonce (Restauration du film en HD)

 

 

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Fellini : "La strada"

 

Bande annonce

Extrait

« Le metteur en scène, Federico Fellini, nous offre avec La strada un véritable chef d’œuvre d’art cinématographique par la beauté des vues qu’il nous donne. […] La strada est un film qui nous déroute, admirablement filmé, admirablement tourné dans le paysage d’Italie. Mais il lui manque une action cinématographique, qui commence au moment où va éclater une crise, et se termine quand le scénariste a résolu cette crise. »

Claude Garson, L’Aurore, 12 mars 1955.

« C’est un des quatre ou cinq chefs-d’œuvre que le cinéma nous ait donnés depuis sa naissance. Un film qui nous force à remettre en question tout ce que nous avons vu au cinéma depuis des années. Une fable humaine et lyrique d’où l’on sort enivré, après quoi le jour même n’a plus la même couleur. »

Le Canard enchaîné, 23 mars 1955.

« La strada se place dans l’étoile des quelques films italiens issus du néoréalisme mais le dépassant pour redevenir création, transposition, composition, enfin tout ce qui sépare un art d’un reportage. […] Pas besoin d’être sourcier pour trouver là-dedans des messages secrets, des signes conventionnels adressés à quelques initiés... simplement une histoire toute simple, des êtres stylisés au moment de leurs paroxysmes, la glace déformante d’un poète.... il suffit de se laisser mener, de subir, d’aimer. C’est un film mélodie, un film nostalgie. »

Rodolphe-Maurice Arlaud, Combat, 11 mars 1955.

« Tout ce qui a trait à l’existence ambulante, tout ce qui est prétexte à belles images, à vastes gravures solidement burinées, tout ce qui requiert une certaine profondeur de champ, une lumière vibrante, tout ce qui s’accorde au rythme de la musique nostalgique et colorée écrite pour ce film par Nino Rota, oui, tout cela est excellent ; autrement dit la toile de fond est d’une perfection singulière. »

Jean-Jacques Gautier, Le Figaro, 8 septembre 1954.

Vers un cinéma plus personnel « Amarcord »

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                 VII - NOUVELLE ÉCOLE française  - LE RÉALISME POÉTIQUE

Ratés et déclassés, héros favoris du cinéma français, de 1930 à 1945.

Le réalisme poétique : Analyse (Complète) Introduction - "La règle du jeu"* et "Les Enfants du Paradis"

Le courant, influencé par la littérature naturaliste, par les avant-gardes et par le cinéma expressionniste allemand, est illustré par les films de Jean VigoRené ClairJean Renoir, Marcel CarnéMarcel L'HerbierMarc AllégretJacques BeckerJean GrémillonJacques Feyder et Julien Duvivier, notamment. Il faut également souligner l'importance de personnalités telles que les scénaristes et dialoguistes Jacques Prévert et Henri Jeanson, l'écrivain et producteur Marcel Pagnol, le scénariste belge Charles Spaak, le directeur artistique Lazare Meerson et le décorateur hongrois Alexandre Trauner.

Jean Renoir : documentaire

Quand Vigo meurt, la production française paraît en plein déclin. Le nombre des films a baissé en deux ans de 30 %. Les étrangers, un instant établis en France, la quittent : Korda part pour l'Angleterre, Fritz Lang et Pommer pour l'Amérique. Avec eux le cinéma français perdait un peu du cosmopolitisme qu'un de ses profiteurs, Paul Morand, avait caricaturé dans un bas pamphlet : France la Doulce. Aux monopoles français, aux combinaisons internationales succédait un artisanat sans honnêteté et sans envergure, avec ses chêques sans provision, ses sociétés fantômes établies dans des chambres meublées, ses productions sans capitaux ou répondants, ses faillites, ses escroqueries même.

Pourtant, dans les faits, le règne des « margoulins » eut moins d'inconvénient que celui des cadavres vivants qu'avaient été les grandes sociétés pourrissantes. Le marché cinématogra­phique connut â nouveau une libre concurrence, au moins rela­tive. A la faveur de celle-ci, des débutants (Marcel Carné) ou des bannis (Jean Renoir) purent entreprendre de nouvelles oeuvres. Comme l'écrit le Dr Roger Manvell, par bonheur, la faillite des principales grandes sociétés vers 1935 donnait aux producteurs et réalisateurs indépendants la chance de pouvoir faire des films qui constituèrent, malgré leur nombre relativement peu élevé, la fameuse École française, qu'on pourrait appeler réalisme poétique. Le réalisme poétique fut le lien commun qui se trouva à unir en 1930-1945, Clair, Vigo, Renoir, Carné, Becker, Feyder. Ce grand réalisateur avait perdu, à Hollywood, cinq années durant lesquelles il ne lui fut pas permis de s'élever au-dessus de la production commerciale (Si l'Empereur savait ça, Le Spectre vert, 1930). De retour dans le vieux monde, il lui donna, au début de 1934, Le Grand Jeu.

Le scénario de Spaak et Feyder a vieilli ; les légionnaires, leurs amours, leurs bagarres sont - et étaient déjà - des acces­soires pour mélodrame. Mais l'ingénieuse affabulation, fondée sur une fausse reconnaissance, servit surtout à peindre la réalité de la vie coloniale : les bistros, l'absinthe, les cartes graisseuses, la chaleur, les mouches, la bohème, l'aventure à deux sous, l'abrutissement. L’œuvre décrivait surtout des ratés et des déclassés, bientôt héros favoris du cinéma français.

Pension Mimosas surpassa Le Grand Jeu. Cette œuvre par­faite, qui aujourd'hui reste sans rides, décrit certaines couches sociales qui vivent du jeu : les croupiers de Monte-Carlo et le « milieu » parisien. Mais aussi l'amour trouble d'une Phèdre moderne (Françoise Rosay) pour son fils adoptif (Paul Bernard). Tous les types sociaux y furent décrits et situés avec une par­faite justesse de touche, qui s'applique aussi aux décors) vrais personnages du drame : une pension de famille pour joueurs, la grande salle de casino, l'école des croupiers, une guinguette louche en banlieue. Le film finissait mal les billets gagnés à la roulette pour sauver un dévoyé n'empêchaient pas son suicide. Mais toute « rédemption » eût été conventionnelle et, hors de la passion amoureuse, quelle grandeur Feyder eût-il pu prêter à ces personnages, parents de ceux dont Vigo, dans A propos de Nice, avait stigmatisé, sur le vif, la mesquinerie et le ridi­cule ?

Aux habitués de la Pension Mimosas dont nous paraphrasons les propos, Feyder eût préféré un conflit entre ouvriers et patrons. Mais toutes les portes se fermaient devant lui quand il énonçait de tels projets. Il se trouvait en fin de compte réduit au mélo­drame dans un milieu pittoresque, mais médiocre. Comment s'étonner Si Feyder fut envahi non par le pessimisme, mais par une amertume lucide...

Avec ces deux films, Jacques Feyder devenait une figure importante de la nouvelle école française qui groupa, à partir de 1935, Jean Renoir, Marcel Carné, Julien Duvivier. Dans les divers courants de la tendance Réalisme poétique, on peut déceler avec l'influence du naturalisme littéraire et d'Emile Zola, certaines traditions de Zecca, Feuillade ou Delluc, cer­taines leçons aussi de René Clair et de Jean Vigo. Mais, qu'on le veuille ou non, le réalisme poétique dut aussi quelque chose à un homme de théâtre, alors fort décrié par les gens de cinéma, Marcel Pagnol.

Les acteurs emblématiques du réalisme poétique sont Michel SimonJean GabinArletty et Michèle Morgan.

À son tour, le réalisme poétique aura une influence importante sur le cinéma néoréaliste italien et sur la Nouvelle Vague.

marcel carné

Marcel Carné naît à Paris dans le quartier des Batignolles (17e arrondissement), d'un père ébéniste. Sa mère meurt alors qu'il a cinq ans et il est alors élevé par sa grand-mère. Il est très vite attiré par le cinéma : il se rend chaque jeudi à une projection de film, puis de plus en plus souvent, trichant quelquefois pour ne pas avoir à payer le prix de sa place.

Son père souhaite qu'il reprenne sa succession et devienne ébéniste, comme lui. Marcel Carné commence donc des cours pour apprendre à tailler le bois. Il les abandonne ensuite même s'ils ne lui déplaisent pas plus que ça. Il suit à la place deux fois par semaine, en cachette, des cours du soir de photographie à l'école des Arts et Métiers, obtenant le diplôme de technicien photographe.

Pour payer ses séances de cinéma qui se font de plus en plus nombreuses, il travaille alors dans une banque, puis une épicerie et dans une compagnie d'assurance.

Premières expériences cinématographiques

La première rencontre décisive de sa carrière a lieu en 1928 : il rencontre Françoise Rosay, la femme de Jacques Feyder, lors d'un dîner chez des amis communs. À la fin du repas, il obtient de celle-ci qu'elle organise pour lui une rencontre avec Feyder. Carné est alors engagé comme assistant-réalisateur secondaire sur le nouveau film de Feyder, Les Nouveaux Messieurs.

À la suite de cette première expérience, il part faire son service militaire en Rhénanie.

Lorsqu'il revient en France, en 1929, la revue Cinémagazine organise un concours de critique de films. Carné en soumet cinq, et reçoit le premier prix. Il est engagé comme critique cinématographique. Il écrit aussi dans les revues Hebdo-Film, Vu, Cinémonde et Film-Sonore.

En 1929, il décide de réaliser son premier documentaire sous le titre Nogent, Eldorado du dimanche, aidé financièrement par Michel Sanvoisin. Ce court-métrage raconte l'échappée dominicale de la jeunesse parisienne dans les guinguettes des bords de Marne. Charles Peignot le convainc ensuite de tourner des films publicitaires avec Jean Aurenche et Paul Grimault.

Puis il devient assistant pour la mise en scène de Richard Oswald dans le film Cagliostro (1929), de René Clair dans le film Sous les toits de Paris (1930), de Jacques Feyder pour Le Grand Jeu (1934), Pension Mimosas (1935) et La Kermesse héroïque (1935). Il dit de Feyder : « Je dois à peu près tout à Feyder. II m'a appris ce qu'est un film, depuis sa préparation jusqu'à la mise en scène proprement dite et aussi la direction des acteurs... La meilleure école de cinéma, c'est la pratique. »

Metteur en scène

En 1936, grâce à l'aide de Feyder, il réussit à réaliser son premier film, Jenny, et c'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Jacques Prévert, le scénariste qui contribue à établir sa réputation. Le tandem Carné-Prévert montre lors de leur premier film, Drôle de drame, une entente remarquable qui ne cesse de se renforcer.

Le Quai des brumes, tourné en 1938, marque un tournant important dans leur collaboration : le film remporte un grand succès, grâce à l'habileté de Carné dans la représentation des extérieurs et la direction des acteurs, ainsi qu'au grand talent de Prévert, qui réussit à amalgamer quelques-uns des thèmes du surréalisme tardif, typiques de sa poésie, avec une atmosphère inquiète à laquelle on doit certainement le charme du film.

En 1938 suit Hôtel du Nord et, en 1939, le remarquable Le jour se lève, où est raconté l'histoire d'un ouvrier qui, au moment où il va être arrêté par la police dans sa chambre, revit les instants qui l'ont amené à tuer par amour et, quand le soleil se lève, se suicide d'une balle. Dans ce film très engagé, la figure de l'ouvrier, que le Front populaire montre comme protagoniste social, devient un des thèmes de Prévert, qui interprète la réalité en termes métaphysiques suivant lesquels c'est le destin qui trace les événements de la vie, une figure socialement abstraite et anonyme. Cette forme de fatalisme existentiel marquera la fin des espoirs du premier Front populaire et ce n'est pas un hasard si cette année-là sort aussi le film dramatique de Jean Renoir La Règle du jeu.

Lorsque Paris est libérée, Carné et Prévert présentent leur chef-d'œuvre, Les Enfants du paradis, situé dans le Paris du XIXe siècle, sur le Boulevard du Crime, autour d'un mime fameux, Jean-Gaspard Deburau, et d'un grand acteur, Frédérick Lemaître, du début de leurs carrières jusqu'à la célébrité et de l'amour qu'ils ont tous deux pour la belle Garance. Le film fascine par son sens du récit, par l'adresse avec laquelle sont présentés figures et événements, par le soin apporté au cadrage et à la photographie et, surtout, par la prouesse des acteurs, de Jean-Louis Barrault à Pierre Brasseur, d'Arletty à Maria Casarès, de Marcel Herrand à Gaston Modot. L'année suivante, Carné et Prévert enchaînent avec Les Portes de la nuit.

Par la suite, Carné produit des œuvres moins importantes, mais de qualité, comme Juliette ou la clé des songes (1950), Thérèse Raquin (1953), Les Tricheurs (1958), Trois chambres à Manhattan (1965), Les Jeunes Loups (1968) et Les Assassins de l'ordre (1971).

Homosexuel, mais de manière non publique, Marcel Carné traita de thèmes homosexuels dans plusieurs de ses films, de manière secondaire ou parfois oblique : les relations ambiguës entre Jean Gabin et Roland Lesaffre dans L'Air de Paris, le personnage de Laurent Terzieff, qui se fait entretenir par des personnes des deux sexes dans Les Tricheurs, le gigolo bisexuel des Jeunes Loups. Il déclarait à ce sujet : « Je n'ai peut-être jamais tourné d'histoire d'amour entre hommes, mais ça a été souvent sous-jacent. [...] Mais d'histoires entre homos, non. Je me suis souvent posé la question : est-ce que c'est un manque d'audace ? Les films homosexuels ne font pas beaucoup d'entrées, c'est un circuit restreint, et je n'aimerais pas avoir un insuccès dans ce domaine, d'autant que je n'aimerais filmer alors qu'une grande histoire d'amour. Mais je crois surtout que j'aime mieux les choses qu'on devine ».

Polémiques

Comme pour tous les cinéastes, l’accueil des films n’est pas toujours à la hauteur des espérances de ceux qui les font. Si polémiques il y a, elles sont parfois uniquement cinématographiques. Pour deux films de Marcel Carné, elles ont pris une dimension politique.

Dès sa sortie, le film Le Quai des brumes est l'objet de nombreuses polémiques. Jean Renoir le baptise Le Cul des brèmes et insinue que c'est un film fasciste.

Dans ses mémoires, Carné raconte :

« La presse se partagea à peu près en deux camps : les journaux dits apolitiques qui ne tarirent pas d’éloges sur le film […] et la presse de gauche et d’extrême gauche qui, allègrement, par-dessus le film et afin de l’éreinter, tendait la main à celle de droite et d’extrême droite. »

Claude Gauteur dans son livre Jean Renoir, la double méprise, cite Marcel Lapierre (Le Merle blanc, 16 juillet 1938) :

« Renoir a dit que ce film était de bonne propagande fasciste. Pourquoi ? Parce qu’il montre des individus tarés, immoraux, malhonnêtes et que, lorsqu’on voit de tels types, on pense immédiatement qu’il faudrait un maître, un dictateur à trique pour remettre de l’ordre là-dedans. »

Jacques Prévert, furieux, téléphona à Renoir et le menaça de « lui casser la gueule ». Carné raconte : « Ce à quoi Renoir rétorque : « Tu sais comment je suis, je voulais seulement dire que les personnages avaient la tripe fasciste. »

Autre polémique pour Les Portes de la nuit : « sous le prétexte qu’on y montrait deux ouvriers résistants, un grand bourgeois collaborateur et son fils milicien, on ne manqua pas de nous faire à Jacques [Prévert] et à moi un nouveau procès d’intention. »

Lucien Rebatet, journaliste et critique collaborationniste, décrit ainsi Marcel Carné dans Les Tribus du cinéma et du théâtre publié en 1941 :

« Marcel Carné est aryen, mais il a été imprégné de toutes les influences juives. Il n'a dû ses succès qu'à des juifs et a été choyé sous leur étiquette. Carné, qui ne manque pas de dons, a été le type du talent enjuivé. Il a été, en France, le représentant de cet esthétisme marxiste qui est partout un des fruits de la prolifération des Juifs… Ses héros sont des médiocres assassins, des candidats au suicide, des souteneurs, des entremetteuses… Dans l'immense diffusion du cinéma, ces produits spécifiques du judaïsme ont joué un rôle de dissolvant social et contribué à l'avilissement des esprits et des caractères ».

À la sortie des Visiteurs du soir en 1943, Rebatet s'est fait photographier entre Arletty et Marcel Carné.

Collaboration avec Jacques Prévert

Marcel Carné et Jacques Prévert ont collaboré à la réalisation de nombreux films : le premier en tant que metteur en scène, le second en tant que dialoguiste et scénariste. Ces films ont compté parmi les plus grands succès de la carrière de Carné, si bien que certains se sont interrogés sur la paternité à attribuer à chacun sur ces projets.

En 1965, lorsque Robert Chazal lui demande d’évoquer sa collaboration avec Prévert, le cinéaste répond : « On a tellement dit de choses inexactes à ce sujet… Ceux qui veulent m’être désagréables disent que, sans Prévert, je n’aurais pas fait les films que l’on connaît. D’autres disent la même chose à propos de Prévert. En fait, notre rencontre a été bénéfique, mais il aurait été néfaste pour l’un comme pour l’autre d’éterniser une collaboration qui ne s’imposait plus. Nous avions évolué chacun de notre côté. Il faut pour collaborer comme nous l’avons fait, Prévert et moi, une identité de vue et de réaction qui ne peut être un phénomène de très longue durée. […] Beaucoup de journalistes chercheront à savoir quelle part revenait à chacun d’entre nous dans la confection d’un film. Nous-mêmes n’aurions pas su très bien le dire. Sauf les dialogues que Prévert rédigeait seul et que j’ai rarement modifiés, la rédaction du scénario, le choix des acteurs, étaient un peu un travail en commun, où l’importance de la part de l’un et de l’autre variait suivant le film. Notre collaboration cependant s’arrêtait à la remise du script définitif, Prévert me laissant absolument libre de réaliser le film comme je l’entendais… […] J’avais peut-être un certain équilibre inné de la longueur des scènes et de la construction.»

D'après le comédien Raymond Bussières, « Carné “encadrait” bien le délire de Jacques », « leur œuvre commune [étant] faite de leur perpétuel conflit ». Selon lui, « les deux hommes sont aussi différents que possible, et chacun apportait à l’autre ce qu’il n’avait pas. Carné est aussi froid que Jacques est délirant » (à Marcel Oms). Il ne pense pas qu’il y ait existé une profonde amitié entre les deux hommes mais plutôt une sorte d’attachement assez difficile à cerner de l’extérieur. Arletty qualifie quant à elle Carné de « Karajan du septième art » qui « dirige par cœur la partition qui lui est confiée, en grand chef » (La Défense).

Si Prévert ne se livre pas sur le sujet, Carné précise en 1946 à Jean Queval dans L'Écran français du 29 mai : « Sur le plateau, je ne change pas un mot et je veille au respect absolu de son texte par les acteurs. Il arrive que je sois contraint de couper : je ne le fais jamais sans son accord ».

Dans son portfolio consacré à Jacques Prévert pour l'Association pour la Diffusion de la Pensée Française (ADPF), Danièle Gasiglia-Laster écrit : « On a parfois décrété que les images raffinées et esthétisantes de Carné s'accordaient mal avec le style direct et populaire des dialogues de Prévert. C'était méconnaître la richesse et la variété de ce style qui allie humour et poésie, onirisme et notations réalistes, lyrisme et fantaisie, qui donne l'impression d'être immédiat et spontané mais résulte d'un travail minutieux. Georges Sadoul a parlé de « réalisme poétique » en évoquant l'association Prévert-Carné, Pierre Mac Orlan dira « fantastique social ». Ces désignations reflètent bien la dualité de ces films, où des personnages issus de milieux modestes évoluent dans les décors inquiétants et splendides d'Alexandre Trauner, portés par la musique de Maurice Jaubert ou de Joseph Kosma ». Selon D. Gasiglia-Laster, l'opposition que l'on fait habituellement entre Carné et Prévert résulte donc d'une insuffisante prise en considération de la démarche artistique de Prévert et de ce qui, chez lui, n'est pas réductible au jaillissement d'un burlesque incontrôlé.

Carole Aurouet en revient à l'opposition mais lui trouve des avantages dans Prévert, portrait d'une vie : « Prévert et Carné ont incontestablement des caractères contraires. C’est d’ailleurs probablement leur opposition qui permit leur complémentarité dans le travail et qui fit leur succès. »

Extraits de films

Jean Renoir

Jean Renoir : documentaire

Jean Renoir naît le 15 septembre 1894 à 11 heure du soir dans le quartier de Montmartre , « la maison était le pavillon 6 du 13 de la rue Girardon », en face du château des Brouillards ». Sa mère est Aline Charigot, ancien modèle de son père, qu'Auguste Renoir a épousée en 1890. Pour s'occuper de lui, les Renoir font venir d'Essoyes, le village d'Aline, Gabrielle Renard, qui sera la muse du peintre et conservera des relations très profondes avec Jean.

Jean Renoir est baptisé en 1896 à l'église Saint-Pierre de Montmartre, à Paris. Sa marraine est Jeanne Baudot et son parrain Georges Durand-Ruel.

Jean Renoir âgé de 6 ans, par Auguste Renoir.

 

Gabrielle Renard et Jean, peints par Auguste Renoir (1895-1896).

La famille d'Auguste Renoir (73, rue Caulaincourt, Paris) vers 1902-1903 :

Auguste Renoir, sa femme Aline Charigot tenant Claude, Jean (avec un béret) et Pierre .

 

Biographie

Débuts

Après des études médiocres, il s'engage dans l'armée en 1913, et rejoint le corps des dragons. En 1914, quand commence la Première Guerre mondiale, il est maréchal des logis au 3e escadron du 1er régiment de dragons sous les ordres du capitaine Louis Bossut, modèle possible du capitaine de Boëldieu de La Grande Illusion.

En avril 1915, alors qu'il vient de passer dans les chasseurs alpins, Renoir a le col du fémur fracturé par une balle, au cours d'une patrouille sur les hauteurs d'Orbey, en Alsace, blessure qui le fera boiter toute sa vie. Il évite de justesse l'amputation grâce à la présence fortuite du professeur Laroyenne de Lyon, alors infirmier sous les drapeaux, qui s'oppose à cette intervention chirurgicale. En juin 1915, hospitalisé à Besançon, il apprend la mort de sa mère à l'hôpital de Nice. Convalescent à Paris, aux côtés de son père, Jean passe sa vie dans les cinémas, voyant jusqu'à vingt-cinq films par semaine, dont Les Mystères de New York et les films de Charlie Chaplin. En 1916, il retourne au front et sert dans l'aviation, où sa mauvaise jambe ne le gêne pas. Il est affecté dans une escadrille de reconnaissance, et y apprend la photographie.

En 1920, il s'installe comme céramiste à Cagnes et épouse le 24 janvier 1920 à 10 heure à Cagnes-sur-Mer l'un des modèles de son père, Andrée Heuschling, « d'une beauté insolite ». Jean, qui veut faire d'elle une vedette de cinéma, écrit un petit sujet, Catherine, qu'il finance lui-même et fait réaliser par Albert Dieudonné. Andrée Heuschling devient Catherine Hessling. Le film achevé est une déception pour Jean, mais, dit-il, « le démon de la mise en scène était en moi. » La découverte, en 1924, du film d'Erich von Stroheim, Folies de femmes (Foolish Wives), l'enthousiasme, et décide de la suite de sa carrière.

Son premier long métrage, La Fille de l'eau (1924), est une fable bucolique à l'esthétique impressionniste, dans lequel jouent sa jeune épouse et son frère aîné, Pierre Renoir. L'accueil mitigé réservé au film ne décourage cependant pas le cinéaste. Il se lance peu après dans une production coûteuse, Nana, d'après le roman d'Émile Zola, en 1926. Pour financer ce film au coût élevé, il vend plusieurs toiles héritées de son père. L'échec commercial du film le détourne pour longtemps de la production. Suivent une série de réalisations aux inspirations très diverses, La Petite Marchande d'allumettes (1928), d'après Andersen, incursion dans l'expressionnisme ; Tire-au-flanc (1928), comédie militaire ; On purge bébé (1931), d'après Georges Feydeau, son premier film parlant.

En 1927, Jean Renoir a accepté de jouer un simple rôle dans La P'tite Lili, court métrage d'Alberto Cavalcanti, pour aider Catherine Hessling à devenir une vedette de cinéma. Par une étonnante coïncidence, ce film réunit les trois compagnes de Renoir qui ont le plus compté dans son existence : sa première épouse Catherine Hessling, sa « monteuse et compagne » des années 1930 Marguerite Renoir et Dido Freire, amie de Cavalcanti, qui deviendra sa seconde épouse.

Période réaliste et engagement politique

La Chienne (1931) marque un tournant dans l'œuvre de Jean Renoir. C'est un des premiers films français parlants, adapté d'un roman de Georges de La Fouchardière ; La Chienne offre à Michel Simon un rôle de petit-bourgeois martyrisé par son épouse et abusé par une femme de petite vertu elle-même manipulée par son souteneur. Le tournage de La Chienne est par ailleurs à l'origine de la séparation de Renoir et Catherine Hessling, dépitée d'avoir été remplacée par Janie Marèse pour le premier rôle féminin.

À partir de 1932, Renoir vit avec Marguerite Houllé, rencontrée en 1927 sur le tournage de La P'tite Lili, sa monteuse attitrée qui travaille sur tous ses films de 1931 à 1939. Marguerite prendra le nom de Marguerite Renoir, bien que leur vie commune n'ait jamais été officialisée.

Après La Nuit du carrefour (d'après Georges Simenon, 1932), dans lequel Pierre Renoir interprète le commissaire Maigret, le réalisateur tourne une série d'œuvres majeures : Boudu sauvé des eaux (avec à nouveau Michel Simon, 1932), Le Crime de monsieur Lange (avec Jules Berry, 1935), Partie de campagne (1936, sorti en 1946) dont son neveu, Claude Renoir, signe la photographie, et Les Bas-fonds (avec Louis Jouvet, 1936). Puisant son inspiration dans les romans de Gorki ou dans les nouvelles de Maupassant, Jean Renoir fait preuve d'un sens aigu du réel, qu'il met au service d'un véritable naturalisme poétique.

Sa vie commune avec Marguerite Renoir va marquer une transformation dans son œuvre. Née dans une famille ouvrière, fille de syndicaliste, sœur d'un militant communiste, elle le convainc peu à peu de défendre la cause ouvrière, et le présente au groupe Octobre dont font partie entre autres Jacques Prévert, Roger Blin et Maurice Baquet. En 1936, Renoir lui offre un rôle à ses côtés dans Partie de campagne.

Désormais, sa production prend une dimension ouvertement politique, marquée par les idées du Front populaire : Le Crime de monsieur Lange (1935), Les Bas-fonds, La vie est à nous (1936), La Marseillaise (1937). La vie est à nous est produit par le PCF, et La Marseillaise coproduit par la CGT, avec un original système de participation des spectateurs qui achètent leur place à l'avance. Ce film est un semi-échec commercial. Renoir, qui n'a jamais été membre du PCF, écrit régulièrement dans des périodiques de gauche, le quotidien Ce soir, la revue Regards et Ciné-Liberté.

Avant la Seconde Guerre mondiale, Jean Renoir tente de promouvoir un message de paix avec La Grande Illusion (1937), montrant l'absurdité de la guerre. Il fait tourner dans ce film, en manière d'hommage, le cinéaste qu'il admire le plus, Erich von Stroheim, aux côtés de Jean Gabin. Dans La Bête humaine (1938), il s'efforce de mettre en scène les enjeux sociaux de l'époque.

Dans son chef-d'œuvre, La Règle du jeu (1939), sorti en juillet 1939, Renoir prévoit l'effondrement des valeurs humanistes et brosse un tableau sans complaisance des mœurs de la société française. Mais à la veille de la Seconde Guerre mondiale, ce film sera son plus grand échec commercial. Renoir a raconté qu'à la première de son film, il a vu un homme qui essayait de mettre le feu à la salle avec un journal et des allumettes. François Truffaut, dans son livre Les Films de ma vie, écrit « La Règle du jeu (1939) c'est le credo des cinéphiles, le film des films, le plus haï à sa sortie, le plus apprécié ensuite. »

Sa liaison avec Marguerite se termine, et il vit désormais avec Dido Freire, rencontrée sur le tournage de La P'tite Lili, engagée comme scripte sur le tournage de La Règle du jeu, et qui deviendra sa dernière épouse.

En janvier 1940, il part en Italie pour tourner La Tosca, d'après la pièce de Victorien Sardou, avec Michel Simon.

Sur les conseils de l'ambassadeur de France, en mai 1940, il quitte prématurément le tournage (une seule séquence est tournée par Renoir, le reste par son ami et scénariste Carl Koch) pour rentrer à Paris. En juillet, grâce au réalisateur Robert Flaherty, Renoir obtient un visa de travail pour les États-Unis.

Il avait cependant initialement offert ses services à Vichy, le critique cinématographique Pascal Mérigeau notant : « Renoir ne s'est pas opposé au courant dominant, écrit Mérigeau, il l'a accompagné, s'exprimant et se comportant comme le pétainiste convaincu que probablement il n'était pas, au service de la seule cause qui lui importait, la sienne propre ».

Il quitte Marseille avec Dido en octobre 1940 pour Lisbonne et les États-Unis. Sur le bateau, il rencontre un passager notable, Antoine de Saint-Exupéry, avec lequel il travaillera sur une adaptation du roman de celui-ci, Terre des hommes, qui n'aboutira pas.

La grande illusion - Extraits : 1 - 2

Période américaine

Renoir arrive à Hollywood le 10 janvier 1941. Après de nombreuses et longues négociations, il signe enfin un contrat avec la Fox et dirige L'Étang tragique (Swamp Water) en 1941, écrit par Dudley Nichols, scénariste attitré de John Ford, film tronqué par les contraintes de la production qui exigea de nombreux plans tournés en studio. Néanmoins le film poursuit le cheminement de Renoir dans sa réflexion sociale, qui met en relief la différence, l'exclusion, puis la réhabilitation des personnages, incarnés ici par Anne Baxter et Walter Brennan. Le film est un échec commercial et Renoir doit défendre ses convictions pour poursuivre son œuvre (il tournera six films aux États-Unis). Il épouse Dido Freire en février 1944, à Los Angeles, avec Charles Laughton et Dudley Nichols comme témoins.

Renoir qui s'adapte difficilement au système hollywoodien, réalise en 1943 et 1944 deux films de résistance Vivre libre (This Land Is Mine), avec Charles Laughton et Salut à la France (A Salute to France). En 1945, il tourne L'Homme du sud (The Southerner), film proche de thèmes chers à John Ford (Les Raisins de la colère, La Route du tabac, Qu'elle était verte ma vallée) : la misère, la communauté, la famille, la relation étroite avec la terre, le terroir, le territoire. L'Homme du sud lui vaut une nomination à l'Oscar du meilleur réalisateur. En 1946, dans Le Journal d'une femme de chambre (The Diary of a Chambermaid), d'après le roman d'Octave Mirbeau, Renoir fait tourner Paulette Goddard, épouse de son ami Burgess Meredith et ex-épouse de Charlie Chaplin.

Jean Renoir termine sa période américaine avec La Femme sur la plage (The Woman on the Beach) en 1947, avec Robert Ryan et Joan Bennett, un film noir, amputé au montage, qui ne trouva pas son public. Daryl F. Zanuck déclare, après cet échec : « Renoir a beaucoup de talent, mais il n'est pas des nôtres ». Sans aucune amertume, Jean Renoir sera toujours profondément reconnaissant envers les États-Unis. Il prend d'ailleurs la double nationalité, comme son fils Alain Renoir, né en 1921 de son union avec Catherine Hessling.

En 1949, Renoir découvre le roman de Rumer Godden, The River, et décide de partir pour l'Inde tourner son premier film en couleurs, Le Fleuve (The River), film épousant le rythme du Gange et attentif aux êtres vivants. Ce film aura une influence durable sur le cinéma indien et sur Satyajit Ray.

Derniers films

De retour en France en 1952, Jean Renoir tourne Le Carrosse d'or (d'après Prosper Mérimée, 1952), French Cancan (avec Jean Gabin et Françoise Arnoul, 1955), Elena et les Hommes (avec Ingrid Bergman et Jean Marais, 1956), Le Déjeuner sur l'herbe (avec Catherine Rouvel, 1959) et Le Caporal épinglé (d'après Jacques Perret, 1962).

Rencontrant des difficultés de plus en plus importantes à produire ses films, il se tourne alors vers la télévision (Le Testament du docteur Cordelier, 1959 ; Le Petit Théâtre de Jean Renoir, 1969-1971) et se consacre plus largement à l'écriture : il publie un livre sur son père, Renoir, mon père (1962), son autobiographie, Ma vie et mes films (1974), un essai (Écrits 1926-1971, 1974), quelques pièces de théâtre, Orvet (1955), ainsi que plusieurs romans (Les Cahiers du capitaine Georges, 1966 ; Le Crime de l'Anglais, 1979).

Il reçoit en 1975 un Oscar d'honneur pour l'ensemble de son œuvre et se voit élevé au rang de commandeur de la Légion d'honneur deux ans plus tard. Il fait partie des très rares artistes français à avoir été honorés par une étoile au Hollywood Walk of Fame à Los Angeles.

Jean Renoir meurt à Beverly Hills, où il s'était retiré, le 12 février 1979. Il est enterré à Essoyes, dans l'Aube, près de son père, son frère Pierre et sa seconde épouse Dido.

Jean Vigo

Biographie

Jean Vigo est le fils de l'anarchiste Eugène Bonaventure Vigo, dit Miguel Almereyda (1883-1917), directeur des journaux La Guerre sociale et Le Bonnet rouge.

                                          

Jean Vigo est l'arrière-petit-fils de Bonaventure Vigo maire de Saillagouse en Cerdagne et 1er viguier d'Andorre.

En 1917, son père se reconvertit au pacifisme après avoir mesuré les horreurs de la guerre et est arrêté et incarcéré à la prison de Fresnes. Il est retrouvé mort, étranglé avec son lacet de chaussure dans des circonstances douteuses. La vindicte de l'extrême droite est virulente et menaçante, et la famille se cache.

Jean Vigo est rejeté de lycée en lycée, tenu à l'écart par ses camarades. Il est pris en charge par son grand-père par alliance Gabriel Aubès, photographe à Montpellier, qui l'initie aux images.

Jean Vigo se marie avec Lydu Lozinska et, en 1931, a une fille unique Luce, qui narre la rencontre de ses parents, et parle de la mort de son père : « Ils s'étaient connus à Font-Romeu - la Cerdagne et l'Andorre sont en effet le berceau de ma famille paternelle - pour respirer le bon air pur de la montagne et se soigner... Mon père, de santé fragile comme ma mère d'ailleurs - ils avaient tous les deux la tuberculose - est décédé quand j'avais 3 ans. J'ai perdu maman, d'origine polonaise, à l'âge de 8 ans. »

Jean Vigo est connu pour deux films, qui influeront le futur développement du cinéma français et mondial : Zéro de conduite (1933) et L'Atalante (1934). Extraits : 1 - 2

Auparavant, il avait aussi réalisé : À propos de Nice (1929) avec Boris Kaufman, un film muet examinant les inégalités sociales du Nice des années 1920, ainsi que le film La Natation par Jean Taris (1931), une élégante étude du nageur Jean Taris.

Ses films à leur sortie sont décrits par certains comme antipatriotiques et sont censurés par le gouvernement français. Du coup, L'Atalante est remonté par ses producteurs et ressorti sous le titre Le Chaland qui passe. Et Zéro de conduite ne sera autorisé de projection que le 15 février 1946. Jean Vigo a écrit quelques scripts pour des projets de films non réalisés: Le tennis, Anneaux, La Camargue, le Métro, Lourdes, Au café, Lignes de la main, Chauvinisme.

Parmi les premiers spectateurs de ses films, se trouve François Truffaut, qui dit lui devoir son regard.

Jean Vigo meurt à Paris de septicémie. Il est enterré au Cimetière parisien de Bagneux.

En 1951, est créé en son honneur le prix Jean-Vigo, qui distingue souvent de jeunes réalisateurs. En 2007, le Festival Punto de Vista (es), en Espagne, récompensera le meilleur réalisateur de sa compétition internationale avec le premier Prix Jean-Vigo espagnol.

Scènes cultes du cinéma français

Marcel Carné 

Le quai des brumes 

Marcel Carné 

Hôte du Nord

Marcel Carné 

Drôle de drame

Marcel Carné 

Le jour se lève

Marcel Carné 

les enfants du paradis

 

Jacques Becker

Casque d'or

Marcel Carné 

Les portes de le nuit

Julie Duviver

Pépé le Moko

Claude Autant-Lara

La traversée de Paris

Guy Lefranc

Knock

Claude Autant-Lara

L'auberge rouge

Jacques Becker

Touchez pas au grisbi

 

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                 VIII - A L'ÉTRANGER, AUTRES AUTEURS EXCEPTIONNELS

Allemagne Amérique Angleterre Chine  Danemark Espagne

Grêce

Italie Japon Inde Serbie Suède

 

Allemagne

 Wenders

 Fassbinder

Wim Wenders, né le 14 août 1945 à Düsseldorf, Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, est un réalisateurproducteurscénariste de cinéma et photographe allemand. Il est l'un des représentants majeurs du nouveau cinéma allemand des années 1960-70. Depuis 1996, il est président de l'Académie Européenne du Cinéma, installée à Berlin. Il travaille principalement aux États-Unis.

En 1971, il crée, avec d'autres figures du Nouveau cinéma allemand, le Filmverlag der Autoren. Ayant pour objectif d'être des auteurs complets, ces cinéastes s'associent afin de produire, réaliser et distribuer leurs films en toute indépendance. N'étant plus satisfait de ce type de production, Wenders crée, en 1974, sa propre société, la « Wim Wenders Produktion ».

Il marque une rupture artistique avec Alice dans les villes (Alice in den Städten1974) qui révèle sa tonalité intimiste et romantique. Il y affirme également son penchant pour les personnages en marge, l'errance et le voyage insolite, tant physique qu'introspectifAu Fil du temps (Im Lauf der Zeit) reçoit le Prix de la critique internationale à CannesAlice dans les villesFaux Mouvement (Falsche Bewegung1975, inspiré du Wilhelm Meister de Goethe) et Au Fil du temps forment une trilogie sous forme de road movie dans laquelle Wenders définit ses thèmes de prédilection (paysages, mouvement, quête existentielle, difficulté de communiquer) et fait part de sa fascination pour la culture musicale et cinématographique américaine. Il y porte un regard désabusé sur la société allemande d'après-guerre en général et sa génération en particulier. Par ailleurs, il y traduit en images l'influence expérimentale de son ami écrivain Peter Handke : silences, dialogues en décalage, absence d'explications logiques, intrigue circulaire, montage syncopé, ellipses malmenant la narration, etc.

L'État des choses (Der Stand der Dinge1982), Grâce à L'Ami américain (Der Amerikanische Freund), relecture très personnelle de Patricia Highsmith avec notamment Dennis HopperNicholas Ray et Samuel Fuller, il acquiert un début de notoriété aux États-Unis.qui repose sur le procédé de mise en abyme, évoque toutes les difficultés à surmonter pour la réalisation d'un film. Wenders y revient ainsi, de manière indirecte, sur les problèmes qu'il a rencontrés lors du tournage de Hammett. Pour L'État des choses, le réalisateur reçoit le Lion d'or à la Mostra de Venise 1982.

En 1984 sort Paris, Texas, co-adapté par Sam Shepard d'après son roman. Ce drame sur le nouveau départ et la possibilité de réparer les erreurs passées prend les grands espaces américains pour décor. Produit par Anatole Dauman et interprété par Nastassja KinskiHarry Dean Stanton et Dean Stockwell, le film obtient la Palme d'or au 37e festival de Cannes. Ce n'est qu'en 1985, après un contentieux avec la maison de production sur les droits de location (affaire qui va jusqu'aux tribunaux), que le long métrage est enfin distribué dans les salles allemandes.

Les Ailes du désir (Der Himmel über Berlin1987), également financé par Dauman, est une fable allégorique avec le Mur de Berlin en toile de fond. Dans cette œuvre qui vaut à Wenders le prix de la mise en scène à Cannes, un ange renonce par amour à son statut céleste pour devenir humain. Avec Paris, Texas, il s'agit de son plus grand succès commercial.

En 1989, il préside le jury du 42e festival de Cannes, remettant notamment la Palme d'or à son jeune confrère débutant, Steven Soderbergh, pour Sex, lies and videotapes (en anglais dans le texte).

Wenders commence en 1989 un ambitieux projet de science-fiction, Jusqu'au bout du monde (Bis ans Ende der Welt). Ce film, déjà en projet depuis 1977, n'est achevé qu'après un an et demi de tournage, en 1991. L'œuvre, à l'origine de 280 minutes, doit être réduite à 180 minutes pour sa sortie (et même à 158 minutes pour l'exploitation américaine). Le film reçoit des critiques mitigées.

Les films de fiction qui suivent, Si loin, si proche (In weiter Ferne, so Nah!1993, suite des Ailes du désir récompensée par le grand prix du jury cannois)Lisbonne Story (1994), Am Ende der Gewalt (1997), The Million Dollar Hotel (2000) ou encore Don't Come Knocking (2005) qui marque ses retrouvailles avec Sam Shepard, ne permettent pas au réalisateur de renouer vraiment avec le succès.

                                                       

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Fassbinder

Rainer Werner Fassbinder est un réalisateur allemand né le 31 mai 1945 à Bad Wörishofen (Bavière) et mort le 10 juin 1982 à Munich, en Bavière.

 

Il est l’un des représentants du nouveau cinéma allemand des années 1960-1970. Il a été également acteur, auteur et metteur en scène de théâtre.

Venu du théâtre, auteur d'une imposante œuvre cinématographique et télévisuelle interrompue par sa mort prématurée, Fassbinder a été l'une des plus puissantes figures du nouveau cinéma allemand. Ses films dénoncent un certain état de la société allemande, sa violence de classes et le refoulé de son passé nazi.

Le monde comme volonté et représentation

« Pas d'utopie est une utopie. » (Rainer Werner Fassbinder)

Rainer Werner Fassbinder comparait sa filmographie à une maison. Les mauvaises langues sont tentées d'orner l'entrée de l'édifice d'un dantesque « Désespoir », en anglais Despair – comme son adaptation du roman éponyme de Vladimir Nabokov (1978). C'est oublier, au-delà de la chape de plomb existentielle associée à son cinéma (Années 70 ! Papier peint brunâtre !), que le sous-titre de Despair était Voyage vers la lumière. Tendue entre ciel et terre, la beauté mélancolique de l'œuvre de Fassbinder est celle d'un cinéma de l'utopie, sous le sceau du rimbaldien « Je est un autre » qu'un personnage lâche dans sa pièce L'Ordure, la ville et la mort. L'archétype du personnage fassbindérien se projette, rêve d'une âme frère/sœur avec qui il ne ferait qu'un, son double, son reflet mais aussi (et surtout) son bourreau. « Chaque homme tue ce qu'il aime », chantait Jeanne Moreau dans Querelle. Le coup de foudre entre le personnage-titre de Martha et son futur époux, traité comme un ballet de poupées mécaniques, témoigne de la ferveur fantasmatique dans laquelle le protagoniste fassbindérien se noie par amour et pour cette utopie. C'est dans le mélodrame, avec ses excès, ses circonvolutions, ses dilemmes et relations dominant/dominé que Fassbinder trouvera la forme idoine pour mettre en scène cette quête. Cela tient autant à un amour pour le romanesque qu'à un sens personnel de la responsabilité de l'artiste et de celle du spectateur : « Le fait que le film ait une fin fataliste fait naître dans l'esprit du public le besoin de rechercher une idée utopique. Donc, plus un film est fataliste, plus il est porteur d'espoir. »

Je suis vous

Si la vie continue donc après le cinéma, celle de Fassbinder aura fait corps avec ses films : le fils unique de l'après-guerre, né en 1945, qui, délaissé par sa mère, l'emploiera ensuite comme actrice pour lui donner le mauvais rôle (L'Allemagne en automne) et se cherchera une famille de substitution dont il serait l'ange exterminateur (Roulette chinoise). L'adolescent qui se muera en petite frappe et s'identifiera toute sa vie au délinquant Franz Biberkopf du roman d'Alfred Döblin qu'il portera à l'écran, Berlin Alexanderplatz. L'amant abusif avec les femmes comme les hommes – ces derniers de préférence de type prolo et métèque (Tous les autres s'appellent Ali, Le Droit du plus fort). Jusqu'à Prenez garde à la Sainte putain (1971), la première utopie qui occupe Fassbinder – et sa génération – est celle du groupe : soit les acteurs de sa troupe de théâtre, l'Antiteater. Les planches ne sont qu'une étape pour lui, qui se sert de cette bande comme d'une usine à films au sens Factory d'Andy Warhol, créant ses propres superstars (Hanna Schygulla) et, à la chaîne, des films frontaux, polaires et punk avant l'heure. Les fondations de sa maison-cinéma sont là, dans un chantier permanent où un film est vite chassé par le suivant tout en y étant connecté (Prenez garde à la sainte putain comme making-of de Whity) et où les interprètes récurrents dans les mêmes emplois (du visqueux Kurt Raab à la thatchérienne Irm Hermann) composent un univers cinématique partagé dont l'équivalent moderne pourrait être, curieusement, les films de super-héros Marvel. Du théâtre à l'écran, Fassbinder prélèvera la distance et l'artificialité (dès son premier film de gangsters L'Amour est plus froid que la mort (1969), on « joue » au gendarme en voleur), posant les bases de la scène fassbindérienne typique, surcadrée et diffractée – où le monde est une scène pour mannequins et mobilier derrière une vitre, où les personnages se mirent dans la glace et comprennent qu'ils ne seront jamais en accord avec l'image qu'ils doivent renvoyer à la société. Le spectateur, face à l'intensité du drame, ne peut que vouloir taper sur la surface du verre. Et entrevoir son propre reflet.

Je suis Marilyn

Fassbinder, qui a toujours voulu toucher un large public, trouvera la solution pour fissurer la vitrine et refaire la décoration de son monde, via Douglas Sirk. Sa fixation sur l'auteur de Mirage de la vie est autant le rappel de la dette de Hollywood envers l'Allemagne qu'une épiphanie devant les pouvoirs d'un cinéma en apparence plus direct, mais contrebandier de cœur car prompt à l'autocritique. Contrairement à Wim Wenders rêvant d'Amérique pour mieux y travailler, Fassbinder fera son Hollywood-sur-le-Rhin, commençant avec Le Marchand de quatre saisons (1972), variation sur Écrit sur du vent où les fruits et légumes remplacent le pétrole. Sirk réveillera les envies de glamour de Fassbinder, qui centre alors ses films sur des personnages féminins, premières victimes de l'oppression mais capables de la retourner. Fassbinder se projette en elles et ses actrices, visages multiples d'un idéal féminin : Hanna Schygulla en Marilyn Monroe plus terrienne, Margit Carstensen (Les Larmes amères de Petra von Kant, 1972) en tragédienne cérébrale, Ingrid Caven en héritière de Marlene Dietrich et du cabaret décadent de Weimar, ou Brigitte Mira en mère angélique que tout le monde rêverait d'avoir.

Je suis l'Allemagne

Bien sûr, la maison Fassbinder est aussi un miroir tendu à la République Fédérale d'Allemagne, vite choquée par un cinéaste cultivant savamment son image de bad boy et qui disait, en pleine affaire Baader-Meinhof, préférer faire des films plutôt que poser des bombes. Le reflet est impitoyable, contemporain comme historique : ce sont la critique de la gauche de Maman Küsters s'en va au ciel (1975), le terrorisme et le capitalisme mis en parallèle dans La Troisième génération (1978), et à mesure qu'il devient un auteur de stature internationale à partir de 1976, une généalogie de l'Allemagne (Effi Briest, 1974 ; La Femme du chef de gare, 1976, et la « trilogie » Le Mariage de Maria Braun, 1979 ; Lola, 1981 ; Le Secret de Veronika Voss, 1982) en forme de réquisitoire contre le péché originel de la RFA : avoir gardé la même mentalité intolérante et petite-bourgeoise que sous le nazisme, à présent remplacée par la société de consommation. Le thème du double chez Fassbinder signe les noces du freudisme (l'intime, l'inquiétante étrangeté) et du marxisme (le collectif), en écho à la phrase de Marx selon laquelle « celui qui ne connaît pas l'Histoire est condamné à la revivre ».

Je suis une légende

À sa mort en 1982, d'un cocktail drogue/épuisement, Fassbinder aura réalisé quarante films, conclus par Querelle (1982), apothéose de son idée d'artificialité et d'utopie au cinéma. Inscrite dans son temps, l'œuvre reste indéniablement moderne. La dense série de télévision d'auteur tant vantée aujourd'hui, Fassbinder l'avait tranquillement réussie en 1979 avec Berlin Alexanderplatz (dont l'épilogue libre et halluciné a au moins comme point commun la bombe atomique avec le fameux huitième épisode de la saison 3 de Twin Peaks) et Huit heures ne font pas un jour (1972), tendre soap opéra dans le monde ouvrier conçu pleinement pour éduquer les masses. Et dans notre ère d'avatars, d'identités virtuelles, de selfies et narcissisme, l'acuité dès 1973 de son téléfilm de SF pré-Matrix, Le Monde sur le fil, est sublime dans sa prescience de notre monde gagné par l'abstraction, devenu une scène fassbindérienne au-delà du miroir. Son héros y déclare : « Nous sommes vivants. Ils sont comme des gens à la télévision dansant pour nous. »

Léo Soesanto

Fassbinder en images - ITV


                                   

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Schlöndorff

En Angleterre :

 

John Boorman

 Ken Loach

 Alan Parker

 Ken Russel

 Joseph Losey

 Carol Reed

John Boorman

John Boorman , né le 18 janvier 1933 à Shepperton, dans le comté du Middlesex,

dans la banlieue ouest de Londres, est un réalisateur, producteur, scénariste et acteur anglais.

 

 

Jeunesse

John Boorman nait le 18 janvier 1933 à Shepperton, alors dans le comté du Middlesex, dans la banlieue ouest de Londres. Il reçoit une partie de son éducation chez les Jésuites.

Sa jeunesse est marquée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, épreuve qu'il évoquera plus tard dans son film Hope and Glory (La Guerre à sept ans), le plus autobiographique de toute sa filmographie. À dix-huit ans, il devient critique de cinéma dans des revues spécialisées et participe à des émissions radiophoniques sur le même thème.

Carrière

Son premier long métrage, Sauve qui peut, sort en 1965. Le succès de ce film lui permet de partir aux États-Unis où il met en scène deux films assez violents. D'abord Le Point de non-retour (Point Blank), adaptation d'un roman de Donald Westlake avec Lee Marvin, puis Duel dans le Pacifique, un drame de guerre qui ne met en scène que deux personnages, un soldat américain et un japonais, interprétés par Lee Marvin et Toshirō Mifune. Ces deux films valent à Boorman une notoriété internationale.

Revenu en Grande-Bretagne, il réalise la comédie dramatique Léo le dernier (1970), une parabole sociale dont Marcello Mastroianni est la vedette et pour lequel John Boorman reçoit le prix de la mise en scène au festival de Cannes 1970. De retour aux États-Unis, il dirige un de ses films les plus célèbres Délivrance, autre parabole dans laquelle on voit le « mythe du retour à la nature confronté à de dures réalités » (d'après le critique Robert-Claude Bérubé). Le film raconte l'histoire d'un groupe de copains qui entreprennent la descente en canot d'une rivière traversant une contrée sauvage. Grand succès critique et commercial à sa sortie en 1972, Délivrance contribue à consolider la carrière de ses deux acteurs principaux, Jon Voight et Burt Reynolds.

John Boorman aborde ensuite la science-fiction dans Zardoz avec Sean Connery, variation futuriste sur le thème du Magicien d'Oz dont il est également scénariste. Ces films confirment sa réputation de grand réalisateur, développant un cinéma personnel, violent et pessimiste qui, du fantastique à la science-fiction en passant par le réalisme, dépeint un monde sans dieu où l'homme, condamné à errer, est sans cesse confronté au mal.

 

John Boorman le 26 août 1974, lors de la conférence de presse du film Zardoz.  

 

Il est moins chanceux avec son œuvre suivante, L'Exorciste 2 : L'Hérétique (1977). Suite du film à succès de William Friedkin, cette suite bénéficie d'un budget imposant pour l'époque, mais la critique est très négative et le succès limité.

Il faut attendre quatre ans, en 1981, avant que John Boorman ne propose un nouveau film : Excalibur. Il s'agit d'une relecture de la légende du roi Arthur et des Chevaliers de la Table ronde. Le film est entièrement tourné en Irlande et met en vedette des acteurs plus ou moins connus (Liam Neeson, Nigel Terry, Nicol Williamson, Gabriel Byrne). Relativement bien accueilli lors de sa sortie, Excalibur voit sa réputation encore grandir au fil du temps et est aujourd'hui considéré comme un film important du début des années 1980.

À peu près à la même époque, il produit les films de deux cinéastes débutants : Angel de l'irlandais Neil Jordan et Nemo du français Arnaud Sélignac.

C'est dans la jungle brésilienne qu'il tourne son film suivant, La Forêt d'émeraude, dont la vedette est son fils, Charley, alors âgé de 18 ans. Le film relate une histoire vraie survenue au début des années 1980 et fait partie d'une série de films tournés dans la jungle équatoriale au cours des années 1985 - 1991 et auxquels on peut rattacher Mission de Roland Joffé, Medicine Man de John McTiernan et En liberté dans les champs du seigneur de Hector Babenco.

John Boorman revient ensuite en Angleterre pour y tourner un film largement autobiographique, Hope and Glory, La Guerre à sept ans, dans laquelle il évoque son enfance à Londres pendant la Seconde Guerre mondiale. Le film bénéficie d'un budget confortable mais, malgré une critique globalement positive, il ne rencontre qu'un succès moyen.

Il tourne ensuite aux Etats-Unis la comédie Tout pour réussir qui sort en 1990, avec notamment Dabney Coleman et Uma Thurman. Le film est un échec au box-office.

En 1995, sort Rangoon, un film avec Patricia Arquette se déroulant lors des événements politiques de 1988 en Birmanie.

Le Général sort trois ans plus tard. Brendan Gleeson y incarne le criminel irlandais Martin Cahill. John Boorman avait été l'une des victimes de ce cambrioleur.

Il dirige ensuite Le Tailleur de Panama (2001), adaptation du roman du même nom de John le Carré. Il y dirige notamment Pierce Brosnan, Geoffrey Rush,Jamie Lee Curtis et à nouveau Brendan Gleeson. Le film n'est pas un immense succès public mais reçoit de bonnes critiques.

Il réalise ensuite In My Country, présenté à la Berlinale 2004, avec Samuel L. Jackson, Juliette Binoche et Brendan Gleeson. L'intrigue se situe en Afrique du Sud au milieu des années 1990 avec la commission de la vérité et de la réconciliation chargée d'enquêter sur les crimes commis durant l'apartheid.

Il dirige à nouveau Brendan Gleeson dans The Tiger's Tail (2006), film se déroulant à Dublin sur le thème du Doppelgänger.

Après cela, il met en scène la suite de Hope and Glory, La Guerre à sept ans (1987) : Queen and Country (2014). Il s'inspire de sa jeunesse pour se film se déroulant dans les années 1950. Il s'agit à ce jour de son dernier film.

Festivals

Boorman est président du jury du 42e festival international du film de Thessalonique, en 2001.

Le jury est notamment composé de Paweł Pawlikowski, Nuri Bilge Ceylan et Yannis Kokkos.

Membre du jury de la Mostra de Venise 1991, il en est président en 2004 (61e Mostra).

Son jury comporte notamment Scarlett Johansson, Spike Lee et Helen Mirren.

En 2009, il préside le jury de la section Cinéfondation et courts métrages du 62e Festival de Cannes, composé notamment de l'actrice chinoise Zhang Ziyi et du Français Bertrand Bonello.

En 2012, il préside le jury du 12e Festival international du film de Marrakech, composé notamment de James Gray, Lambert Wilson, Marie-Josée Croze ou encore Gemma Arterton.

 

Vie privée

John Boorman a sept enfants, dont Charley Boorman, acteur et aventurier, Katrine et Telsche Boorman (décédée en 1996), scénaristes et actrices anglaises.

Influences

Lors d’une Master Class à Paris en 2014.

La lecture de Carl Gustav Jung l'a beaucoup influencé, notamment sa théorie sur les mythes comme fondements vivants de la société et de la psychologie individuelle et collective, idée qui transparaît dans Excalibur notamment.

L'œuvre de John Boorman confronte d'ailleurs la représentation des mythes à l'expérience du réel, s'amusant parfois à les déconstruire ou à mettre au jour leur vacuité. Deliverance (Délivrance), par exemple, met à mal la légende du bon sauvage et montre comment une excursion en canoë à but écologique se transforme en retour à la barbarie originelle, au cœur d'une nature hostile.

                          

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CAROL REED

 

Sir Carol Reed, né à Putney (Londres), le 30 décembre 1906 - mort à Chelsea (Londres), le 25 avril 1976, est un réalisateur, producteur et scénariste britannique.

Fils illégitime de l'acteur et producteur Herbert Beerbohm Tree et de sa maîtresse May Pinney Reed, Carol Reed est né à Putney, Londres, et fréquenta la King's School de Canterbury. Reed servit dans l'armée britannique durant la Seconde Guerre mondiale, expérience dont il eut plusieurs occasions de se servir dans les films qu'il tournera par la suite.

Il entama au théâtre une carrière d'acteur alors qu'il était encore adolescent et il ne fallut guère de temps avant qu'il ne devienne producteur réalisateur, avec à son actif des films comme Sous le regard des étoiles (The Stars Look Down, 1939), Kipps (1941), Huit Heures de sursis (Odd Man Out, 1947), Le Banni des îles (Outcast of the Islands, 1952) et L'Extase et l'Agonie (The Agony and the Ecstasy, 1965). C'est surtout pour les adaptations cinématographiques des romans de Graham Greene écrites en collaboration avec ce dernier que Reed a acquis sa réputation : Première Désillusion (The Fallen Idol, 1948), le classique Troisième Homme (The Third Man, 1949) qui reçoit le Grand Prix du Jury à Cannes et Notre Agent à La Havane (Our Man in Havana, 1959) ; pour les deux premiers, Reed est en outre nommé pour l'Oscar du meilleur réalisateur, distinction qu'il ne reçoit pas ces fois-là.

En 1953, il devient le premier metteur en scène de cinéma britannique à être anobli pour son œuvre.

Un des derniers films qu'il réalise est Oliver ! (1968), l'adaptation de la comédie musicale éponyme, elle-même tirée d'Oliver Twist, le roman de Charles Dickens. Le film vaut à Reed tous les honneurs, car il remporte pas moins de cinq Oscars dont, enfin, celui du Meilleur réalisateur.

Carol Reed est mort d'un infarctus du myocarde le 25 avril 1976 à son domicile, Nº 213 King's Road à Chelsea, Londres, à l'âge de 69 ans.

                                            

Le Troisième Homme (The Third Man) est un film britannique réalisé par Carol Reed sur un scénario de Graham Greene, tourné en 1948 dans la ville de Vienne, sorti en 1949. Le Troisième Homme a reçu le Grand prix du festival de Cannes 1949, et est souvent considéré comme l'un des meilleurs films noirs.

La bande son du film comprend une musique originale composée par Anton Karas ; celui-ci interprète à la cithare le Thème de Harry Lime qui eut un succès planétaire et fut fréquemment réutilisé par la suite. Karas avait été repéré par Carol Reed dans un restaurant viennois proche de la Grande Roue du Prater1.

Synopsis

L'Américain Holly Martins, petit écrivain besogneux, se rend à Vienne sur l'invitation de son ancien compagnon d'études Harry Lime, qui lui a fait miroiter l'occasion de gagner de l'argent. Mais il y arrive pour assister aux obsèques de son ami, qui a été écrasé par une voiture. Désireux d'en savoir plus, Martins rencontre d'anciens amis de Lime, tous quelque peu louches. Officiellement, deux d'entre eux auraient recueilli le corps de Lime juste après l'accident. Mais le concierge de l'immeuble où habitait Lime assure qu'un troisième homme se trouvait là.

Le concierge est retrouvé assassiné peu après. Un officier de la police militaire britannique, le major Calloway, déclare à Holly que ce qu'il a de mieux à faire est de quitter Vienne, et lui révèle que Harry Lime était impliqué dans un réseau qui trafiquait de la pénicilline frelatée sur le marché noir. Martins choisit de rester, résolu à tirer au clair cette affaire et à identifier le troisième homme. Il rencontre par ailleurs Anna, l'amie de Harry, et en tombe amoureux.

Martins va de surprise en surprise dans les décombres de cette Vienne misérable et cynique de l'immédiat après-guerre, divisée en quatre secteurs d'occupation alliés. La ville est dépeinte par Carol Reed avec un véritable souci documentaire, et en même temps avec la force d'un style cinématographique qui se ressent de l'influence de l'expressionnisme allemand.

                          

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Ken Loach (ITV)

Kenneth Charles Loach dit Ken Loach , né le 17 juin 1936 à Nuneaton (Warwickshire),

est un réalisateur britannique de cinéma et de télévision.

 

Il ouvre la voie, d'abord à la télévision, puis dans les salles, au renouveau des années 1980 et 1990 du cinéma britannique qui a notamment révélé Mike Leigh et Stephen Frears3.

Son style naturaliste s'axe sur une étude sans concession de la misère au Royaume-Uni, des tares socio-familiales et du ravage des politiques publiques (Riff-RaffRaining StonesLadybirdCarla's SongSweet SixteenMoi, Daniel Blake). Il explore également les heures sombres de l'histoire outre-Manche (Secret défenseLand and FreedomLe Vent se lèveRoute Irish). Son œuvre, très militante, laisse entrevoir son engagement à gauche dans les conflits sociaux et la lutte pour le droit des travailleurs ou des immigrés clandestins (Les Dockers de LiverpoolBread and RosesThe NavigatorsIt's a Free World!...). Son radicalisme politique, ses sympathies marxistes et ses prises de position publiques ont souvent déclenché la polémique au Royaume-Uni.

En 2006, il reçoit la Palme d'or du 59e Festival de Cannes pour Le vent se lève. En 2016, il obtient de nouveau cette récompense pour Moi, Daniel Blake et devient le huitième cinéaste à être doublement palmé après Francis Ford CoppolaShōhei ImamuraEmir KusturicaBille August, les frères Dardenne et Michael Haneke.

Sur 13 sélections, ses films cumulent sept prix cannois, ce qui en fait l'un des cinéastes les plus récompensés de l'histoire du festival avec, outre les deux palmes, trois Prix du jury (Secret défenseRaining StonesLa Part des anges), un Prix d'interprétation masculine (pour Peter Mullan dans My Name Is Joe) et un Prix du scénario (pour son scénariste attitré Paul Laverty grâce à Sweet Sixteen).

                           

Alan Parker

Alan William Parker, né le 14 février 1944 à Islington (Londres)

 et mort le 31 juillet 2020 à Londres, est un réalisateur, compositeur, scénariste et producteur de cinéma britannique.

 


Carrière

Alan Parker commence sa carrière dans le monde de la publicité. À la fin des années 1960, alors qu'il travaille pour l'agence londonienne Collet Dickinson Pearce, il écrit ses premiers scénarios. Il réalise en 1974 deux courts métrages, Our Cissy et Footsteps. Deux ans plus tard, il ne dirige que des enfants dans Bugsy Malone, puis réalise en 1978 le film qui le fera réellement connaître, Midnight Express. Le film obtient deux Oscars, celui du meilleur scénario et celui de la meilleure musique. En effet, Midnight Express est tout aussi connu pour son histoire — celle d'un Américain condamné à trente ans de prison pour trafic de haschisch — que pour sa musique composée par Giorgio Moroder.

Alan Parker entame la décennie 1980 avec deux films ayant pour sujet la musique, Fame en 1980, deux fois oscarisé, et Pink Floyd The Wall, adaptation visuelle de l'album The Wall de Pink Floyd.

En 1984, il raconte dans Birdy l'histoire de deux amis rescapés de la guerre du Viêt Nam dont l'un, traumatisé, poursuit le rêve de pouvoir voler. Le film remporte le grand prix spécial du jury au Festival de Cannes 1985 et rencontre un grand succès critique et public.

Angel Heart, sorti en 1987, est un film noir teinté de surnaturel.

À la fin des années 1980, il réalise plusieurs films au contenu engagé. Il milite par le truchement de sa caméra contre les ségrégations quelles qu'elles soient avec Mississippi Burning en 1988 et Bienvenue au Paradis en 1990 et contre la peine de mort avec La Vie de David Gale en 2003. Par ailleurs, il renoue avec le monde de la musique en 1996 avec la comédie musicale Evita écrite par Oliver Stone et interprétée par Madonna.

En 1991, il fait partie du jury du festival de Cannes, présidé par Roman Polanski, aux côtés des actrices Whoopi Goldberg et Natalia Negoda, de la productrice Margaret Ménégoz, des réalisateurs Férid Boughedir et Jean-Paul Rappeneau, du critique Hans Dieter Seidel, du directeur de la photographie Vittorio Storaro et du compositeur Vangelis.

Mort

Alan Parker meurt le 31 juillet 2020 « des suites d’une longue maladie » à l’âge de 76 ans.

L’académie des Oscars lui a rendu hommage sur Twitter : « De Fame à Midnight Express, le doublement nommé aux Oscars Alan Parker était un caméléon. Son œuvre nous a diverti, connecté, et donné a donné un sens fort au temps et au lieu. Un talent extraordinaire, il va grandement nous manquer ».

L’ancien président du festival de Cannes, Gilles Jacob, a salué un cinéaste « vif, brillant, prolifique » et un « esprit sarcastique ».

David Puttnam, ancien producteur du réalisateur, rend hommage à celui qui était son « plus vieil et plus proche ami » et qui l’a « toujours impressionné par son talent ». « Ma vie et celle de beaucoup d’autres personnes qui l’ont aimé et respecté ne seront plus jamais les mêmes », a-t-il ajouté.

Vie privée

Alan Parker épouse Annie Inglis en 1966. Ils divorceront en 1992. Il épouse ensuite la productrice Lisa Moran, avec laquelle il restera marié jusqu'à sa mort en 2020. Il est le père de cinq enfants, dont le scénariste Nathan Parker. Deux de ses fils, Alexander et Jake, composeront la musique de son film La Vie de David Gale (2003).

Il a été un ami proche de Tony Scott et de Fred Zinnemann, qui lui servit de mentor, le conseillant sur plusieurs projets.

Distinctions

Alan Parker est fait commandeur de l'ordre de l'Empire britannique (CBE) en 1995 et en 2002, il devient Sir Alan Parker recevant du prince Charles l'insigne de chevalier.

Au total, ses œuvres ont remporté dix-neuf Bafta, dix Golden Globes et dix Oscars. "Remember"
 

                           

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KEN RUSSEL

Ken Russell, né le 3 juillet 1927 à Southampton et mort le 27 novembre 2011 à Londres1, est un réalisateur, scénariste, acteur, producteur, monteur et directeur de la photographie britannique.

C'est en 1969 que Russell signe son premier film vraiment personnel avec Love, une adaptation du roman Femmes amoureuses de D. H. Lawrence, avec Glenda Jackson, Oliver Reed, Jennie Linden et Alan Bates. Le film fait scandale et demeure remarquable pour sa scène de lutte entre deux hommes nus, qui rompt avec les conventions des films grand public s'interdisant de montrer les organes génitaux mâles. Lié à la révolution sexuelle et à l'attitude bohème de la fin des années 1960, le film est un succès. Il remporte le Golden Globe du meilleur film en langue étrangère 1971. Il est également nommé pour plusieurs Oscars et Glenda Jackson remporte celui de la meilleure actrice. Russell lui-même est nommé pour l'Oscar du meilleur réalisateur.

Après ce succès, Russell donne plusieurs de ses meilleurs films sur des thèmes innovants ou controversés. La Symphonie pathétique (1970), est un film biographique échevelé sur Piotr Ilitch Tchaïkovski, avec Richard Chamberlain et Glenda Jackson dans le rôle de la femme nymphomane du compositeur russe. La musique est dirigée par André Previn.

L'année suivante, Russell réalise Les diables, un film si controversé que ses bailleurs de fonds, la société américaine Warner Bros., exigent des coupures. Tiré du récit-essai Les Diables de Loudun par Aldous Huxley, le scénario utilise aussi comme matériau une pièce de John Whiting. Aidé par la publicité et les rumeurs de scandale, les scènes de sexualité chez les religieuses assurent des recettes remarquable au box-office pendant huit semaines. Aux États-Unis, le film est censuré par le distributeur.

En 1980, avec Au-delà du réel fait une première incursion dans le film de science-fiction. À partir du scénario de Paddy Chayefsky (basé sur son roman), Russell met en valeur son penchant pour les effets visuels baroques afin de traduire les hallucinations du héros interprété par William Hurt. John Corigliano est nommé pour l'Oscar de la meilleure musique de film. Le comportement outrancier de Russell sur le plateau de tournage compromet toutefois sa carrière à Hollywood. Après Les Jours et les nuits de China Blue (1984), avec Kathleen Turner et Anthony Perkins, Russell rentre en Angleterre.

Il réalise notamment Gothic (1986), avec Gabriel Byrne, qui revient sur les circonstances entourant l'écriture par Mary Shelley de Frankenstein ou le Prométhée moderne (1818), et Le Repaire du ver blanc (1988), avec Amanda Donohoe et Hugh Grant, tiré du roman éponyme de Bram Stoker. En 1988 sort Salome's Last Dance, un hommage ésotérique vaguement adapté de la pièce controversée d'Oscar Wilde, interdite sur la scène londonienne au XIXe siècle. Le goût prononcé de Russell pour les sujets qui font polémique est toujours intact, tout comme son intérêt pour les univers décadents et pour les personnages qui s'interrogent sur leur homosexualité, pourtant ses films obtiennent de moins en moins d'audience.

Ken Russell meurt 27 novembre 2011 à Londres à l'âge de 84 ans.

                           

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Joseph Losey

Joseph Losey est un réalisateur, producteur et scénariste américain, né le 14 janvier 1909 à La Crosse dans le Wisconsin et mort le 22 juin 1984 (à 75 ans) à Londres.

Trois éléments déterminent la personnalité, la carrière et l'œuvre de Joseph Losey : son origine familiale, la crise des années 1930 — qui le mène vers le théâtre politique — et le maccarthysme.

Origine familiale

Il est issu d'une famille aisée et très puritaine. Son éducation religieuse l'influence fortement, même s'il ne lui en reste rien. Il est élevé dans un isolement politique total, inconscient des réalités sociales jusqu'au moment où il se trouve confronté à la dépression de 1929.

Crise des années 1930

Il entreprend des études de médecine et fréquente la troupe de théâtre de son université. Nourri de Marx, Trotski et même Staline, il effectue en 1931 un voyage à Moscou, où il rencontre des metteurs en scène de théâtre.

Après des études en Allemagne avec Bertolt Brecht, Losey retourne aux États-Unis, parvenant jusqu'à Hollywood.

Dans les années trente, il met en scène des pièces « engagées » à New York. Il travaille surtout au décor, qui sera toujours un élément capital de sa mise en scène.

Maccarthysme

La carrière de Losey débute sous le signe d'un engagement politique certain et il s'investit aux côtés du Parti communiste américain. Sommé en 1952 de se présenter devant la House Un-American Activities Committee, alors qu'il tourne un film en Italie, il choisit de s'exiler en Grande-Bretagne. Son témoignage n'aurait, sauf à considérer une éventuelle captivité, nullement changé son sort.

Même au Royaume-Uni, il est confronté à des difficultés : initialement proposé pour diriger la production de Hammer films de 1956 pour X the Unknown, Losey est évincé du projet car, après quelques jours, la star Dean Jagger refuse de travailler avec un sympathisant communiste présumé.

Consécration

Certains de ses films lui donnent une grande renommée : The Servant, Modesty Blaise, Accident et Cérémonie secrète.

Son film Le Messager (The Go-Between) remporte la Palme d'or au Festival de Cannes de 1971.

Il poursuit avec de grands films comme L'Assassinat de Trotsky, Maison de poupée, Monsieur Klein et Don Giovanni.

Monsieur Klein : Le point de vue de Leïla Slimani - ExtraitsLes suggestions cinéphiles de l'Odyssée -

Extraits ; "le messager" et la musique de Michel Legrand.

                            

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En Chine

Edward Yang (Taiwan)

 Wang Xiaoshuai

 Jia Zhang Ke

Edward Yang (chinois : 楊德昌 — pinyin : Yáng Déchang), né le 6 novembre 1947 à Shanghai en Chine et mort le 29 juin 2007 à Beverly Hills aux États-Unis,

Réalisateur et scénariste, figure de la nouvelle vague taïwanaise.


 

De la jeunesse au cinéma

Dechang Yang, dit Edward naît à Shanghai le 6 novembre 1947 d'un père confucéen et d'une mère chrétienne. Il grandit à Taipei après l'exil de ses parents à Taïwan. Il étudie le génie électrique à Taïwan avant d'étudier à l'Université de Floride d'où il sort diplômé en 1974. À cette époque et dans la période qui suit, il travaille au Center for Informatics Research. Bien qu'intéressé par le cinéma depuis l'enfance, il choisit de poursuivre sa carrière dans les hautes technologies. De plus, il avait été convaincu lors d'un bref passage à l'USC Film School que le monde du cinéma n'était pas pour lui, notamment car il le jugeait trop commercial. Il part donc travailler à Seattle dans l'informatique.

Tout en travaillant à Seattle, Yang découvre le film Aguirre, la colère de Dieu de Werner Herzog qui relance sa passion pour le cinéma et l'introduit aux classiques du cinéma européen et notamment Antonioni.

Les débuts dans le cinéma

Yang retourne à Taïwan pour écrire le scénario et aider dans la production d'un téléfilm hong-kongais The Winter of 1905. Après avoir réalisé quelques téléfilms et séries, Yang débute au cinéma en 1982 avec le court métrage Attentes pour la collection In Our Time souvent considérée comme le point de départ du « nouveau cinéma » taïwanais. Le film est un portrait des expériences d'une jeune fille lors de sa puberté.

Un réalisateur talentueux

Yang poursuit avec plusieurs œuvres majeures. Contrairement à son contemporain Hou Hsiao-hsien, qui est intéressé par la campagne, Yang traite principalement de la ville. Il analyse l'environnement et les relations dans le Taïwan urbain dans presque tous ses films. Son premier long métrage, That Day, on the Beach (1983) est suivi de Taipei Story où joue son ami le cinéaste Hou Hsiao-hsien. Les deux films sont primés dans de nombreux festivals. Suivront Le Terroriste en 1986, lui aussi couronné de succès. C'est un thriller à la narration multiple sur la vie urbaine qui reprend les thèmes du crime et de l'aliénation chères à Antonioni.

Edward Yang monte sa propre structure indépendante, Yang and His Gang. Elle produit son quatrième film, A Brighter Summer Day, qui sort en 1991. Le film examine le développement de la société taïwanaise après 1949, entre les gangs d'adolescents et l'influence de la culture pop américaine.

Yang poursuit en 1994 avec les satires Confusion chez Confucius puis Mahjong en 1996 qui explore Taïwan à travers le regard de personnages étrangers.

La reconnaissance internationale

En 2000, Yang sort Yi Yi qui est son film le plus connu. Parmi d'autres récompenses, il reçoit le prix de la mise en scène à Cannes. Yi Yi est le portrait de la famille Jian, qui suit trois générations d'un mariage à un enterrement. Extraits : 1 - 2

Dans ses films, Yang examine la lutte entre la modernité et la tradition, de même que les relations entre l'art et le commerce. Yang a collaboré avec de nombreux artistes taïwanais tels Wu Nien-jen ou Hou Hsiao-hsien. Il enseigne le cinéma et le théâtre à l'Université nationale d'art de Taipei. Il engage souvent ses étudiants comme acteurs.

En 2007, Yang prépare le projet The Wind avec Jackie Chan qui s'interrompt à cause de la maladie de Yang. Il meurt le 29 juin 2007 à Beverly Hills, des suites d'un cancer du côlon.

                               

Wang Xiaoshuai

Wang Xiaoshuai (王小帅) est un cinéaste chinois, né le 22 mai 1966 à Shanghaï (Chine).


 

Biographie

Diplômé de l'académie du cinéma de Pékin, Wang Xiaoshuai fait partie de la génération de réalisateurs chinois, qui apparaît dans les années 1990. En 1993, il réalise son premier long-métrage The Days, à l'âge de 27 ans. Son 3e long-métrage, Frozen, sort sous le pseudonyme Wu Min (« sans nom »).

Il commence à acquérir une réputation internationale avec la sélection de ses films So Close to Paradise et Drifters dans la section Un certain regard du festival de Cannes. Il remporte par la suite le prix du jury pour Shanghai Dreams lors de la 58e édition cannoise en 2005. Il obtient également une plus grande reconnaissance internationale grâce au festival de Berlin où il remporte l'Ours d'argent (grand prix) pour Beijing Bicycle et l'Ours d'argent du meilleur scénario pour Une famille chinoise.

En 2011, il présente le film 11 Fleurs, première co-production franco-chinoise. Il dévoile son 11e long-métrage, Red Amnesia, à la Mostra de Venise 2014.

Red Amnesia

Deng, retraitée têtue, semble compenser le vide laissé par la mort de son mari par une activité de chaque instant, dévouée à organiser la vie de ses enfants et petits-enfants. Sa vie est bouleversée le jour où elle commence à recevoir de mystérieux appels anonymes et à être suivie lors de ses sorties quotidiennes...

Une critique sur ALLOCINé :

Un beau film douloureux et oppressant. Autant d'adjectifs qui, loin d'être des bémols, démontrent avec une belle acuité la réalité de la vie d'une femme, veuve et très active, tout en étant retraitée, dans la Chine d'aujourd'hui. Le poids d'un passé, vécu sous un régime autoritaire, étouffe tout opportunité pour vivre avec l'évolution actuelle. Wang Xiaoshuai, met en scène "un quotidien qui fait réfléchir au mode de vie des Chinois". La photographie délavée se reflète dans cette existence morne, réglée par l'habitude et sans passion aucune. Ce dernier long-métrage traite également du poids de la culpabilité, d'un certain enfermement, aussi, De bout en bout Red Amnésia est d'une profonde tristesse. "Les générations précédentes ont subi un lavage de cerveau et ont perdu leur conscience de soi. Mais notre génération pourrait bien être dans la même situation." déclare le réalisateur. Sa mise en scène, épurée au possible, est précise et met en valeur des visages, des silhouettes aussi, qui, tels des fantômes errent dans certains passages au milieu d'endroits abandonnés et tristes. Des ruines, aujourd'hui, qui ont été le décor de leur passé. Entre hallucinations ou folie pure, vérité trop longtemps étouffée ou remords obsédants, le spectateur suit la vie de cette femme campée par une extraordinaire actrice. Lü Zhong. Un film à voir et une comédienne à découvrir.

Une rétrospective de son œuvre a été présentée au festival du film chinois de Paris en 2012.

                               

jia Zhang-Ke

Jia Zhangke (chinois simplifié : 贾樟柯 ; chinois traditionnel : 賈樟柯 ; pinyin : Jiǎ Zhāngkē), parfois écrit Zhang-ke,

né le 24 mai 1970 à Fenyang dans la province du Shanxi, est un cinéaste chinois.
 

Origine et formation

Jia Zhangke nait dans le Nord de la Chine, à Fenyang, dans la province du Shanxi, en 19701. Il est issu d'une famille considérée par le système communiste comme « propriétaires fonciers », ce qui a interdit à son père d'aller étudier à l'université1. Un de ses oncles a été emprisonné huit ans comme « contre révolutionnaire » pour des propos qu'il avait tenus.

Il déclare avoir eu une scolarité de « cancre » au point qu'il a été le dernier de sa classe accepté au mouvement des jeunes pionniers1. Durant son enfance, il s'amuse à explorer avec ses amis des endroits abandonnés. Il découvre aussi le cinéma en pénétrant clandestinement dans des salles.

En 1989 il est profondément marqué par les manifestations de la place Tian'anmen et leur répression. Il habite alors à Fenyang où il prépare ses examens de fins d'études secondaires et se rend à Taiyuan, la capitale de la province, pour participer à des manifestations1. Il épouse les valeurs d'égalité et de liberté portées par ce mouvement, et est choqué de leur répression, au point qu'il déclare qu'il ne serait sans doute pas devenu cinéaste sans ces événements.

Il est admis en peinture à l'École des beaux-arts de Taiyuan. Il ambitionne de devenir professeur de dessin1. Jia Zhangke publie un premier roman en 1991.

Premiers films underground

Jia Zhangke est marqué par le film Terre jaune de Chen Kaige où il voit pour la première fois à l'écran sa région, le Shanxi et ses habitants1. C'est ce film qui le décide à devenir réalisateur. Il entre en 1993 à l'Académie de cinéma de Pékin2, où il fonde un « groupe du film expérimental », considéré comme la première structure de production indépendante en Chine. Alors qu'il est encore étudiant, en 1997, il tourne Xiao Wu, artisan pickpocket avec le simple désir de faire un film, sans penser à sa diffusion par la suite. Le film est sélectionné au festival de Berlin 1998 ce qui lui donne une visibilité mondiale.

Après Xiao Wu, artisan pickpocket Jia Zhangke n'a plus l'autorisation de tourner en Chine car il aurait « influencé gravement les échanges culturels normaux entre la Chine et le monde. » Comme il désire ardemment que son film suivant, Platform soit diffusé en Chine, il finit par obtenir les autorisations pour tourner, arguant que son film est financé par le Japon et la France et ne coûtera donc rien aux studios chinois. Les autorisations sont accordées puis finalement annulées au motif que le réalisateur, à 29 ans, est considéré comme trop jeune pour faire un film sur les années 1980. Il tourne néanmoins son film, sachant qu'il sera underground, c'est-à-dire qu'il n'aura pas de diffusion par les canaux normaux en Chine. C'est dans Platform que débute celle qui deviendra son actrice « fétiche » et son épouse, Zhao Tao. Il tourne aussi sans autorisation son film suivant, Plaisirs inconnus.

Issu de la sixième génération de cinéastes chinois dite « underground », il reçoit de nombreux prix dans les festivals de films internationaux.

Passage à des films plus « amples »

En 2003, la Chine libéralise sa politique cinématographique : alors que cet art était auparavant « considéré comme un outil de propagande idéologique primordial du gouvernement », il est alors vu comme une « industrie. » Les interdictions de filmer pour les cinéastes deviennent moins contraignantes et ils peuvent « négocier avec la censure. » Ressentant aussi la nécessité de « changer de style », il réalise The World un film plus ample que ses œuvres précédentes, où sont associées question sur la relation de la chine au monde extérieur, nouvelles technologies et problème des travailleurs migrants.

Consécration

De gauche à droite, à Cannes en 2018, les acteurs Liao Fan et Zhao Tao, le réalisateur Jia Zhangke et le délégué général du Festival, Thierry Frémaux.

En 2006, Jia Zhangke obtient le Lion d'or à la 63e Mostra de Venise avec Still Life. C'est la « consécration » mondiale pour le cinéaste. La même année, il présente à Venise, dans la section « Horizons », Dong un film documentaire sur le peintre Liu Xiaodong. En 2007, Jia préside le jury des courts métrages et de la Cinéfondation au 60e Festival de Cannes.

Présenté au Festival de Cannes 2010 dans la sélection Un certain regard, son film I Wish I Knew est un documentaire qui, au lieu de travailler sur les changements de la Chine contemporaine comme dans ses précédents films, s'intéresse à l'histoire de Shangaï et à la façon dont elle est présentée d'une manière « manipulée, tronquée, caviardée de mille manières par plusieurs pouvoirs successifs ou simultanés. »

A Touch of Sin est présenté au festival de Cannes en 2013. Ce dernier film, qui mélange document social et motifs spectaculaires hérités des films d'action de Hong Kong ou de la littérature classique chinoise (Au bord de l'eau, La Pérégrination vers l'Ouest), lui vaut le prix du scénario cannois. Ce film verra sa sortie repoussée sine die à la suite des attentats de 2013 de la place Tian'anmen.

En mai 2014, il est membre du jury de la sélection officielle au 67e Festival de Cannes, présidé par la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion. Cette même année, le réalisateur brésilien Walter Salles lui consacre un documentaire : Jia Zhangke, un gars de Fenyang. Il revient sur la Croisette l'année suivante présenter en compétition sa nouvelle réalisation, Au-delà des montagnes, qui mêle histoire sentimentale et portrait de la Chine contemporaine sur trois époques : 1999, les années 2000-2010 et les années 2020.

Début mai 2018, il est élu député de l'Assemblée nationale populaire pour sa province natale du Shanxi.

Analyse de l'œuvre

Jia Zhangke est membre de ce que l'on nomme la sixième génération du cinéma chinois qui compte aussi les réalisateurs Yu Lik-wai, Wang Xiaoshuai ou Wang Chao. Cette génération est caractérisée par un attachement au tournage en milieu urbain avec une volonté de montrer la réalité de la société chinois contemporaine avec notamment « l'envers du miracle économique chinois » : la pauvreté, les crimes,...

Son œuvre témoigne des changements que vit la Chine contemporaine. Jia Zjhangke peut être comparé à Honoré de Balzac car il fait comme lui une « chronique romanesque » de son époque qui montre les différentes couches sociale et les rapports qui les lient. Il travaille aussi bien sur les cas individuels, en utilisant des événements réels marquants, que sur le « destin des masses. » Le monde qu'il décrit, au fil des films, se caractérise par la manière dont le pouvoir et la société s'imposent au monde, imposant des manières d'être, des goûts, allant jusqu'à imposer sa marque sur la nature ou les rapports entre les êtres.

Techniques de travail

Jia Zhangke a réalisé des films en 35 mm et en vidéo haute définition. Il préfère cette dernière technique car elle est pour lui « beaucoup plus magique » puisqu'elle permet une plus grande latitude dans les modifications de l'image.

                               

AU DANEMARK

Lars von Trier

Lars Trier, dit Lars von Trier est un réalisateur, scénariste et producteur danois, né le 30 avril 1956 à Copenhague. Portrait d'un irrévérencieux.

Fortement influencé par le cinéaste russe Andrei Tarkovski, Lars von Trier est reconnu pour son style sombre et pessimiste. Marqué au fil de sa vie par plusieurs épisodes dépressifs et alcooliques, il présente dans son œuvre des personnages perdus, en deuil, dépressifs, nymphomanes, violents, ou misanthropes. Son style alterne souvent entre des grands élans esthétiques (ralentis, grands plans majestueux) et un naturalisme très cru. Il est l'un des cofondateurs du mouvement Dogme.

Lars von Trier est notamment célèbre pour être l'un des fondateurs du Dogme, mouvement d'avant-garde qui définit d'après dix règles précises une autre manière de filmer, en réaction aux productions majoritaires de l'industrie cinématographique. Les films « dogmatiques » selon ce mouvement répondent à un style de réalisation épuré, simplifié et voulu plus authentique : pas ou peu de montage, prise de son en direct, scènes filmées caméra à l'épaule, improvisation, etc. À l'instar de son compatriote Thomas Vinterberg, réalisateur de Festen, il s'écarte plus tard de ces principes. Son film Les Idiots (1998) en est le plus représentatif.

Soucieux d'inventer un cinéma singulier, capable de réfléchir son pouvoir de figuration et de fournir de nouvelles propositions esthétiques, il crée un univers complexe, sombre et volontiers provocant, dont les préoccupations métaphysiques et la vision allégorique sont influencées par les maîtres de l'école scandinave, Carl Theodor Dreyer et Ingmar Bergman et par le réalisateur soviétique Andreï Tarkovski à qui son film Antichrist est dédié. L'individu, l'intimité, la peur et la menace d'accidents dramatiques constituent la matière première de son inspiration.

Ses réalisations, qui explorent les arcanes de la psyché, alternent pathos, ironie et humour noir et dévoilent un sens aigu de la citation, multipliant les hommages aux œuvres majeures du 7e art. Elles synthétisent une multitude de formes puisées tant dans l'histoire du cinéma que du théâtre, de l'opéra, de la littérature et de la peinture. Sa démarche se caractérise, en conséquence, par un travail plastique novateur sur la bande sonore et les prises de vue.

Lars von Trier cherche par ailleurs fréquemment à réinterpréter, voire à réinventer des genres très codifiés tels que la comédie musicale (Dancer in the Dark), le film noir (Element of Crime) ou le film d'épouvante (L'Hôpital et ses fantômes) en leur imprimant un style très personnel qui donne une grande place à la caméra portée.

En 1984, son premier long métrage Element of Crime remporte le grand prix de la Commission supérieure technique à Cannes. En 1991, il reçoit à nouveau le grand prix technique lors du 44e Festival de Cannes pour Europa, tableau fantasmagorique de l'Allemagne d'après la Seconde Guerre mondiale, alternant la couleur et le noir et blanc. Il se voit également décerner le prix du Jury, ex-æquo avec Hors la vie de Maroun Bagdadi. En 1996, il remporte le grand prix à Cannes et le César du meilleur film étranger pour son film Breaking the Waves, œuvre d'un mysticisme douloureux et présentant une vision très réaliste du sacrifice amoureux et aussi des dangers de la pression sociale exercée par le presbytérianisme de John Knox, prédominant dans l'ouest de l'Écosse.

En 2000, Dancer in the Dark qui superpose les codes du mélodrame et de la comédie musicale, marque une prise de distance avec les règles dogmatiques. Le film gagne la Palme d'or à Cannes et Björk, l'actrice principale, reçoit le prix d'interprétation féminine.

Le cinéaste se lance ensuite dans la réalisation du premier volet d'une trilogie intitulée USA - Land of Opportunity, conçue comme une allégorie de l'écrasement du faible par le fort et comme une virulente critique de la société américaine. Le tournage se déroule en Europe avec une distribution essentiellement anglo-saxonne. Dans cet opus, le réalisateur réinterprète avec ironie de nombreux symboles bibliques et parodie la structure de récits naturalistes. Il utilise notamment des artifices de littérature par la position d'un narrateur extérieur à l'action et par un découpage en chapitres. Il fait également appel à des procédés venus du théâtre expérimental et des théories de Bertolt Brecht (théâtre épique, distanciation...), réduisant au strict minimum les objets de représentation (scène nue et fond noir) et étiquetant des éléments de décor à la craie sur le sol. Dogville, au casting remarqué (Nicole Kidman, Lauren Bacall, James Caan...) est présenté au Festival de Cannes 2003. Manderlay suit la même trace en 2005. Mais l'exploitation de ce dernier film est un échec commercial. Le troisième volet, Wasington reste à l'état de projet.

Il change complètement de registre avec une comédie en danois Le Direktør (2007) qui se présente comme une satire du monde de l'entreprise.

À cette période, Lars von Trier est victime d'une profonde dépression qui lui fait envisager de ne plus réaliser de film. Cette période influence la noirceur de son film suivant : Antichrist, mélange de drame psychologique et de film d'horreur à l'imagerie gothique. Les visions hallucinatoires qu'il y expose s'inspirent de tableaux de Jérôme Bosch et de séquences du classique scandinave La Sorcellerie à travers les âges (Häxan) de Benjamin Christensen. Ce film, très controversé, est tourné en anglais avec Willem Dafoe et Charlotte Gainsbourg, récompensée par le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 2009. Il débute et s'achève sur une aria du Rinaldo de Georg Friedrich Haendel.

En 2010, il tourne en Suède un film d'anticipation qui prend pour thème la catastrophe, la fin du monde et la dépression : Melancholia, interprété par Kirsten Dunst — qui obtient le prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes 2011 — Charlotte Gainsbourg, Kiefer Sutherland, Charlotte Rampling, Alexander Skarsgård, Stellan Skarsgård et Udo Kier. L'œuvre s'ouvre et se clôt sur l'ouverture de Tristan und Isolde de Richard Wagner.

Lars von Trier réalise, fin 2012, Nymphomaniac, fresque poétique et tragique consacrée à la vie d'une nymphomane, de sa naissance à son cinquantième anniversaire, inspirée de récits du Marquis de Sade et interprétée entre autres par Charlotte Gainsbourg, Stacy Martin et Shia LaBeouf.

En 2018, il présente à Cannes hors compétition, après sept ans d'absence, le film The House that Jack Built, qui reprend des thématiques de Dogville et Manderlay et présente des points communs avec ces derniers : l'histoire, découpée en chapitres, se déroule aux États-Unis dans l'État du Washington (mais le film a été tourné en Suède), et une chanson de David Bowie, Fame, vient rythmer le récit, là où Young American, autre chanson de Bowie du même album, clôturait le générique de Dogville. Le film explore la vie de Jack, un tueur en série des années 70-80 qui considère ses meurtres comme des œuvres d'art, et prend de plus en plus de risques avec la police lancée à ses trousses.

Il est le créateur de la société Zentropa (en 1992) et de sa branche X, Puzzy Power (active entre 1997 et 2000), produisant des films pornographiques destinés aux femmes et homosexuels voulant rompre avec certains clichés de la production actuelle dans ce genre.

Dans les années 1980 et 1990, Lars von Trier a également entrepris un projet atypique intitulé Dimension : filmer régulièrement des acteurs pendant plus de vingt ans à raison de deux à trois minutes chaque année. Ce film à la trame policière dont l'histoire est écrite au fur et à mesure aurait dû être achevé en 2024, mais il a renoncé à ce projet au bout de 6 ans et les 20 minutes tournées ont été incluses à un DVD sorti en 2010.

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EN ESPAGNE

Pedro Almodovar

 Luis Bunuel

 Carlos Saura

Pedro Almodovar

Né en 1949

D'abord symbole de la Movida espagnole, dont la liberté et la provocation éclatent dans tous les arts après la mort de Franco, l'œuvre de Pedro Almodovar connaît une transformation importante lorsque le réalisateur choisit Victoria Abril pour égérie à la place de Carmen Maura.

Il faudra cependant attendre le retour au premier plan de Marisa Paredes pour que Pedro Almodovar change définitivement de style et s'inscrive dans la tradition des grands cinéastes de l'exploration de la mémoire. Sa cinéphilie évolue et, comme Alain Resnais ou Joseph Mankiewicz, il déploie alors des structures narratives complexes. Confrontés à une situation difficile, les personnages se trouvent, selon la terminologie de Gilles Deleuze, sur des "pointes de présent" qui sont l'occasion de réinterpréter les nappes de passé qu'ils portent en eux.

Les débuts

Né le 25 septembre 1949, d'un père comptable, à Calzada de Calatrava, un village de la Mancha, Pedro Almodovar s'y ennuie ferme et passe ses journées, selon ses dires, à lire, peindre et regarder la télévision. Bien qu'il fût élevé chez les frères Salésiens, la seule influence qu'il revendique est celle du cinéma et il affirme avoir su, dès l'âge de dix ans, que le 7e Art serait sa vocation. A seize ans, il monte à Madrid, en pleine période hippie, et déniche pour subsister, une place d'opérateur à la Compagnie Nationale du Téléphone, qu'il conserve pendant dix ans. Il écrit des scénarios pour des magazines de BD comme "El Vibora", "Vibraciones" ou "Star"...

Entre 1974 et 1979, il réalise en Super 8 plusieurs courts métrages aux titres évocateurs comme : Deux putes, La chute de Sodome, Sexe va Sexe vient ; un autre en 16 mm Salomé et son premier long métrage Baise, Baise, Baise-moi Tim, films qui ne seront jamais commercialisés. Il rédige également un livre : "Feu dans les entrailles" et un roman-photo pornographique : "Tout à toi".

En 1979, il se lance dans le tournage en 16 mm de Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier, sans moyens et grâce à la participation généreuse de ses amis. Il met en scène une galerie de personnages bizarres, punks, rockers, flics fascistes et travestis, tous drogués et obsédés sexuels, sans autre référence que le Pink Flamingos de John Waters (1972). Le film ne sera distribué en France que dix ans plus tard, suite aux succès de ses films suivants. De fait, dans l'Hexagone, Pedro Almodovar ne sort de l'ombre qu'en 1987, avec Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? , distribué confidentiellement à Paris, mais déjà remarqué par un petit groupe d'aficionados. Dans ce film, une femme jouée par Carmen Maura, devenue par la suite l'actrice fétiche du cinéaste, se tue à la tâche pour sa famille de prolétaires dégénérés. Pedro Almodovar résume ainsi ses films anticonformistes où la joie de vivre prend toujours le pas sur les contraintes sociales et la peur de la mort :

- " Je ne défends peut-être pas la morale traditionnelle, mais mes personnages obéissent à une éthique privée qui les pousse vers leur destin et leur accomplissement individuel. J'aime parler de la façon dont un individu se libère des règles d'une société. C'est pourquoi mes personnages sont souvent des femmes, des marginaux. Ma morale est celle du plaisir : chacun doit faire ce pourquoi il est fait. Mes personnages sont tous pleins de vie, mais au fond, c'est la frustration qui les remplit d'énergie. C'est vrai que la vie est tellement inférieure aux rêves".


Ainsi entre 1980 et 1987, depuis Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier jusqu'à Femmes au bord de la crise de nerfs, l'univers de Almodovar fait bien écho à la Movida avec Carmen Maura comme égérie. Les histoires sont rocambolesques et les personnages déjantés se complaisent aux marges de la société. On y croise surtout des putes, des sœurs, des homos, des terroristes et des transsexuels. Le cinéma d'Almodovar relève d'un cinéma moderne de résistance des corps où l'intimité et la psychologie des personnages se nouent dans les actions et les rencontres avec les autres.

Avec Femmes au bord de la crise de nerfs, triomphe public à la Mostra de Venise et au Festival de Bertin où Carmen Maura décroche le Prix d'Interprétation, il obtient un succès populaire en Espagne et sa reconnaissance en France.

Transition

Mais alors que sortent en France, dans le désordre, cinq autres de ses films, entre mars 1988 et juin 1990, Almodovar passe de Carmen Maura à Victoria Abril qui devient la figure de prou d'un cinéma qui délaisse les marges pour s'intéresser davantage aux milieux artistiques ou des médias. Almodovar semble ainsi rejoindre le parcours qu'avaient suivi avant lui nombre de cinéastes tel Fellini ou Visconti.

En 1989, Attache-moi ! avec Victoria Abril se démarque ainsi nettement de La loi du désir qui mettait également en scène Antonio Banderas attiré par le monde du cinéma. Cette fois, l'histoire se termine bien. Commencé sur le même ton légèrement hystérique que ces précédents films celui-ci s'apaise sur une lumineuse histoire d'amour.

Il faut cependant attendre Talons aiguille pour qu'Almodovar non seulement assoie ses bases financières (coproduction avec Ciby 2000, la filiale cinéma de Bouygues) mais aborde ce qui fera la spécificité de la deuxième partie de son œuvre. Victoria Abril s'interroge cette fois sur le rapport qu'elle entretient avec sa mère. Le film se construit sur de nombreux flash-back qui seront désormais la marque de fabrique du cinéaste.

Talons aiguille marque aussi une rupture dans le choix des citations cinématographiques dont Pedro Almodovar émaille presque chacun de ses films. Pas moins de vingt-deux citations parcourent onze des seize opus de sa filmographie. Seuls ses quatre premiers ainsi que son sixième, La loi du désir, peut-être parce qu'il se passe dans les milieux du cinéma, n'en comportent pas.

Dans la première période de son œuvre, celle où il s'inscrit dans le courant de la Movida, Almodovar choisit majoritairement des cinéastes américains. L'Italien Mario Bava et l'Espagnol Jésus Franco se sont convoqués dans Matador que pour des extraits difficilement identifiables de films d'horreurs. Talons aiguille marque une rupture nette dans le style du metteur en scène qui s'inscrit dorénavant dans le courant des grands cinéastes de la mémoire. Le choix de la citation de Sonate d'automne (Ingmar Bergman, 1974) marque son inscription dans le grand cinéma d'auteur européen. Celui-ci sera désormais cité à égalité avec le cinéma américain.

L'oeuvre de la maturité

Avec La fleur de mon secret (1995), les personnages des films de Pedro Almodovar vieillissent, Marisa Paredes remplace Victoria Abril et la flamboyance sexuelle est atténuée par des refus, des handicaps, des doutes sur "la chose". Le tragique et la douleur sont le fondement même de ces nouvelles histoires. Sa mère, justement, mourra un peu plus tard. Son plus grand drame personnel. Et il n'est pas interdit de voir dans Parle avec elle ou Volver des tentatives de ressusciter sa mère morte.

La folie, l'inconscient, l’asociabilité, la névrose totale, l'acceptation christique de la douleur, la foi dans son propre désir, l'attente de la mort sont désormais, autant que l'amour, les signes de la vie.

Mais surtout, le passé prend une importance de plus en plus grande. Almodovar creuse toujours plus profondément le thème des effets des nappes de passés portées par les personnages sur leur situation actuelle. Ces nappes sont lourdes, gluantes et terribles. Tout sur ma mère parle de la mort d'un enfant, Parle avec elle confronte un homme amoureux d'une femme devenue à demi-morte, La mauvaise éducation aborde la pédérastie et Volver pose la question de savoir s'il est possible de revenir de l'inceste.

La réponse d'Almodovar consiste à faire reconsidérer à ses personnages leurs nappes de passé à la lumière de leurs pointes de présent. A chaque instant, les personnages sont libres de s'engluer dans leur passé ou de choisir de le nier pour faire autre chose.

Mais la réponse s'adresse aussi au spectateur de cinéma. La cinéphilie d'Almodovar le conduit à des vraies performances de mise en scène lorsqu'il rappelle au présent les grands films du passé.

Dans En chair et en os Almodovar prélève dans le film de Bunuel, La vie criminelle d'Archibald de la Cruz deux éléments déterminants : la balle au travers de la vitre et la jambe perdue. Almodovar va les réutiliser dans son scénario avec une fonction libératrice. Comme une sorte de clin d’œil malicieux au film de Bunuel qui se moquait aussi de la dictature.

Dans Tout sur ma mère, au delà de la référence à All about Eve de Mankiewicz, Almodovar retravaille Opening night (John Cassavetes, 1978). En allant voir une représentation théâtrale, Esteban, le jeune fils de Manuela est fauché par une voiture. Juste avant, il attendait sous la pluie la sortie de la star pour lui faire signer un autographe. On reconnaît là le début de Opening night. Les points communs entre les deux séquences de l'accident sous la pluie sont renforcés par le fait que Nancy, la jeune fan de Myrtle et le fils de Manuela ont tous les deux dix-sept ans et attendaient le lendemain comme un des plus beaux jours de leur vie : la rencontre avec la star pour l'une, l'histoire de son père pour l'autre. Avec Tout sur ma mère, qu'il dédie à sa mère, Pedro Almodóvar remporte un nombre impressionnant de prix : Prix de la mise en scène à Cannes, Oscar et César du Meilleur film étranger, Golden Globe et sept Goya:

Dans Parle avec Elle, la performance de la recréation d'une œuvre muette inspirée de L'homme qui rétrécit est incontestable mais c'est la référence cryptée à Persona qui irrigue le film. Oscar du Meilleur scénario, cinq prix EFA, deux BAFTA, le Nastro d'Argento, le César et beaucoup d'autres prix partout de par le monde, le film ne remporte aucun prix en Espagne.

En 2004, Pedro Almodovar a l'honneur d'ouvrir la 59e cérémonie du Festival de Cannes avec sa Mauvaise éducation, une première pour un film espagnol. Avec ce film intimiste rappelant l'adolescence du réalisateur chez les Franciscains, il révèle un nouveau talent en la personne de Gael Garcia Bernal.

Deux ans plus tard, sa nouvelle comédie dramatique, Volver (portrait presque autobiographique de trois générations de femmes au sein de la classe ouvrière), lui permet de retrouver après 17 ans d'absence sa première égérie, Carmen Maura. Il réalise ensuite un rêve, en tournant à Lanzarote Etreintes brisées, île découverte pour la première fois par le cinéaste quelques mois après la mort de sa mère.

Comme bien souvent au cours de la carrière du réalisateur, cette parenthèse nostalgique est suivie d'un film sombre : le thriller La piel que habito. Alternant les registres, c'est avec une comédie "aérienne", Les amants passagers, qu'il revient deux ans plus tard.

En 2016, son 20e long métrage, Julieta, évoque des thématiques qui lui sont chères comme celles du destin, de la culpabilité et de cette force mystérieuse et insondable qui nous pousse à quitter les personnes que nous aimons.

En 2019 Douleur et gloire est présenté en compétition officielle à Cannes.

2021 : The Human Voice ( Bande annonce)

 

                             

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Luis Bunuel

Luis Buñuel Portolés est un réalisateur et scénariste espagnol naturalisé mexicain, né le 22 février 1900 à Calanda (Aragon, Espagne) et mort le 29 juillet 1983 à Mexico.

Buñuel se fait connaître, dans les dernières années du cinéma muet, comme metteur en scène surréaliste d’avant-garde, travaillant aux côtés de Salvador Dalí et du groupe surréaliste parisien autour d’André Breton ; sa création la plus marquante de cette époque est le court métrage Un chien andalou de 1929, qui fait scandale. Il tourne ensuite, après une interruption de 15 ans, des films dans quasiment tous les genres cinématographiques — film expérimental, documentaire, mélodrame, satire, comédie musicale, comédie, film romantique et historique, fantastique, policier, film d’aventures, et même western — composant une œuvre insaisissable, inégale, réfractaire à toute récupération idéologique, d’un caractère souvent iconoclaste et subversif, mais où la dénonciation d’une bourgeoisie figée et hypocrite constitue l’un des thèmes de prédilection, ce qu’illustrent en particulier les films L'Ange exterminateur (1962), Belle de jour (1967) et Le Charme discret de la bourgeoisie (1972).

Ainsi que le note Jean Collet,

« Buñuel est le peintre des contrastes violents, de l’ombre et de la lumière, de la nuit et du jour, du rêve et de la lucidité. Entre ces extrêmes, il cherche la plus grande tension. Il filme les fantasmes avec la caméra la plus terre-à-terre. Il est matérialiste quand il parle de Dieu, exalté, révolté quand il parle de la société des hommes. »

En raison de ses convictions politiques et des obstacles imposés à sa création par la censure franquiste, il préfère s’exiler et tourne la majeure partie de son œuvre au Mexique (dont il prend la nationalité en 1951) et en France.

Buñuel est considéré comme l’un des réalisateurs les plus importants et les plus originaux de l’histoire du cinéma.

Surréalisme

Du Chien andalou à Cet obscur objet du désir, Luis Buñuel construit une œuvre profondément marquée par le surréalisme. Ses films en portent pratiquement tous, à des degrés divers, la marque que ce soit dans la forme ou le discours. Buñuel remet en effet en cause, dans la quasi-totalité de ses réalisations, la continuité du récit et la lisibilité de la mise en espace. La temporalité et le rythme sont fragmentés. Se développe également un jeu stylistique sur le retournement, l'inversion et le mélange des contraires (notamment le trivial et le sublime). La réalité, le rêve, le quotidien, le fantasme, l'univers familier et l'hallucinatoire sont mis sur le même plan. Le cinéaste surréaliste est donc celui qui « aura détruit la représentation conventionnelle de la nature […], ébranlé l'optimisme bourgeois et obligé le spectateur à douter de la pérennité de l'ordre existant. »

Émile Malespine fait connaître son œuvre à Lyon, en France, au Théâtre du Donjon.

                          

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Caros Saura

Carlos Saura Atarés, né à Huesca (province de Huesca) le 4 janvier 1932, est un réalisateur et scénariste de cinéma espagnol. Il est l'un des cinéastes espagnols les plus influents et reconnus sur le plan international.

Originaire d'une famille d'artistes (sa mère était pianiste, son frère Antonio Saura était peintre), il développe pendant son enfance le sens artistique appliqué à la photographie.

À Madrid, en 1957, il obtient le diplôme de réalisateur de l'Institut de Recherches et d'Études cinématographiques, dont il devient professeur jusqu'en 1963.

En 1957-58 a lieu le tournage de son premier film documentaire, Cuenca. En 1960, avec Golfos (Les Voyous), il décrit le problème de la délinquance des jeunes dans les quartiers démunis de Madrid. En 1963, avec le film Llanto por un bandido, il réalise une reconstitution historique.

En 1966 son style, à la fois lyrique et documentaire, centré sur les problèmes des plus démunis, obtient la reconnaissance de la communauté internationale au Festival de Berlin, où il reçoit l'Ours d'argent pour son film La Caza (La Chasse).

En 1967, son film Peppermint frappé est à nouveau primé à Berlin.

Les films La prima Angélica (1974) et Cría cuervos (1975), qui traitent avec subtilité de la société franquiste, reçoivent le Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes.

Son film Mama cumple 100 años (Maman fête ses cent ans) est nommé à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1979. Carlos Saura reprit les personnages de Anna et les loups en imaginant ce qu'ils étaient devenus car il ne cesse de s'intéresser à l'évolution historique de son pays : "Un metteur en scène responsable de son œuvre tire de la vie la matière de son œuvre et c'est pourquoi il est impossible de rester en marge de ce qui se passe dans son pays. "

Vivre vite  (Deprisa Deprisa) sorti en 1981,  relate l'histoire d'une bande de jeunes délinquants pendant la période de la Transition démocratique espagnole, quatre amis de la périphérie de Madrid, qui comblent le manque de perspectives d'avenir par l'argent facile et l'usage de drogues.

Distribution

Le film a été tourné avec des acteurs non professionnels originaires de Villaverde, dans la banlieue sud de Madrid1. Deux des acteurs principaux ont chacun été arrêtés pour des faits criminels différents au cours du tournage, provoquant de vives réactions dans leur pays.

  • Berta Socuéllamos - Ángela

  • José Antonio Valdelomar - Pablo

  • Jesús Arias - Meca

  • José María Hervás Roldán - Sebas

  • María del Mar Serrano - petite amie de Sebas

  • Consuelo Pascual - grand-mère de Pablo

 

Analyse

Portrait sans fioriture de la jeune génération déboussolée et en manque de repères, dans une Espagne en profonde transformation culturelle et politique, émergeant de la répression de la dictature franquiste pour entrer de plain-pied dans l'ère démocratique. Cette dichotomie est traduite dans le film dans l'image récurrente de trains découpant l'horizon depuis l'appartement de Pablo et Ángela ; cette image illustre non seulement leur marginalité socio-économique mais aussi leur moralité intérieure fissurée.

Les jeunes anti-héros du film de Saura portent également les marques de leur vie vécue dans la périphérie, tant au niveau géographique que moral, par leur refus des règles institutionnelles et de l'ordre établi.

Saura décrivit « Vivre vite » comme un film « romantique », au sens historique du mot, car il exprime selon lui un point de vue similaire à celui du rebelle du XIXe siècle qui se maintient hors de la société et rejette ses normes. Les quatre jeunes protagonistes du film, en rébellion contre les contraintes de la structure sociale, sont en fait des produits du même système qu'ils rejettent et qui les a rejetés.

Réception

« Vivre vite » fut un succès financier et critique, remportant l'Ours d'or du meilleur film au Festival international du film de Berlin. Le film reçut un très bon accueil à Madrid et s'avéra la plus importante production d'Elías Querejeta de ses 15 ans de collaboration avec Saura. Il suscita également des controverses. En France et en Allemagne de l'Ouest on parla de l'interdire car on prétendait qu'il faisait l'apologie de la violence et de la drogue. Il sortit cependant dans ces deux pays avec des classifications restrictives.

En Espagne, le journal conservateur ABC critiqua le réalisme social du film et accusa Saura de payer les acteurs en drogues dures. Saura récusa ces accusations, affirmant que les personnes qu'il avait recrutées, dont Jesús Arias, qui sortait de prison, savaient bien mieux que lui où se procurer de la drogue.

                              

Dans les années 80, Saura se penchera plutôt sur le passé de l'Espagne et de l'Amérique latine. Il élargit sa palette à des films dansés : Noces de sang (1981), Carmen (1983), L'amour sorcier (1986), Tango (1998), Salomé (2002), Fados (2007) ou sur la peinture Goya (1999) sans connaître les mêmes succès critique et public.

En 1991, il est enfin reconnu dans son pays et reçoit les Prix Goya du meilleur réalisateur et du meilleur script pour son film ¡Ay, Carmela! (1990).

Il est choisi comme réalisateur pour mettre en scène le film officiel des Jeux olympiques de Barcelone en 1992, Marathon.

En 1993, le Ministère de la Culture le distingue en le décorant de l'Ordre des Arts et des Lettres.

Aujourd'hui, Carlos Saura est considéré comme l'un des classiques de l'histoire du cinéma contemporain européen. Il a su retracer l'évolution de la société lors de la transition démocratique espagnole et son opposition à la dictature franquiste.

                            

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En Italie :

Fellini Antonioni Pier Paolo Pasolini Sergio Leone Francesco Rosi Ettore Scola Poalo et Vittorio Taviani Lucino Visconti

Frédérico Fellini

 

Federico Fellini est un réalisateur de cinéma et scénariste italien né à Rimini le 20 janvier 1920 et mort à Rome le 31 octobre 1993.

Il est l'un des plus grands et célèbres réalisateurs italiens du XXe siècle et l'un des cinéastes les plus illustres de l'histoire du cinéma, au même titre que Charlie Chaplin, Ingmar Bergman, Akira Kurosawa, John Ford, Jean Renoir, Alfred Hitchcock ou encore Orson Welles. Il a gagné la Palme d'or au Festival de Cannes 1960 pour La dolce vita et quatre fois l'Oscar du meilleur film en langue étrangère à Hollywood (pour La strada, Les Nuits de Cabiria, Huit et demi et Amarcord), un record qu'il partage avec son compatriote Vittorio De Sica.

Marquée à ses débuts par le néoréalisme, l'œuvre de Fellini évolue, dans les années 1960, vers une forme singulière, liée à la modernité cinématographique européenne à laquelle Ingmar Bergman, Michelangelo Antonioni, Alain Resnais, Jean-Luc Godard ou encore Andreï Tarkovski sont rattachés. Ses films se caractérisent alors par le foisonnement des thèmes et du récit, l'artificialité revendiquée de la mise en scène et l'absence totale de frontière entre le rêve, l'imaginaire, l'hallucination et le monde de la réalité1.

Le 29 mars 1993, un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, « en appréciation de l'un des maîtres-conteurs de l'écran », lui est attribué par la prestigieuse Académie des arts et sciences du cinéma à Los Angelès2.

Contradictoire, exubérant, mêlant l'excellent au moins bon, une forte personnalité qui possède un don bien rare de créer des « types ». Collaborateur de Rossellini pour Paisâ où il découvrit, dit-il, « une Italie que nous ne connaissions pas, car pendant vingt ans nous étions restés prisonniers d'un régime politique qui nous avait réellement bandé les yeux ». Lattuada lui permit de débuter dans la réalisation avec Luci di Varieta. Après quoi, la satire des courriers du cœur dans le Cheik blanc et l'autobiographie des Vitelloni s’inscrivirent dans la ligne orthodoxe du néo-réalisme, adhésion que parut confirmer l'Amour à la ville. La Strada se trouva marquer une rupture. « Le néo-réalisme avait été une impulsion énorme, déclarait-il en 1960, une indication vraiment sacrée et sainte pour tout le monde. Mais bientôt la confusion devint très grave. Si son humilité devant la vie continuait aussi devant la caméra, alors il n'y avait plus besoin de metteur en scène. Or, pour moi, le cinéma ressemble très fort au cirque. » Avec ses attractions, minables ou mirobolantes, ses interminables tournées, sa roulotte miniature, ses trois héros, l'hercule, l'acrobate, la clownesse, La Strada fut un cirque intellectuel. « Des distances astronomiques séparent les hommes, disait-il alors, ils vivent à côté les uns des autres sans s'apercevoir de leur état de solitude, sans que jamais s'établissent entre eux de vrais rapports. Un mystique apparaissait aussi dans le film de celui qui déclara : « Si par chrétien vous entendez une attitude d'amour envers son prochain, oui, tous mes films sont axés sur cette idée. Ils montrent un monde sans amour, des gens qui exploitent les autres, où il y a toujours un petit être qui veut donner l'amour et vit pour l'amour. » Cet idéalisme n'excluait pas une critique sociale. La minable quête d'Il Bidone fut un peu comme Verdoux la satire, par son contraire, d'un ordre social où les hommes sont des loups pour l'homme. Dans Cabiria, Gelsomina, « personnage actif qui ne se résigne pas, qui est accroché à la vie », devient un Don Quichotte luttant, lance levée, contre les monstruosités d'un monde corrompu - celui dont La Dolce Vita donna un vaste tableau. Fellini y inséra, comme dans Huit et demi, des séquences anticléricales.

Amarcord est un film franco-italien, une comédie dramatique, de Federico Fellini sorti en 1973. Il reçoit l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1975.

En dialecte romagnol, « Amarcord » signifie à peu près « je me souviens » (en italien, (io) mi ricordo). Le film est une chronique d'un adolescent turbulent et attachant, Titta, qui pourrait bien être Fellini lui-même. Il grandit entouré de personnages excentriques habitant le village de Borgo San Giulano (situé près des anciens murs de Rimini, à 50 km de Forlì, à l'époque la capitale de la province), au fil des saisons, sous le fascisme triomphant des années 1920-30. Ainsi, la Romagne de Fellini rappelle celle d'Antonio Beltramelli, né à Forlì, comme on la trouve dans Gli uomini rossi ou Il Cavalier Mostardo. Extraits : Amarcord

                                     

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Michelangelo Antonioni

 

Michelangelo Antonioni est un réalisateur et scénariste du cinéma italien né à Ferrare en Émilie-Romagne le 29 septembre 1912 et mort à Rome le 30 juillet 2007.

Il a obtenu de nombreuses récompenses, dont l'Oscar pour l’ensemble de sa carrière en 1995 et le Lion d'or pour la carrière à Venise en 1997. Il est un des rares réalisateurs, avec Robert Altman, Henri-Georges Clouzot et Jean-Luc Godard, à avoir remporté les trois plus hautes récompenses des principaux festivals européens que sont Cannes, Berlin et Venise.

Un maître du cinéma international

Michelangelo Antonioni lors de la première de Par-delà les nuages en 1995.

Antonioni ne devient célèbre internationalement qu'après la sortie de L'avventura en 1960, primé à Cannes, premier volet d'une tétralogie qui impose une vision novatrice et moderne de l'art cinématographique, voulu « égal à la littérature ». Les opus suivants, tous récompensés — La Nuit (Ours d'or et prix Fipresci au Festival de Berlin 1961), L'Éclipse (à nouveau prix spécial du jury au Festival de Cannes 1962) et Le Désert rouge (Lion d'or au festival de Venise 1964) —, lui valent une reconnaissance mondiale. Monica Vitti sera l'égérie de ces quatre films et sera d'ailleurs sa compagne pendant quelque temps.

Les thèmes et le style de son œuvre sont alors posés : recherches plastiques singulières, rigueur dans la composition des plans, sensation de durée, voire de vide et rupture avec les codes de la dramaturgie dominante (énigmes irrésolues, récits circulaires sans progression dramatique claire, protagonistes détachés de toute forme de quêtes ou d'actions logiques). Les personnages y sont généralement insaisissables et entretiennent des relations intimes troubles ou indéfinissables. Outre la solitude, la frustration, l'absence et l'égarement, la critique perçoit, dans ses films, le motif qu'elle nomme souvent à tort et à travers « incommunicabilité ».

Blow-Up, tourné à Londres en 1966, Palme d'or au festival de Cannes 1967, lui ouvre les portes d'Hollywood, où il réalise Zabriskie Point en 1970. Ne rencontrant pas le succès espéré, il part en Chine réaliser Chung Kuo, la Chine en 1972, avant de revenir en Europe et Afrique avec Profession : reporter en 1975.

Rentrant ensuite en Italie, il retrouve Monica Vitti pour Le Mystère d'Oberwald en 1980 puis réalise Identification d'une femme en 1982, sur le tournage duquel il rencontre Enrica Fico, avec qui il se marie le 30 octobre 1986.

En 1985, à la suite d'un AVC, Antonioni est partiellement paralysé et presque totalement privé de l'usage de la parole. Il ne cessera pas pour autant son activité : il coréalise encore, avec son ami cinéaste Wim Wenders, Par-delà les nuages (Al di là delle nuvole) en 1995. Les épisodes du film sont issus de son ouvrage Ce bowling sur le Tibre, recueil de textes édité en France en 1985 sous le titre Rien que des mensonges.

En 2004, il participe au film à sketches Eros (également signé par Steven Soderbergh et Wong Kar-wai) et réalise un documentaire, Lo Sguardo di Michelangelo (Le Regard de Michelangelo), qui peut être considéré comme une synthèse poétique de sa vision du cinéma.

Style

Michelangelo Antonioni est selon le critique José Moure un « cinéaste de l'évidement ». Les lieux, les personnages et la narration avancent, au cours de ses œuvres, vers l'absence, l'abandon et la désaffection. Cela va de la plaine vide du Pô dans Gens du Pô, au désert de Zabriskie Point et de Profession : reporter, en passant par la banlieue délabrée de La Nuit et le parc vide de Blow-Up17.

Si Antonioni utilise le média cinéma pour dérouler une narration longuement détaillée de la relation entre ses personnages, il s’engage systématiquement dans une exploration photographique du cadre de ses films. Ce passage continuel entre le mouvement du récit et une observation méditative du champ filmique s’appuie sur un emploi très limité des mouvements de caméra. Dans ses premiers films, à la manière de Yasujirō Ozu, son cadrage fixe préexiste souvent à l’arrivée des acteurs et subsiste après leur départ. Le cinéaste scrute à la fois toute la gamme des expressions de ses acteurs et invite le spectateur, par des successions de plans fixes, à observer, sur de longues séquences, les lieux du récit. Cet attachement à un média quasi-photographique, qui n’impose pas une lecture passive, donne aux films d’Antonioni une facture encore particulièrement moderne. Cette attention portée au séquençage d’images fixes, qui libèrent l’errance du regard, traverse son œuvre et se renouvelle avec l’irruption de la couleur. Avec son premier film en couleur (Le désert rouge, 1964), Antonioni cède, comme ses contemporains (Jean-Luc Godard, Jacques Demy), à un interventionnisme par touches, ou plus global, sur la couleur de ses décors. Avec Blow-up (1966), dont le personnage est inspiré du photographe David Bailey, c'est le noir et blanc qui est réinséré dans un univers coloré par le biais des costumes, des maquillages et de certains décors. La camera d'Antonioni se libère alors pour suivre le mouvement de son personnage principal : panoramique, travelling, camera portée ou embarquée, zoom, le réalisateur explore le champ des possibilités techniques. Mais aucun de ces effets de tournage n'est gratuit, il accompagne, les gestes, les mouvements, les translations ou imprime un rythme. Dans les scènes d'émeutes à Los Angeles (Zabriskie Point, 1970), ses prises de vues évoquent clairement un reportage journalistique. Avec ce passage au États-Unis, Antonioni se frotte à l'univers de la photographie américaine (Robert Frank, Saul Leiter, Ernst Haas) : les couleurs se saturent, les focales longues écrasent les plans qui tendent à l'abstraction. Il joue de l'accumulation des messages visuels, essentiellement publicitaires, pour souligner les dissonances entre une société de consommation débridée et les aspirations individuelles émergentes de l'époque. A ce stade de son travail, chaque plan fixe se prête à l'analyse photographique : rappel de couleur, dé-cadrage, écrasement de perspective, zones de flou, contraste d'exposition, le réalisateur soigne sans relâche son cadrage.

La recherche photographique d'Antonioni donne une importance prégnante à ses lieux de tournage, des sites alternant entre une exiguïté où les personnages s’entrechoquent et des terrains vastes où l’individu n’a plus de réelle prise, à la lisière entre des parcelles déjà modernisées par la civilisation industrielle et des espaces encore en devenir, vagues et indécis.

Le champ filmique d’Antonioni est souvent érigé en topos. Le parc de Blow-up où se déroule le crime est l’objet d’une inspection méticuleuse avant et après les événements. Clos comme une scène, le lieu devient le motif d’une mise en abyme totale. Antonioni filme le site, filme un photographe à l’œuvre sans intention précise avant que les images prises soient elles-mêmes scrutées en agrandissements progressifs jusqu’à l’émergence d’un indice. De l’observation, de la réflexion semble inéluctablement se détacher une vérité. C’est bien la narration qui dirige le récit sur un lieu, mais le constat final, car la caméra revient toujours sur le site, ne montre plus de trace de l’intervention humaine, trop fugace, sans impact sur l’espace et le temps. Dans l'Eclipse (L'eclisse, 1962), le lieu du premier baiser entre Monica Vitti et Alain Delon est longuement revisité par des multiples plans fixes, utilisant tous les points de vue, toutes les focales et toutes les heures de la journée pour une autopsie photographique complète du site. Le lieu aura existé fortement dans la relation des personnages, il en reste un indice (un bout de bois que Monica Vitti jette dans un tonneau d’eau), mais sa disparition est inéluctable. Ainsi, la scène finale de Profession : Reporter (1975), se focalise totalement sur le topos, dans un mouvement célèbre de travelling avant passant à travers une grille séparant une pièce et une place extérieure, la camera progresse dans la durée et dans l'espace sans tenir compte de l’action. Le sort des personnages qui entrent et sortent du champ est scellé, puis la scène se vide sans que le drame n’en modifie l’essence.

Les personnages d’Antonioni sont souvent mus par une quête profonde et intime qu’ils tentent de définir. Ils nous apparaissent à des moments de rupture, relancés par une décision cruciale, mais se retrouvent ballottés par des évènements inattendus qui les engagent un temps et dont ils s’enfuient, pour finalement se retrouver dans leur incertitude initiale. Sam Shepard dans Zabriskie Point, dont le personnage conserve une attitude individualiste et décalée au sein des mouvements sociaux, dit "une fois j'ai voulu changer de couleur [de peau], ça n'a pas marché, alors j'ai fait marche arrière". L'usurpation d'identité opportune de Jack Nicholson dans Profession : Reporter relève de cette même quête identitaire. Elle anime aussi David Hemmings, dans Blow-Up, passant frénétiquement du milieu des apparences (la photographie de mode, en couleur) qu'il méprise visiblement à celui de la réalité sociale londonienne (photographiée en noir et blanc) dans laquelle il ne peut que s'immerger brièvement.

                                

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Pier Paolo Pasolini

Pier Paolo Pasolini est un écrivain, poète, journaliste, scénariste et réalisateur italien, né le 5 mars 1922 à Bologne, et assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975, sur la plage d'Ostie, près de Rome.

Pasolini par Béatice Dalle

Son œuvre artistique et intellectuelle, éclectique et politiquement engagée, a marqué la critique. Connu notamment pour son engagement à gauche, mais se situant toujours en dehors des institutions et des partis, il observe en profondeur les transformations de la société italienne de l'après-guerre, et ce, jusqu'à sa mort en 1975. Son œuvre suscite souvent de fortes polémiques (comme pour son dernier film, Salò ou les 120 Journées de Sodome, sorti en salles l'année même de sa mort), et provoque des débats par la radicalité des idées qu'il y exprime. Il se montre très critique, en effet, envers la bourgeoisie et la société consumériste italiennes alors émergentes, et prend aussi très tôt ses distances avec l'esprit contestataire de 1968.

Avec plus de quatorze prix et neuf nominations, l'art cinématographique de Pasolini s'impose, dès 1961 avec notamment L'Évangile selon saint Matthieu, puis avec Les Contes de Canterbury.

Si l'appartenance de Pasolini au néoréalisme est manifeste avec Accattone et Mamma Roma, il sort néanmoins plus tôt encore que Federico Fellini de ce mouvement. Pasolini trouvait que Mamma Roma était une erreur, qu'il s'était répété. Il commence à définir son style propre à partir de La Ricotta, épisode du film à sketches Rogopag.

Pasolini revendique en effet la filiation néoréaliste mais s'estime de la seconde génération :

"Dans les films néoréalistes, il y a prédominance des plan-séquences, des plans généraux liés ensemble. Les rares gros-plans sont utilisés en fonction de leur efficacité expressive. La caractéristique idéologique de cette forme esthétique c'est l'espoir, l'espoir dans l'avenir. C'est une caractéristique de la révolution marxiste après la résistance. Et cela justifie un certain amour inconditionnel pour l'homme moyen chez de Sica et Rossellini.

Dans mes films il n'y a pas de plan-séquence, il n'y a pas de plans-généraux mis ensemble. Il n'y a jamais montage d'un plan-général avec un autre plan-général, caractéristique d'un film néoréaliste typique. Il y a prédominance des gros-plans, gros-plans frontaux, pas en fonction de l'efficacité expressive mais en fonction de la sacralité. La caractéristique de cette forme idéologique, c'est le désespoir."

Biographie :

Pasolini est "une voix morale et prophétique de la nation", écrit Hervé Joubert-Laurencin dans l'excellent Portrait du poète en cinéaste. Pasolini s'engagea et s'exposa comme aucun artiste ne l'avait fait avant lui et personne peut être ne le fera jamais plus. Défenseur ardent du sud de l'Italie, sa prose de "combattant", d'homme blessé, de penseur paradoxal apparaît régulièrement en première page du Corriere della sera, où il signe une "Tribune libre". Dans Il Tempo illustrato, il publie une critique littéraire . "Je suis glacé, méchant, dit-il. Mes mots font mal. Le besoin obsédant de ne pas tromper les autres, de cracher tout ce que je suis, aussi."

Pasolini déteste toutes les formes d'autorité, celle de son père, officier de carrière, celle des fascistes et celle de la morale bourgeoise.

Le père de Pasolini ne croit pas en Dieu et ne fréquente l'église que pour des raisons sociales. Sa mère, d'origine paysanne pratique une religion pour ainsi dire "naturelle". Pasolini n'a ainsi subit aucune pression religieuse, pas même d'éducation religieuse. C'est à la lecture d'Antonio Gramschi que Pasolini découvre le marxisme dont il devient un adepte convaincu, mais, par un paradoxe commun à beaucoup d'artistes italiens, peu de cinéastes seront aussi mystiques que lui dans son adaptation des évangiles ou, quatre ans plus tard dans Théorème qui est l'histoire d'une visitation collective. "J'incline à un certain mysticisme, à une contemplation mystique du monde, c'est entendu, mais c'est par une sorte de vénération qui me vient de l'enfance, l' irrésistible besoin d'admirer les hommes et la nature, de reconnaître la profondeur là où d'autres ne perçoivent que l'apparence inanimée, mécanique, des choses. J'ai fait un film où s'expose à travers un personnage toute ma nostalgie du mythique, de l'épique et du sacré."

Ainsi,admirateur de Freud, Marx et des écritures a-t’il pu dire : L'histoire de la passion est "la plus grande qui soit" et les textes qui la racontent sont "les plus sublimes qui soient".

La voie du ghetto underground, élitiste, ou tout simplement "X", dans laquelle plus aucun frein ne vient relancer le scandale public n'a jamais attiré Pasolini à la fois intellectuellement exhibitionniste, et profondément civique, préférant toujours la transgression publique et "la pédagogie de masse"

Pasolini revendique "Le pastiche", le collage de "culture haute" et de "culture basse". Dans la trilogie de la vie, la culture haute correspond à une adaptation très intellectualisée de quelques uns des grands cycles narratifs de l'histoire de la culture et la culture basse correspond à l'érotisme populaire.

Premier roman Regazzi di vita en 1955, grand succès et scandale puis, en 1959, Une vie violente.

En septembre 1968, au Festival de Venise, Pasolini remporte le Grand Prix de l'Office catholique pour Théorème. Quelques semaines plus tard les bobines du film, qualifié d'obscène, sont saisies par la justice. Le Vatican désapprouve le prix.

"Pasolini pouvait être ferme et méchant, raconte Ninetto Davoli. Mais juste pour obtenir ce qu'il voulait. Dans L'Evangile selon saint Matthieu, pour obtenir les larmes de sa mère, qu'il faisait jouer, il lui a dit : "Rappelle-toi comment ton fils est mort !" [son frère Guido, décédé à la fin de la guerre]. Sinon, c'était un homme affable."

Pasolini a en horreur le monde marchand qui s'étend, il en prophétise les monstruosités. En 1975, dans ses chroniques du Corriere della sera, il parle d'un pouvoir consumériste "capable d'imposer sa volonté d'une manière infiniment plus efficace que tout autre pouvoir précédent dans le monde". Dans ces années de libération ­ de "fausse permissivité", dit-il ­, le cinéaste ne voit plus rien de joyeux. Le sexe devient "triste, obsessionnel". Et Pasolini juge que la "réduction du corps à l'état de chose" est un penchant tragique de la société des hommes. C'est cette lassitude, cette rage froide qui le mènent à Salo, adaptation des Cent Vingt Journées de Sodome, de Sade, un scénario sur lequel travaillait son ami Sergio Citti et qu'il reprend à son compte.

Les mois précédant sa mort, le rédacteur en chef du Corriere della sera affirme pourtant que Pasolini est en "état de grâce". Mais cette conscience aiguë se retourne contre lui. Le cinéaste souffre de moins en moins le commerce des hommes ("la solitude est la chose que j'aime le plus"). A son bel ami Ninetto, il dit : "L'argent a tout pourri, je veux partir me cacher..." Il ne croit plus à l'Europe et parle de vivre au Maroc. "La Trilogie de la vie était l'ultime espoir d'une période gaie, se souvient Davoli. Il avait pris conscience que le monde changeait de manière dramatique. Dans Le Décaméron, il entrait déjà en rébellion contre la société de consommation, mais tentait de dédramatiser le constat. Dans Salo, il n'essaie plus. Pour lui, c'était la fin d'un monde. Les gens n'arrivaient plus à se regarder en face."

Peu avant sa mort, Pasolini travaille comme jamais, il n'en semble pas moins triste, pessimiste, las, habité de pensées funèbres. Le 1er novembre 1975 peu après minuit, il est sauvagement assassiné par un jeune homme de 17 ans sur une plage d'Ostie. Tragique histoire de drague ? Manipulation politique ? La question ne sera jamais vraiment tranchée.

C'est en pleine polémique sur Salo, terminé peu de temps avant son assassinat, qu'on enterre Pasolini. En France, le film est interdit aux moins de 18 ans et, par décision du ministre de la Culture, Michel Guy, confiné à "une salle unique, de dimension restreinte, parisienne, loin des centres d'activité". En Italie, il est interdit pendant quelques mois. Les cinéastes et écrivains se mobilisent et font taire leurs désaccords pour venir rendre hommage au cinéaste le jour de la première projection publique, qui a lieu au festival de Paris.

Salo, oeuvre implacable d'un "visionnaire" en rupture, est souvent décrit comme testamentaire. Pasolini était un homme paradoxal. Dans la grande lassitude, il trouvait la matière de l'enthousiasme le plus créatif. Quelques jours avant sa mort, il disait : "Je suis un nouveau cinéaste. Prêt pour le monde moderne."


                                      

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Sergio Leone


Sergio Leone sur le tournage d'Il était une fois en Amérique, en 1984.

Sergio Leone , né le 3 janvier 1929 à Rome et mort le 30 avril 1989 dans la même ville, est un réalisateur et scénariste italien. Figure majeure du western spaghetti (qu'il popularise largement, sans toutefois l'inventer, ni adhérer à l'épithète), il réalise les films Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la Brute et le Truand, qui sont souvent considérés comme des classiques du cinéma, films qui révèlent l'acteur Clint Eastwood et le compositeur Ennio Morricone. Il est également célèbre pour la trilogie Il était une fois, composée de Il était une fois dans l'Ouest, Il était une fois la révolution et Il était une fois en Amérique.

Alors qu'il était apprécié par le public mais boudé par la critique et ses pairs de son vivant, son importance dans l'histoire du cinéma est par la suite reconnue. Leone réussit à s'imposer parmi les grands réalisateurs grâce à son style novateur, sa mise en scène et l'utilisation de la musique, composée par son collaborateur et ami Ennio Morricone. Plusieurs réalisateurs importants reconnaissent l'influence qu'il a eue sur leur travail ou l'admiration qu'ils lui portent, au premier rang desquels Quentin Tarantino.

Style

On pourrait résumer les westerns de Leone par la violence du scénario, la musique tonitruante et des acteurs venus de série B américaine. Le cinéma de Leone est facilement identifiable par le format de pellicule utilisé, le techniscope, la grande profondeur de champ (utilisation de focales courtes), les travellings arrière (d'un détail au plan d'ensemble), les gros plans extrêmes (scènes de duel), souvent sur les seuls yeux d'un personnage, en alternance avec de grandes vues d'ensemble. Le contraste qui en découle est l'un des responsables de l'impression d'ampleur qui résulte de la mise en scène de Leone. La dilatation du temps (la durée du récit est supérieure à celle de l'histoire) est un trait marquant du style moderne de Leone : de nombreuses scènes d'observation longues, tendues et sans dialogue entre duellistes, une violence hyperbolique, des effets dramatiques, l'amplification des détails réalistes et la raréfaction des éléments de l'espace et des individus autour du personnage central. On peut souligner le souci donné aux détails (minutie du costume, expressionnisme des gestes d'ailleurs raréfiés autour d'affrontements très brutaux, emploi d'espaces désertiques).

On ne peut pas parler de Leone sans évoquer la musique très présente (composée par Ennio Morricone), souvent indispensable comme dans les scènes d'observation citées ci-dessus, musique qui alterne avec des moments de silence où les bruitages sont exacerbés. Enfin, les femmes ont peu de place dans les films du réalisateur6, à l'exception notable de Jill dans Il était une fois dans l'Ouest.

Réception critique et publique

La critique fut souvent assassine, du moins au début. À propos de Et pour quelques dollars de plus, Alain Paucard écrit : « Suite de Pour une poignée de dollars. C'est un peu moins mauvais, mais que c'est long. Leone, le réalisateur le plus surfait du siècle ». Au sujet d' Il était une fois la révolution, Jean Tulard écrit : « Leone filme des explosions au ralenti avec un parfait je-m'en-foutisme. Son humour, comme les mimiques de Steiger, sont d'une lourdeur désespérante ». Pour le critique italien Giovanni Grazzini, dans le Corriere della Sera : « Ce n'est pas qu'Il était une fois dans l'Ouest soit un film à jeter aux orties, [...] Leone sait tenir son public au-delà de trois heures, [...] mais il manque au film la fraîcheur de l'inspiration. La matière trop riche se replie sur elle-même sous le poids des échos innombrables et des citations de classiques. Mais l'ennui majeur ce n'est pas cela, l'originalité de Leone ayant toujours été davantage dans la forme que dans le fond ; c'est que justement la confection demeure convenue. [...] Le nouveau film a la saveur du vieux ». Le Bon, la Brute et le Truand et Il était une fois dans l'Ouest furent néanmoins défendus par Les Cahiers du cinéma et Positif.

Pour Robert Chazal, à propos d'Il était une fois dans l'Ouest : « …cette abondance de biens va de pair avec une vaste ambition. Leone n'a pas traversé l'Atlantique pour copier les grands du western américain. Il a voulu imposer son style personnel. Abandonnant la violence systématique qui avait si bien réussi dans ses premiers films, il a, cette fois, choisi la lenteur, presque le ralenti, […] mais Sergio Leone peut être fier de lui. Il a montré aux Américains qu'il connaît l'Ouest aussi bien qu'eux ».

Jacques Lourcelles, dans son Dictionnaire des films, est particulièrement critique à l'égard de l'œuvre de Leone, qui selon lui a eu « une influence particulièrement catastrophique sur l'histoire du cinéma ». Il lui reproche d'avoir abaissé le niveau moyen du cinéma populaire, sa complaisance vis-à-vis de la violence et des « intrigues de plus en plus sommaires, de plus en plus débiles ».

Dans son livre L'Histoire du western, Charles Ford parle de « faux western » européen, mais épargne Leone, ce qui n'est pas le cas de Raymond Bellour dans Le Western, qui dépeint les westerns européens en ces termes : « Cette production dévastatrice qui ne brille que par sa nullité et sa malhonnêteté, se devait de ne pas trouver sa place dans le répertoire des westerns ». Certains critiques firent amende honorable, tel Jean Antoine Gili : « Pour avoir revu récemment certains des premiers westerns de Leone, je dois dire que j’ai été impressionné par tout ce que je n’y avais pas vu à leur sortie ».

Le public aime Sergio Leone comme le prouve le classement de ses films sur le site IMD : au 14 mai 2011, Le Bon, la Brute et le Truand est classé 4e meilleur film de tous les temps, Il était une fois dans l'Ouest 20e, Il était une fois en Amérique 78eet Et pour quelques dollars de plus 121e. En 1996, trois réalisateurs français aussi différents que Patrice Leconte, Arnaud Desplechin et Claude Berri désignent Il était une fois en Amérique comme faisant partie de leurs 20 meilleurs films des 20 dernières années.

En France, plusieurs films passent la barre des 4 000 000 d'entrées lors de leur sortie en salles35 :

En Italie, plusieurs films dépassent le milliard de lires de recette :

Aux États-Unis, Le Bon, la Brute et le Truand obtient 19 000 000 $US de recette au box-office alors que Il était une fois en Amérique rapporte 5 300 000 $US.

Influences et héritage

Parmi les influences que l'on accorde à Leone, John Ford est l'évidence de par le genre western dont ils furent les maîtres. Leone disait toutefois : « Ford était un optimiste ; je suis un pessimiste. Les personnages de Ford, quand ils ouvrent une fenêtre, scrutent toujours à la fin cet horizon plein d'espérance ; les miens au contraire, quand ils ouvrent la fenêtre, ont toujours peur de recevoir une balle entre les deux yeux. »

Le réalisateur Howard Hawks avoua admirer le style de Leone, au contraire d'Anthony Mann. Quentin Tarantino cite volontiers Sergio Leone comme son cinéaste favori. Kill Bill : volume 2 est d'ailleurs dédié entre autres à Sergio Leone. Le western Une corde, un Colt… de Robert Hossein, sorti en 1969 est dédié au réalisateur tout comme Impitoyable de Clint Eastwood (dédié à Sergio (Leone). Le réalisateur sud-coréen Kim Jee-woon rend hommage à Sergio Leone dans Le Bon, la Brute et le Cinglé.

Leone croit avoir influencé deux grands réalisateurs : « Je continue à penser que sans mes films, Kubrick n'aurait pas fait Orange mécanique et Peckinpah La Horde sauvage. » Leone étant considéré unanimement comme le « père » du western spaghetti, il eut beaucoup de « fils » : Duccio Tessari (Un pistolet pour Ringo, 1965), Sergio Corbucci (Django, 1966), Sergio Sollima (Colorado, 1966), Giuseppe Colizzi (La Colline des bottes, 1969)… Leone dira d'ailleurs de ces successeurs dans le genre : « J'ai accouché d'enfants débiles ! ».

Un Prix Sergio Leone est remis chaque année au Festival du film italien d'Annecy. La première édition du Festival Lumière de Lyon en 2009 rendit hommage au cinéaste pour commémorer les 20 ans de sa disparition, en présentant une rétrospective intégrale de ses films, avec la venue de Clint Eastwood.

Leone, peu avant sa mort, avait comme idée de tourner un film sur le siège de Léningrad en Russie d'après le livre Les 900 jours de Leningrad de Harrison Salisbury. À partir de ce livre fournissant une information documentée, Leone imagina une histoire d'amour américano-soviétique pour servir de vecteur à une fiction dramatique. Il s'avoue fasciné par l'héroïsme collectif de cette population prise au piège dans sa propre ville par une armée ennemie. Ce n'est que grâce à l’intervention de Giulio Andreotti, le ministre italien des affaires étrangères, qu'il obtient les autorisations de tournage. Mais la mort du réalisateur en stoppe net le projet

                                

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Francesco Rosi

Francesco Rosi, né le 15 novembre 1922 à Naples (Italie) et mort le 10 janvier 2015 à Rome, est un réalisateur et scénariste italien, connu pour ses films engagés politiquement. Il est parfois crédité sous le nom Franco Rosi.

Le père du jeune Francesco tient un laboratoire de photographie. Enfant il aime le cinéma d’aventures américain.

Francesco Rosi suit des cours de droit pendant la Seconde Guerre mondiale. Il doit les arrêter en 1943, mais entreprend une carrière d'illustrateur de livres pour enfants ; en même temps il travaille à Radio Naples où il fait connaissance avec Raffaele La Capria, Aldo Giuffrè et Giuseppe Patroni Griffi, avec lesquels il collaborera souvent dans sa carrière.

En 1946, il débute au théâtre comme assistant d'Ettore Giannini, puis au cinéma comme assistant-réalisateur auprès de Luchino Visconti pour le film La Terre tremble (1948) Après divers scénarios (Bellissima, Les Coupables), il tourne quelques scènes du film Les Chemises rouges (1952) de Goffredo Alessandrini. En 1956, il co-dirige avec Vittorio Gassman le film Kean.

Il attend 1958 pour réaliser son premier long-métrage, Le Défi, une histoire de Camorra se déroulant dans sa ville natale, qui intéresse autant la critique que le public et reçoit le prix du jury à la Mostra de Venise.

Ses films, comme Cadavres exquis et Oublier Palerme, traitent souvent de la mafia, fléau du Sud de l'Italie dont il est originaire. Il obtient l'Ours d’argent à la Berlinale pour Salvatore Giuliano en 1962, le Lion d’Or au Festival de Venise 1963 pour Main basse sur la ville, sur les scandales immobiliers à Naples et ses environs, le grand prix du jury au Festival de Cannes pour L'Affaire Mattei où il dénonce les pouvoirs de l'industrie pétrolière, responsable de l'assassinat d'Enrico Mattei, en 1972. En 1984, il change de registre cinématographique en mettant en scène Carmen, l'opéra de Bizet. En 1970 il réalise "Les hommes contre", un film de guerre "qui dénonce les horreurs inutiles pour la prise de la colline de Montefiore sous les ordres d'un général dément".

En 1996, après une longue absence, il revient sur la scène cinématographique avec La Trêve, adaptation du roman de Primo Levi qui raconte son retour à Odessa, une fois libéré des camps de concentration. Il reçoit en 2008 l'Ours d'or d'honneur pour l'ensemble de sa carrière à la Berlinale 2008 et, en 2012, un Lion d'or d'honneur à la Mostra de Venise 2012 qu'il reçoit . Il est le père de l'actrice Carolina Rosi.

                           

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Ettore Scola

Ettore Scola, né le 10 mai 1931 à Trevico et mort le 19 janvier 2016 à Rome, est un réalisateur et scénariste italien.

Ettore Scola étudie le droit avant de travailler comme dessinateur de presse de 1947 à 1952 en participant à divers journaux humoristiques, dont l'hebdomadaire satirique Marc'Aurelio.

En 1950, il écrit pour la radio Ho-là, Rosso e nero et il teatrino de Alberto Sordi.

Il débute dans l'industrie du cinéma en 1953 comme script doctor puis scénariste, coécrivant entre autres Le Fanfaron et Les Monstres de Dino Risi. En tout, il rédige une vingtaine de scénarios, surtout des comédies, notamment pour l'acteur Totò.

Il réalise son premier long métrage Parlons femmes (Se permettete parliamo di donne), en 1964. Il commence à être reconnu avec le tragi-comique Drame de la jalousie (Dramma della gelosia - tutti i particolari in cronaca) pour lequel Marcello Mastroianni est récompensé au Festival de Cannes 1970. En 1974, Scola connaît un succès international avec Nous nous sommes tant aimés (C'eravamo tanto amati), une vaste fresque de la société italienne après la Seconde Guerre mondiale, dédiée au cinéaste Vittorio De Sica, son ami. Scola connaît un nouveau succès avec Affreux, sales et méchants (Brutti, sporchi e cattivi), une satire grinçante de la société romaine quart-mondiste qui l'impose comme nouveau maître de la comédie à l'italienne. Il reçoit le Prix de la mise en scène au 29e Festival de Cannes pour ce film. Dans un registre plus intimiste, sort Une journée particulière (Una giornata particolare) l'année suivante, son œuvre la plus connue, interprétée par Sophia Loren et Marcello Mastroianni4. Ce long métrage narre la rencontre furtive mais déterminante de deux voisins exclus du modèle fasciste, une femme au foyer et un intellectuel homosexuel, au moment où tout Rome assiste à la rencontre du Duce avec Adolf Hitler en 1938. En 1980, il revient à la chronique satirique avec La Terrasse (Prix du scénario à Cannes), tableau tragi-comique de l'intelligentsia de gauche italienne et de ses désillusions. Il se tourne ensuite vers la France et réalise La Nuit de Varennes sur la Révolution française et Le Bal qui traverse cinquante ans d'histoire hexagonale du point de vue de danseurs de salon. Ce dernier film reçoit trois Césars en 1984 dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur. Par la suite, Scola dirige plusieurs comédiens français comme Vincent Pérez et Emmanuelle Béart (Le Voyage du capitaine Fracasse) ou encore Fanny Ardant (La Famille, Le Dîner).

Ettore Scola a réalisé près de quarante films en quarante ans. Son style est reconnu pour son audace et sa singularité. Il mêle acuité de l'analyse psychologique, caricature féroce des sociétés modernes, ironie, farce, désenchantement, mélancolie et recherches narratives et formelles inédites. Son œuvre ouvre une interrogation sur la place de l'individu et du peuple dans l'histoire en explorant la mémoire intime et sociale, confrontée à l'épreuve du temps.

En 2009, il crée le Bari International Film Festival.

Il annonce le 29 août 2011 la fin de sa carrière de réalisateur au quotidien Il Tempo, souhaitant ne pas faire le film de trop. Il déclare sentir ne plus faire partie du monde du cinéma d'aujourd'hui : « Les logiques de production et de distribution ne me ressemblent plus. [...] Aujourd'hui, seul le marché décide. »

En 2013, il présente à la Mostra de Venise Che strano chiamarsi Federico : Scola raconta Fellini (Comme il est étrange de s'appeler Federico : Scola raconte Fellini), un film entre fiction et documentaire sur sa relation avec Federico Fellini.

                           

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Paolo et Vittorio Taviani

Les frères Paolo et Vittorio Taviani sont des réalisateurs et scénaristes italiens nés respectivement le 8 novembre 1931 et le 20 septembre 1929 à San Miniato (Toscane). L'aîné, Vittorio, est mort le 15 avril 2018 à Rome. Jusqu'en 2017, ils ont co-signé la mise en scène de tous leurs films.

Paolo et Vittorio Taviani naissent, à San Miniato, respectivement en 1931 et en 1929 d'un père avocat. Ils suivent des cours d'art à l'université de Pise et s'orientent vers le cinéma après avoir découvert Païsa de Roberto Rossellini, décidant alors d'abandonner leurs études pour se dédier à celui-ci. S'étant liés d'amitié avec Valentino Orsini, ils montent ensemble à Livourne deux spectacles de théâtre « engagé ». Attachés à l'histoire sociale de l'Italie du Sud, ils tournent, toujours avec Valentino Orsini, sept documentaires à partir de 1954, dont San Miniato luglio '44, dont le scénario est cosigné par Cesare Zavattini. En 1960, ils collaborent au scénario du documentaire L'Italie n'est pas un pays pauvre réalisé par Joris Ivens et traitant de l'extraction et du commerce du gaz et du pétrole dans les diverses régions d'Italie.

Ils tournent leur premier long-métrage en 1961, également avec Valentino Orsini : Un homme à brûler, sorti en 1962, qui raconte l'histoire d'un syndicaliste sicilien, Salvatore Carnevale, assassiné en mai 1955 par la Mafia. Ils collaborent encore avec Orsini en 1963 pour sortir un film en épisodes : Les Hors-la-loi du mariage, dans lequel jouent notamment Ugo Tognazzi et Annie Girardot mais qui rencontre peu de succès. Le premier film autonome, sans collaboration avec Orsini, paraît en 1967 sous le titre Les Subversifs. Ce-dernier prend la forme d'une enquête sur le Parti communiste italien au moment des obsèques d'un de ses fondateurs, Palmiro Togliatti, et anticipe notamment les mouvements politiques de mai 68.

Les frères Taviani se tournent alors vers la recherche de nouveaux styles et tournent ainsi Sous le signe du scorpion en 1969, s'inspirant des procédés stylistique de Bertolt Brecht, Pier Paolo Pasolini et Jean-Luc Godard. Ce film, le premier qu'ils réalisent en couleur et avec Gian Maria Volontè dans le rôle principal, sera leur premier grand succès. S'inspirant d'une nouvelle de Tolstoï, ils filment ensuite Saint Michel avait un coq en 1971, traitant des rapports entre l'anarchie, la répression et le temps. Enfin, avec Allonsanfàn paru en 1974, il signe un film mélodramatique s'intéressant aux crises et contradictions du protagoniste durant les luttes révolutionnaires du XIXe siècle. Le film sera présenté à la Quinzaine des réalisateurs du festival de Cannes de 1975 et des extraits de sa bande-originale, composée par Ennio Morricone, serviront de générique de fin à Inglourious Basterds (2009) de Quentin Tarantino.

En 1977, ils décident d'adapter le roman autobiographique de Gavino Ledda racontant l'histoire d'un jeune berger, échappant au contrôle despotique de son père qui, par nécessité financière, l'avait contraint à abandonner l'école, le laissant ainsi analphabète jusqu'à l'âge de 20 ans. De ce roman est tiré Padre padrone, encensé par la critique italienne et étrangère, ce qui lui permet d'être présenté au festival de Cannes de 1977 et d'y remporter la Palme d'or. En 1978, il remporte un David di Donatello à la fois pour l'ensemble de leur carrière et pour le film Padre padrone.

En 1979 sort Le Pré (Il prato), film aux échos non réalistes, tandis que La Nuit de San Lorenzo (La notte di San Lorenzo 1982) raconte, sur un ton féerique, un événement marginal qui se déroule en Toscane les jours précédant la fin de la Seconde Guerre mondiale, vu à travers les yeux de quelques villageois. Le film a reçu le prix spécial du jury à Cannes.

Kaos (1984), une autre adaptation littéraire, est un film poignant et poétique à épisodes, tiré des nouvelles Nouvelles pour une année de Luigi Pirandello. Dans Le Soleil même la nuit (Il sole anche di notte (1990), les frères Taviani transposent l'histoire du Le Père Serge de Tolstoï dans le Naples du XVIIIe siècle.

Dès lors, l'inspiration des frères Taviani s'est avérée hésitante avec des succès comme Les Affinités électives (Le affinità elettive, (1996, de Goethe) et des tentatives de courtiser le public international avec Good Morning Babilonia (1987), thème sur les pionniers de l'histoire du cinéma, alternent avec des films de moindre envergure comme Fiorile (1993) et Kaos II (Tu ridi) 1996), inspirés par les personnages et nouvelles de Pirandello.

Dans les années 2000, les frères Taviani se sont tournés avec succès vers la réalisation de films de télévision et des mini-séries comme les adaptations Résurrection de Tolstoï (2001) et Luisa Sanfelice d'Alexandre Dumas (2004), ainsi que Le Mas des alouettes (La masseria delle allodole (2007), présenté à la Berlinale dans la section « Berlinale Special ».

En 2012, avec César doit mourir (Cesare deve morire) , dont la particularité tient aux prisonniers qui jouent la tragédie de Shakespeare dans la prison romaine de Rebibbia, les frères Taviani remportent l'Ours d'Or au Festival de Berlin et le David di Donatello du meilleur film et du meilleur réalisateur.

En 2017, ils reviennent au cinéma avec le film Une affaire personnelle (Una questione privata), tiré du roman éponyme de Beppe Fenoglio. Le film est présenté en première au Festival international du film de Rome et ensuite distribué dans les salles.

San Miniato, leur ville natale, a baptisé de leurs noms un centre de culture cinématographique : Centro Cinema Paolo et Vittorio Taviani.

Ils ont un frère cadet Franco Brogi Taviani (it), actif au cinéma et au théâtre. Paolo est le mari de la créatrice de costumes Lina Nerli Taviani.

Vittorio, malade depuis longtemps, est décédé à Rome le 15 avril 2018 à l'âge de 88 ans1.

Critique

« (...) C'est à la manière de poètes et non de philosophes, qu'ils abordent les problèmes sociaux et politiques de leur temps, les transposant à travers le prisme de l'allégorie dans les temps futurs et passés. L'utopie est à la fois le ferment de leur œuvre, leur mode de narration et le rapport fondamental que leur cinéma entretient avec le monde réel. »
« Le mécanisme du cinéma des Taviani procède justement de la récupération du passé, des histoires racontées au coin du feu, des légendes campagnardes, des vieux proverbes. »
« Ils (les frères Taviani) ont en eux une dureté de prise, un ton dédaigneux, une façon d'aller à l'essentiel qui donne un goût âcre à leur travail, quelque chose de rébarbatif dont ils sont redevables à leurs origines (la Toscane) : c'est la froideur de la vérité, le refus des belles manières. Il y a peu de réalisateurs en Italie qui, comme les Taviani, visent au vrai, sans concession aucune. »

Extraits - kaos

                               

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Luchino Visconti

Luchino Visconti di Modrone, comte de Lonate Pozzolo (2 novembre 1906, Milan – 17 mars 1976, Rome) et descendant de la famille noble Visconti, est un réalisateur de cinéma italien. Il fut aussi directeur de théâtre, metteur en scène et écrivain.

Sa carrière cinématographique débuta en 1936, en France, où il travailla aux côtés de Jean Renoir (rencontré grâce à Coco Chanel) comme assistant, à la réalisation et au choix des costumes de deux de ses œuvres, Les Bas-fonds et Partie de campagne. Le souci de réalisme du grand cinéaste français le marqua profondément. Toujours en France, il rencontra des réfugiés italiens, militants de gauche, au contact desquels ses convictions politiques changèrent radicalement. Après un bref séjour à Hollywood, il rentra en Italie en 1939 à cause du décès de sa mère. Avec Renoir, il commença à travailler à une adaptation cinématographique de La Tosca, mais, quand éclata la guerre, le réalisateur français fut contraint d'abandonner le tournage — il fut remplacé par l'Allemand Carl Koch.

La rencontre avec certains jeunes intellectuels et critiques, collaborateurs à la revue Cinema (fondée, ironie du sort, par un fils de Benito Mussolini, Vittorio), fit germer dans son esprit l'idée d'un cinéma qui raconterait de façon réaliste la vie et les drames quotidiens du peuple, cinéma qui serait en rupture avec les mièvreries clinquantes et édulcorées des comédies du cinema dei telefoni bianchi (littéralement « cinéma des téléphones blancs »). À cette époque, il rencontra Roberto Rossellini et, probablement, Federico Fellini. Visconti projeta de réaliser l'adaptation du roman Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier et celle des Malavoglia de Verga, mais ces projets avortèrent.

Ossessione (Les Amants diaboliques)

Partant de cette idée, il signa en 1942, avec Giuseppe De Santis, Gianni Puccini, Antonio Pietrangeli, Mario Serandrei et Rosario Assunto, son premier film, une des œuvres majeures du néo-réalisme : Ossessione (Les Amants diaboliques), inspiré du célèbre roman The Postman always rings twice (Le facteur sonne toujours deux fois) de James M. Cain, avec, comme acteurs principaux, la sulfureuse Clara Calamai (elle remplaça au dernier moment Anna Magnani, initialement destinée au rôle trouble de Giovanna) et Massimo Girotti dans le rôle du mécanicien, Gino.

La Terra trema (La Terre tremble)

En 1948, il revint derrière la caméra pour réaliser La Terra trema (La Terre tremble), un film polémique dénonçant ouvertement les conditions sociales des classes les plus défavorisées. C'était une adaptation du roman I Malavoglia de Giovanni Verga, de facture quasi documentaire, aux images splendides, mais de compréhension rendue difficile par l'utilisation du plus pur dialecte sicilien (précisément celui des pêcheurs d'Aci Trezza près de Catane). Le film ne reçut les faveurs du public ni à sa sortie, ni deux ans plus tard, en 1950, quand parut une seconde version doublée en italien.

Rocco e i suoi fratelli (Rocco et ses frères)

En 1960, il reçut le Prix spécial du jury de la Mostra pour Rocco e i suoi fratelli, (Rocco et ses frères), odyssée d'une famille méridionale émigrée à Milan pour y chercher du travail, film traité sur le mode de la tragédie grecque, mais inspiré des Frères Karamazov de Dostoïevski. Le film fit scandale à cause de certaines scènes extrêmement crues et violentes pour l'époque, à tel point que la censure conseilla aux projectionnistes de mettre leur main sur l'objectif pendant les scènes incriminées. Le scénario est de Vasco Pratolini, Suso Cecchi D'Amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli et Luchino Visconti.

L'année suivante, en 1961, il réalisa l'épisode Il lavoro (Le Travail) du film Boccace 70 auquel participèrent également Vittorio De Sica, Federico Fellini et Mario Monicelli. Visconti s'attaquait directement à la commission de censure qui avait malmené son film précédent.

Il Gattopardo (Le Guépard)

En 1962, il mit enfin d'accord les critiques et le public avec son plus grand succès, Il Gattopardo (Le Guépard), tiré du roman du même nom de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, et qui reçut la Palme d'or au Festival de Cannes. Le scénario est de Suso Cecchi D'Amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli et Luchino Visconti. Interprété par une distribution éblouissante (Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Alain Delon…), situé à l'époque du débarquement des partisans de Garibaldi en Sicile, le film relate les vicissitudes du prince Fabrizio Corbera di Salina (Burt Lancaster), grand propriétaire terrien contraint d'accepter l'union entre l'aristocratie désargentée et la nouvelle bourgeoisie, union atteignant son paroxysme dans la célébrissime scène finale du bal, laquelle occupe la dernière demi-heure du film, scène considérée unanimement comme le point d'orgue de l'art viscontien. Alberto Moravia s'exclama après avoir vu le film: « C'est le film de Visconti le plus pur, le plus équilibré et le plus exact ».

Le film fut distribué aux États-Unis et en Angleterre par la Twentieth Century Fox, mais au prix d'importantes coupures.

Tétralogie

À la fin des années soixante, Visconti élabora le projet d'une tétralogie allemande s'inspirant des thématiques mythologiques et décadentes de Wagner et Thomas Mann. Sur les quatre titres prévus, il n'en réalisa que trois.

La Caduta degli Dei (Les Damnés)

La Caduta degli Dei (Les Damnés), (1969), en est le premier film. Il s'agit de l'ascension et de la chute des membres de l'une des familles propriétaires des plus importantes aciéries allemandes pendant la montée du nazisme. Ce film marquait, après un petit rôle de domestique dans le sketch viscontien des "Sorcières", le premier grand rôle à l'écran de Helmut Berger, égérie et dernier amant de Visconti.

Morte a Venezia (Mort à Venise)

Luchino Visconti et Björn Andrésen (Tadzio) sur le tournage de Mort à Venise.

Le deuxième fut Morte a Venezia (Mort à Venise), (1971), tiré de la nouvelle de Thomas Mann, La mort à Venise, est une fresque explorant le thème de l'inéluctabilité de la vieillesse et de la mort, associé à la quête de la beauté idéale et inaccessible, dans une Venise merveilleuse, progressivement enlaidie, abîmée par les mesures sanitaires dictées par le service de santé, lorsque se répand dans la ville une épidémie de choléra.

Ludwig (Ludwig, le crépuscule des dieux)

Le troisième et dernier volet fut Ludwig (Ludwig, le crépuscule des dieux), (1972), où Helmut Berger interpréta le rôle du jeune roi de Bavière, l'un des films les plus longs de l'histoire du cinéma (d'une durée de près de cinq heures dans sa version originale, plus précisément, d'après une version sortie en France en 1987, chez Ciné-Collection, en deux cassettes vidéo-VHS Secam, de 4 h et 42 minutes exactement ; toutes les autres versions sont incomplètes et mentent lorsqu'elles se prétendent intégrales) ; le film raconte l'histoire du roi Louis II de Bavière, la lente déchéance du jeune monarque idéaliste, visionnaire, qui préférait la rêverie, l'art, la beauté, l'amitié et l'amour aux charges du pouvoir, que nombre de ceux qu'il aimait trahirent, que son peuple trahit également, et qui finit par être interné ; il se noya, ainsi que son médecin, dans le lac de Starnberg, dans des circonstances mystérieuses.

La Tétralogie aurait dû se terminer avec une nouvelle adaptation cinématographique d'une œuvre de Thomas Mann, La Montagna incantata (La Montagne magique). Durant le tournage de Ludwig, Visconti fut victime d'un accident vasculaire cérébral qui le laissa à moitié paralysé.

 

L'importance du cinéma italien

En Grêce

Angelopoulos

Theódoros Angelópoulos , plus connu à l’étranger sous le nom de Theo Angelopoulos, est un cinéaste grec né à Athènes le 27 avril 1935 et mort au Pirée le 24 janvier 2012, à l'âge de 76 ans.

Après avoir été critique de films entre 1964 et 1967, il s'est tourné vers la réalisation de longs métrages. Theódoros Angelópoulos fut lauréat de la Palme d'or du Festival de Cannes et du Lion d'argent au Festival de Venise. Il est considéré comme le grand représentant du Nouveau Cinéma grec et une figure éminente du cinéma moderne européen.

Après des études de droit dans sa Grèce natale, Theodoros Angelopoulos passe l'année 1962 à Paris, étudiant successivement à la Sorbonne et à l'IDHEC. De retour à Athènes, il est critique cinématographique au quotidien Allagi jusqu'au coup d'État des Colonels du 21 avril 1967.

Les oeuvres de Théo Angelopoulos, contemplatives baignées de mélancolie, sont exigeantes et déroutantes pour le grand public. Le plan séquence englobe parfois des lieux et des évènements d'époques différentes pour élever la réalité au rang du mythe. L'attention aux paysages contrebalance ce que pourrait avoir d'un peu abstrait son style souvent lent, mutique et majestueux. Les ellipses et allégories, la dimension politique de son cinéma n'effacent pourtant jamais le sentiment de perte de personnages toujours contraints au voyage tant géographique qu'intérieur.

Alexandre le Grand, qui relate le parcours d'un brigand grec, remporte le Lion d'Or à Venise en 1980. Un autre Lion, d'Argent cette fois, revient en 1988 à son Paysage dans le brouillard.

Dans les années 90, le travail de Théo Angelopoulos est reconnu au plus haut niveau. Cinq ans après que Le regard d'Ulysse ait remporté le Grand Prix du Festival de Cannes, le cinéaste voit son Eternité et un jour obtenir la Palme d'Or en 1998.

Il fait alors une pause dans son parcours et revient en 2004 avec Eleni, premier volet d'une trilogie sur le 20e siècle par le prisme d'une histoire d'amour suivi en 2008 du second volet, La poussière du temps, toujours inédit en France. Il avait aussi participé aux films collectifs Chacun son cinéma et Mundo Invisíve et travaillait sur un film, L'autre mer, consacré à la faillite de l'Europe, "un rêve qui s'est effondré très rapidement".

Il meurt le 24 janvier 2012 au Pirée à la suite d'un accident où il est renversé par un motard sur le périphérique d'Athènes.

STYLE

Les mises en scène d'Angelopoulos ont recours à des plans séquences et des travellings d'une grande sophistication qui joignent en un même mouvement le réel, le fantasme et l'hallucinatoire. L'auteur définit son style comme une « esthétique du « non-dit » . Le décor de ses longs métrages est fantasmagorique et nimbé de brouillard. Les paysages enneigés constituent l'un des invariants formels de son œuvre qui dessine une cartographie du temps où se recoupent quête mystique, préoccupations métaphysiques, engagement politique, élégie ou encore réalité intérieure et extérieure. Le cinéaste fait déclarer au chauffeur de taxi du Regard d'Ulysse : « Moi, la neige, je lui parle depuis 25 ans. La neige me connaît. Je me suis arrêté parce qu'elle a dit non. La neige, il faut la respecter. ».

Si la première période de sa filmographie se conçoit comme une série de fresques monumentales sur l'histoire grecque et une réflexion politique sur la violence, l'hypocrisie sociale, le déracinement et l'absence de liberté, la seconde, qui garde les Balkans comme cadre de prédilection, s'inscrit dans un cycle de thèmes universels : la vie, la mort, l'enfance, la vieillesse, le souvenir, la mélancolie, les ruines de la civilisation, la frontière, l'art, le rêve… À la fin de sa carrière, Angelopoulos délaisse ostensiblement son discours critique pour s'orienter vers une peinture des sentiments. Voyage à Cythère et L’Apiculteur marquent ce passage vers une tonalité intimiste que confirment Le Pas suspendu de la cigogne, Le Regard d'Ulysse et L'Éternité et un jour, film sur la nostalgie dans lequel un écrivain à l'hiver de sa vie tente de faire la paix avec le monde, représenté par un enfant. La mémoire collective et individuelle joue un rôle majeur chez le cinéaste qui unit réalité historique, onirisme, allégorie et vie quotidienne. Ses derniers longs métrages fondent une interrogation sombre et angoissée sur la fin du xxe siècle.

Dans ses réalisations, la chronologie des événements est entrelacée d'images du passé. Le souvenir et le rêve font irruption dans le présent, sans flashbacks classiques ni indicateurs clairs sur le changement de temporalité. La marche du temps, ponctuée par le chaos, l'irrationnel et le fantôme des guerres, empêche tout discours psychologique ou narratif accessible et évident. Le réalisateur explique en 1995 : « Pour moi, il [le plan] sert à exprimer cette idée que le passé n'est pas le passé, mais le présent : au moment où nous vivons le présent, nous vivons aussi une partie du passé.

Extraits

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En suède

Igmar Bergman

Ingmar Bergman : est un metteur en scènescénariste et réalisateur suédois, né le 14 juillet 1918 à Uppsala et mort le 30 juillet 2007 sur l'île de Farö.

Il s'est imposé comme l'un des plus grands réalisateurs de l'histoire du cinéma en proposant une œuvre s'attachant à des thèmes métaphysiques (Le Septième Sceau), à l'introspection psychologique (Les Fraises sauvagesPersona) ou familiale (Cris et ChuchotementsFanny et Alexandre) et à l'analyse des comportements du couple (Scènes de la vie conjugale).

 

 

Récompensé plusieurs fois, il remporte notamment au cours de sa carrière l'Ours d'or à Berlin, un Lion d'or pour sa carrière à Venise, le Prix du jury et le Prix de la mise en scène à Cannes, et à trois reprises l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Il est également l'unique cinéaste distingué d'une « Palme des Palmes », remise lors du Festival de Cannes 1997.

 « Mon plaisir est de faire des films avec les états d'âme, les émotions, les images, les rythmes et les caractères que je porte en moi. Mon moyen d'expression est le film, non la parole écrite. » « Le visage humain est le point de départ de notre travail ».

Mise en scène

La peur de la solitude, envisagée comme une malédiction, est le grand thème unificateur de l'œuvre de Bergman. Il détermine aussi l'élément central de sa mise en scène : la fermeture du quatrième mur par la caméra avec resserrement du cadre (par recadrage ou zoom avant) sur le visage de l'acteur. Les acteurs jouent non pas face au public ou aux autres personnages mais enfermés en eux-mêmes, face à la caméra, presque regard caméra.

Comme l'indique Jean Douchet, les acteurs jouent en intériorisant tout ce qui est extérieur. Le sommet, de ce point de vue est Persona (1966) où l'on ne sait plus très bien ce qui relève de l'extérieur et ce qui relève de la vision du personnage. Dans ses films les plus amples, visages et paysages dessinent une cartographie complémentaire de l'intériorité tantôt torturée, tantôt splendide dans un cadre toujours géométrisé et simplifié à l'extrême.

Bergman, cinéaste pour qui le visage est un monde et le monde un visage.

Ingmar Bergman est ainsi l'un des cinéastes phare de l'abstraction lyrique, où, pour Gilles Deleuze, le monde se déploie ou se reconcentre à partir d'un visage. Le visage réfléchit la lumière, réduction de l'espace par abstraction, compression du lieu par artificialité, qui définit un champ opératoire et nous conduit de l'univers entier à un pur visage de femme.

Deleuze propose de dénommer icône, non seulement le gros plan de visage déterritorialisé mais aussi certains insert d'objet ou très gros plans de visage lorsque le gros plan garde le pouvoir d'arracher l'image aux coordonnées spatio-temporelles pour faire surgir l'affect en tant qu'exprimé. Même le lieu présent dans le fond perd ses coordonnées et devient "espace quelconque".

Extraits : "Le septième sceau"  "Persona"

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En Amérique

 Stanley Kubrick

 David Lynch

 Clint Eastwood

 Joel et Ethan Coen

 Terrence Malick

Stanley Kubrick

Juif du Bronx, issu d'une famille originaire d'Europe centrale, Kubrick apparaît d'abord comme un héritier du film noir, dans la lignée de Lang, Siodmak ou Fuller avec des scripts serrés, une lumière presque expressionniste, et une violence baroque exacerbant la théâtralité de la mort. Docteur Folamour (1963) marque une rupture vis à vis de ce courant classique. Dorénavant Kubrick n'aura plus qu'un grand sujet et va déployer tous les moyens du cinéma pour sidérer, alerter son spectateur face à la folie du cerveau humain. Kubrick (The film Talker)

1- La folie destructrice du cerveau humain.

"Bien qu'un certain degré d'hypocrisie existe à ce propos, chacun est fasciné par la violence. Après tout l'homme est le tueur le plus dénué de remord qui ait parcouru la terre. L'attrait que la violence exerce sur nous révèle, en partie, qu'en notre subconscient, nous sommes très peu différents de nos primitifs ancêtres (Newsweek, 1972).

Cette citation illustre le sujet principal du cinéma de Kubrick : l'exploration du conflit qui oppose l'intelligence à ce qu'elle produit. Entre l'idée et l'outil, le concept et l'utilisation, aucune harmonie possible. Le cerveau et son ouvrage ne se manifestent que par la guerre permanente qu'ils se livrent.

Le plan des gangsters de L'ultime Razzia, la libido purement mentale de Humbert dans Lolita ou celle dégénérative de Bill Harford dans Eyes wide shut, la bombe atomique de Dr Folamour, l'ordinateur HAL de 2001, le traitement Ludovico d'Orange Mécanique, la stratégie carriériste de Barry Lyndon, la paranoïa de Jack Torrance (Jack Nicholson dans Shining) ou la mise en condition des soldats de Full metal jacket ; tout ce que l'esprit charrie et les organisations qu'il conçoit, qu'elles soient psychiques, sociales, politiques, religieuses ou machinales se retournent contre lui et deviennent fatalement son ennemi. Ce duel sera au cœur du récit qui, la plupart du temps, se scindent eux-mêmes en deux mouvements opposés, multiplient les rivalités, les dialectiques - bloc contre bloc, ascension et chute, bêtise contre intelligence, lenteur contre rapidité, arrêt contre mouvement, obscurité contre lumière, et provoquent toutes sortes de folies paranoïaques sans issue.

Car ces affrontements font remonter à la surface toutes sortes d'angoisses et leurs résonances psychiques, sexuelles, racistes. Effrayé par un conflit systématique dont il est le cœur, le personnage trouve alors son refuge dans une mégalomanie et une haine de l'autre sans limite. La déraison colonise son cerveau et s'exprime par un abandon total à l'ivresse dionysiaque du néant et du chaos. Comme les soldats qui repartent au combat en chantant une chanson de Mickey Mouse dans le dernier plan de Full metal jacket, les héros kubrickiens renoncent à leurs tiraillements intérieurs en s'oubliant eux-mêmes jusqu'à la perdition et en célébrant la destruction de l'univers.

Incapable d'assumer ce qu'elle produit, prisonnière de son angoisse, l'intelligence enclenche le mécanisme de l'instinct d'agressivité et se fait une représentation faussée, forcée du monde qui pousse le mental hors du réel. La peur brouille la perception des choses et finit par se construire un univers délirant. Un rideau expressionniste hante l'œil du personnage, comme Jack et le petit Dany de Shining qui meublent le vide de l'hôtel Overlook en projetant dans les espaces nus des visions dictées par leur cerveau. Devenu totalement mental, l'espace ne se nourrit plus que de l'angoisse de l'individu, et interdit tout retour à l'équilibre et à la stabilité.

2 - De l'expressionnisme à la construction baroque, mentale et épique.

A la mise en scène de Kubrick de figurer alors les espaces perçus par ces yeux contaminés par la peur. Depuis Fear and desire (1953), elle ne sera travaillée que sur les modes expressionnistes de la claustrophobie, de l'agoraphobie, du déséquilibre, de l'hystérie spatiale sonore, des masques effrayants et outranciers figés sur les visages des acteurs, d'une lumière qui découpe les décors et représente la reconstruction mentale des lieux. Et, les notions de bien et de mal se confondant dans un même élan destructeur, le noir et le blanc seront à leur tour deux couleurs moins ennemies que complémentaires.

L'expressionnisme n'est donc pas au cœur de la réalité mais dans la vision que l'homme angoissé se fait d'elle. Dominé par la peur du monde, l'esprit humain ne voit plus que dans l'agressivité, l'ultime moyen de dominer à son tour. Il n'a de cesse de conquérir de posséder faire la guerre au monde entier. En cédant à ses pulsions de mort, le corps tente d'échapper à la peur dictée par l'intelligence, au contrôle obsessionnel de l'esprit qui l'aliène. Il n'est plus animé que par une volonté de puissance frénétique, sans but et mortelle, qui fuit inexorablement le dressage mental de la civilisation.

Cette déformation initiale vécue par les personnages, qui s'effraient eux-mêmes du monde qu'ils ont créé, et que leur peur diabolise est renforcée par le cinéaste.

Kubrick n'est jamais meilleur que lorsque les personnages se taisent, et qu'il utilise les moyens du cinéma au maximum, lumière et musique mêlées, comme lors de la scène de la partie de cartes et de la cour sur le perron de Barry Lyndon. Dès ses premiers films, la caméra de Kubrick mène la danse et, comme chez Ophuls qu'il admirait, oppose aux mouvements des personnages ses propres mouvements indépendants et complexes. Elle ne sert ni l'action ni les personnages mais les emporte de force dans ses déplacements. Du travelling d'ouverture Des sentiers de la gloire à l'emploi systématique de la steadycam de Shining, la caméra fait des prouesses et brave la volonté paranoïaque et mégalomaniaque des personnages et nie leur propre mise en scène. Elle reste le seul maître des espaces qu'elle pénètre.

L'hypnose est le premier dessin de Kubrick. Il ne s'agit pas pour lui d'étourdir le public par un brio sans retenue, mais de retrouver le pouvoir magique de fascination du cinéma muet. L'orchestration des plans (Eisenstein), la perfection de la composition plastique (Murnau), la pause rythmique des cartons (Dreyer), la juxtaposition des séquences (Griffith); toutes les recherches du cinéma muet ne visaient pas seulement l'expression des choses par les seuls moyens de l'espace, mais l'hypnose du spectateur. La stupéfaction. Les films se devaient de sidérer, d'être regardés bouche ouverte et les yeux grands ouverts. Tout film de Kubrick tente de retrouver l'impact visuel, le pouvoir hallucinatoire du premier âge du cinéma et de redonner à la caméra toute sa force expressive. L'hystérie outrancière des plans et des acteurs ou leurs poses hiératiques et l'utilisation de la musique participent à cette recherche de stupéfaction permanente.

Extraits : les sentiers de la gloire *- 2001 l'odyssée de l'espace.

* Le film de Stanley Kubrick est inspiré d'un fait réel qui eut lieu en France, en 2015

Un bref passage à Hollywood

De retour aux États-Unis, Stanley Kubrick écrit deux scénarios qui seront refusés par les majors hollywoodiens. La MGM lui propose de travailler sur le scénario d'un western avec comme vedette Marlon Brando. Après six mois de travail de préparation, le cinéaste et l’acteur se fâchent. Marlon Brando, star hollywoodienne, obtient facilement le départ de Kubrick et décide de réaliser lui-même La Vengeance aux deux visages.

Au même moment, sur un autre film, Kirk Douglas, acteur et producteur principal du péplum Spartacus, insatisfait du travail d'Anthony Mann, sollicite Stanley Kubrick pour terminer le film. Après le succès commercial des Sentiers de la gloire, celui-ci accepte et termine le film. Le tournage dure 167 jours, partagé entre la Californie et l’Espagne pour les scènes de combat tournées avec 10 000 figurants issus de l'armée espagnole.

Mais des conflits artistiques apparaissent rapidement entre Kirk Douglas et Russell Metty, le directeur de la photographie. Kubrick intervient également sur le scénario fondé sur l'histoire vraie du soulèvement d’esclaves romains qu'il trouve moralisateur et sans intérêt. Le film sort en 1960, il obtient un grand succès critique et commercial et gagne quatre Oscars. Quelques années plus tard, Stanley Kubrick renie le film dont il garde un souvenir amer. Dans l'œuvre de Kubrick, c'est son film le plus impersonnel, le film reprenant l'intrigue et le traitement du roman historique de Howard Fast. Le scénariste de "Spartacus" n'est autre que Dalton Trumbo, communiste et inscrit sur la liste noire de Hollywood, ce qui lui interdit de travailler dans le cinéma.


                                                    

David Lynch

David Lynch est un cinéaste, scénariste, photographe, musicien et peintre américain né le 20 janvier 1946 à Missoula (Montana).

 

Le cas David Lynch

Il est l'auteur de 10 longs-métrages sortis entre 1977 et 2006, ainsi que d'une série télévisée notable, Twin Peaks sortie en 1990-91 et 2017. Nommé aux Oscars du cinéma comme meilleur réalisateur pour Elephant Man (1980), Blue Velvet (1986) et Mulholland Drive (2001), il a reçu la Palme d'or au Festival de Cannes en 1990 et un Lion d'or d'honneur à la Mostra de Venise en 2006.

Son style novateur et surréaliste, parfois qualifié de « lynchien », est devenu reconnaissable pour de nombreux spectateurs et critiques. Il se caractérise par son imagerie onirique et sa conception sonore méticuleuse. L'imagerie parfois violente de ses films lui confère la réputation de « déranger, d'offenser ou de mystifier » son public. David Lynch porte un regard sombre et halluciné sur la réalité humaine inquiétante qui se dissimule derrière le vernis social, au sein des petites bourgades américaines (dans Blue Velvet ou Twin Peaks) ou de Los Angeles (dans Lost Highway ou Mulholland Drive).

Il donne par la suite de nouvelles orientations à sa carrière artistique, se faisant connaître comme peintre, photographe, musicien, designer ou vidéaste web.

Depuis la création de sa Fondation David-Lynch en 2005, il s'engage dans la promotion de la méditation transcendantale pour aider les populations dites « à risque ».

La critique de cinéma Pauline Kael le qualifie de « premier surréaliste populaire » ; en 2007, un panel de critiques réunis par The Guardian le place en tête d'une liste de 40 réalisateurs, tandis que le site AllMovie le définit comme « l'homme-orchestre du cinéma américain moderne ».


Analyse de l'œuvre

Le travail de David Lynch, qui met monde quotidien et imaginaire sur le même plan, est rebelle à toute étiquette. Il développe, dans ses séries comme dans ses films, un univers surréaliste très personnel où se mêlent cinéma expérimental, cinéma de genre, arts graphiques et recherches novatrices, tant sur le plan dramaturgique que plastique (images hypnotiques, bande sonore inquiétante, goût du mystère, de la bizarrerie et de la difformité...). On note plusieurs références à la peinture (Jérôme Bosch, Edward Hopper, Francis Bacon, etc..). Si Elephant Man, Blue Velvet, Sailor et Lula et Une histoire vraie développent une histoire totalement ou globalement compréhensible, ses autres réalisations brisent les codes d'une narration cinématographique linéaire et conventionnelle. Les lois du film noir en particulier sont utilisées, détournées puis finalement détruites : c'est le cas dans Twin Peaks: Fire Walk with Me (1992), Lost Highway (1997) et Mulholland Drive (2001). Ces deux derniers films sont représentatifs de la manière dont le cinéaste abandonne son intrigue à mi-parcours et passe dans un contexte bouleversé où les acteurs semblent interpréter des rôles différents et où les décors occupent une fonction nouvelle. La lisibilité du récit est volontairement brouillée et une énigme irrésolue se dissémine dans un monde sophistiqué dans lequel le sens s'efface et la frontière entre réalité, cauchemar et hallucination disparaît. Par ailleurs, Lynch n'hésite pas à manipuler certains clichés cinématographiques de manière subversive : dans Blue Velvet, il transforme en cauchemar l'idéalisme des années 1950 et le modèle dominant des banlieues cossues de la classe moyenne blanche. La série Twin Peaks s'amuse, quant à elle, à aller du mélo à l'angoisse, en passant par la comédie. Son cinéma, silencieux et anxiogène, mêle la violence, le macabre et le grotesque à une forme de normalité sociale et cherche à retranscrire la réalité profonde des fantasmes, en passant d'un monde lumineux à un univers nocturne où surgissent des pulsions refoulées.

                                       

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Clint Eastwood

Clint Eastwood né le 31 mai 1930 à San Francisco, est un acteur, réalisateur, compositeur et producteur de cinéma américain.

Autodidacte, il entre grâce à des amis au studio Universal où il interprète d’abord de petits rôles dans des séries B, puis l’un des rôles phares d'une longue série, Rawhide. Il est alors remarqué par Sergio Leone qui l’embauche pour la Trilogie du dollar (Pour une poignée de dollars, Et pour quelques dollars de plus et Le Bon, la Brute et le Truand). Devenu célèbre, il interprète de nombreux rôles, d’abord pour Universal, puis pour Warner Bros., notamment celui de l'inspecteur Harry dans les films Dirty Harry (1971-1988). En 1968, il devient producteur avec la création de la société Malpaso et réalise son premier film en 1971, avec Un frisson dans la nuit. Aujourd'hui, avec plus de trente-cinq films à son actif, parmi lesquels Impitoyable, Un monde parfait, Sur la route de Madison ou encore Mystic River et plus récemment Million Dollar Baby, Gran Torino, American Sniper, Sully et La Mule, Clint Eastwood figure parmi les cinéastes les plus reconnus au monde.

D'abord connu pour ses rôles d'antihéros volontiers redresseur de torts et tragiques, dans des films d'action violents ou des westerns tels que L'Homme des Hautes Plaines ou encore Pale Rider, il a ensuite endossé des rôles plus touchants dans des films empreints d'un certain classicisme, influencés par le cinéma de John Ford et de Howard Hawks. Il est également connu pour ses comédies telles que Doux, dur et dingue et Ça va cogner.

De par sa longévité, sa richesse et ses nombreux succès, tant critiques que commerciaux, cette double carrière d'acteur et de réalisateur fait de Clint Eastwood une figure légendaire du cinéma, aussi bien au niveau américain qu'à l'international. Il a ainsi été récompensé à de nombreuses reprises, remportant notamment quatre Oscars, cinq Golden Globes, trois Césars et la Palme d'honneur au Festival de Cannes en 2009.

Avant d'être considéré comme le plus grand auteur du cinéma américain contemporain, Clint Eastwood a longtemps été perçu comme un acteur limité dans ses possibilités et comme un cinéaste aux tendances conservatrices et misogynes franchement affirmées. Pourtant, le travail accompli par la partie la plus influente de la critique française a fini par porter ses fruits et dissiper les malentendus accumulés avec les années. Eastwood lui-même ne s'y est pas trompé puisqu'il a dédié la moisson d'Oscars reçus pour Impitoyable à la critique française.

Mettre en scène un fantôme qui revient du passé donner des leçons au présent.

Eastwood a imposé un style presque invisible, qui tient à la fois à la "revisitation" des genres par la modernité - dans tous les grands films d'Eastwood des revenants surgissent d'un passé oublié- et des retrouvailles solitaires et abstraites avec la pureté du cinéma classique, sans ostentation ni académisme.

Rares, les mouvements d'appareils, n'en sont que plus bouleversants : celui où la fille d'Eastwood découvre les photos que son père à prise d'elle alors qu'elle le croyait loin et indifférent dans Les pleins pouvoirs (1997); celui où Maggie Fitzgerald croise le regard de l'enfant au chien dans la station service et lui rappelle ses uniques instants d'enfant heureuse dans Million dollar baby. Il en est de même des scènes qui durent un peu plus longtemps que l'exigerait la dramaturgie ainsi du feu qui clignote sous la pluie où Meryl Streep voit Eastwood s'éloigner pour toujours dans Sur la route de Madison. A chaque fois, il s'agit de pointes de présent qui réexplorent des nappes de passé. Les flash-back de Eastwood sont toujours imprégnés de l'idée qu'ils doivent être lus depuis le présent. En d'autres termes, ils ne sont pas seulement là pour révéler quelque chose du passé mais pour transmettre aujourd'hui une émotion et des valeurs à celui qui les voit ou les écoute.

Histoire collective

Une part importante de l'oeuvre d'Eastwood consiste en effet en une série d'explorations au cœur de l'histoire américaine pour en recueillir les vibrations mentales. Les fondements de la naissance de l'Amérique au travers de la célébration finale du Colombus day sont interrogés dans Mystic River qui pointe ses dénis de justice permanents. L'après-guerre de Sécession dans Josey Wales hors-la-loi et Impitoyable ; la grande dépression des années 30 dans Honkytonk man ; la guerre dans Mémoires de nos pères, l'immédiat après guerre et le be-bop dans Bird ; les années 50 dans l'évocation du tournage de African queen dans Chasseur blanc, coeur noir ; les années 60 en deux volets, l'un désenchanté sur les résonances de l'assassinat de Kennedy dans Un monde parfait, l'autre à la radiographie des valeurs beatnik et libertaires dans Sur la route de Madison, les années 70 et la conquête spatiale dans Space cowboys.

Les plis secrets du passé

En ce sens Eastwood est proche du Ford de L'homme qui tua Liberty Valence, c'est à dire un archéologue, poète et reporter, qui scrute les fondations mythiques, légendaires, mensongères de l'histoire et qui sait que dans les plis du temps gît un secret, qui fonde la croyance dans le présent tout en le corrodant. C'est le sujet explicite de Impitoyable, où le journaliste écrivain est le scribe honteux d'une réécriture de l'histoire en légende crapuleuse sous l'influence du shérif, Gene Hackman. C'est également celui de Un monde parfait qui explore la tragique ascendance des fils de l'Amérique condamnés à répéter les crimes de leurs pères et à en être les premières victimes. C'est enfin celui de Mystic river. Au-delà de son nom symbolique, elle est avant tout l'une des rivières de Boston, la ville originelle des américains, celles où les colons ont construit leur première grande ville. Le film, qui se termine le jour de la parade de Columbus Day, de la commémoration de la découverte de l'Amérique, pourrait ainsi mettre en parallèle la malédiction des origines, malédiction individuelle dont sont frappés les trois garçons après la scène originelle de l'enlèvement de Dave, avec la malédiction de la communauté américaine qui trouve dans le déni de justice une façon de progresser vers le pouvoir.

En situant l'action de L'échange à Los Angeles, Eastwood démontre qu'il lie intimement réflexion politique et réflexion sur le cinéma. Celle-ci doit se faire oublier pour recoudre les traumatismes de l'histoire. Aux mensonges d'état et à l'arbitraire de la détention permise par le Patriot act. En mettant en scène sa disparition dans Gran Torino, Eastwood se tient aussi sur le dernier point de la modernité de l'Amérique d'aujourd'hui en proie à la violence de la mondialisation. En transmettant sa médaille de vétéran du Vietnam qui faisait rêver ses petits enfants comme sa Gran Torino symbole de la vieille Amérique sure d'elle-même des années 60 au fils d'origine hmong qu'il s'est choisi, Eastwood décore et transmet aujourd'hui aux seuls héros qui en vaillent la peine : non plus ceux qui délivrent la violence mais ceux qui y sont exposés.

Entre transmission et désespoir

Clint Eastwood s'est souvent montré un cinéaste lumineux : ange de la vengeance ( Pale rider, Impitoyable…) ou passeur des valeurs humanistes (Un monde parfait, Sur la route de Madison, Les pleins pouvoirs, Space cow-boy , Créance de sang , Gran Torino). L'image des hommes se baignant dans l'océan qui clôt Mémoires de nos pères est aussi optimiste : malgré la terre et la mémoire brûlées, les fils de la mémoire permettent peut-être de recoudre l'histoire déchirée de l'Amérique.

Certains de ses films sont toutefois travaillés par des pulsions plus sombres, décrivant un monde sans espoir, définitivement corrompu (Mystic river) et sans espoir de salut (Bird, Million dollar baby). Le noir qui envahit ces trois films en est une marque incontestable.


Clint Eastwood et la musique

                                      

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Joel et Ethan Coen

I Mise en scène

Les films des frères Coen se répartissent entre films se déroulant dans un espace mental et ceux mettant en jeu les puissances du faux.Toujours ils sont menés par des antihéros et une vision de la médiocrité humaine sous l’angle de l’absurde. Leur mise en scène est maniériste où prédominent le goût du détail, l'amour du langage et des genres. L'Amérique est au coeur de leur univers : New York dans Le grand saut, le désert texan de Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (2007), les décors enneigés du Dakota dans Fargo (1996), la grande dépression dans le Mississippi dans O Brother (2000), la grande dépression sur la côte est dans Miller's crossing (1990), Greenwich village au début des années 60 dans Inside Llewyn Davis (2013), la banlieue de Minneapolis fin des années 60 dans A serious man (2009), Hollywood dans Barton Fink et Ave César.

II Biographies

Ils naissent à Minneapolis, Joel le 29 novembre 1954, Ethan le 21 septembre 1957. Leur père enseigne l'économie à l'université du Minnesota et leur mère l'Histoire de l'Art. Après un passage par un établissement privé du Massachusetts, Joel étudie le cinéma à l'université de New York et Ethan la philosophie à Princeton. Joel terminant le premier ses études, il s'exerce au montage sur des courts métrages et des films d'horreur tels que Effroi de Frank La Loggia et Evil Dead de Sam Raimi. Quand Ethan le rejoint à New York, ils s'essaient à l'écriture de scénarios comme l'énigme criminelle Suburbicon. Plus tard, ils co-écriront avec Sam Raimi le thriller parodique The XYZ Murders, que Raimi portera à l'écran en 1985 sous le titre Mort sur le gril (Crimewave).

Dès 1981, ils concoctent une histoire de jalousie et de meurtres sordides dans la lignée de James M. Cain. Le titre original, Blood simple, est emprunté à Dashiell Hammett qui désignait ainsi un individu entraîné dans une spirale criminelle et rendu "hébété par le sang". Armés d'une bande-annonce de 3 minutes (filmée par Barry Sonnenfeld, qui sera le chef opérateur de leurs trois premiers films), ils mettent un an à réunir le budget de 750 000 dollars auprès d'amis de leurs parents. Le tournage a lieu au fin fond du Texas, en huit semaines au cours de l'automne 1982, avec Frances McDormand (qui deviendra l'épouse de Joel) dans un rôle de femme infidèle à la manière de Lana Turner. Le montage demande un an de plus et, bien que très remarqué dans divers festivals (il obtiendra notamment le prix de la critique au Festival du Film Fantastique de Paris en 1984 et au Festival du Film Policier de Cognac en 1985), Sang pour sang a du mal à trouver un distributeur. Ce sera finalement Circle Releasing, une petite compagnie nouvellement créée, qui prendra le risque et empochera 3 millions de dollars, aussitôt réinvestis dans le projet suivant, Arizona Junior. Avec un apport équivalent de la 20th Century-Fox, les Coen tournent, dans un esprit "slapstick" proche des dessins animés de Tex Avery, les mésaventures cocasses d'un délinquant un peu benêt (Nicolas Cage) et d'une femme policier (Holly Hunter). Ils confirment à cette occasion leur talent de raconteurs et leur style brillant et imaginatif.

Forts des 22 millions de dollars que rapporte Arizona Junior, ils montent Millers's Crossing en hommage à La moisson rouge de Hammett. Avec ses dialogues inventifs, ses audacieux mouvements de caméra et ses images étranges, le film fascine et déconcerte à la fois. Ils continuent dans la même voie avec Barton Fink, ou les tribulations d'un dramaturge de Broadway engagé comme scénariste à Hollywood. L'œuvre fait sensation à Cannes où elle remporte la Palme d'or, le Prix de la mise en scèneet, pour John Turturro, le Prix d'interprétation masculine. Plusieurs récompenses américaines (dont trois citations aux Oscars) attirent l'attention du producteur Joel Silver, qui propose de financer Le grand saut (un projet remontant à dix ans, mais qu'ils avaient dû repousser faute d'un budget suffisant). Malgré la participation d'une grande star, Paul Newman, et de Sam Raimi comme co-scénariste et réalisateur de seconde équipe, cette histoire à la Frank Capra déroute leur public habituel.

Deux ans plus tard, ils retrouvent cependant leur univers familier grâce à Fargo, une histoire criminelle située dans leur Minnesota natal, avec Frances McDormand dans un rôle de femme policier écrit spécialement pour elle. Le film leur vaut à nouveau le Prix de la mise en scène à Cannes. Le duo se distingue avec , l'absurde The big Lebowski ou encore la comédie loufoque O'Brother, portée par un George Clooney qu'ils retrouvent après The Barber (2001) pour Intolérable cruauté (2003), réjouissante comédie plus réussie que le mineur Ladykillers (2004) .

Habitués de la croisette, ils sont choisis pour participer au projet Chacun son cinéma, une compilation de courts métrages de grands réalisateurs projetée à l'occasion du 60e anniversaire du Festival et pour lequel ils produisent, World cinéma. Lors de cette édition, ils présentent également en compétition Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (2007), un drame sanglant adapté d'un roman de Cormac McCarthy qui contraste durement avec la légèreté de leurs précédents longs-métrages. Le film est un triomphe : il reçoit une moisson de prix à travers le monde, dont 4 Oscars pour le Meilleur scénario adapté, le Meilleur réalisateur, Meilleur second rôle pour Javier Bardem et celui du Meilleur film.

Après la comédie burlesque Burn After Reading (2008), parodie de film d'espionnage, les frères Coen réalisent en 2010 une comédie sociale autobiographique, A Serious Man. Ils font ensuite une franche incursion dans un genre qu'ils n'avaient pas encore abordé, le western avec True Grit, remake d'un film avec John Wayne, 100 dollars pour un shérif (Henry Hathaway, 1969). En 2013, Inside Llewyn Davis remporte le grand prix du Jury à Cannes.

                                           

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Terrence Malick

Terrence Malick, né le 30 novembre 1943 à Ottawa (Illinois) , est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma américain.

Il remporte la Palme d'or au festival de Cannes en 2011 pour The Tree of Life.

Il participe d'abord, comme script doctor, à l'élaboration de plusieurs scénarios dont celui de L'Inspecteur Harry (Dirty Harry) avant d'écrire et réaliser son premier long-métrage, La Balade sauvage (Badlands). Suit Les Moissons du ciel (Days of Heaven), un drame avec Richard Gere sur le travail à la ferme qui lui vaut le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 1979.

Le réalisateur suscite le mystère pour les vingt années d'écart entre Les Moissons du ciel et La Ligne rouge. Jamais dans l'histoire du cinéma, un cinéaste n'aura autant attendu entre deux productions. Après Les Moissons du ciel, il fut longtemps attaché au film Elephant Man. Il se retira pour mener une vie ordinaire. On sait qu'il écrivit plusieurs scripts et qu'il travaillait sur le projet Q, film explorant l'origine du monde qui deviendra The Tree of Life et Voyage of Time. Sans oublier que La Ligne rouge eut une longue période de pré-production.

En 1998, Malick revient avec un film de guerre, La Ligne Rouge (The Thin Red Line), qui évoque la sanglante bataille de Guadalcanal durant la guerre du Pacifique, d'après le roman de James Jones. Le film explore l'intimité des soldats par le biais de monologues intérieurs en voix-off. Le film est un grand succès critique et public, avec notamment un Ours d'or à la 49e Berlinale.

En 2005, sort Le Nouveau Monde, un film qui réitère les aspirations esthétiques du cinéaste (célébration de la nature, intériorité des personnages, multiplicité des points de vue, violence). Cette œuvre revient sur l'histoire de l'Amérindienne Pocahontas et sa rencontre avec le colon anglais John Smith dans l'Est américain du XVIIe siècle.

En 2010, la projection très attendue du nouveau film de Malick, The Tree of Life, n'a pas lieu lors du 63e Festival de Cannes. Le long métrage n'est pas présenté en raison de retards de montage. Mais il est néanmoins sélectionné à Cannes l'année suivante et y remporte la Palme d'or, décernée par le jury officiel présidé par Robert De Niro.

The Tree of Life met en vedette Brad Pitt, Sean Penn et Jessica Chastain. Lors des premières projections cannoises, le film est autant sifflé qu'applaudi. Le film divise à sa sortie mais par la suite, la critique sera plutôt enthousiaste. Malick est présent à Cannes lors de la projection officielle du film, mais ne fait aucune apparition publique, que ce soit sur le tapis rouge, lors de la conférence de presse, ou au gala de clôture pour recevoir sa récompense ; il s'est fait représenter par ses producteurs Bill Pohlad et Dede Gardner.

Il vit aujourd'hui à Austin, au Texas.

Malick souhaite rester dans l'ombre de la presse et du public : ses contrats stipulent qu'il ne sera pris aucune photographie de lui et qu'il n'a aucune obligation d'assurer la promotion de ses films. Les clichés publics du cinéaste sont très rares et datent du tournage de La Balade sauvage et de La Ligne rouge. Le cinéaste a le culte du secret comme le cinéaste Stanley Kubrick ou l'écrivain J.D. Salinger. Néanmoins, plusieurs photos du cinéaste ont été prises par des paparazzis en 2011, lors du tournage de Knight of Cups.

Le style de Terrence Malick

Un portrait en images

Terrence Malick a rapidement obtenu la reconnaissance de ses pairs. Souvent classé dans le mouvement du Nouvel Hollywood, il est jugé « atypique » par la critique, en bien comme en mal.

Le mystère qu'il a entretenu sur sa propre personne a généré une certaine « aura » car ses apparitions en public et ses interviews sont extrêmement rares. Malgré son retrait de la scène publique et son désir de rester dans le circuit indépendant, il est régulièrement sollicité par plusieurs grandes vedettes.

D'un perfectionnisme particulièrement pensé, les réalisations de Malick dénotent un travail d'ampleur sur la forme à tout point de vue : composition des plans, lumière, mouvements de caméra, montage, musique, bande sonore... Sa marque esthétique vient de sa technique axée sur l'improvisation des acteurs et l'utilisation très novatrice du Steadycam. Ses longs métrages s'ancrent tous dans le thème américain et romantique du rapport spirituel de l'individu à la nature et du lien entre grands espaces et possibilités introspectives.

À partir de La Ligne rouge, Malick rompt avec le récit encore linéaire de ses deux premières œuvres, même si l'usage très particulier d'une voix-off plurielle provoque déjà des décalages temporels. Il évolue alors vers un style expérimental aux temporalités multiples, fait de pure sensation plastique et d'émotion extra-visuelle qu'accompagne son habituelle fascination mystique pour le monde nature. Le point d'orgue de cette mutation est The Tree of Life, conçu comme un vaste poème épique, tant sur la création du monde que sur le quotidien difficile d'un jeune garçon texan dans les années 1950

Une caractéristique de son cinéma est donc le recours à la « narration décentrée ». Il s'agit, selon Michel Chion, d'une voix-off qui « ne recoupe pas exactement ce qu’on voit et manifeste une connaissance des faits différente et désaxée par rapport au récit qui se déroule sous les yeux du spectateur. ». Terrence Malick est un réalisateur atypique, il a très peu tourné au début (sept longs métrages en une quarantaine d'années) et ses films témoignent d'une ambition manifeste (style ample, élégiaque et cosmogonique, un goût prononcé pour les images métaphysiques et épiques, plans contemplatifs et picturaux, tournage sur des sites témoignant d'une proximité avec la nature etc.).

                                      

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Au Japon

Akira Kurosawa - Yasujirō Ozu - Ishii Katsuhito

Chez ce grand auteur, la violence intervient souvent, mais comme manifestation de colère et de révolte

contre les injustices sociales d'hier et d'aujourd'hui.

Akira Kurosawa (黒澤明 / 黒沢明 / 黑澤明, Kurosawa Akira) est un réalisateur, producteur, scénariste et monteur japonais, né à Tokyo le 23 mars 1910 et mort dans la même ville le septembre 1998. Avec Yasujirō Ozu et Kenji Mizoguchi, il est considéré comme un des cinéastes japonais les plus célèbres et influents de l'histoire. En cinquante-sept ans de carrière cinématographique, il a réalisé plus de trente films.

Akira Kurosawa débuta en 1936 en tant qu'assistant réalisateur et scénariste. En 1943, au cours de la Seconde Guerre mondiale, il réalise son premier film, La Légende du grand judo (姿三四郎, Sugata Sanshirō). Son huitième long métrage, L'Ange ivre (酔いどれ天使, Yoidore tenshi), sort en 1948 et est acclamé par la critique, affirmant la réputation de Kurosawa. Ce film marque les débuts de l'acteur Toshirō Mifune, qui tournera au total seize films avec Kurosawa.

Avec Rashōmon, dont la première eut lieu à Tokyo en août 1950, Akira Kurosawa reçut en 1951 le Lion d'or de la Mostra de Venise, récompense suivie par une diffusion en Europe et en Amérique du Nord. Le succès de ce film auprès du public et de la presse ouvrit alors les portes de l'Occident au cinéma japonais et permit de forger la réputation internationale de nombreux artistes japonais. Des années 1950 au début des années 1960, Kurosawa réalisa environ un film par an, dont Vivre (生きる, Ikiru, 1952), Les Sept Samouraïs (七人の侍, Shichinin no samurai, 1954) et Le Garde du corps (用心棒, Yōjinbō, 1961). Par la suite, sa carrière est moins prolifique, mais ses derniers travaux — dont Kagemusha, l'Ombre du guerrier (影武者, Kagemusha, 1980) et Ran (, Ran, 1985) — lui permettent de remporter de nouvelles récompenses, notamment la Palme d'or pour Kagemusha, l'Ombre du guerrier.

En 1990, il reçoit l'Oscar d'honneur « pour ses accomplissements qui ont inspiré, ravi, enrichi et diverti le public mondial et influencé les cinéastes du monde entier ». En 1999, il est nommé à titre posthume « Asiatique du siècle » dans la catégorie « Arts, Littérature, et Culture » par le magazine AsianWeek et CNN, présenté comme « l'une des cinq personnes ayant le plus contribué à l'épanouissement de l'Asie durant les 100 dernières années ».

Fils d'un officier, il semble devoir se tourner d'abord vers la peinture, mais, pour pouvoir vivre, il se fait embaucher à l'ancienne Toho comme assistant réalisateur de cinéma. Il travaille avec Yamamoto puis dirige son premier film en 1943. En 1959 il crée sa propre maison de production. C'est lui qui, avec Rashomon, permet à l'Occident de redécouvrir le cinéma japonais. Il est au demeurant le plus occidental des réalisateurs de son pays. Non seulement, il adapte des œuvres européennes (Macbeth dans Le château de l'araignée, L'idiot, Les bas-fonds et il y a des accents shakespeariens dans Kagemusha et nul doute qu'il n'ait été influencé par le film noir américain dans des œuvres comme Scandale ou Entre le ciel et l'enfer, Mais ses films ont souvent fait l'objet de remakes occidentaux comme Rashomon devenu grâce à Ritt The Outrage ou Les sept samouraïs transformés par Sturges en Les sept mercenaires, sans oublier le pillage par Leone de Yojimbo dans "Une poignée de dollars" de Sergio Léone.

 

Mais cela ne doit pas faire négliger l'humanisme Kurosawa tel qu'il s'exprime dans (condamné par un cancer, un homme découvre qu'il n'a rien su faire de sa vie) et dans Barberousse (la carrière d'un médecin des pauvres). On trouve chez Kurosawa tout à la fois un tableau des maux de société japonaise de l'après-guerre : le marché noir (Chien enragé), la prostitution, la bureaucratie (Vivre), la presse à scandale (Scandale), l'injustice sociale, une éthique, celle des samouraïs qu'il a contribué à populariser, et un message : changer l'homme et non les régimes politiques ou sociaux. Idée confucéenne, mais que Kurosawa exprime à plusieurs reprises dans ses entretiens. « Barberousse, dit-il dans Cahiers du cinéma de 1966, est le prototype du rédempteur. C'est un personnage imaginaire mais en le créant, j'ai illustré l'idéal d'un être de bonne volonté. Même si le régime changeait, je doute vraiment que hommes puissent être heureux. Voyez ce qu'il en est en URSS. Le régime bureaucratique a permis aux bureaucrates d'étendre leurs tentacules sur le pouvoir. Les hommes sont faibles, il ne reste qu'à envisager que nous puissions changer les hommes. Il faut absolument que chacun pense plus sérieusement à remettre en question le statut même de l'humanité avant de chanter les louanges d'une politique meilleure. LE cinéma peut-il y contribuer ? Sans se leurrer Kurosawa affirme : « Si mon film peut éveiller cette bonne volonté dans l'esprit d'un seul homme, je serais comblé. » « la première qualité de Kurosawa c'est de savoir raconter », disait de lui un réalisateur américain ; il sait aussi nous montrer des images splendides (que l'on songe aux batailles de Kagemusha) ; mais loin de cultiver l'art pour l'art, il entend nous donner, sans dogmatisme, une leçon de sagesse.
 

                                         

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Yasujirō Ozu

Yasujirō Ozu , né le 12 décembre 1903 à Tokyo et mort le 12 décembre 1963 dans la même ville, est un cinéaste japonais.

Biographie

Premiers pas

Né à Tokyo, dans le quartier de Furukawa, près de l'enceinte d'un temple, Ozu est le cadet d'une famille de cinq enfants dont le père est grossiste en engrais.

Il a douze ans quand sa mère s'installe avec ses enfants à Matsusaka, village natal du père dans la préfecture de Mie, près de Nagoya. Le père, lui, demeure à Tokyo pour son commerce, et cette absence marque l'adolescence d'Ozu.

Pensionnaire au collège de Ujisenda, il se passionne pour le cinéma : il préfère aller voir des films — notamment ceux d'Hollywood — plutôt que d'étudier.

À dix-neuf ans, ayant échoué aux examens d'entrée à l'université, il doit travailler comme instituteur remplaçant dans un village de montagne situé à une trentaine de kilomètres de Matsusaka.

Un an plus tard, sa mère retourne vivre à Tokyo, et il décide de s'installer lui aussi dans la capitale. Sur la recommandation d'un oncle, il entre à la Shōchiku Kinema, en qualité d’assistant-opérateur.

Carrière

Désireux de devenir réalisateur, il devient l'assistant de Tadamoto Ōkubo en 19261 et dès l'année suivante, il met en scène son premier film, Le Sabre de pénitence, collaborant pour la première fois avec celui qui sera le scénariste d’un grand nombre de ses œuvres futures : Kogo Noda. Ses réalisations muettes dénotent l'influence du cinéma américain et européen.

Au milieu des années 1930, il devient l’un des réalisateurs les plus célèbres du Japon, aussi talentueux dans la comédie que le drame en passant par le film noir. Dans un genre comme dans l’autre, il s’attache désormais à traiter de la vie familiale japonaise, témoin des bouleversements sociaux de l’époque.

En 1937, il est mobilisé et sert pendant vingt mois en Chine. En 1943, il se voit confier la réalisation d’un film de propagande à Singapour, dont il ne tournera que quelques plans, préférant ensuite attendre sur place une capitulation qu’il juge inévitable. Fait prisonnier à Singapour, il ne rentre au Japon qu'en 1946.

Il affine alors ses réalisations, avec des films tels que Le Goût du riz au thé vert (1952), dont le scénario avait été bloqué par la censure en 1939, et surtout Voyage à Tokyo (1953), souvent considéré comme son chef-d’œuvre.

Ses films sont alors de plus en plus épurés. L'Occident le retient d'ailleurs pour ses œuvres tardives dans lesquelles il renonce à tous les effets de sa période d'avant-guerre. Le réalisateur semble préférer le plan moyen fixe à tout autre, avec cette particularité que la caméra est généralement placée très bas, presque au niveau du sol (ce qu'on appelle parfois le « plan tatami », obtenu grâce à un pied de caméra qu'Ozu fit fabriquer spécialement). Les rares gros plans ou mouvements de caméra sont très subtils et, grâce à des plans de coupe très maîtrisés, donnent à la mise en scène d’Ozu une respiration unique, un sens incomparable de l’espace et de la présence humaine.

Sa méthode de tournage ressemble à celle de Bresson : très grand nombre de prises et refus du théâtre filmé.

La trame de ses récits, tournant autour des relations ou des conflits familiaux, est toujours très simple et comporte peu d’actions spectaculaires, voire aucune. Le cinéaste reprend sensiblement, d'un film à l'autre, le même canevas, très ténu, et des personnages identiques, interprétés par la même troupe d'acteurs. La répétition, la légère nuance, la scrutation d'infimes détails, la saisie de gestes rituels et la dilatation du temps, perçu comme une entité flottante, sont au cœur de son dispositif. Cinéaste du temps qui fuit et de l'évanescence, Ozu se veut le chroniqueur mélancolique d'un Japon en pleine mutation et d'un monde qui disparaît. Sur le tard, le réalisateur délaisse ostensiblement la dramatisation et cherche, par l’extrême sobriété et densité de la forme cinématographique, à atteindre l’essence même de ce qu’il filme. En cela, il est d’ailleurs fidèle à une longue tradition artistique japonaise.

Ainsi que le souligne Donald Richie, qui fut l'un des premiers critiques occidentaux à s'intéresser à l'art d'Ozu : « Son art cinématographique est formel, d'un formalisme comparable à celui de la poésie. (...) Ozu est proche des grands maîtres du sumi-e et du haïku. C'est à ces qualités spécifiques que se réfèrent les Japonais quand ils parlent d'Ozu comme "du plus japonais". »

Ozu a beaucoup de mal à accepter les innovations techniques. Il n'a adhéré au parlant qu'en 1936, et il a longtemps résisté à l'utilisation de la couleur, réussissant sur ce point à tenir tête aux pressions de la Shōchiku jusqu’à la fin des années 1950, période à laquelle il finit par céder pour le tournage de Fleurs d'équinoxe.

Il prend finalement un tel plaisir à réaliser ce film qu'il décide de tourner ses cinq derniers films en couleur (dont l'ultime : Le Goût du saké, 1962).

Vie personnelle

En dehors du cinéma, les seuls centres d'intérêt d'Ozu semblent avoir été la littérature, la boisson, la peinture et la musique. À partir de la mort de son père, en 1934, il habite avec sa mère.

Il meurt peu après elle, d'un cancer, le 12 décembre 1963, jour exact de son 60e anniversaire. L'œuvre d'Ozu comprend 54 films, et commença enfin à être encensée en Europe après sa mort, alors qu'elle avait été presque totalement ignorée durant toute sa vie.

Ozu ne s'est jamais marié. On peut supposer toutefois qu'il a entretenu une relation très intime avec l'actrice Setsuko Hara. Star très populaire du cinéma japonais depuis les années 1930, elle interrompit brutalement sa carrière à la mort d'Ozu et vécut retirée à Kita-Kamakura jusqu'à son décès le 5 septembre 2015 ; or c'est dans le Engaku-ji de cette ville que reposent les cendres du cinéaste.

Sa tombe, située au complexe de temples Engaku-ji, est gravée du seul caractère (mu, prononcé « mou », un terme venu du bouddhisme zen, que l'on peut traduire par « le rien constant », « l'impermanence », trop souvent rendu en français par « le néant », « le vide ». Il ne faut pas y voir la connotation négative occidentale d'absence, de disparition, de « nihilisme », mais au contraire le sens extrême-oriental, qui est l'idée de faire un avec l'univers, de se fondre dans ce qui nous entoure.

Réception de son œuvre

L’œuvre d'Ozu reste inconnue en France jusqu'en 1978, soit quinze ans après sa mort. En 1978, trois films sortent sur les écrans français : Voyage à Tokyo, Le Goût du saké et Fin d'automne. Son film Gosses de Tokyo sort en 1980.

Josiane Pinon écrit qu'« au sein du cinéma japonais, l'œuvre d'Ozu Yasujiro – qui s'étale sur plus de trente ans – est d'une importance considérable ».

Analyse selon Gilles Deleuze

Gilles Deleuze a analysé l’esthétique d’Ozu dans son ouvrage Cinéma 2 : L’image-temps. Selon lui, l’œuvre de Yasujirō Ozu dans son ensemble « réussit à rendre visibles et sonores le temps et la pensée ». Ainsi, à la question de savoir si le réalisateur japonais est un cinéaste néoréaliste, Deleuze répond que les néoréalistes ne l’ont pas imité, en créant le mouvement, mais l’ont plutôt rejoint. On peut donc rattacher Ozu au néoréalisme, à la condition de se détacher du cadre historique du néoréalisme italien, et de l’entendre comme « s'attachant à rendre des situations optiques et sonores pures »(les opsignes et les sonsignes). Gilles Deleuze analyse ces opsignes comme permettant de rendre sensibles le temps et la pensée, de les rendre visibles et sonores. Si les films d’Ozu empruntent souvent une « forme-ballade » (dans Voyage à Tokyo par exemple, l'aller et retour des grands-parents de province à Tokyo), ils ont pour objet la banalité quotidienne, appréhendée dans la vie de famille japonaise. Dans cette banalité du quotidien, les situations optiques pures viennent remplacer « l’image-action » et découvrent des liaisons d'un nouveau type, qui ne sont plus sensori-motrices, mais qui mettent les sens dans un rapport direct avec le temps et la pensée.

Selon Deleuze, trois éléments sont importants chez Ozu : la caméra, l’esthétique du vide, et l’esthétique de la nature morte.

Concernant la caméra, elle est toujours basse et le plus souvent fixe, ou effectuant des « blocs de mouvement » lents et bas. Le montage est composé d’un simple cut, ce qui fait partie du style moderne sobre : « le montage-cut […] est un passage ou une ponctuation purement optiques entre images, opérant directement, sacrifiant tous les effets synthétiques ».

Ensuite, le « vide » et la « nature morte » sont deux variantes des opsignes d’Ozu. Il y a des ressemblances entre les deux, mais la distinction reste celle du vide et du plein. L’esthétique du vide est liée selon Gilles Deleuze à la tradition japonaise zen-bouddhiste, mais cette analyse est contestée par d’autres théoriciens, qui y voient un mythe inventé par la critique des années 1960. Chez Ozu, « un espace vide vaut avant tout par l'absence d'un contenu possible » : sans personnages et sans mouvements, ce sont des intérieurs vidés de leurs occupants, des extérieurs déserts ou paysages de la nature. Vidés de contenu dramatique, ils atteignent l'absolu, comme des contemplations pures, et prennent chez Ozu une certaine autonomie. « Si les espaces vides constituent des situations purement optiques (et sonores), les natures mortes en sont l'envers, le corrélat ». Elles se définissent par la présence et la composition d'objets qui s'enveloppent en eux-mêmes ou deviennent leur propre contenant. La nature morte est une image-temps directe, c’est l’image pure et directe du temps : elle donne à voir un changement, mais la forme de ce qui change, elle, ne change pas, ne passe pas. « La nature morte est le temps, car tout ce qui change est dans le temps, mais le temps ne change pas lui-même ». Ainsi, si le cinéma s’approche ici au plus près de la photographie, c’est également qu’il s’en éloigne radicalement : les natures mortes d’Ozu ont une durée, qui représente ce qui demeure, à travers la succession des états changeants.

De plus, l’esthétique d’Ozu a ce trait particulier de mettre en scène le charme triste des choses. C’est un élément important de la culture japonaise en général, et du cinéma d’Ozu en particulier : tout est assez triste, mais est ordinaire et banal, même la mort qui fait l'objet d'un oubli naturel. Les scènes de larmes soudaines sont d’ailleurs intégrées à cet ordinaire : elles ne marquent pas un temps fort ou une action décisive qui s'opposerait aux temps faibles de la vie courante. Il y aurait ainsi une harmonie, une continuité de l’univers, que les hommes viendraient troubler. « C'est la pensée d'Ozu : la vie est simple, et l'homme ne cesse de la compliquer en "agitant l'eau dormante". Il y a un temps pour la vie, un temps pour la mort, un temps pour la mère, un temps pour la fille, mais les hommes les mélangent, les font surgir en désordre, les dressent en conflits »

Retrospective


                               

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En Inde

 Satyajit Ray

                                  

Satyajit Ray est un réalisateur, écrivain et compositeur indien bengali, né le 2 mai 1921 à Calcutta et mort dans la même ville le 23 avril 1992.

Le cinéma de Ray est réaliste ; ses premiers travaux sont pleins de compassion et d'émotion ; son travail postérieur est plus politisé et parfois cynique, mais il y infuse toujours son humour typique.

Ray a réalisé 37 films, parmi lesquels des courts et des longs métrages ainsi que des documentaires. Le premier film de Satyajit Ray, La Complainte du sentier, remporta onze distinctions internationales, dont le prix du document humain au Festival de Cannes 1956. C'est le premier volet de "la trilogie d'Apu" *, qui sera suivi par Aparajito (L'Invaincu) et Apur Sansar (Le Monde d'Apu). Ray a exercé au cours de sa vie un large éventail de métiers, dont l'écriture de scénarios, le casting, la composition musicale de bandes originales, le tournage, la direction artistique, la conception et la réalisation de ses propres génériques et affiches publicitaires... En dehors du cinéma, il était écrivain, éditeur, illustrateur, graphiste et critique de cinéma. Il a remporté de nombreuses récompenses au cours de sa carrière, dont un Oscar pour son œuvre en 1992. Il a été décoré également de la Bharat Ratna, la plus haute distinction de l'Inde en 1992.

* Restauration en DVD

L'œuvre de Ray est décrite comme un écho aux valeurs d'humanisme et d'universalité, d'une simplicité trompeuse avec une profonde complexité sous-jacente. Nombreux sont ceux qui l'ont couverte de louanges. Même Akira Kurosawa s'est prêté à ce jeu en déclarant : « Ne pas avoir vu le cinéma de Ray revient à exister dans le monde sans avoir vu le soleil ou la lune. » Ses détracteurs, en revanche, trouvent ses films glacialement lents, progressant comme un « serpent majestueux ». Certain trouvent son humanisme naïf, et son œuvre anti-moderne, et prétendent qu'elle pêche par manque de nouveaux modes d'expression ou d'expérimentations, que l'on trouve chez des contemporains de Ray, comme Jean-Luc Godard. Comme l'écrit Stanley Kauffman , certains critiques sont convaincus que Ray « part du principe [que les spectateurs] peuvent s'intéresser à un film [dont l'intensité] réside simplement dans ses personnages, plutôt que dans un qui impose des épreuves dramatiques à leurs existences. » Ray en personne explique qu'il ne peut rien pour ce qui est de la lenteur, et Kurosawa le défend en déclarant « Ils [les films de Ray] ne sont pas lents du tout. Cela peut être décrit comme un flot décontracté, comme celui d'une grosse rivière. »

Les critiques ont souvent comparé Ray à d'autres artistes du cinéma ou d'autres médias, comme Anton Tchekhov, Renoir, De Sica, Howard Hawks ou Mozart. Shakespeare a été également cité, par exemple par l'écrivain V. S. Naipaul, qui compare une scène de Shatranj Ki Khiladi (Les Joueurs d'échecs) à un jeu shakespearien : « seulement trois cents mots sont prononcés, mais divinité ! — des choses terrifiantes se produisent ». Il est généralement admis, y compris par ceux qui ne sont pas sensibles à l'esthétique des films de Ray, que c'est un cinéaste hors pair pour ce qui est de saisir une culture dans son ensemble et avec toutes ses nuances à travers ses films.

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En Serbie (Yougoslavie)

Emir Kusturica

Emir Kusturica (API : [ˈku.stu.ri.tsa], Емир Кустурица en serbe cyrillique) est un cinéaste, acteur et musicien serbe (yougoslave jusqu'en 2003), né le 24 novembre 1954 à Sarajevoa. Il a également obtenu la nationalité française.

Il a notamment été deux fois récompensé par la Palme d'or au Festival de Cannes, pour Papa est en voyage d'affaires et Underground.

Kusturica (ITV) - Journal intime

EXTRAITS

  Le temps des gitans - La vie est un miracle

Identité et religion

Emir Kusturica naît le 24 novembre 1954 à Sarajevo, en République socialiste de Bosnie-Herzégovine, qui faisait partie de la République fédérative socialiste de Yougoslavie.

Le New York Times l'interroge au début de la guerre en Bosnie-Herzégovine sur son identité et il répond : « Je suis un exemple vivant du mélange et de la conversion des Serbes en Bosnie. Mes grands-parents vivaient dans l’Est de l’Herzégovine. Ils étaient très pauvres. Les Turcs sont venus et ont apporté l'Islam. Il y avait trois frères au sein de la famille. L’un était chrétien orthodoxe. Les deux autres se sont convertis à l’islam pour survivre. »

La famille du cinéaste est représentative de la pluralité ethnique de la Yougoslavie dont l'effritement la marginalise plus tard : les ancêtres d'Emir- Nemanja Kusturica sont des Serbes orthodoxes de Bosnie-Herzégovine6. Environ la moitié des habitants de Bosnie-Herzégovine sont adeptes de l'islam depuis la conquête ottomane des Balkans, alors qu'environ un tiers de la population est de confession orthodoxe et 15 % de confession catholique. Néanmoins, le réalisateur n'est pas intégré, dans son enfance, aux coutumes religieuses du pays. Il est par ailleurs tenu à l'écart de tout culte religieux, son père étant non-croyant et communiste. Ce dernier est également un ancien résistant à l'Allemagne nazie, intégré aux troupes armées, civiles et partisanes titistes.

Ces éléments sont à nuancer sérieusement : dans sa relativement longue « profession de foi »publiée à peu près au même moment, Kusturica se définit comme yougoslave et « enfant de la Bosnie primitive ». Il précise même que « des nationalistes serbes » l'ont « menacé d'une nouvelle circoncision » après le succès de son film Papa est en voyage d'affaires, ce qui accrédite l'idée qu'il fut circoncis selon la coutume musulmane et comme le montre ce film dont le couple parental principal est musulman et fait circoncire leurs fils. Dans le même livre (chapitre « Nostalghia »), il indique que sa grand-mère paternelle était « fortement liée aux rites musulmans » et que sa famille « les a d'ailleurs conservés ».

En fait, Kusturica s'est toujours senti profondément yougoslave et c'est ce dernier terme qui définit sans doute le mieux son identité au moins jusqu'au début des années 2000.

Le jour de Đurđevdan (la Saint-Georges) en 2005, Emir Kusturica est baptisé à l’Église orthodoxe serbe sous le nom de Nemanja Kusturica (Немања Кустурица) dans le monastère de Savina, près de Herceg Novi, au Monténégro. Ses détracteurs analysent ce geste comme une trahison de son passé musulman et une négation de ses racines, ce à quoi il répond : « Mon père était athée tout en se définissant comme serbe. D'accord, nous avons peut-être été musulmans pendant 250 ans, mais nous étions orthodoxes avant cela, tout en restant serbes. »

En 1978, Emir Kusturica réalise son court métrage de fin d’études Guernica, un film douloureux et faussement naïf sur l’antisémitisme vu par un petit garçon. Ce film obtient le Premier Prix du cinéma étudiant du Festival international du film de Karlovy Vary.

Sarajevo

Avec ce premier trophée, il rentre alors à Sarajevo et y obtient un contrat à la télévision. Artiste anticonformiste, éloigné de la ligne du pouvoir central sur le cinéma, il réalise en 1979 le moyen métrage Les jeunes mariées arrivent (de), tiré d’un scénario d'Ivica Matić qui traite de l’inceste. Fortement influencé par l'œuvre d’Andreï Tarkovski, le film dérange par sa forme et son contenu audacieux. Il est interdit de diffusion. Kusturica conserve néanmoins son poste à la télévision et tourne l’année suivante son second film : Café Titanic, tiré d’une nouvelle du prix Nobel de littérature yougoslave Ivo Andrić. Avec ce film, il remporte le premier prix du Festival de la télévision yougoslave.

Il réalise son premier long métrage Te souviens-tu de Dolly Bell ?, la même année, sur la base d’un scénario coécrit avec le poète bosniaque Abdulah Sidran. Le film est semi-autobiographique, et raconte la difficulté pour un groupe d’enfants dans le Sarajevo des années 1960 de se confronter au rêve occidental sous le régime de Tito. Le cinéaste y révèle déjà ses talents de conteur, de portraitiste et de satiriste par son sens du détail poétique et son observation aiguisée des mœurs yougoslaves traditionnelles. Le monde découvre ainsi le cinéma singulier du jeune Yougoslave grâce à l'obtention du Lion d'or de la Première Œuvre à la Mostra de Venise et du Prix de la critique au Festival du film international de São Paulo.

Kusturica travaille sur son deuxième film, Papa est en voyage d'affaires, avec le même scénariste dans l'optique de réaliser une trilogie sur sa ville natale. Le troisième volet ne verra pas le jour, mais ce deuxième film, qui témoigne de la douleur des familles séparées par l’arbitraire politique du régime de Tito, remporte à la surprise générale la Palme d'or au Festival de Cannes 1985 et rate la remise de prix, parce qu’il avait "un parquet à poser chez un ami". La récompense propulse cependant au niveau des plus grands ce jeune réalisateur de 31 ans. Pour évacuer la pression, Kusturica intègre pendant un an le groupe de musique de ses amis de Zabranjeno pušenje en tant que bassiste. Il fréquente en conséquence la scène musicale yougoslave et se lie d’amitié avec le plus grand auteur-compositeur et guitariste de rock national, Goran Bregović, devenu une star nationale dans toute l’ex-Yougoslavie avec le groupe Bijelo Dugme (Bouton blanc).

Les États-Unis

La Palme d'or lui ouvre toutes les portes, notamment celles des producteurs internationaux. La Columbia s’intéresse à lui et lui propose un contrat mirobolant. Il hésite entre plusieurs scénarios dont un sur les Doukhobors. Finalement, un fait divers sur les gitans retient son attention et le pousse à travailler avec le journaliste Gordan Mihic afin d'élaborer l’histoire douloureuse et en partie authentique de Perhan dans Le Temps des Gitans. Mais l’œuvre, qui se veut plus une fable onirique qu’un portrait documentaire, trahit des accointances avec le réalisme magique, juxtaposant une description précise du mode de vie des Gitans à des éléments mythologiques, irrationnels et surnaturels (dons de voyance, de télékinésie, accouchement en lévitation...). Tous sont inhérents à la pensée superstitieuse et mystique des communautés tziganes. Cette pensée alimente par ailleurs fortement l’imaginaire du cinéaste pour ce film-là comme pour ses futures réalisations. Une fois monté, Le Temps des Gitans est présenté à Cannes où il obtient le Prix de la mise en scène en 1989. À l’issue du tournage, Kusturica est appelé à New York par le réalisateur américano-tchèque Miloš Forman, ancien collègue de la FAMU et président du jury cannois qui lui attribua la Palme à l'unanimité en 1985. Forman souhaite qu'il le remplace à son poste d'enseignant à l'université Columbia.

Aux États-Unis, un des élèves de Kusturica, David Atkins, lui propose un scénario qui devient Arizona Dream. Le cinéaste arrête l'enseignement et se consacre entièrement à la fabrication de cette œuvre, consacrée au rêve américain et à sa dure confrontation au réel. La conception douloureuse du film est rendue encore plus difficile par le début du conflit en Yougoslavie auquel le cinéaste assiste, impuissant, à des milliers de kilomètres. Le tournage est arrêté à de nombreuses reprises pour le laisser faire des allers-retours en Europe centrale et aider ses parents à faire face au conflit. Après le pillage de la maison familiale de Sarajevo et le vol de ses premiers trophées, Kusturica fait déménager ses parents au Monténégro. Arizona Dream, interprété par Johnny Depp dont il reste très proche par la suite mais aussi Jerry Lewis, Faye Dunaway et Vincent Gallo est tout de même achevé et obtient l'Ours d'argent au Festival de Berlin 1993.

Belgrade

Extrêmement choqué par les événements en Bosnie et par la manière dont ils sont présentés par les médias internationaux, Kusturica constate son impuissance à agir depuis les États-Unis et décide alors de revenir avec son épouse sur sa terre natale et de montrer au reste du monde sa propre vision du conflit qui déchire sa nation. Produit entre la France, l'Allemagne, la Hongrie, la Bulgarie et la Serbie, Underground aborde le difficile thème de la guerre en ex-Yougoslavie et couvre 50 ans d'histoire, des bombardements de l'Allemagne nazie sur Belgrade en 1941 aux conflits ethniques des années 1990, en passant par l'ère Tito. Cette vaste fresque au souffle épique mêle farce bouffonne, symbolisme, onirisme, opéra burlesque et esthétique carnavalesque. Sous son exubérance, le film traduit une conception tragique et désespérée de l’histoire. Underground est à la fois le long métrage le plus douloureux, le plus visionnaire et le plus inventif de la carrière du metteur en scène, nourri par une force poétique et visuelle inégalée dans son œuvre. Il est en partie tourné dans les studios de Prague pour les séquences en intérieur et en partie à Belgrade, en pleine guerre, pour les scènes d'extérieur. Au lendemain du massacre de Tuzla, le film vaut au réalisateur une seconde Palme d'or cannoise en 1995, en dépit de la forte controverse qu’il essuie lors de sa présentation en France. Alain Finkielkraut publie au lendemain de la proclamation du palmarès une violente tribune dans Le Monde, intitulée L'imposture Kusturica. L'auteur y accuse le cinéaste de capitaliser sur la souffrance des martyrs de Sarajevo et de se livrer à une propagande pro-serbe sous couvert d'exprimer sa nostalgie de l'ancienne Yougoslavie. En parallèle, Bernard-Henri Lévy renchérit dans Le Point, reprochant au réalisateur d'avoir « choisi le camp des bourreaux » et de faire d'Underground une arme idéologique au service des nationalistes serbes. Kusturica répond, le 26 octobre 1995, par un article intitulé Mon imposture. Il récuse les accusations proférées à son encontre et affirme que ni Finkielkraut ni Lévy n'ont vu le film, ce que les intéressés confirment tout en maintenant leurs déclarations. Entre-temps, le metteur en scène reçoit le soutien de personnalités du monde culturel parmi lesquelles le réalisateur grec Theo Angelopoulos.

Cette polémique, et plus encore un reportage paru dans Le Monde sur le sentiment de « trahison » ressenti par ses amis d'enfance et ses compagnons de cinéma dans le Sarajevo assiégé et bombardé par l'armée de Belgrade, décident le cinéaste meurtri à « lier son destin au régime de Slobodan Milošević » et à arrêter le cinéma. Il se ravise pourtant après avoir visionné le film Le Jour et la Nuit, « en voyant les dommages que Bernard-Henri Lévy peut causer au monde du cinéma.  Il tourne Chat noir, chat blanc en 1998, un film aux antipodes du précédent, plus calme mais non moins pittoresque, plein de couleurs, de musique, de cocasserie et d'humour. Il permet au cinéaste d’être gratifié d’un Lion d'argent à la Mostra de Venise en 1998. Comme toujours, pour décompresser, il revient à la musique et enchaîne une tournée mondiale avec son groupe de musique rebaptisé le No Smoking Orchestra. De cette tournée, il réalise le documentaire Super 8 Stories en 2001.

Küstendorf

Après plusieurs projets non concrétisés, Kusturica décide de revenir une nouvelle fois sur la guerre et l’aborde à travers une histoire dont il a l'idée depuis longtemps : une transposition de Roméo et Juliette dans les Balkans. L'idée donne naissance au film La vie est un miracle qui sort en 2004. Pour le tournage, il s'arrête avec son équipe dans les montagnes de la Mokra Gora et y construit pour l’occasion une voie ferrée et un village traditionnel en bois. Ce village, baptisé Küstendorf et dont il s’autoproclame maire, est érigé en place forte de l’altermondialisme, du tourisme écologique et de l’enseignement du cinéma comme il l’explique alors lors de nombreuses interviews. Le village est ouvert au public depuis septembre 2004. Un séminaire de cinéma pour jeunes étudiants y a eu lieu au cours de l’été 2005. La commune de Küstendorf gagne en octobre 2005 le Prix européen d'architecture Philippe-Rotthier. Entre-temps le cinéaste, grand lecteur de Gabriel García Márquez dont l'univers a largement influencé Le Temps des Gitans et Underground, nourrit le projet d'adapter L'Automne du patriarche et rencontre l'écrivain colombien à La Havane afin de discuter de la mise à l'écran de son livre. Kusturica souhaite également porter à l'écran d'autres œuvres du prix Nobel de littérature 1982 parmi lesquelles Cent ans de solitude, son chef-d’œuvre. Néanmoins, aucune des adaptations souhaitées ne voit le jour.

Toujours dans les environs de Küstendorf, après avoir passé une année à travailler sur un documentaire consacré au joueur de football Diego Maradona, Kusturica débute en 2006 le tournage de Promets-moi. Le premier film, qui met plus de temps à se faire que prévu, sort sur les écrans français à la fin du mois de mai 2008 alors que le second, réalisé après et sélectionné au Festival de Cannes 2007, est distribué en France en janvier 2008.

L’ethno-village de Küstendorf  

De la même façon qu'il a fait bâtir Küstendorf, ou "Drvengrad" (Village en bois), le réalisateur fonde une nouvelle ville en hommage au livre d'Ivo Andrić, Le Pont sur la Drina. Le réalisateur serbe Emir Kusturica avec le soutien du président de l'entité administrative bosnienne de la République serbe de Bosnie Milorad Dodik, compte adapter au cinéma Le Pont sur la Drina, et pour cela il souhaite reconstruire en dur à l'identique une partie de la ville décrite par Andrić dans son livre. Andrićgrad (en), ou "Kamengrad" (Village en pierre), est construit près de l'actuelle ville de Višegrad, et inauguré le 28 juin 2014, date commémorant le centenaire de l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche à Sarajevo. Il est également reproché au projet de serbiser un pan de la ville, plutôt musulman.

Quelques touches caractéristiques

La musique

La musique est omniprésente dans les films de Kusturica. Après une collaboration avec Zoran Simjanović pour ses premiers films, ce sont surtout les trois films qu’il fait avec Goran Bregović qui marquent les esprits : Le Temps des Gitans (1990), Arizona Dream (1993) et Underground (1995). Il travaille également avec le trompettiste serbe Boban Marković et sa fanfare de onze musiciens, de nos jours considérée comme l’une des meilleures fanfares d’Europe centrale. Depuis 1998, c’est son propre groupe le No Smoking Orchestra qui assure la musique de ses films. Il y joue de la guitare et du banjo et compose une partie des morceaux.

Les Gitans

Les Gitans sont le thème central de deux des films de Kusturica : Le Temps des Gitans et Chat noir, chat blanc, même si des joueurs de musique tziganes apparaissent dans quasiment tous ses autres films. Emir Kusturica n’a pas de racines familiales gitanes mais il les a fréquentés depuis sa plus tendre enfance et, pour lui, ce peuple symbolise la notion même de liberté.

Kusturica met en scène un opéra punk, Le Temps des Gitans, dont la première représentation est donnée le 26 juin 2007 à l’Opéra Bastille à Paris. L’opéra est fondé sur son film de 1989, Le Temps des Gitans, le livret est écrit par Nenad Jankovic et la musique composée par le No Smoking Orchestra. L’œuvre, très différente de la programmation habituelle de l’Opéra Bastille (chants amplifiés au micro, voies sur scène, décors rocambolesques, etc.) remporte un vif succès critique et public et reçoit des applaudissements fournis lors des représentations.

Influences et références

Son impressionnante connaissance des classiques du cinéma, Emir Kusturica la distille par petites touches dans ses films sous forme de plans hommages directs ou indirects, aux plus grands films. Ainsi:

La politique

Kusturica est souvent très engagé dans les propos qu’il tient lors d’interviews (même si, selon le pays ou la date où est effectuée l’interview, les propos peuvent varier énormément). Cet engagement politique se reflète dans ses films, qui présentent souvent les différents côtés d’un conflit sous un éclairage original. Dans Papa est en voyage d'affaires, le personnage principal, bien que puni trop sévèrement pour un crime politique imaginaire, est en fait un père de famille plutôt négligent. Chat noir, chat blanc, film apparemment apolitique, a été tourné sur les rives du Danube quelques mois avant qu’elles ne soient pilonnées par l’OTAN en 1999. Dans La vie est un miracle, le conflit serbo-bosniaque est montré du point de vue d'un Serbe de Bosnie, chassé de ses terres par les Bosniaques. Ses œuvres tournent souvent en ridicule les mœurs serbes comme bosniaques. Dans ses films et ses déclarations publiques, le cinéaste refuse de considérer la Serbie comme la seule responsable des guerres de l'ancienne Yougoslavie et rejette la vision des médias étrangers sur son pays qu'il juge simpliste et arrogante. Il s'oppose également à l'ingérence occidentale et l'impérialisme des grandes puissances. Underground représente la FORPRONU comme une force corrompue : des scènes coupées de la version projetée à Cannes, en 1995, la montrent fortement active dans des trafics de drogue et d'argent.

Prises de position polémiques

Socialiste et antinationaliste, Kusturica est régulièrement attaqué dans la presse pour ses prises de position jugées opaques parmi lesquelles le fait d'avoir rejeté la nationalité bosnienne sous prétexte de s'opposer aux particularismes ethniques, son refus de condamner Slobodan Milošević et les exactions serbes, sa défiance envers l'engagement humanitaire aux Balkans ou encore son idéalisation de l'ex-Yougoslavie qui dissimulerait une fascination pour la Grande Serbie. Il lui est également reproché de ne pas reconnaître le droit international et de récuser comme mégalomane le modèle démocratique occidental. Le cinéaste et son groupe, le No Smoking Orchestra, ont écrit une chanson au sujet de Radovan Karadžić, surnommé « Le boucher des Balkans » : Wanted Man. Il qualifie cependant ce dernier de « criminel ».

En compagnie de Patrick Modiano, Paul Nizon, Bulle Ogier, Luc Bondy et Elfriede Jelinek, Kusturica apporte, en 2006, son soutien à l'écrivain autrichien Peter Handke face à la censure dont il fait l'objet de la part de la Comédie-Française après s'être rendu aux obsèques de Milošević. En 2008, il participe à une manifestation serbe contre l’indépendance du Kosovo, au cours de laquelle plusieurs personnalités affirment que la Serbie n’acceptera jamais cet état de fait.

En 2014, après avoir défendu Alexandre Loukachenko, accusé par l'Occident de bafouer les droits de l'homme au Bélarus, il déclare que « la Russie doit défendre les Russes qui vivent en Ukraine », ajoutant que « malheureusement, l'Ukraine se dirige actuellement sur la même voie que la Yougoslavie, il y a des années ».

Symboles

Un certain nombre de thèmes et symboles reviennent dans ses films comme des leitmotive : la vision du monde par les enfants, les amours sombres et passionnées, le conflit ethnique, le déchirement fratricide, le réalisme magique, les animaux, la nature, les mariages, le football, le suicide par pendaison, l’envol, le tragique de l'histoire, le kitsch politique (l'utopie communiste et le rêve américain) et artistique. Généralement, Kusturica fait cohabiter divers registres, genres ou styles dans ses mises en scène : naturalisme, grotesque, burlesque, élégie, satire, parodie, lyrisme, mélodrame, ironie, symbolisme, onirisme, merveilleux, etc.

La famille

L’importance de la famille est souvent au cœur de l’intrigue des films de Kusturica (au travers d’histoires de passage à l’âge adulte, de séparations, de trahisons ou de mariages). Dans sa vie personnelle également, la famille joue un grand rôle puisque sa femme Maja Kusturica (Orthodoxe Serbe) l'assiste dans la production de ses films, et son fils Stribor Kusturica joue de la batterie dans son groupe le No Smoking Orchestra, et fait occasionnellement l'acteur dans ses films. Sa fille, Dunja Kusturica, a été son assistante sur le tournage de Maradona et sélectionne annuellement une quinzaine de films de fin d'études parmi les meilleures écoles et universités de cinéma internationales, projetés au Festival de Küstendorf. Cet événement est l'occasion pour le cinéaste d'afficher une ligne politique altermondialiste et écologiste en s'opposant à tout ce qui symbolise Hollywood : chaque année, une cérémonie d'enterrement de copies de blockbusters américains est organisée. Plusieurs personnalités du cinéma se sont rendues au festival parmi lesquelles Johnny Depp, Benicio del Toro, Bérénice Bejo, Guillermo Arriaga, Srdjan Koljevic, Isabelle Huppert, les frères Dardenne, Nuri Bilge Ceylan, Abel Ferrara, Asghar Farhadi, Paolo Sorrentino, Leila Hatami, Marjane Satrapi, Janusz Kaminski, Nikita Mikhalkov, Kim Ki-duk ou encore Thierry Frémaux. Kusturica vit avec sa famille entre la Normandie, Paris, Belgrade et Küstendorf. Il détient les nationalités serbe et française (il fut naturalisé français à la fin des années 1990).

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                IX - LA NOUVELLE VAGUE

 

 

Jacques Rozier

 Theo Angelopoulos

 Claude Chabrol

Jean Luc Godard

 Louis Malle

 Alain Resnais

 Alain Tanner

 Lars van Trier

  François Truffaut

 Agnès Varda

Une entière liberté de ton, recherche d’un langage purement cinématographique, décors naturels.

Jacques Rozier

Réalisateur français, né le 10 novembre 1926 à Paris.

 

 

Après des études de cinéma à l'IDHEC, il travaille comme assistant à la télévision et réalise dès le milieu des années 1950 des courts métrages considérés comme précurseurs de la Nouvelle Vague, Rentrée des classes (1956) et Blue Jeans (1958). Son premier long métrage, Adieu Philippine (1962), est considéré comme emblématique de l'esthétique de la Nouvelle Vague. Malgré ce succès d'estime, Jacques Rozier doit attendre 1969 pour tourner un nouveau long métrage, Du côté d'Orouët (1973), qui révèle au cinéma le talent comique de l'acteur Bernard Ménez. Adepte des tournages improvisés, il réalise ensuite Les Naufragés de l'île de la Tortue (1976), une comédie avec Pierre Richard, puis dix ans plus tard il retrouve Bernard Ménez associé à l'acteur Luis Rego pour une nouvelle comédie intitulée Maine Océan (1986).

Ses films, peu distribués, n'ont pas rencontré un grand succès public mais ont tous obtenu un succès critique. Il a reçu le prix Jean-Vigo pour Maine Océan (1986), le prix René Clair (1997) et le Carrosse d'or (2002) pour l'ensemble de sa carrière.

Extraits

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Jean-Luc Godard

Jean-Luc Godard, né le 3 décembre 1930 à Paris, est un cinéaste franco-suisse. Auteur complet de ses films, il en est fréquemment à la fois le réalisateur, le scénariste, le dialoguiste, et il en maîtrise le montage. Il y apparaît occasionnellement, parfois dans un petit rôle, parfois non comme acteur, mais comme sujet intervenant. Producteur et écrivain, il est aussi critique de cinéma et théoricien du cinéma.

 

Comme Éric Rohmer, François Truffaut, Claude Chabrol, Jacques Rivette, Jean-Luc Godard commence sa carrière dans les années 1950 comme critique de cinéma. Il écrit notamment dans la Gazette du cinéma, les Cahiers du cinéma et Arts.

En 1959, il passe au long métrage avec la réalisation d'À bout de souffle. Le film rencontre un grand succès et devient un des films fondateurs de la Nouvelle Vague. Au cours des années 1960, il multiplie les projets et réalise plusieurs films par an. En 1960, il tourne ainsi Le Petit Soldat, un film sur la guerre d'Algérie et Une femme est une femme, un film hommage à la comédie musicale. Il réalise ensuite Vivre sa vie (1962), un film sur une jeune femme qui se prostitue, Les Carabiniers (1963), un nouveau film sur la guerre et Le Mépris (1963) un film sur l'univers du cinéma. Il poursuit en 1964 avec Bande à part et Une femme mariée. En 1965, il réalise Alphaville, une étrange aventure de Lemmy Caution, film de science-fiction, puis Pierrot le Fou, un road movie où nombre de spécialistes voient son chef-d'œuvre. Il réalise ensuite Masculin féminin, un film sur la jeunesse, Made in USA, Deux ou trois choses que je sais d'elle, dans lequel il traite à nouveau du thème de la prostitution, La Chinoise (1967) et Week-end (1967).

Godard est alors devenu un cinéaste de première importance, et un personnage de premier plan du monde artistique et de l'intelligentsia

Méthodes de travail

Titres

Godard choisit généralement le titre de son prochain film avant de savoir à quoi ressemblera le film. Dans un entretien avec Serge Kaganski en 2004, il explique : « le titre vient toujours avant. Le seul titre que j’ai trouvé après le film, c’est À bout de souffle, et je ne l’aime pas du tout. Pour le suivant, j’ai eu l'idée d’un titre, Le Petit Soldat, avant même de savoir à quoi ressemblerait le film. Les titres sont devenus des panneaux indicateurs artistiques. Le titre me dit dans quelle direction je dois chercher. 

Godard et l'art de la citation

Les films de Godard sont peuplés de citations, qu'elles soient picturales, musicales, littéraires, philosophiques, historiques ou cinématographiques. Dans la conférence de presse qu'il donne au festival de Cannes en 1990 au moment de la sortie de Nouvelle Vague, Godard se définit comme l'« organisateur conscient du film » plutôt que comme l'auteur et explique son rapport aux citations : « Pour moi, toutes les citations — qu'elles soient picturales, musicales, littéraires — appartiennent à l'humanité. Je suis simplement celui qui met en relation Raymond Chandler et Fedor Dostoïevski dans un restaurant, un jour, avec des petits acteurs et des grands acteurs. C'est tout.

Éléments autobiographiques

Jean-Luc Godard ne fait pas de films autobiographiques. Néanmoins, on peut retrouver dans certains de ses films quelques éléments à caractère autobiographique. Par exemple dans À bout de souffle, la scène dans laquelle Michel Poiccard vole de l'argent à son amie Liliane pendant qu'elle s'habille rappelle l'habitude du jeune Jean-Luc Godard de voler de l'argent à ses proches. Dans Le Petit Soldat, on voit une jeunesse adepte de provocations politiques, de belles voitures et de drague obsessionnelle, vraisemblablement assez proche du milieu que Godard a fréquenté à Genève en 1953 et 1954. Dans Prénom Carmen, Godard joue lui-même le personnage de l'oncle Jean, un cinéaste interné en hôpital psychiatrique. Godard a lui-même fait un séjour en hôpital psychiatrique en 1953, interné à la demande de son père pour échapper à la prison après un vol.

Analyses de l’œuvre

Construction des films

Godard explique : « J'ai fait plutôt des films, comme deux ou trois musiciens de jazz : on se donne un thème, on joue et puis ça s'organise. » À des degrés divers et selon les époques, le cinéaste rompt avec la dimension narrative du cinéma classique ainsi qu'avec l'idée de personnages. Toutefois, ses premiers films sont influencés par la série B, le polar et le film noir qu'il cherche à transcender par une relecture critique des genres au détriment d'un récit traditionnel. Alphaville revisite, quant à lui, l'anticipation. Son œuvre joue du faux raccord et déconnecte l'image du son qui deviennent deux entités à part entière. Par ailleurs, Godard mêle indistinctement fiction, documentaire, militantisme, peinture, sociologie, musique et art vidéo. Il n'y a pas forcément de scénario, ni de dialogues préétablis, mais une suite de collages ou une mosaïque de fragments visuels et des notes éparses, assemblées selon des liens plastiques et sonores. Dans ses réalisations, le sens à donner aux images appartient au spectateur : la signification naît après la vision et non avant.

Montage

Pour le philosophe Gilles Deleuze, l'art du montage chez Godard est construit sur l'usage du ET, de l'entre-deux pour montrer le no man's land des frontières : « Ce qui compte chez lui, ce n'est pas 2 ou 3, ou n'importe combien, c'est ET, la conjonction ET. L'usage du ET chez Godard, c'est l'essentiel. C'est l'important parce que notre pensée est plutôt modelée sur le verbe être, EST. [...] Le ET, ce n'est ni l'un ni l'autre, c'est toujours entre les deux, c'est la frontière [...] Le but de Godard : « voir les frontières », c'est-à-dire faire voir l'imperceptible ».
Références à des scènes de films

Références à des réalisateurs : le cinéma de Godard, extrêmement référentiel, fourmille d'hommages à ses pairs, et il serait fastidieux de tous les référencer. Quelques exemples : dans Le Petit soldat, Anna Karina interprète le personnage de Veronika Dreyer dans ce qui semble être un hommage à l'un des réalisateurs favoris de Godard, Dreyer. Elle est bouleversée au cinéma, dans Vivre sa vie par le visage de Falconetti, la Jeanne d'Arc de Dreyer. Fritz Lang joue son propre rôle dans Le Mépris, dans ce qui est un hommage de Godard à l'un de ses maîtres. De façon plus générale, il y a presque toujours un réalisateur mis en abyme dans les œuvres de Godard : dans Le Mépris c'est Lang, dans Pierrot le Fou c'est Fuller, dans La Chinoise c'est lui-même, dans Tout va bien c'est Montand, Dans Sauve qui peut (la vie) c'est Dutronc, dans Passion c'est Djerzy, dans Prénom Carmen c'est lui, dans Soigne ta droite, King Lear et Notre musique aussi.

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Louis Malle

Louis Malle, né le 30 octobre 1932 à Thumeries (Nord) et mort le 23 novembre 1995 à Beverly Hills (Californie, États-Unis), est un cinéaste français.

Biographie

Les débuts

Né à Thumeries dans le Nord le 30 octobre 1932 au milieu d'une fratrie de trois frères et deux sœurs, Louis Malle est issu d'une grande famille d'industriels du sucre : son père, Pierre Malle (1897-1990), ancien officier de marine, est l'époux de la sœur de Ferdinand Béghin, Françoise (1900-1982). Les deux hommes sont directeurs de l'usine Béghin-Say de Thumeries.

Il grandit dans le milieu de la grande bourgeoisie et traverse l'Occupation dans différents internats catholiques dont celui qu'il évoque plus tard dans Au revoir les enfants. Dès l'âge de 14 ans, il s'initie à la réalisation de films avec la caméra 8 mm de son père.

Il est élève à l'IEP de Paris de 1950 à 1952, mais c'est à ce moment que germe sa carrière de cinéaste. Il est reçu au concours de l'IDHEC en 1953.

Jacques-Yves Cousteau recherche alors un jeune assistant pour réaliser avec lui un documentaire sur les fonds marins. Parmi les jeunes étudiants que la direction de l'IDHEC lui propose, il choisit Malle. Plusieurs mois de travail sur la Calypso aboutissent au Monde du Silence (1955), récompensé par la Palme d'or à Cannes en 1956 (premier film documentaire à en être lauréat et encore aujourd'hui le seul avec Fahrenheit 9/11 de Michael Moore) et l'Oscar du meilleur film documentaire en 1957.

Sur le tournage, Louis Malle se crève les tympans lors d'une plongée et ne peut plus à l'avenir réaliser des travaux de ce type. Les projets qui suivent, films et documentaires, sont moins consensuels et volontiers provocateurs, optant pour des sujets plus critiques ou polémiques.

Louis Malle travaille par la suite avec Robert Bresson à la préparation d'Un condamné à mort s'est échappé et assiste à une partie du tournage. Il est profondément marqué par le travail de Bresson avec les « non-acteurs » et l'importance qu'il accorde à la bande-son.

C'est alors l'essor de la Nouvelle Vague. Le cinéma des débuts de Malle partage avec la Nouvelle Vague plusieurs caractéristiques mais le réalisateur suit ensuite son chemin seul, guidé par ses propres motivations.

Louis Malle réalise son premier long métrage de fiction à 25 ans, Ascenseur pour l'échafaud (1957), histoire d'assassinat avec Jeanne Moreau et Maurice Ronet qui joue sur les codes du film noir et remet en cause la dramaturgie du cinéma classique. Passionné par le jazz depuis l'adolescence, Malle en confie la musique originale à Miles Davis. Le film remporte le Prix Louis-Delluc en 1957.

Dans Les Amants, une nouvelle fois interprétée par Jeanne Moreau, qui s'inspire lointainement de Point de lendemain de Vivant Denon, il s'attaque à l'hypocrisie de la société bourgeoise à travers le récit d'une relation adultère. Suivent l'adaptation légère, ludique et enthousiaste d'un roman de Raymond Queneau, Zazie dans le métro (1960), Vie privée avec Brigitte Bardot et, sur la suggestion de Roger Nimier, celle d'un récit de Pierre Drieu la Rochelle, Le Feu follet (1963), qui traite de la dépression et du suicide.

En 1965, il tourne la comédie western Viva Maria ! avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau.

Le Voleur porte un regard cynique sur la bourgeoisie et les élites politiques, qui restent les cibles favorites de Louis Malle. Le voleur du titre personnifie l'homme libre, extérieur à ce système empli de préjugés et sournois. Une acerbe critique sociale sourd dans la peinture psychologique des personnages.

Malle tourne par ailleurs plusieurs documentaires dont Calcutta, l'Inde fantôme en 1969.

Polémique et exil

De retour d'Inde, Malle tourne un film vaguement inspiré de Ma mère de Georges Bataille, qui provoque un tollé : Le Souffle au cœur. Il y évoque la relation incestueuse et romantique entre une mère et son fils. Ce thème est traité sans aucun jugement moral, ce qui sera une constante chez le réalisateur pour qui la vie s'apparente à une série de situations complexes. Il n'y a ni innocents ni coupables ou représentants du bien d'un côté et du mal de l'autre. Pour Malle, le spectateur doit être capable de se faire une opinion, sans condamner d'avance.

Trois ans plus tard, en 1974, Lacombe Lucien provoque une autre controverse. Le film décrit le progressif engagement d'un jeune homme désœuvré dans la collaboration après une tentative avortée d'entrer dans la Résistance. Là encore, Malle ne porte aucun jugement, et montre un individu dont l'engagement est essentiellement dû au hasard des circonstances. Même si une partie de la critique salue le film comme un chef-d'œuvre, une autre reproche au réalisateur de ne pas avoir vécu assez durement la guerre et juge son travail comme un affront à la mémoire des Résistants.

Cette polémique décide Malle à s'expatrier aux États-Unis. Il y tourne notamment à La Nouvelle-Orléans un drame sur la prostitution enfantine, La Petite (1978), avec la jeune Brooke Shields, puis part pour Hollywood réaliser Atlantic City (1980), avec Burt Lancaster, Susan Sarandon et Michel Piccoli, qui raconte les mésaventures d'un truand à la retraite et de sa voisine dans la ville des casinos de la côte est des États-Unis.

La consécration

Lorsqu'il revient en France en 1987, c'est pour s'attacher au thème qui l'avait fait partir : l'Occupation. C'est alors la consécration de sa carrière avec Au revoir les enfants. Dans un collège catholique, un garçon issu de la bourgeoisie découvre qu'un de ses camarades est juif. Une amitié, qui se construit entre les deux adolescents, ne peut empêcher une fin tragique.

Dans ce film, Louis Malle montre ce dont il se souvient de la guerre. L'histoire est en partie autobiographique, il a été témoin d'une situation similaire lors de son enfance, un jeune Juif avait été caché dans son internat puis découvert par la Gestapo et déporté. Il dira d'ailleurs que ce thème le hantait depuis toujours et que c'est cette histoire tragique qui l'avait amené au cinéma.

Le film reprend aussi certains éléments de ses précédents films polémiques : de Lacombe Lucien il reprend le collabo « malgré lui », du Souffle au cœur il reprend la relation fusionnelle entre la mère et le fils. Là encore il ne juge personne, il n'y a ni bons ni méchants mais une certaine fatalité. Cette œuvre, marquée par la fluidité de son récit et la sobriété de sa mise en scène, est considérée comme la plus émouvante et la plus personnelle de sa carrière. Elle reçoit un triomphe critique et public et obtient plusieurs récompenses en 1987 et 1988 : le Lion d'or à Venise, le Prix Louis-Delluc et sept Césars dont ceux du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Suivent la comédie Milou en mai puis Fatale et l'adaptation de la pièce d'Anton Tchekhov Vanya, 42e Rue (1994).

Il meurt d'un lymphome le 23 novembre 1995 à Los Angeles.

Documentaires

Au cours de sa carrière, le réalisateur a alterné films de fiction pure et documentaires.

Son documentaire le plus connu est Le Monde du silence, le premier vrai film sur la faune sous-marine. Co-réalisé avec Jacques-Yves Cousteau, ce long métrage remporte la Palme d'or au Festival de Cannes. Malle reste à ce jour le plus jeune lauréat. Ce film marque aussi sa première grande expérience professionnelle pour laquelle il devient scaphandrier.

Quinze ans plus tard, suivant l'exemple de Jean Renoir et Roberto Rossellini, Malle filme la vie des Indiens dans une série de documentaires tels que L'Inde fantôme, réflexion sur un voyage et Calcutta, qui reçoit le Prix de la fraternité 1969.

Il décide ensuite de filmer les ouvriers français précaires de l'usine Citroën de Rennes dans Humain trop humain, qui sort en 1973. Dans Place de la République en 1974 il donne la parole aux Parisiens. Il filme également la population pauvre des États-Unis dans God's Country (1985) et La Poursuite du bonheur (And the Pursuit of Happiness, 1986). Il y retrace le parcours d'individus qu'il avait suivis une décennie plus tôt.

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François Truffaut 

Il a dit de lui-même : "Je fais des films pour réaliser mes rêves d'adolescent, pour me faire du bien et si possible faire du bien aux autres".

 

 

François Truffaut, né le 6 février 1932 à Paris et mort le 21 octobre 1984 à Neuilly-sur-Seine, est un cinéaste français, figure majeure de la Nouvelle Vague et auteur entre 1958 et 1979 d'au moins une douzaine de comédies dramatiques largement autobiographiques regardées à travers le monde comme des œuvres ayant, dans les suites d'Abel Gance, Jean Renoir, Jean Cocteau, Roberto Rossellini, révolutionné la narration cinématographique.

Initialement critique aux Cahiers du cinéma et à Arts-Lettres-Spectacles qui laissera quatre essais sur le cinéma, il passe, dès l'âge de vingt deux ans, à l'instar de Louis Delluc de l'écriture à une carrière de scénariste et réalisateur autodidacte, illustrant le cinéma d'auteur naissant et continuant de privilégier le point de vue du spectateur. Il s'est fait acteur pour plusieurs films et a été aussi un producteur favorisant, contre un cinéma de divertissement purement commercial, la « politique des auteurs » espérée par Marcel L'Herbier.

Analyse de l'œuvre

Méthodes de travail

Comme la plupart des protagonistes de la Nouvelle Vague, François Truffaut n'aime pas les studios et a préféré tourner ses films en décors réels, à l'exception de Fahrenheit 451, son film de science-fiction. Cependant, il a presque reproduit les conditions du tournage en studio pour le Dernier Métro et Vivement dimanche !.

Cinéma et littérature

François Truffaut n'est pas seulement un grand cinéphile ; il est aussi un grand lecteur. Les personnages de ses films lisent souvent, comme Antoine Doinel plongé dans la lecture du Lys dans la Vallée, dans Baisers volés.

Sa correspondance, publiée en 1988 par Claude de Givray et Gilles Jacob, révèle de très nombreuses références littéraires ; il semble que l'enfant Truffaut, quand il faisait l'école buissonnière, allait voir de très nombreux films mais passait également de nombreuses heures à lire. Dans sa correspondance avec son ami d'enfance Robert Lachenay, il cite régulièrement Honoré de Balzac, Marcel Proust, Jean Giraudoux, Jacques Audiberti, Jean Genet et Georges Bernanos. Il s'est lié et a correspondu avec de nombreux écrivains, dont, très tôt, Jean Cocteau, Jacques Audiberti et Jean Genet.

Dans son attaque contre le cinéma de « qualité à la française » publiée dans les Cahiers du cinéma en 1954, François Truffaut s'en prend notamment à la manière dont les scénaristes Jean Aurenche et Pierre Bost adaptent les grandes œuvres de la littérature française au cinéma.

En tant que metteur en scène, il a lui-même adapté de nombreux romans au cinéma (Tirez sur le pianiste, Jules et Jim, La Mariée était en noir, Les Deux Anglaises et le continent, La Sirène du Mississipi, Une belle fille comme moi, etc.). À l'exception des deux romans d'Henri-Pierre Roché que Truffaut considérait comme un écrivain supérieur à Jean Cocteau, qu'il admirait aussi, Truffaut n'a jamais porté à l'écran de grands classiques de la littérature française. Au contraire, la majorité de ses adaptations sont issues de la littérature anglo-saxonne, plus particulièrement, du roman noir

Pour son deuxième film, Tirez sur le pianiste, Truffaut s'inspire de Down there de David Goodis. À la différence des scénaristes qu'il critiquait, il adapte un roman appartenant à un genre considéré comme mineur plutôt qu'un chef-d'œuvre de la littérature.

Concernant les films réalisés à partir de l'œuvre de Roché, il ne les considère pas comme des « adaptations cinématographiques d'œuvres littéraires » mais comme des « hommages filmés » à un écrivain qu'il admire.

Personnages et acteurs récurrents

Les personnages masculins de François Truffaut sont souvent isolés et renfermés sur eux-mêmes. Charlie Kohler, dans Tirez sur le pianiste, finit seul à son piano. Montag, dans Fahrenheit 451, est isolé du reste de la société. Pierre Lachenay dans La Peau douce, se retrouve aussi abandonné, par sa maîtresse comme par sa femme, laquelle ne le retrouve que pour l'assassiner. Antoine Doinel est un inadapté. C'est aussi le cas d'Alphonse dans La Nuit américaine ou de Claude dans Les Deux Anglaises et le Continent, qui se retrouve isolé à la fin du film, et de Julien Davenne dans La Chambre verte.

Extraits : La nuit américaine » et « les 400 coups »

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Claude Chabrol

Né en 1930, critique aux Cahiers du cinéma, Claude Chabrol est l'auteur de 57 films de cinéma (dont trois sont des participations à des films collectifs et trois des moyens métrages) et de 22 films pour la télévision. Initiateur de la Nouvelle Vague en 1958 (avec Le beau Serge et Les cousins) il a construit en cinq décennies une des oeuvres les plus complètes du cinéma français obliquant vers un cinéma mental à la fin des années 60 puis vers l'expressionnisme au milieu des années 90.

Sa politesse de toujours vouloir faire rire des sujets les plus sérieux, sa modestie, qui n'a d'égale que celle de John Ford ou d'Alfred Hitchcock, ont longtemps contribué à la sous-estimation de son oeuvre. Ses multiples adaptations littéraires pour la télévision prouvent son attachement à la grande culture. Pourtant ses téléfilms, adaptations des plus grands auteurs (Goethe, Strindberg, James, Poe, Maupassant) sont terriblement académiques (contrairement à ceux d'Hitchcock). C'est ainsi exclusivement dans ses mises en scène de cinéma qu'il se révèle l'un des plus grands cinéastes.

1- Une mise en scène qui magnifie des coupables qui se croient innocents.

Bien qu'ayant certainement plus qu'aucun autre participé au lancement de la nouvelle vague, Claude Chabrol s'en éloigne esthétiquement assez profondément. Si l'on définit la nouvelle vague sous le signe d'une double composition entre cinéma des corps et cinéma du cerveau, alors Claude Chabrol penche très nettement du côté du fonctionnement mental. Non pas comme scientifique ou psychanalyste mais comme observateur inlassable de la vie la plus intime, de l'expérience la plus privée.

Caustique ou goguenard dans l'observation et le rendu volontiers féroce de la bourgeoisie provinciale, Chabrol n'est pas un cinéaste noir ou désespéré comme Duvivier ou Clouzot. Son expressionnisme vise davantage à la vision balzacienne, quasi-fantastique de la réalité. Il se traduit en charges violentes contre le monde bourgeois lorsque se heurtent à lui des personnages aux trajectoires obscures (La cérémonie, Merci pour le chocolat) ou lumineuses (L'ivresse du pouvoir, La fille coupée en deux).

Ce qu'on pourrait prendre pour un regard très extérieur, donc très détaché et plutôt froid sur les comportements aberrants ou limites ne relève en fait d'aucun béhaviorisme. Il s'agit plutôt de tourner autour et de rendre compte, avec le maximum de précision factuelle, de l'inexplicable en tant qu'il est inexplicable, ou de l'insupportable en tant qu'il est insupportable. D'où cette fascination pour le crime comme forme parfaite de l'incompréhensible et de l'inacceptable. Cet instant où il devient impossible de se projeter ! Ce moment où Michel Bouquet, le mari de La femme infidèle (1968) assassine l'amant, Maurice Ronet. Toujours filmés comme des décharges mentales, des hallucinations, des brouillages du sens et de la vision, les crimes offrent peu de dramatisation, pas même de catharsis, juste la pure irrationalité du passage à l'acte.

Tels ceux de Cronenberg, Carpenter ou Kubrick, les films de Chabrol fonctionnent comme un univers mental sous l'emprise d'un cerveau souvent malade ou monomaniaque. C'est notamment le cas dans L'enfer (1994), un film qui envisage la paranoïa sous un angle hallucinatoire, clinique et fictionnel, de La demoiselle d'honneur (2004), où le fils, amoureux de sa mère, transfert cet amour sur une statue qu'il identifie bientôt à une jeune femme qui l'entraîne au crime ou de Bellamy (2009) où l'enquête se joue dans le cerveau du commissaire.

Ce qui distingue Chabrol de ces cinéastes, c'est l'amour qu'il a pour la logique mentale de ses personnages qui sont, comme le titre de son film de 1975, des "innocents aux mains sales". Les neuf dixièmes des films de Chabrol sont des films noirs ou des portraits de femmes criminelles. Chacun de ces héros que la morale réprouve a sa logique propre, bien plus fascinante que celle de la société bourgeoise à laquelle, le crime une fois commis, il tente d'échapper. Le héros chabrolien se croit innocent et, comme lui, le spectateur souhaite qu'il échappe au châtiment. Car Chabrol sait magnifier par des clairs obscurs, des fonds monochromes ou flous cette position solitaire et fière du criminel isolé dans son magnifique et terrible univers mental. De grands acteurs, sont aussi nécessaires pour incarner ces héros au mental hors norme : Jean-Claude Brialy, Michel Bouquet, Jean Yanne, Stephane Audran, Isabelle Huppert (sept fois), et également, de grands seconds rôles, Jean-François Balmer (mari de Madame Bovary, qui tourne aussi dans Le Sang des autres et Rien ne va plus) , Roger Dumas et Pierre Vernier, qui en sont à cinq collaborations ou Yves Verhoeven (six films)... ou bien encore son fils, Thomas Chabrol, qui tourne dans quatorze film de son père (en comptant un téléfilm de la série Les Dossiers de l'inspecteur Lavardin en 1989 et sa très courte apparition à la fin de Bellamy).

Dans ces films mentaux, la figure du flash-back joue un rôle prépondérant et ce depuis A double tour (1959). On retiendra aussi la sortie du flash-back par un autre personnage que celui qui l'a initié dans Les noces rouges, et plus généralement les sorties des flashes back ou des rêves dans Au coeur du mensonge, Merci pour le chocolat et Bellamy.

Derrière la caméra, on compte aussi plusieurs habitués : la scénariste Odile Barski, complice sur six longs métrages depuis Violette Nozière, le chef-opérateur Eduardo Serra (cinq films) et la monteuse Monique Fardoulis (24 longs métrages !). Rappelons aussi que Paul Gégauff au scénario, Henri Decaë puis Jean Ravier comme chefs opérateurs et Pierre Jensen à la musique furent des collaborateurs très réguliers sur ses films.

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Alain Resnais

Alain Resnais est un réalisateur français, également scénariste et monteur, né le 3 juin 1922 à Vannes (Morbihan) et mort le 1er mars 2014 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine).

Alors qu'il envisage de devenir comédien, il intègre la première promotion de l'IDHEC en montage et commence, à la fin des années 1940, à réaliser des courts métrages et moyens métrages documentaires qui marquent le public et la critique : Van Gogh, Guernica et surtout Nuit et Brouillard, premier film de référence sur les camps de concentration.

Réalisateur d'Hiroshima mon amour (1959) et de L'Année dernière à Marienbad (1961), Alain Resnais est rapidement considéré comme l'un des grands représentants du Nouveau cinéma (Nouvelle Vague) et comme un des pères de la modernité cinématographique européenne à l'instar de Roberto Rossellini, Ingmar Bergman et Michelangelo Antonioni dans sa manière de remettre en cause la grammaire du cinéma classique et de déconstruire la narration linéaire.

Cinéaste appréciant les expérimentations, capable de se remettre en question à chaque nouvelle réalisation, Alain Resnais est reconnu pour sa capacité à créer des formes inédites et à enrichir les codes de la représentation cinématographique par son frottement à d'autres arts : littérature, théâtre, musique, peinture ou bande dessinée. Ses films, tendant vers l'artifice et l'imaginaire, peuvent paraître déroutants pour le grand public même si beaucoup ont rencontré le succès.

Tout au long de son œuvre, se retrouve un grand nombre de thèmes tels que des sujets historiques, la mémoire, l'engagement politique, l'intimité, la réalité de l'esprit, le rêve, le conditionnement socio-culturel, la mort, la mélancolie et l'art.

Pour les vingt longs métrages qui portent sa signature, Resnais a fait appel à des auteurs-scénaristes aussi renommés et différents que Marguerite Duras, Alain Robbe-Grillet, Jean Cayrol, Jorge Semprún, Jacques Sternberg, David Mercer, Jean Gruault, Jules Feiffer, Jean-Pierre Bacri, Agnès Jaoui et, pour l'adaptation d'une pièce anglaise d'Alan Ayckbourn, Jean-Michel Ribes. Il co-adapte en 2009, pour la première fois, avec Laurent Herbiet un roman. Suivront avec le même scénariste trois autres adaptations, dont la dernière restera inachevée.

Fidèle dans le travail et amateur de l'esprit de troupe, Resnais a notamment sollicité à plusieurs reprises les comédiens Sabine Azéma, Pierre Arditi, André Dussollier et Lambert Wilson, les techniciens Jacques Saulnier, Renato Berta, Éric Gautier et Hervé de Luze ainsi que le compositeur Mark Snow.

Réalisateur célébré par la profession, il a été plusieurs fois récompensé aux Césars et dans les festivals internationaux.

Motifs formels

L'œuvre de Resnais dénote une profonde unité car elle reste fidèle à une thématique ciblée : celle des possibilités existentielles, des flux de conscience, du libre arbitre, du déterminisme et du conditionnement socio-culturel. Elle est traversée par des motifs formels répétés : travellings vertigineux, surimpressions, expérimentations sonores et montage segmentant le temps et le récit. Le passé de monteur du cinéaste influence beaucoup ses réalisations qui malmènent la chronologie et unissent ou séparent des scènes et des images disparates dans l'esprit du surréalisme et du collage en peinture. Resnais développe une approche esthétique singulière dans sa manière de fixer des lieux, des figures et des objets insolites. Le mouvement de la caméra ou l'alternance entre ornements décoratifs et observation psychologique accompagnent un goût prononcé de l'exercice de style. Ses recherches narratives et formelles entremêlent imagination et réalité. À travers une démarche expérimentale, on note une réflexion approfondie sur la psyché. Le metteur en scène n'applique toutefois jamais la même recette à deux films ce qui contribue à la grande richesse de son style. Selon Pierre Arditi, « rien ne ressemble moins à un film d'Alain Resnais qu'un autre film d'Alain Resnais ».

« Je souhaite approcher par le film la complexité de la pensée, son mécanisme interne. Dès qu'on descend dans l'inconscient, l'émotion naît. Et le cinéma ne devrait être qu'un montage d'émotions. »

Thème de la mort

On retrouve chez Resnais une tonalité élégiaque ou profondément mélancolique. Plusieurs de ses films sont marqués par un questionnement métaphysique sur le temps et la mort. Ils dénotent une forte présence de fantômes, qu'ils soient personnages (L'Année dernière à Marienbad, Je t'aime, je t'aime) ou prennent origine, de manière allégorique, dans l'Histoire (la bombe lancée sur Hiroshima et Nagasaki et les femmes tondues lors de la Libération dans Hiroshima mon amour), l'art (Providence) et l'intimité (échecs conjugaux dans Mélo etc.). L'Amour à mort va jusqu'à lier la notion d'amour absolu à la disparition de l'être aimé. Resnais explique que, selon lui, « le cinéma est un cimetière vivant ».

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Alan Tanner

Alain Tanner, né le 6 décembre 1929 à Genève, est un réalisateur suisse. ITV

 

Il étudie les sciences économiques à l'Université de Genève. Avec Claude Goretta, il fonde en 1951 le Ciné-club universitaire de Genève. À 23 ans, il s'engage pour un stage de deux ans dans la marine marchande.

De 1955 à 1958, il séjourne à Londres où il se passionne pour le cinéma et trouve un emploi au British Film Institute de Londres. En 1957, il réalise son premier film, avec Claude Goretta Nice Time (Piccadilly la nuit). Le film obtient le Prix du film expérimental au Festival de Nice 1957.

De retour d'Angleterre, il entre comme réalisateur à la Télévision suisse romande où il signe plusieurs courts métrages et des documentaires (comme celui sur les inondations de Florence du 01/12/1966). En 1962, il fonde l'Association suisse des réalisateurs.

En 1968, il fonde le Groupe 5 avec Michel Soutter, Claude Goretta, Jean-Louis Roy et Jean-Jacques Lagrange, instrument de concertation destiné à promouvoir le jeune Cinéma Suisse.

Il se fait connaître dès la fin des années 1960 avec des films comme Charles mort ou vif (extrait) 1969, La Salamandre (avec Bulle Ogier) (1971), Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000 (1976), Les Années lumière (1981), Grand prix au Festival de Cannes, ou Dans la ville blanche (1983), César du meilleur film francophone.

En 2007, il livre ses réflexions sur son expérience de réalisateur, et l'évolution du cinéma au cours des quarante dernières années dans l'ouvrage abécédaire Ciné-Mélanges [archive], publié aux éditions du Seuil1.

Le 29 mai 2008, Alain Tanner reçoit le titre de docteur honoris causa de l'Université de Lausanne. Il est l'invité d'honneur des Rencontres Cinéma de Gindou du 23 au 30 août 2008.

Il est membre du jury du Festival de Cannes 1972 et de la Mostra de Venise 1983.

En 2014, les archives d'Alain Tanner entrent à la Cinémathèque suisse.

Ses idées, son cinéma

Pour Tanner, le cinéma issu du marketing contemporain est rangé dans la catégorie « anticonstitutionnel ». Chantre de l'antilibéralisme esthétique, Tanner propose un cinéma à contre-courant : « Je ne suis plus synchrone du tout. [...] Mais compte tenu de l'air du temps, je trouve cela plutôt réjouissant. Serais-je synchrone aujourd'hui que je vivrais cela comme une trahison. » Tanner estime qu'il faut partager quelque chose avec le spectateur, le tenir à la bonne distance (ni trop près pour ne pas dormir, ni trop loin pour ne pas souffrir), lui offrir quelque chose à dépiauter. Ensuite habiter le lieu où l'on tourne, qu'on ne peut pas confondre avec son ennemi, le décor : « Il faut le sentir, le palper avec les sens, le laisser venir à vous, par les lumières du matin et du soir. » Pas de plans de coupe, pas de plans trop brefs (petit truc pour avoir un son direct réussi). Bref, pour Tanner, c'est l'affaire de « ressentir » le monde, c'est-à-dire la politique, et citant Jean Vigo : « Avoir un point de vue documenté. »

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Jean-Pierre Melville peut aussi être classé dans la nouvelle vaque !

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     X - CHACUN SON STYLE

 I - Genres

 

Le cinéma féminin

 Comédie musicale

 Burlesque

 Film historique

Policier et Suspens

 La danse

 Notre époque

 Poésie, Fantastique et Science fiction

 

II - Autres auteurs remarquables

le cinéma féminin

Jane Campion - Claire Denis - Agnès Varda

Jane Campion est une réalisatrice et scénariste néo-zélandaise, née le 30 avril 1954 à Wellington.

En 1993, elle remporte la Palme d'or du festival de Cannes pour son film La Leçon de piano. Elle est la seule femme cinéaste de l'histoire du festival à avoir reçu cette récompense. En mai 2014, elle marque de nouveau le monde médiatique et cinématographique en devenant la première réalisatrice à présider le jury des longs métrages lors de la 67e édition du festival de Cannes.

Au début des années 1980, Jane Campion se dirige vers le monde du cinéma en prenant des cours à l'Australian Film, Television and Radio School dont elle sort diplômée en 1984. Par la suite, elle travaille un temps pour la télévision australienne.

Son premier court métrage, An Exercise in Discipline - Peel, écrit et réalisé en 1982, obtient la Palme d'or du court métrage au Festival de Cannes 1986. Tous les courts métrages qui suivent sont également primés.

En 1989, elle écrit et réalise son premier long métrage, Sweetie, dans lequel une femme angoissée, Kay, est bouleversée par l'arrivée de sa sœur dans sa vie. Le film est présenté en compétition au 42e Festival de Cannes. Il assoit les thèmes de prédilection de la réalisatrice qui connaissent de multiples variations dans son œuvre : le désir féminin, l'émancipation d'héroïnes au caractère singulier et souvent marginales, la lutte contre les carcans sociaux, la quête d'identité ou encore le nouveau départ.

Son second long métrage, Un ange à ma table, sort en 1990. Le film est une adaptation des autobiographies de l'écrivaine néo-zélandaise Janet Frame, dont la cinéaste est une grande admiratrice. Il remporte le Grand prix du jury à la Mostra de Venise. Jane Campion commence alors à se faire un nom à l'international.

La Leçon de piano, son troisième long métrage, sorti en 1993, raconte l'histoire d'amour dans la Nouvelle-Zélande du XIXe siècle entre une Écossaise muette venue conclure une union arrangée et un homme analphabète, passeur de la culture maorie. La cinéaste atteint une renommée mondiale lorsqu'elle remporte la Palme d'or au 46e Festival de Cannes grâce à cette œuvre dans laquelle éclate son goût du romantisme flamboyant (splendeur des paysages, exploration du lien entre nature sauvage et sentiment...). Elle devient alors la première femme à remporter cette distinction et la seule personnalité à détenir à la fois la Palme d'or du long et du court métrage. Le film permet également de révéler deux actrices : Holly Hunter qui remporte le Prix d'interprétation féminine à Cannes et l'Oscar de la meilleure actrice et Anna Paquin, qui se voit décerner à l'âge de 12 ans l'Oscar de la meilleure actrice dans un second rôle. Outre la palme cannoise, La Leçon de piano décroche le César du meilleur film étranger puis l'Oscar du meilleur scénario original et Jane Campion devient la seconde réalisatrice, après Lina Wertmüller, à être nommée à l'Oscar du meilleur réalisateur.

En 1996, elle adapte Portrait de femme de Henry James, dans lequel Nicole Kidman tient le rôle principal. Mais c'est surtout Barbara Hershey qui est remarquée pour son second rôle dans le film.

Après plusieurs années d'absence, elle réalise en 2009 Bright Star qui décrit les dernières années de la vie du poète anglais John Keats et sa relation avec Fanny Brawne. Pour ce film sélectionné en compétition au 62e Festival de Cannes, elle travaille une seconde fois avec l'actrice Kerry Fox, qu'elle avait déjà dirigée dans Un ange à ma table.

En 2014, Jane Campion succède à Steven Spielberg à la présidence du jury des longs-métrages lors du 67e Festival de Cannes. Dixième personnalité féminine à accéder à cet honneur, elle devient par ailleurs la première réalisatrice de l'histoire du festival à présider le jury, 21 ans après être devenue la première femme à remporter la Palme d'or. Son jury, qui se compose des réalisateurs Nicolas Winding Refn, Jia Zhangke et Sofia Coppola et des comédiens Willem Dafoe, Carole Bouquet, Leila Hatami, Jeon Do-yeon et Gael García Bernal, attribue la Palme d'or à Winter Sleep (Kış Uykusu) de Nuri Bilge Ceylan.

Lors du Festival du film de Sundance 2019, elle est membre d'un jury.

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Claire Denis

Claire Denis, née à Paris le 21 avril 1946 ou 1948 selon les sources, est une scénariste et réalisatrice française.

Née à Paris parce que sa mère voulait accoucher en France, Claire Denis retourne à l'âge de deux mois en Afrique. Elle y grandit et fait sa scolarité primaire dans les écoles mixtes, notamment au Cameroun, en Somalie, au Burkina Faso et à Djibouti. Son père, administrateur civil travaillant dans les colonies françaises d'Afrique, présentait à ses enfants l'indépendance comme une chose positive pour les pays africains. Atteinte de poliomyélite vers l'âge de 12 ans, elle rentre en France pour se faire soigner et poursuit sa scolarité au lycée de Saint-Germain-en-Laye ; c'est là, auprès d'un professeur d'histoire cinéphile, qu'elle découvre le cinéma d'auteur, en particulier japonais.

Claire Denis passe le concours d'entrée de l'Institut des hautes études cinématographiques (IDHEC) en janvier 1969. Elle en sort diplômée en 1972. Durant cette période, elle se sent enfin chez elle à Paris. L'IDHEC constitue surtout pour elle un apport sur le plan « personnel et social », l'école laissant les étudiants assez libres en ce qui concerne la technique. Elle y ressent une filiation avec Louis Daquin et est particulièrement marquée par les cours d'Henri Alekan, dont on sent l'influence dans son court métrage d'étude, une œuvre d'anticipation inspirée de Philip K. Dick . Elle est alors passionnée par la science-fiction et aurait aimé travailler pour la série télévisée La Quatrième Dimension.

Son court métrage Le 15 mai est présenté au Festival international du jeune cinéma de Hyères où il attire l'attention de producteurs de Pathé Cinéma. Ce sont eux qui financeront son premier long métrage consacré au « Grand Magic Circus » de Jérôme Savary.

Quelques mois après la naissance de sa fille à Paris, la mère de Claire Denis retourne au Cameroun, où son mari travaille comme fonctionnaire. Après une enfance passée en Afrique, la fillette, malade, est contrainte de rentrer en France. Adolescente solitaire et rêveuse, elle s'enferme dans sa chambre, à Marly-le-Roi, pour lire, écouter la musique diffusée sur les radios britanniques, et prend bientôt goût au cinéma. Elle se marie très tôt à un photographe qui lui suggère de s'inscrire à l'IDHEC, école dont elle sort diplômée en 1972 après avoir réalisé plusieurs courts métrages de science-fiction.

Assistante de réalisateurs tels que Rivette auquel elle consacrera plus tard un documentaire, Rouffio, Jarmusch ou encore Wenders, Claire Denis trouve, dans les paysages désertiques du tournage de Paris Texas l'inspiration pour son premier long métrage. Histoire semi-autobiographique de tension raciale dans l'Afrique coloniale des années 50, Chocolat est présenté au Festival de Cannes, nommé aux Césars et acclamé par la critique américaine. Avec S'en fout la mort, plongée dans l'univers des combats de coq en banlieue parisienne, puis J'ai pas sommeil (1994), évocation de la dérive du tueur en série Thierry Paulin, la cinéaste construit un univers très personnel, âpre et nocturne.

Fidèle à ses comédiens, d'Alex Descas à Béatrice Dalle en passant par Vincent Gallo et Grégoire Colin, la réalisatrice décroche le Lion d'argent à Venise en 1996 pour Nénette et Boni, exploration de Marseille en compagnie d'un pizzaïolo et de sa sœur fugueuse. Déclarant aux Cahiers : "Je me reconnais dans un cinéma qui fait confiance à la narration plastique", elle se lance ensuite dans des projets singuliers, caractérisés par une attention portée aux corps et un refus des dialogues explicatifs : Trouble every day, film de vampires sensuel et sauvage, qui remue la Croisette en 2000, et Vendredi soir, récit minimaliste d'une rencontre amoureuse, avec Valérie Lemercier dans son premier rôle dramatique.

On retrouve cette exigence dans les deux films en forme de voyage que lui commande Arte : Beau travail, portrait de la légion étrangère à Djibouti, puis L'Intrus, errance entre nord et sud, inspirée d'un récit du philosophe Jean-Luc Nancy. Après s'être consacrée à deux projets hors-fiction (un documentaire sur la chorégraphe Mathilde Monnier, une exposition sur la diaspora africaine), elle se lance dans deux longs métrages très différents : 35 Rhums, évocation d'une tendre relation père/fille, qui fait sensation à la Mostra de Venise 2008, et White Material, tourné dans le Cameroun de son enfance avec un couple inédit : Isabelle Huppert-Christophe Lambert.

L'année 2013 marque le retour de Claire Denis au cinéma et au Festival de Cannes. Elle y présente dans la sélection Un certain regard Les salauds, film noir dans lequel elle dirige Vincent Lindon (dix ans après Vendredi soir) et Chiara Mastroianni. Quatre ans plus tard, la réalisatrice engage Juliette Binoche pour Un beau soleil intérieur. L'histoire se focalise sur Isabelle, divorcée, un enfant, cherchant un amour. Enfin un vrai amour.

 

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Agnès Varda

Agnès Varda, née Arlette Varda le 30 mai 1928 à Ixelles (Belgique) et morte le 29 mars 2019 à Paris, est une photographe, réalisatrice de cinéma et plasticienne française.

Proche du mouvement dit de la Rive Gauche, contemporain de la Nouvelle Vague, Agnès Varda a notamment réalisé La Pointe courte (1955), Cléo de 5 à 7 (1962), Ulysse (1984, César du meilleur court métrage documentaire), Sans toit ni loi (1985, Lion d'or à la Mostra de Venise), Jacquot de Nantes (1991), Les Glaneurs et la Glaneuse (2000), Deux ans après (2002), Les Plages d'Agnès (2008, César du meilleur film documentaire) et Visages, villages (2017).

L'ensemble de son œuvre cinématographique est récompensé par un César d'honneur en 2001, par le prix René-Clair de l'Académie française en 2002, par une Palme d'honneur au Festival de Cannes 2015, par un Oscar d'honneur reçu en 2017 et par la Caméra de la Berlinale en 2019.

elle tourne à Sète (Hérault) son premier long métrage de fiction, La Pointe Courte joué par Philippe Noiret et Silvia Monfort et monté par Alain Resnais. Ce film fera date. C'est un film « libre et pur » « miraculeux », écrira André Bazin. « Le premier son de cloche d'un immense carillon », prophétisera Jean de Baroncelli dans Le Monde.

Le film apporte un souffle de liberté dans le cinéma français, comme l'écrit la Revue belge du cinéma : « Tout le nouveau cinéma est en germe dans La Pointe courte — film d'amateur, tourné en 35 mm, avec des moyens de fortune, hors du circuit économique traditionnel. […] Chronique néo-réaliste d'un village de pêcheurs et dialogue d'un couple qui fait le point. Toutes les caractéristiques de la jeune école du cinéma se trouvent réunies dans La Pointe courte et Alain Resnais, qui en fut le monteur, n'a jamais caché l'influence que ce film a eue sur lui. »

Elle rencontre le réalisateur Jacques Demy, son futur époux, au Festival de Tours en 1958. L'année suivante, Demy s'installe chez elle, rue Daguerre. Ils seront les parents de Mathieu Demy, né le 15 octobre 1972. Par ailleurs, Jacques Demy adoptera légalement Rosalie Varda. Dans Les plages d'Agnès (2008), la réalisatrice révèle qu'elle a quatre petits-fils : Valentin, Augustin, Corentin (enfants de Rosalie) et Constantin, fils de Mathieu, qui aura plus tard une fille, Alice, de son union avec Joséphine Wister Faure.

Révélation

En 1962, elle réalise Cléo de 5 à 7, un film reconstituant deux heures de la vie de Cléo, une chanteuse jouée par Corinne Marchand. Le 21 juin 1961, Cléo erre dans Paris entre 17h et 19h. Se croyant mortellement malade, elle cherche le soutien de son entourage, en attendant ses résultats médicaux. Le film fut sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes et à la Mostra de Venise. Il gagna le prix Méliès et le prix Fipresci en 1963.

Elle réalise ensuite Les Créatures, puis Le Bonheur, son premier film en couleurs. Ses réalisations font d'elle, dans les années 1960, l'une des premières représentantes du jeune cinéma français. Aux côtés de la Nouvelle Vague, on parle plutôt, à son sujet, comme de Jacques Demy, de Chris Marker ou d'Alain Resnais, de cinéma de la « Rive gauche », afin de marquer une différence sociologique et politique.

Consécration et œuvres plus personnelles

En 1972, elle a pour ambition de réaliser un film sur les conditions des femmes intitulé Mon corps à moi, avec Delphine Seyrig dans le rôle principal. Ces féministes engagées ont toutes les deux signé le manifeste des 343 en 1971. Le film ne voit pas le jour mais son idée se concrétise dans L'une chante, l'autre pas, film féministe et optimiste, sorti en 1977. Elle y aborde la lutte pour le droit à l'avortement en relatant le combat de plusieurs femmes pour avoir des enfants désirés. Enceinte de son fils Mathieu, elle manifeste pour le droit à l'IVG en 1972, un an après avoir signé le manifeste des 343, et confie dans Les Plages d'Agnès qu'elle a prêté par deux fois sa maison pour des avortements clandestins.

En 1983, elle est membre du jury des longs métrages du 40e Festival de Venise.

En 1985, Sans toit ni loi, mettant en vedette Sandrine Bonnaire, lui vaut le Lion d'or à la Mostra de Venise 1985. C'est également son plus grand succès en salle.

En 1987, elle filme les états d'âme de Jane Birkin, qui, venant de franchir la barre des 40 ans, vit de douloureux moments professionnels ; Varda en fait deux films de fiction : Jane B. par Agnès V. et Kung-Fu Master, aussi connu sous le titre du Petit Amour.

A la fin des années 1980, se sachant malade du sida, Jacques Demy rédige ses mémoires. Agnès Varda lui suggère d'en faire un film, ce à quoi Demy lui répond de s'en occuper elle-même. Elle écrit alors Jacquot de Nantes, une docu-fiction retraçant l'enfance de son époux, qui se déroule en trois temps simultanés : une reconstitution en noir et blanc de l'enfance de Jacquot, la réutilisation de scènes des films de Demy et plusieurs plans sur Jacques Demy, alors en fin de vie.

En 2000 avec Les Glaneurs et la glaneuse, tourné en DV, la cinéaste pointera, à sa manière, les excès de la société de consommation. Avec son talent de conteuse, son insatiable curiosité et son éternelle coupe au bol, Varda a su se faire, au fil des ans, une place à part dans le cinéma français, au point de se voir confier le redoutable honneur de tourner le film-hommage au 7e art centenaire (Les cent et une nuits).

Reconnaissance de la profession

En 2005, elle est membre du jury des longs métrages au festival de Cannes 2005 et la Cinémathèque québécoise lui rend hommage avec une rétrospective filmographique et une exposition photographique.

Le 2 février 2009, elle reçoit un prix Henri-Langlois d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, à l'occasion des Rencontres internationales du cinéma de patrimoine et de films restaurés de Vincennes.

Lors du Festival de Cannes 2013, elle est présidente du jury de la Caméra d'or.

Elle a reçu le Léopard d'honneur lors du 67e Festival international du film de Locarno.

En 2015, la palme d'honneur du festival de Cannes lui est décernée. Elle le reçoit comme un prix de « résistance et d'endurance », dit-elle dans son discours.

En 2016, le musée d'Ixelles (commune de sa naissance) organise une exposition en son honneur.

En novembre 2017, elle obtient un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, remis par Angelina Jolie.

Maladie et mort

Elle meurt chez elle, rue Daguerre à Paris, à l'âge de 90 ans, dans la nuit du 28 au 29 mars 2019, des suites d'un cancer. De nombreuses personnalités, françaises et internationales, réagissent à son décès en saluant son travail, comme Ava Duvernay ou Martin Scorsese. Le 2 avril, à 11 heures, un hommage public lui est rendu à la Cinémathèque française (qui avait organisé une rétrospective complète de ses films deux mois auparavant) en présence de sa famille et de ses proches, parmi lesquels de nombreuses personnalités dont Catherine Deneuve, Sandrine Bonnaire (qui incarnait Mona dans Sans toit ni loi), Dany Boon (qui a participé à la production de Varda par Agnès), JR (avec qui elle avait co-réalisé Visages, villages). Près de 650 personnes y assistent.

Elle est inhumée le même jour au cimetière du Montparnasse (14e arrondissement de Paris), auprès de son époux Jacques Demy. Ses obsèques ont également lieu en présence de ses proches, famille et amis, et de plusieurs centaines d'anonymes.

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     XI - LA COMÉDIE MUSICALE

Hair

 WEST SIDE STORY

 les parapluies de cherbourg

HAIR - Milos FORMAN

Jan Tomáš Forman, né le 18 février 1932 à Čáslav (Tchécoslovaquie) et mort le 13 avril 2018 à Danbury (Connecticut, États-Unis), connu sous le nom de Miloš Forman  est un réalisateur américain d'origine tchécoslovaque, également scénariste et professeur de cinéma.

Il est notamment le réalisateur de Vol au-dessus d'un nid de coucou, Hair et Amadeus.

Critiques de "HAIR" sur le site « ALLOCINE"

Quatre ans après le succès colossal public et critique de "Vol au-dessus d'un nid de coucou" qui rafla au passage les cinq oscars majeurs, Milos Forman veut rendre hommage à une catégorie de la population souvent décriée et montrée du doigt par les personnes soi-disant bien-pensantes, les hippies. Qu'est-ce qu'un hippie? C'est une personne qui refuse tout tabou et qui effectue tout ce qui est interdit par la loi comme se droguer ou se baigner tout nu dans une rivière publique. Il ne faut pas oublier que c'est la guerre du Viet-Nam qui déclencha la création de ce groupe de marginaux qui ne respectent rien certes, mais qui possèdent en général un coeur en or. Ils peuvent voler mais ils savent aussi donner, de plus on les reconnaît et on les distingue des autres par une caractéristique: leur chevelure longue et épaisse d'où le titre choisi "Hair". Le film relate l'histoire d'un jeune homme qui s'engage dans l'armée et qui rencontre des hippies qui lui font visiter New York et ses bas-fonds.

Cette histoire se passe à la fin des années 1960 mais reflète davantage les années 1970 avec ses chansons et ses multiples chorégraphies dont le final reflète ce qui s'est vraiment passé dans ces années c'est-à-dire que la jeunesse américaine hurlait "Non à la guerre! Non aux massacres! Paix et amour!" Hippie rime avec paix, bravo à Milos Forman d'avoir élaboré ce film magnifique, débordant de fraîcheur.

Concernant la mise en scène, elle reste classique, mais il y a certaines séquences mémorables, comme celle de l'hallucination avec la mariée volante, comme celle où Berger (incarné par Treat Williams), le leader des hippies, se met à chanter et danser sur une table lors d'un repas organisé par une famille bourgeoise.

Film culte et chef d'oeuvre... Un superbe hymne à la liberté et surtout à la paix. Des chansons cultes et des chorégraphies originales dont le charme est aussi dans leur approximation. Le casting est excellent, on peut y reconnaître des visages connus comme Treat Williams. L'histoire est aussi belle que triste, avec un twist final qui nous recolle à la dure réalité. Un vent de folie et de liberté plane de bout en bout sur le film. Un film qui donne la patate avec des messages à la tolérance. A voir absolument.

 

HAIR : Extrait 1 - Extrait 2

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West Side Story

West Side Story est un drame lyrique américain de Leonard Bernstein, Stephen Sondheim (lyrics) et Arthur Laurents (livret), inspiré de la tragédie Roméo et Juliette de William Shakespeare et créé le 26 septembre 1957 au Winter Garden Theatre de Broadway. La chorégraphie et la mise en scène étaient de Jerome Robbins, les décors d'Oliver Smith et les costumes d'Irene Sharaff.

Située dans le quartier de Upper West Side à Manhattan dans le milieu des années 1950, l'intrigue cible surtout la rivalité entre Jets et Sharks, deux bandes de jeunes des bas-quartiers, pour le monopole du territoire. Les Jets, jeunes de la classe ouvrière blanche1, se considèrent comme les véritables Américains car nés en Amérique, même si de parents eux-mêmes émigrés, d'Irlande, de Suède ou encore de Pologne. Les Sharks appartiennent à la deuxième génération d'émigrés venus, eux, de Porto Rico. Tony, ami du chef des Jets, Riff, rencontre Maria, la sœur de Bernardo, chef des Sharks. Ils tombent amoureux l'un de l'autre au premier regard lors d'une soirée dansante.

La noirceur du thème, la musique sophistiquée, l'importance des scènes de danse, l'accent mis sur les problèmes sociaux ont constitué un tournant dans le théâtre musical américain. La partition de Bernstein est devenue extrêmement populaire grâce à des airs comme Something's coming, Maria, America, Somewhere, Tonight, Jet Song, I Feel Pretty, One Hand, One Heart, Gee, Officer Krupke et Cool.

Produit par Robert E. Griffith2 et Harold Prince3, le spectacle tient l'affiche durant 732 représentations avant de partir en tournée. Nommé en 1957 pour le Tony Award de la meilleure comédie musicale (finalement accordé à The Music Man de Meredith Willson), il remporte le prix de la meilleure chorégraphie pour Robbins. La production londonienne connaît une durée de représentation encore plus importante et le spectacle fait l'objet de nombreuses reprises et bénéficie d'un succès international.

Une adaptation cinématographique est réalisée par Robert Wise et Jerome Robbins en 1961. Interprété par Natalie Wood, Richard Beymer, Rita Moreno, George Chakiris et Russ Tamblyn, le film remporte dix Oscars (sur onze nominations) lors de la 34e cérémonie des Oscars et leur compagnie

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Les parapluies de Cherbourg

Jacques Demy :

Les Parapluies de Cherbourg est un film musical franco-ouest-allemand écrit et réalisé par Jacques Demy, sorti en 1964. C'est le premier des deux films entièrement chantés de Jacques Demy, le second étant Une chambre en ville (1982).

Il associe, d'une part des partis pris irréalistes totalement assumés d'un film « enchanté » (dialogues intégralement chantés sur la musique de Michel Legrand, décors aux couleurs saturées accordées aux tenues des personnages) ; d'autre part un souci de rendre compte des réalités économiques, sociales et politiques notamment en datant précisément les parties du film. C'est un des premiers et rares films français à évoquer la guerre d'Algérie.

Lauréat du prix Louis-Delluc en 1963, récompensé par une Palme d'or au festival de Cannes de 1964, le film a connu un immense succès critique et populaire, une carrière internationale, des adaptations théâtrales, entre autres à New York et Paris, mais aussi des critiques contre certains choix esthétiques.

Le film offre son premier grand rôle à Catherine Deneuve, et va lancer définitivement sa carrière. Elle confiera plus tard qu'elle n'était pas sûre de vouloir faire du cinéma jusqu'à sa rencontre avec Jacques Demy pour le film, qui en fera sa muse.

Extraits

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     XII - BURLESQUE ET COMIQUE

 

Billy Wilder

 Woody Allen

 Buster Keaton

 Harold Lloyd

Laurel et Hardy

 Jerry Lewis

 Jacques Tati

 René Clair

 Pierre Etaix

Buster Keaton

Joseph Frank Keaton Junior, dit Buster Keaton, est un acteur, réalisateur, scénariste et producteur américain

né le 4 octobre 1895 à Piqua (Kansas) et mort le 1er février 1966 à Hollywood (Californie).

Humoriste célèbre pour son flegme, artiste ayant marqué le cinéma muet américain, il fut entre autres surnommé « l'homme qui ne rit jamais » par contraste avec Charlie Chaplin. « Buster » est un surnom générique (« pote ») signifiant aussi « casse-cou ».

Il est classé vingt et unième acteur de légende par l'American Film Institute.

L'art du gag

Analyse

Buster Keaton pratique le gag avec une précision d'orfèvre ; la scène où la façade de la maison lui tombe dessus dans Cadet d'eau douce (gag mis au point huit ans plus tôt dans One week (La Maison démontable), ou la précision du tir du boulet de canon dans Le Mécano de la « General », sont des sommets de la mécanique keatonienne. Buster Keaton sait se trouver là où l'on ne l'attend pas, amorcer son gag, emmener le public à deviner ce qui va se passer et le surprendre finalement avec un gag complètement différent de celui attendu, comme dans La Maison démontable où il se démène pour enlever sa maison démontable de la voie du chemin de fer, car un train point au loin. N'y arrivant pas, il se retire avec sa compagne pour éviter le choc mais le train passe en réalité sur la voie d'à côté. C'est alors que sa maison est réduite en miettes par un autre train arrivant en sens opposé. Keaton a également un sens de l'espace : ses grands travellings sont toujours des modèles du genre, comme dans Les Fiancées en folie. La totale maîtrise d'un film comme Sherlock Junior, au montage et aux effets visuels complexes, montre les qualités de metteur en scène de Buster Keaton.

Durant cette époque, les grands cinéastes du monde du comique, du « burlesque », se servent de personnages à la silhouette immédiatement reconnaissable par le spectateur ; Chaplin avec son costume de Tramp (le vagabond, rebaptisé « Charlot » en France), Buster Keaton avec son chapeau canotier et son costume relativement souple, Harold Lloyd et ses lunettes. Le français Max Linder, « dandy » charmeur et gaffeur, instaure, au tout début des années 1910, cette variété de personnage.

Considéré comme « l'homme qui ne riait jamais », Keaton se sert de cette façade au visage impassible pour mettre ses personnages dans des situations dans lesquelles ils n'ont pas de place au départ mais sont toujours prêts à faire face. Dans La Croisière du Navigator, Keaton doit, après un chassé-croisé avec sa future bien-aimée, apprendre à vivre à deux, et même à trois, car le bateau, trait d'union entre les protagonistes, fait partie intégrante de l'action. Cet apprentissage fait du personnage de Keaton l'homme d'une seule femme. Keaton rajoute davantage à cette vision monogamique dans Les Fiancées en folie où il est pris entre une avalanche de pierre et une ruée massive de femmes voulant l'épouser. Pour ce film, Keaton a été taxé de misogynie, alors qu'il voulait simplement souligner la cupidité des êtres. Ce qui, dans le film, s'applique aux femmes peut également s'appliquer aux hommes. Keaton, au bas d'une colline, voit débouler sur lui, d'un côté des pierres et de l'autre des femmes. Il s'en sort par une pirouette purement « keatonienne » et trouve l'amour.

 

 Affiche de Convict 13 (titre original de Malec champion de golf).

Dans la vie réelle, Buster Keaton est à l'opposé de ses personnages. Il s'est marié plusieurs fois. Cette « expiation » cinématographique est pour lui un exutoire aux complications de la vie de couple. À l'écran, son personnage n'a pas de position sociale bien définie (à part quelques rares exemples, comme La croisière du Navigator où son personnage est très riche), ou plus exactement l'argent ne compte pas pour lui : dans Sherlock Junior, il est projectionniste et s'évade au travers des films qu'il projette mais, dans sa quête d'amour, il fait passer la réussite sociale au deuxième plan. Idem dans L'Opérateur où seule compte celle qu'il aime : dans une scène où, dans l'attente du coup de téléphone de son amour, il fait des dizaines d'allers-retours entre le téléphone, situé en bas de son immeuble, et son logement, tout en haut. Et quand, enfin, son aimée téléphone pour lui donner rendez-vous, elle n'a pas le temps de finir ses phrases, que Keaton, au terme d'une course effrénée et de maints périples, se présente chez elle au moment où elle raccroche.

Pour Buster Keaton seul compte l'amour. Il n'évoque pas, en revanche, la suite de cet instant. Bien sûr, finalement cela est suggéré, mais Keaton ne développe pas la vie en couple ni n'aborde (ou peu) la famille, la sienne, ou celle qu'il va fonder.

Dans Cadet d'eau douce (1928), toutefois, Buster Keaton vient au secours de son père emprisonné. Buster se démène pour faire évader son père de prison au moment où un cyclone vient frapper la ville. Cette tornade peut symboliser la « sanction » divine s'abattant sur le fils d'un mauvais père. Buster, au prix d'éprouvantes prouesses physiques parviendra une nouvelle fois à se sortir de toutes les situations. C'est aussi, dans le même temps, un test « grandeur nature » pour faire son apprentissage de la navigation, et se préparer, une fois en mer, à déjouer ses pièges (sauf que dans le cas présent, ce sont les maisons qui flottent). Chez Keaton, se trouve également un besoin de reconnaissance et d'affirmation. En effet, son personnage (comme lui-même d'ailleurs) est quelqu'un de frêle et pas très grand. Keaton est prêt à tout pour l'obtention de ce statut « d'homme », pour être aimé et reconnu, comme étant un héros de guerre, par Anabelle dans Le Mécano de la « General ». Keaton, après avoir été refoulé par l'armée, ne peut assumer son étiquette de (futur) lâche, mais prouvera pourtant sa bravoure avec une « associée » non moins négligeable, une locomotive. Ce besoin d'être reconnu fera à nouveau surface dans College, L'Opérateur (avec un final sur fond de guerre de gangs), et comme toujours, Keaton faisant fi de tous les dangers afin d'exister aux yeux de celle qu'il aime.

Certains de ses « partenaires-objets » sont souvent, par rapport à lui, gigantesques : la locomotive dans Le Mécano de la « General », le paquebot dans La croisière du Navigator, le troupeau de vaches dans Go West mais aussi sa compagne qui s'avère être bien plus masculine, physiquement parlant, que lui dans Les Trois Âges. Finalement, Keaton domine ses encombrants partenaires avec simplement un peu d'intelligence. Selon Keaton, les gros objets ne sont pas plus dangereux que les petits. Le danger n'effraie pas Keaton, il fait parvenir son personnage à une dimension humaine concrète qu'il n'aurait pas eu sans le braver. Keaton nous enseigne qu'il est vain de se battre pour des causes qui ne sont pas les nôtres.

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Harold Lloyd

Harold Lloyd est un acteur américain, né le 20 avril 1893 et mort le 8 mars 1971. Il est surtout connu pour ses rôles dans des films muets burlesques

 

Enfance et formation

Harold Lloyd naît le 20 avril 1893 à Burchard, dans l'État du Nebraska, de James Darsie « Foxy » Lloyd et Elizabeth Fraser. Ses arrière-grands-parents paternels sont originaires du pays de Galles. Harold décide de rester avec son père qui rêve constamment de devenir riche rapidement mais dont les projets s'avèrent désastreux. Ils arrivent à Omaha où Harold et son père ont une première expérience du jeu d'acteur dans une troupe locale. En 1912, son père obtient un important dédommagement : 6 000 dollars de dommages et intérêts (somme partagée cependant avec son avocat) après avoir été renversé par un camion d'Omaha transportant de la bière. En pariant à pile ou face (pile c'est New York ou Nashville ; face, c'est San Diego), James Darsie « Foxy » Lloyd et son fils décident d'aller vers l'ouest. Le jeune Harold suit sa scolarité au lycée East High School à Denver et à celui de San Diego, et il a la possibilité de faire un stage théâtral à l'École d'art dramatique de San Diego.

Carrière artistique

Harold Lloyd débute au cinéma en 1913 comme figurant dans des films de la Compagnie Edison. À Hollywood, il fait rapidement la rencontre du réalisateur Hal Roach. Ensemble, ils mettent au point le personnage à lunettes et toujours optimiste qui assure ensuite la célébrité à Lloyd, qui est un temps le mieux payé d'Hollywood. Lloyd apparaît ainsi dans plusieurs courts et longs métrages, dont Monte là-dessus ! en 1923. Sa popularité repose sur des péripéties burlesques où Lloyd assure lui-même la plupart des cascades. Une des plus connues est celle où on le voit suspendu à une horloge au-dessus de la rue. En 1919, lors d'un tournage, il perd deux doigts dans l'explosion d'une bombe que tous croient factice, ce qui l'oblige à porter un gant dans ses films ultérieurs.

Lloyd embauche Bebe Daniels comme actrice secondaire de ses films en 1914. Une relation romantique se noue entre leurs personnages et on les surnomme « Le Jeune Garçon » et « La Jeune Fille ». S'ensuit alors une série de films comiques avec en vedette le trio formé par Harold Lloyd, Bebe Daniels et Snub Pollard. En 1919, Bebe Daniels le quitte pour poursuivre sa carrière dans des rôles dramatiques. Lloyd la remplace à l'écran par Mildred Davis en 1919. C'est Hal Roach qui lui suggère de regarder un film avec Davis. On dit que plus Lloyd la regarde, plus il a de l'affection pour elle. Sa première réaction en la voyant serait la suivante : « elle ressemble à une poupée française ». Davis se retire du cinéma en 1923 et est remplacée à l'écran par Jobyna Ralston au côté de Lloyd.

À partir de 1924, Lloyd et Roach cessent leur partenariat. Harold Lloyd crée la Harold Lloyd Film Corporation et devient producteur indépendant de ses propres films, dont plusieurs sont de véritables succès, comme En vitesse en 1924 et Vive le sport ! en 1925. Le passage au parlant est également couronné de succès. Son premier film parlant est Quel phénomène, en 1929, qui attire les foules curieuses d'entendre la voix de Lloyd. Sa popularité connaît cependant un déclin durant les années 1930. Il vend bientôt ses studios avant de se retirer de la scène en 1947. Il devient alors animateur à la radio et photographe (activité qui lui vaut une certaine réputation), tout en se consacrant à des activités caritatives.

De 1914 à 1947, Harold Lloyd joue dans près de 200 films comiques, dont 60 entre 1914 et 1917.

Vie personnelle

Il se marie avec Mildred Davis, le 10 février 1923. Ils ont ensemble trois enfants : Gloria Lloyd (1923-2012), Harold Clayton Lloyd, Jr. (1931-1971) et Marjorie Elisabeth Lloyd (1925-1986), cette dernière étant adoptée.

Mort

Il meurt d'un cancer de la prostate, à 77 ans le 8 mars 1971, à Beverly Hills, quartier de Los Angeles en Californie. Il est enterré dans une crypte du grand Mausolée du cimetière de Forest Lawn Memorial Park à Glendale en Californie.

Honneurs

Harold Lloyd a reçu un Oscar honorifique en 1953. Il possède également deux étoiles sur le fameux Walk of Fame (Hollywood). En 1994, un timbre à son effigie a été émis.

Monte là-dessus (Extrait du documentaire)

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Laurel et Hardy

                                        

Laurel et Hardy est le nom d'un duo comique constitué en 1927 et formé par les acteurs Stan Laurel (1890-1965) et Oliver Hardy (1892-1957).

Durant une carrière de près de 25 ans et de plus de 100 films, ce duo atteindra une notoriété telle qu’il reste sans doute à ce jour le tandem le plus célèbre de toute l’histoire du cinéma. Leur premier studio est Hal Roach, puis au fil des années la Metro Goldwyn Mayer ou encore Universal.

Stan Laurel et Oliver Hardy ont chacun de leur côté une carrière importante avant de constituer le tandem à l’approche de la quarantaine. Ils tournent ensemble une série de films fin 1926. Suivant les rôles qu’ils y interprètent, la constitution d'un tandem apparaît rapidement comme une évidence, et les caractéristiques des personnages constituant le duo comique se mettent en place. Le succès est immédiat.

Débutant avant l'avènement du cinéma parlant, Laurel et Hardy font partie des rares acteurs ayant atteint une certaine notoriété, durant l'ère du muet, à réussir aussi brillamment la transition avec le cinéma sonore. La première comédie parlante de Laurel et Hardy sort dès le mois de mai 1929. Le duo comique saisit d'emblée toutes les possibilités que lui offre cette nouvelle technique, sans pour autant renier l'art de la pantomime qui a fait leur succès jusque-là. Leur jeu muet se singularisait par sa sobriété face à l’agitation et la performance physique, communément admises dans les comédies burlesques et, devenu parlant, il se démarque de celui des comiques bavards qui émergent à la manière des Marx Brothers. Laurel et Hardy ne délivrent ni message, ni critique sociale, ni valeurs morales, et n‘en transgressent pas non plus.

D’abord cantonnés dans les comédies courtes de « deux bobines » Laurel et Hardy se tourneront progressivement vers les longs métrages durant les années 1930, qui représentent l’apogée de leur carrière et la période durant laquelle ils tournent à un rythme effréné. On y retrouve les meilleures comédies du duo et leur travail reçoit la consécration de la profession lorsqu'ils obtiennent pour Livreurs, sachez livrer ! (The Music Box) l'Oscar du meilleur sujet de court-métrage de comédie en 1932. Le début des années 1940 les voit se consacrer à une dizaine de longs métrages.

Fatigués, malades, Stan et Oliver reconstituent le tandem en 1951 pour un dernier film souvent considéré au mieux comme pathétique.

Extraits : Laurel & Hardy - Pick A Star (1937) - Laurel and hardy dancing on at the ball,that's all by the avalon boys

 

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Samuel Wilder, dit Billy Wilder,

Réalisateur, producteur et scénariste américain de films noirs et de comédies, né le 22 juin 1906 à Sucha (actuelle Pologne, à l'époque possession de l'empire austro-hongrois en Galicie) et mort le 27 mars 2002 à Beverly Hills en Californie aux États-Unis.

Billy Wilder est l'une des figures les plus importantes du cinéma américain du XXe siècle, notamment des années 1950 et 1960. Quatre de ses films sont présents dans le Top 100 de l'American Film Institute, tout comme pour Alfred Hitchcock et Stanley Kubrick. Il a dirigé quatorze acteurs différents ayant été nommés pour leur performance aux Oscars. Dans le classement du magazine Sight & Sound, il figure à la septième place des plus grands réalisateurs1.

Billy Wilder a obtenu l'AFI Life Achievement Award en 1986, prix remis par l'American Film Institute une fois par an à un acteur ou un réalisateur ayant accompli une carrière remarquable.

Auteur d'un autre film remarquable "Sunset Boulevard"

Certains l'aiment chaud (Some Like It Hot) est un film américain de Billy Wilder sorti en 1959.

C'est une comédie romantique qui s'aventure sur le terrain, très peu exploré à l'époque, de l'homosexualité.

Ce film a contribué à faire de son réalisateur et de son actrice principale, Marilyn Monroe, deux stars du cinéma hollywoodien. L'American Film Institute le place en première position de son classement des cent plus grandes comédies, devant Tootsie et Docteur Folamour.

Extrait:

 

Certains l'aiment chaud

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Woody Allen

Allan Stewart Konigsberg, dit Woody Allen est un réalisateur, scénariste, acteur et humoriste américain, né le 1er décembre 1935 à New York. Il est également l'auteur de plusieurs pièces de théâtre et nouvelles, et se produit régulièrement en tant que clarinettiste de jazz.

Réalisant pratiquement un film par an depuis le début des années 1970 au cours desquelles sa popularité a explosé, Woody Allen est l'un des cinéastes américains les plus connus et les plus prolifiques de ces quarante dernières années. Les comédies de mœurs, souvent sur fond de psychanalyse, sont incontestablement son domaine favori bien qu'il s'essaye parfois à d'autres genres. Il se met lui-même en scène comme acteur dans un grand nombre de ses films, incarnant souvent un personnage proche de lui-même, caricature de l'intellectuel juif new-yorkais en proie à des affres tragi-comiques, principalement sexuelles, existentielles et/ou métaphysiques.

Il a obtenu de nombreuses récompenses cinématographiques, dont quatre Oscars en tant que meilleur réalisateur et meilleur scénario original - catégorie pour laquelle il détient le record de victoires (trois) et, de très loin, de nominations (seize).

Origines et enfance

Issu d'une famille d'immigrants juifs russo-autrichiens parlant le yiddish, l’hébreu et l'allemand, Allan Stewart Konigsberg naît le 1er décembre 1935a à New York, dans l'arrondissement du Bronx, puis grandit dans celui de Brooklyn. Son père Martin Konigsberg (25 décembre 1900 – 8 janvier 2001) est alternativement graveur-joaillier, chauffeur de taxi et serveur chantant dans une brasserie proche, tandis que sa mère, Nettie Cherry (8 novembre 1906 – 27 janvier 2002), tient la caisse chez un fleuriste à Manhattan. C’est plus précisément à Midwood (Brooklyn) qu’il passe son enfance avec ses parents et sa jeune sœur (Letty, née en 1943), tous natifs de New York. Ses oncles et tantes étaient aussi très souvent chez eux.

Son éducation débute à l’école juive où il restera pendant huit ans avant d'aller à l’école publique. Finalement, il fréquentera la Midwood High School. À cette époque, Allen vit en partie dans l’avenue K. Il est surnommé « Red » en raison de la couleur rousse de ses cheveux (« roux » se dit « red » en anglais). Déjà, il impressionne les autres étudiants par son extraordinaire habileté aux cartes et ses tours de magie. En 1952, il écrit des gags pour un journal. Bien qu'il se décrive souvent comme un névrosé dans ses films, il était en réalité un adolescent apprécié de ses condisciples et un adepte du basket-ball et du baseball à l'école.

Il commence à gagner sa vie en écrivant des gags pour l’agent David O. Alber qui les revend à différents chroniqueurs. Ainsi, la première de ses blagues à avoir été publiée serait « I am at two with Nature ». À l’âge de 16 ans, il se met à écrire pour des stars telles que Sid Caesar. Il décide alors d’endosser le pseudonyme de Woody Allen, en partie en hommage au clarinettiste Woody Herman.

Woody s'inscrit à l’université de New York où il est censé étudier la communication et le cinéma. Ses mauvais résultats et son manque d’intérêt pour les études lui font rapidement abandonner ces dernières. Plus tard, il fréquentera pourtant brièvement le City College de New York.

Du scénariste au comédien

À dix-neuf ans, il est chargé de rédiger des sketches pour d’importantes émissions de télévision telles que The Ed Sullivan Show, The Tonight Show, Caesar’s hour… Ce dernier show occasionnera par ailleurs le début de sa collaboration avec Danny Simon. Celui-ci l’aidera à structurer son style et Allen dira à son sujet :

« J’ai appris depuis une ou deux choses par moi-même et modifié certaines choses qu’il m’a enseignées mais tout ce que j’ai appris de l’écriture de comédie, je l’ai appris, sans équivoque, de lui. »

Il devient ensuite gagman pour des comiques comme Bob Hope, Buddy Hackett, ou Miles Bennett, puis rédacteur du show télévisé de Gary Moore (1957). Naturellement doué pour la comédie, il entame en 1960, une nouvelle carrière d'humoriste de stand-up (les albums Standup Comic et Nightclub Years 1964-1968 contiennent quelques-uns de ses sketches dont la fantaisiste histoire de l’élan qu’il emmène à un bal costumé après l’avoir percuté avec sa voiture). Dans le même temps, il contribue à la revue From A to Z (en) de Broadway et commence à écrire pour le très populaire show télé Candid Camera, apparaissant même dans quelques épisodes. En outre, il rédige des nouvelles publiées dans certains magazines dont le très fameux The New Yorker.

Petit à petit, avec l’aide de son gérant, Allen transforme ses défauts « psychologiques » en qualités « théâtrales ». Il développe ainsi son célèbre personnage d’intellectuel névrosé, instable et nerveux. Rapidement, il rencontre un succès qui lui ouvre les portes de la télévision et des boîtes de nuit. En 1969, sa popularité est telle qu’il apparaît en couverture de Life à l’occasion de la création à Broadway de Play It Again, Sam (en).

1965-1975 : à la conquête de l'écran, de Quoi de neuf, Pussycat ? à Guerre et Amour

C'est alors qu'il se produit dans un club de Greenwich Village que Woody Allen est repéré par le producteur Charles K. Feldman et l'acteur Warren Beatty qui cherchent un coscénariste capable d'insuffler un ton comique au film Quoi de neuf, Pussycat ? qu'ils sont en train d'écrire. Feldman lui propose 30 000 dollars, Woody Allen en veut 40 000 mais il accepte finalement le prix de Feldman à condition d'avoir un rôle dans le film. Réalisé par Clive Donner Quoi de neuf, Pussycat ? sort en 1965 et est un grand succès, néanmoins Woody Allen se sent assez frustré du résultat, persuadé qu'il aurait été meilleur s'il l'avait écrit seul et réalisé. Cette expérience l'incite à prendre un meilleur contrôle sur ses projets suivants.

Son premier film en tant que réalisateur est aussi produit par Charles K. Feldman, en 1966, Lily la tigresse (What's Up, Tiger Lily?). Ce long métrage est à l'origine un film d’espionnage japonais dont il a réécrit les dialogues afin d'en faire une œuvre burlesque à la suite du doublage en anglais. En 1967, il interprète le neveu de James Bond dans la parodie Casino Royale.

La fin des années 1960 (et la première moitié des années 1970) marque les débuts d'Allen en tant que réalisateur. Il réalise successivement et avec succès Prends l'oseille et tire-toi (Take The Money and Run) (1969), Bananas, Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander (Everything You Always Wanted To Know About Sex (But Were Afraid to Ask), Woody et les Robots (Sleeper), ainsi que Guerre et Amour (Love and Death). Ces films s'inscrivent dans la continuité de son travail d'auteur de sketches télévisés au style burlesque et satirique. Et pour cause, il s'agit exclusivement de pures comédies s'appuyant sur de grosses farces et autres gags visuels. Allen est alors fortement influencé par les œuvres de Bob Hope, Groucho Marx et Humphrey Bogart. Le grand public voit en lui un petit bonhomme à lunettes, tourmenté et d'une épouvantable maladresse. Il s'imposera toutefois grâce à des œuvres plus personnelles, teintées de mélancolie, mais toujours pleines d'autodérision, comme Annie Hall et Manhattan (1979), films dans lesquels s'illustre sa première muse en la personne de Diane Keaton.

1976-1980 : de Annie Hall à Stardust Memories

La période qui suit est certainement la plus prolifique et la plus célèbre de la carrière de Woody Allen. En moins de 10 ans, il écrit et réalise ses films les plus appréciés dont Annie Hall, Manhattan, La Rose pourpre du Caire (l'un des cent meilleurs films de tous les temps selon le Times Magazine et l'un des trois favoris d'Allen) ainsi que Hannah et ses sœurs qui remporte trois Oscars du cinéma.

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Jerry Lewis

Joseph Levitch, dit Jerry Lewis, est un humoriste, acteur, producteur et réalisateur de cinéma américain, né le 16 mars 1926 à Newark (New Jersey) et mort le 20 août 2017 à Las Vegas (Nevada).

Extraits : "le Zinzin d'Holywood" - Sketches : The type writer - Jerry chef d'orchestre - The Wondefull Madness of Jerry

 

Premières années et duo humoristique avec Dean Martin

Né de parents russes juifs, fils de Daniel Levitch, acteur de spectacles de variétés, il monte sur scène avec eux à l'âge de 5 ans, provoquant l'hilarité du public. Cependant, il est élevé par sa grand-mère et souffre de l'absence de ses parents, continuellement en tournée. À 15 ans, il crée un numéro de pantomime dans lequel il parodie des artistes à la mode, ce qui lui vaut un succès réel mais modeste.

Danny Lewis de son nom d'artiste, Jerry Lewis se fait connaître en formant le duo comique Martin and Lewis avec le chanteur Dean Martin. Ils se démarquent de la majorité des comiques des années 1940 en jouant surtout sur l'interaction entre deux comiques, plutôt que de réciter des sketches planifiés. À la fin des années 1940, ils sont nationalement connus, d'abord pour leurs représentations dans les boîtes de nuit, puis en tant que vedettes de cinéma (Parachutiste malgré lui, Amours, délices et golf, etc.). Ils embrayent sur la production de films pour la télévision et se séparent en 1956.

Succès cinématographique en solo

Jerry Lewis, alors en solo, joue dans le film Le Délinquant involontaire (The Delicate Delinquent) en 1957. Il est ensuite tête d'affiche de cinq autres films, avant d'écrire, jouer, produire et réaliser lui-même Le Dingue du palace (The Bellboy) en 1960. Il est le pionnier de la régie vidéo (Video assist (en)), en utilisant une caméra vidéo sur le plateau en même temps qu'il filme, pour pouvoir visualiser immédiatement le résultat. Cette technique devient un standard dans l'industrie.

Il réalise plusieurs autres films, dont Le Tombeur de ces dames (The Ladies Man) 1961, Le Zinzin d'Hollywood (The Errand Boy) 1961 et le fameux Docteur Jerry et Mister Love (The Nutty Professor) 1963. La popularité de Jerry Lewis décline aux États-Unis à partir de la fin des années 1960 mais il conserve une partie de sa renommée à l'étranger, essentiellement en Europe. Alors que sa popularité baisse aux États-Unis, il est particulièrement soutenu en France par les revues Positif et Les Cahiers du cinéma, et le critique Robert Benayoun contribue grandement à éclairer l'importance de ses films.

Mauvaise chute et déclin

En mars 1965, à la suite d'une cascade ratée dans un gag où il tomba sur le dos sur un câble métallique, il se blesse deux vertèbres. Il reste paralysé pendant une journée (27 heures exactement). Pour contenir la douleur chronique, il prend des antalgiques pendant des dizaines d'années. Il pense, un moment, au suicide, puis il découvre en 2002 la neurostimulation. Il vivait alors avec des électrodes implantées dans la colonne vertébrale et un dispositif type pacemaker placé dans l'abdomen.

En 1966, il organise le Labor Day Telethon For The Muscular Dystrophy Association, œuvre de charité à laquelle il était déjà publiquement associé depuis dix ans.

Il ouvre une chaîne de 2 400 salles de cinéma mais ses affaires, autrefois florissantes, fluctuent. En 1972, il joue et réalise The Day the Clown Cried, une comédie dont l'action se déroule dans un camp de concentration nazi. À cause d'un imbroglio juridique, le film ne sort pas en salles et partage les quelques personnes à l'avoir visionné. Cet échec le terrasse.

Retour au premier plan

Après huit ans d'absence cinématographique, Jerry Lewis revient au début des années 1980 dans Au boulot... Jerry ! (Hardly Working), qu'il joue et réalise. Il enchaîne, en 1983, avec un rôle à contre-emploi dans La Valse des pantins (The King of Comedy) de Martin Scorsese, qui est applaudi par la critique.

En 1984, Jack Lang, ministre de la Culture français, lui remet la Légion d'honneur. En 2006, le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres l'élève au rang de commandeur du même ordre.

En 1984, il joue dans deux nanars français, Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir et Retenez-moi... ou je fais un malheur !, à la condition qu'ils ne soient pas diffusés aux États-Unis.

Le 6 décembre 1987, il présente le 1er Téléthon en France, diffusé sur Antenne 2.

En janvier 1993, on le retrouve dans le long-métrage d'Emir Kusturica Arizona Dream, aux côtés de Johnny Depp, Faye Dunaway et Vincent Gallo.

Dernières années

En 2006, il interprète le rôle-titre d'un épisode de la série télévisée américaine New York, unité spéciale (Law & Order Special Victims Unit) (saison 8, épisode 4, « Uncle »).

En 2008, Jerry Lewis travaille avec Drake Bell dans le film d'animation The Nutty Professor. En mai 2011, Jerry Lewis annonce qu'il présentera son dernier Téléthon contre la dystrophie musculaire, l'acteur étant affaibli par d'importants problèmes de santé, notamment une fibrose pulmonaire.

En 2009, il reçoit un Oscar d'honneur.

L'avant-dernier film où Jerry Lewis apparaît en tant qu'acteur, Max Rose (sorti en 2013), est un drame écrit et réalisé par Daniel Noah, produit par Lawrence Inglee. Lewis y joue le rôle d'un vieil homme qui retrouve goût à la vie malgré la disparition de sa femme. Le film est sélectionné au festival de Cannes 2013.

Dans son dernier film, Le Casse (The Trust), tourné à l'âge de 90 ans, sorti en 2016, il joue le père vieillissant de Nicolas Cage.

Mort

Il meurt le 20 août 2017, à l'âge de 91 ans, d'une maladie cardiovasculaire à Las Vegas.

Politique

Jerry Lewis s'est défendu de vouloir donner à ses films une dimension politique, même si les critiques français saluent sa critique du consumérisme et de l'American way of life. Il a affirmé que les deux pires catastrophes des dernières décennies avaient été l'assassinat de John Fitzgerald Kennedy et l'élection de Richard Nixon.

Le 29 août 1970, il organise avec Frank Sinatra à Richmond, dans l'Indiana, un concert en soutien à la famille de Dan Mitrione, agent du FBI exécuté par les Tupamaros qui avait mis en œuvre pour la dictature uruguayenne une procédure de torture systématique et est alors présenté aux États Unis comme un héros de l'anticommunisme. En 2017, il déclare que « Trump ferait un bon président car c'est un bon showman ».

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Jacques Tati

L'art de Jacques Tati

Réalisateur, acteur et scénariste français, né le 9 octobre 1907 au Pecq (Yvelines), près du square portant aujourd'hui son nom, et mort le 4 novembre 1982 à Paris.

Malgré l'apparente absence de dialogue dans ses films, Jacques Tati porte un soin méticuleux aux bandes-son. Il existe ainsi des versions anglaises de plusieurs de ses films, dont Les Vacances de monsieur Hulot, et Mon oncle, dont la version anglaise My Uncle est sortie en France en 2005.

Le burlesque

Tati incarne le renouveau du burlesque français. Le personnage de monsieur Hulot avec sa silhouette élancée et sa pipe fait corps avec Tati qui cite lui-même Charlie Chaplin ou Buster Keaton à titre de comparaison. Cependant Tati renonce au privilège de « comique professionnel » ou d'expert du mime, pour mettre en avant la foule de figurants de ses films. Il n'hésite pas à faire appel à des amis du music-hall, les techniciens acceptent de jouer les figurants au milieu des gens du village, eux-mêmes ayant accepté de rester endimanchés tous les jours pour les besoins du scénario de Jour de fête. Sans hiérarchie ni préjugés, les films de Tati reconnaissent à tous les personnages qui apparaissent à l’écran le droit de faire rire.

Le personnage

On a souvent parlé de l’inadaptation du personnage incarné par Tati à la société dans laquelle il vit. Cette inadaptation correspond moins à une volonté de se distinguer qu'au désir d'amener le spectateur à réfléchir sur mille aspects du quotidien. Jean-Louis Schefer34 précise : « Le gag de Tati n’est jamais venu de l’idée de savoir comment faire du cinéma drôle, mais comment vivre ensemble. » Dans l’univers aseptisé et déshumanisant de Mon oncle (1958) où rien n’est laissé au hasard, Monsieur Hulot est l’incident, l’intrusion qui provoque la vie, la gaffe essentielle, l’acte manqué fertile, l’inutile indispensable, la poésie. Plutôt qu'en rétrograde, Tati parodie la société contemporaine en sociologue souriant: s'il se moque beaucoup du monde moderne, en particulier de la technique, le regard qu'il porte sur l'humanité est toujours bienveillant, il n'y a jamais de personnage réellement méchant, mauvais ou violent dans ses films et les personnages les plus caricaturaux gardent des traits attachants ou les retrouvent au détour d'une péripétie.

Mon oncle : analyse du film - Bonus - Tati Story

                     

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René Clair

Fils d'un savonnier, il grandit dans le quartier des Halles à Paris. Il est élève au lycée Montaigne, puis au lycée Louis-le-Grand, où il se lie d'amitié avec Jacques Rigaut. En 1917, il est mobilisé comme ambulancier. En 1918, il devient journaliste à L'Intransigeant sous le pseudonyme de René Després. Il écrit par ailleurs des paroles pour la chanteuse Damia, sous le pseudonyme de Danceny.

 

Il obtient ensuite des rôles dans divers films : Le Lys de la vieLe Sens de la mortL'OrphelineParisette et choisit pour cette occasion le pseudonyme de René Clair. Il devient directeur du supplément cinéma de la revue Théâtre et Comœdia illustré.

En 1922, Il s'essaie à la réalisation en devenant l'assistant de Jacques de Baroncelli sur deux films. Cette même année, il commence la rédaction du scénario du Rayon diabolique qu'il tournera en 1923 et qui sortira en 1925 sous le titre Paris qui dort.

Le ballet Relâche, dont Francis Picabia a écrit le livret, doit être monté entre-temps au Théâtre des Champs-Élysées dont le directeur, Jacques Hébertot, est également celui de Théâtre et Comœdia illustré. Picabia souhaite qu'on projette un film à l'entracte. C'est René Clair qui sera choisi pour le réaliser. Le film d'inspiration dadaïste, Entr'acte, auquel participent également Marcel Duchamp et Man Ray, fera scandale et assurera la notoriété de Clair.

Il enchaîne divers films avec un goût prononcé pour un certain fantastique (Paris qui dortLe Fantôme du Moulin-Rouge et Le Voyage imaginaire qui imposent Albert PréjeanLa Proie du vent avec Charles Vanel et Jean Murat) et la comédie (Un chapeau de paille d'Italie d'après Eugène LabicheLes Deux Timides), tout en s'adonnant à l'écriture : Adams sort chez Grasset en 1926. En 1929, il participe à l'écriture du scénario de Prix de beauté, qu'il devait, initialement, également réaliser, mais qui sera tourné par Augusto Genina, avec Louise Brooks dans le rôle principal.

C'est avec son premier film parlant, Sous les toits de Paris (1930), qu'il acquiert une réputation internationale avec des admirateurs prestigieux (ChaplinEisenstein...), et fixe une certaine image de Paris. Le succès se confirme avec Le Million (1930) et À nous la liberté (1931), satire utopiste de la société industrielle. En 1936, sort Les Temps modernes de Chaplin. La Tobis, société allemande qui produisit À Nous la liberté, et qui entre-temps (1935) était passée sous le contrôle de Goebbels, décide d'attaquer Chaplin pour plagiat et contrefaçon. Clair s'oppose à cette action, considérant le film de Chaplin, personnage qu'il admire, comme un hommage indirect au sien. La Tobis continuera à poursuivre Chaplin.

Après l'échec du Dernier milliardaire (1934), René Clair accepte l'offre qui lui est faite d'aller travailler à Londres. Il y renouera brièvement avec le succès public pour Fantôme à vendre en 1935, mais son film suivant, Fausses nouvelles (1937), remake anglais de Le Mort en fuite sorti l'année précédente en France, déçoit.

De retour en France fin 1938, il commence à tourner Air pur en juillet 1939. Le tournage est interrompu par l'ordre de mobilisation de septembre qui envoie à la guerre divers membres de l'équipe de tournage et le film ne sera jamais terminé. Fin juin 1940, René Clair quitte la France avec femme et enfant, gagne l'Espagne puis le Portugal et s'embarque pour New York. Le gouvernement de Vichy le déchoit de la nationalité française puis, quelque temps après, annule cette décision.

 

René Clair est bien accueilli à Hollywood, il y tournera quatre films : La Belle ensorceleuse (1940), Ma femme est une sorcière (1942), C'est arrivé demain (1943) et Dix Petits Indiens (1945). Ce dernier est une adaptation des Dix Petits Nègres d'Agatha Christie.

Il rentre en France en 1946, tourne Le silence est d'or (1947), La Beauté du diable (1949) où il revisite le mythe de Faust et dirige Gérard Philipe pour la première fois, puis Les Belles de nuit (1952).

En 1955, sort son premier film en couleurs, Les Grandes Manœuvres, qui obtient le Prix Louis-Delluc. Il portera ensuite à l'écran (1957) un roman de René FalletLa Grande ceinture, transformé en Porte des Lilas où l'on peut voir Georges Brassens dans le rôle d'un chanteur qui lui ressemble. La même année il est élu Satrape du Collège de Pataphysique.

En 1960, il est élu à l'Académie française : c'est la première fois qu'un cinéaste en tant que tel y fait son entrée. Au même moment, la Nouvelle Vague bouleverse les règles d'un cinéma de studios dont il était devenu le représentant le plus prestigieux (célébré par les grands critiques de sa génération, de Georges Sadoul à André Bazin).

 

Il alterne ensuite la participation à des films à sketches (La Française et l'Amour en 1960 et Les Quatre Vérités en 1962), et à des longs métrages : Tout l'or du monde (1961) avec Bourvil, puis Les Fêtes galantes qui sortira en 1965 et sera son dernier film.

René Clair se consacre ensuite à l'écriture et à la mise en scène théâtrale. Il remonte, entre autres, Relâche de Francis Picabia en 1970, et touche à l'opéra avec Orphée et Eurydice en 1973, présenté à l'Opéra de Paris.

En 1974, il est président du jury du Festival de Cannes. Il crée la pièce La Catin aux lèvres douces au Théâtre de l'Odéon et s'intéresse à la bande dessinée pour le compte de l'Académie française (Séance publique annuelle des Cinq académies, octobre 1974).

Il meurt le 15 mars 1981 et est inhumé au cimetière ancien de Neuilly-sur-Seine. Son épouse, Bronia, est décédée en 2004.

René Clair avait pour frère un autre cinéaste, Henri Chomette.

Extraits :  A nous la liberté - Porte des lilas

                             

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Pierre Etaix

Pierre Étaix est né le 23 novembre 1928 à Roanne. Tout jeune, il montre des aptitudes pour le dessin. Après avoir travaillé pour un maître verrier en Italie, il s’installe à Paris où il collabore à des revues comme illustrateur. Parallèlement, il se produit comme clown dans les cabarets et les music-halls parisiens ainsi qu’à la télévision. Il fait ses débuts au cinéma comme assistant de Jacques Tati sur le tournage de Mon Oncle (1958)

Découvrant toutes les possibilités créatives de l’art cinématographique, il s’enthousiasme à l’idée de poursuivre cette expérience. Avec son ami Jean-Claude Carrière qui partage comme lui un amour immodéré pour le burlesque américain, il écrit deux courts-métrages qu’il réalise : Rupture (1961) puis Heureux anniversaire (1961) (1962) pour lequel il reçoit l’Oscar du meilleur court-métrage à Hollywood.

La réussite de son premier long-métrage, Le Soupirant (1962) va le révéler définitivement comme un auteur comique de tout premier plan. Formidable hommage aux maîtres du burlesque, notamment à Keaton et Linder, le film étonne par ses gags et sa finesse d’observation. Pierre Étaix compose un personnage de rêveur doté d’une grande élégance naturelle. Son film suivant Yoyo (1965) sera son chef-d’œuvre. À son art incomparable du burlesque, le cinéaste y ajoute une poésie très personnelle, liant avec beaucoup de subtilité le rire et l’émotion. Le film est aussi un vibrant hommage au monde du cirque qui fascine tant le cinéaste depuis son enfance.

Ses films suivants se feront plus satiriques. Dans Tant qu'on a la santé (1966), Le Grand amour (1969) et Pays de cocagne (1971) , il croque un portrait sans complaisance de ses contemporains. Mais au début des années 70, le cinéma artisanal tel que le conçoit Pierre Étaix, paraît de plus en plus anachronique aux yeux des producteurs, avides de gains faciles et rapides. Il se consacre alors de plus en plus au cirque. Déjà, entre 1967 et 1970, il participe régulièrement aux tournées des cirques Bouglione et Pinder. On le voit aussi dans Les Clowns (1970) de Fellini.

En 1971, il fonde avec sa femme Annie Fratellini l’Ecole Nationale du Cirque. Il faut attendre les années 80 pour qu’il fasse une nouvelle incursion dans le monde de l’image. Après avoir interprété un détective dans Max mon amour (1986) de Nagisha Oshima, il adapte pour le cinéma sa pièce à succès, L’âge de Monsieur est avancé (1987). Raffinée et d’une grande intelligence, la mise en scène sert parfaitement l’humour boulevardier de ce beau texte écrit en hommage à Sacha Guitry.

En 1989, il se voit confier la réalisation du premier film de fiction en format Omnimax : J'écris dans l'espace (1989) Peu convaincu par cette expérience, il s’éloigne à nouveau du cinéma, se consacrant au dessin et à l’écriture. Ses films vont durant de longues années rester invisibles en raison d’un imbroglio juridique, avant que la justice ne rende en 2009 ses droits d’auteur à Pierre Etaix sur cinq longs métrages et deux courts métrages.

Il décède le 14 octobre 2016.

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     XIII - LE FILM HISTORIQUE

Carl Theodor Dreyer

Carl Theodor Dreyer (né à Copenhague, le 3 février 1889 - mort dans la même ville, le 20 mars 1968) est un réalisateur danois. Sa carrière fut aussi longue que ses œuvres furent rares : quatorze films en cinquante ans - rareté qui s'explique autant par la frilosité des producteurs que par le soin méticuleux qu'il apportait à la préparation de chacun de ses films, mûris de longues années avant leur tournage. Il demeure, pour la postérité, le cinéaste des visages féminins et des tourments de l'amour chrétien dans une société désenchantée, comme en témoignent, aux deux extrémités de son œuvre, La Passion de Jeanne d'Arc (1928), achèvement des recherches du cinéma muet, et Gertrud (1964), source d'inspiration pour tout le cinéma moderne.

C’est pourtant grâce au franc succès public de l’une de ces oeuvres, Le Maître du logis (1925), que Dreyer fut invité à venir travailler en France. Il se vit alors confier par le vice-président de la Société Générale de films, le duc d’Ayen, un manuscrit composé par l’écrivain Joseph Delteil, qu’il remania pour en faire le scénario de La Passion de Jeanne d'Arc (1928). Dreyer s’intéressait à la vie de Jeanne d’Arc depuis la canonisation de celle-ci, en 1924. Son ambition n’était pas de tourner un simple film d’époque, bien qu’il ait étudié de manière approfondie les documents relatifs au procès de réhabilitation : il voulait « interpréter un hymne au triomphe de l’âme sur la vie ». Restait à trouver la comédienne capable d’incarner la martyre : Lillian Gish, Madeleine Renaud furent un temps pressenties. Mais c’est sur Renée Falconetti, une vedette du théâtre de boulevard, que son choix se porta finalement. La rencontre fut déterminante : au cours du premier essai, Dreyer crut voir aux petites rides, aux marques de son visage que cette femme avait dû connaître « bien des épreuves, bien des souffrances ». Ce visage de douleur devint le sujet même du film, la surface sur laquelle Dreyer pouvait faire apparaître la Passion de la Jeanne d’Arc historique, mais aussi le vrai visage de l’humanité souffrante. L’entente entre l’auteur et sa comédienne fut parfaite, en dépit des sacrifices qu’elle dut consentir (la chevelure qu’elle dut raser, l’intimité que son visage devait révéler) tant était haute l’idée que les deux artistes se faisaient de l’œuvre qu’ils voulaient atteindre, tant était forte l’intuition qu’ils n’approcheraient de la beauté la plus intacte qu’au prix de la plus crue des nudités. Les scènes ayant été tournées dans l’ordre chronologique, il est étonnant de voir à quel point le visage de l’actrice se transforme entre le début et la fin du film. La stylisation des cadrages tranchant dans le vif, l’abstraction des décors, réduits à l’essentiel et comme gagnés par la nudité des visages, la puissance affective du montage faisant se succéder plans de la victime et plans de ses bourreaux, tout concourt à faire de ce film unique une œuvre bouleversante. Un spectateur pouvait bien déclarer à sa sortie : « Comme cette femme a dû souffrir ! » sans qu'on sache s'il parlait de Renée Falconetti, de son personnage ou de la vraie Jeanne d’Arc tant le film les avait rendus indiscernables.

Extrait : Jeanne d'Arc

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     XIV - POLICIER ET SUSPENS

Alfred Hitchcock

 Jean -Pierre Melleville

Brian de Palma

Sir Alfred Hitchcock est un réalisateur, scénariste et producteur de cinéma britannique, naturalisé américain en 1955, né le 13 août 1899 à Leytonstone (Londres) et mort le 29 avril 1980 à Bel Air (Los Angeles).

Plus grand cinéaste selon un classement dressé en 2007 par la critique au Royaume-Uni, The Daily Telegraph écrit : « Hitchcock a fait davantage qu'aucun autre réalisateur pour façonner le cinéma moderne, lequel sans lui serait tout à fait différent. Il possédait un flair pour la narration, en dissimulant avec cruauté (à ses personnages et au spectateur) des informations cruciales et en provoquant comme nul autre les émotions du public ».

Au cours de ses quelque soixante années de carrière, il réalise cinquante-trois longs métrages, dont certains comptent, tant par leur succès public que par leur réception et leur postérité critiques, parmi les plus importants du septième art. Ce sont, entre autres, Les 39 Marches, Soupçons, Les Enchaînés, Fenêtre sur cour, Sueurs froides, La Mort aux trousses, Psychose, ou encore Les Oiseaux.

Après des succès dans le cinéma muet et le cinéma sonore naissant, Hitchcock quitte son pays natal et s'installe à Hollywood, juste avant le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Le 20 avril 1955, il acquiert la citoyenneté américaine3 mais conserve la citoyenneté britannique, qui lui permettra, au soir de sa vie, d'être anobli et nommé Chevalier Commandeur de l'Ordre de l'Empire britannique (KBE). Doué d'un sens aigu de l'autopromotion, notamment au travers de ses caméos, Hitchcock, interprète de son propre personnage, demeure l'une des personnalités du XXe siècle les plus reconnaissables et les plus connues à travers le monde.

Surnommé « le maître du suspense », il est considéré comme l'un des réalisateurs les plus influents sur le plan stylistique. Pionnier de nombreuses techniques dans le genre cinématographique du thriller, Hitchcock a installé les notions de suspense et de MacGuffin* dans l'univers du cinéma. Ses thrillers, caractérisés par une habile combinaison entre tension et humour, déclinent les variations de la figure de l'innocent persécuté à travers des thèmes récurrents : la peur, la culpabilité et la perte d'identité.

*Le MacGuffin est un prétexte au développement d'un scénario. C'est presque toujours un objet matériel et il demeure généralement mystérieux : sa description est vague et sans importance. Le principe date des débuts du cinéma mais l'expression est associée à Alfred Hitchcock, qui l'a redéfinie, popularisée et mise en pratique dans plusieurs de ses films. L'objet lui-même n'est que rarement utilisé, seule sa récupération compte.

Les influences d'Alfred Hitchcock

À ses débuts, Alfred Hitchcock, en dehors du cinéma, est très influencé par le théâtre. Ses tout premiers films sont en effet pour la plupart des adaptations de pièces. Il confiera par ailleurs souvent l'écriture de ses scénarios à des auteurs dramatiques à succès. Comme beaucoup d'Anglais, il est également très friand de littérature policière et de mystère (Poe figure entre autres parmi ses auteurs préférés) et amateur de faits divers (l'histoire du docteur Crippen, notamment, exercera chez lui une certaine fascination). Lorsqu'il était adolescent, il fréquentera souvent les procès de cours d'assises de l'Old Bailey et pouvait, du moins c'est ce qu'il prétendra lui-même par la suite, réciter de larges extraits de comptes rendus d'affaires célèbres.

En ce qui concerne le cinéma, Alfred Hitchcock revendique lui-même l'influence du cinéma muet allemand, expressionniste ou « post-expressionniste ». Parmi les réalisateurs qui l'ont influencé, on peut citer Friedrich Wilhelm Murnau — dans les années 1920, Hitchcock assiste en Allemagne au tournage des Dernier des hommes — et Fritz Lang, dont il cite, parmi les œuvres qui l'auront marqué, Les Trois Lumières (1921) ; selon Claude Chabrol, une bonne partie de l'œuvre d'Hitchcock serait par ailleurs redevable aux Espions (1928). Ces influences sont non seulement perceptibles dans certains films muets d'Hitchcock, comme Les Cheveux d'or (The Lodger, 1927), mais se sentent également dans bon nombre de ses œuvres postérieures. Un exemple concret de l'influence de Murnau : le plan-séquence de L'Aurore (1927) où « l'homme », après avoir traversé un bois, rejoint « la femme de la ville » rappelle, a posteriori, la séquence d'introduction de Rebecca (1940), où un travelling nous emmène jusqu'aux ruines du château de Manderley ; le goût prononcé d'Hitchcock pour les plans-séquences en particulier, et la technique en général, vient sans doute de Murnau. Un exemple concret de l'influence de Lang : au début de M le maudit (1931), la mère attend sa petite fille et guette désespérément son retour sur le palier. Un plan montre alors une vue plongeante strictement verticale sur les volées d'escaliers, que l'on peut rapprocher, entre autres, de plans figurant dans les deux scènes montrant l'ascension du clocher dans Sueurs froides (1958).

Selon certains critiques, on peut voir en Cecil B. DeMille une autre influence majeure d'Hitchcock. Au moment où ce dernier entame sa carrière au cinéma, DeMille est en effet l'un des réalisateurs les plus importants du cinéma mondial. DeMille était l'inventeur de ce qu'on a pu appeler les « comédies du remariage », dans lesquelles des couples mariés se séparent puis se retrouvent. La comédie Joies matrimoniales (1941), d'Hitchcock, est basée sur ce schéma, dont on peut également trouver des traces dans certains autres films du « maître du suspense », où des couples s'affrontent avant de se réunir (Les 39 Marches, 1935 ; La Mort aux trousses, 1959...). Au-delà de ça, on peut trouver un exemple concret de l'influence de DeMille sur Hitchcock — ou bien une sorte d'hommage ? — dans la seconde partie de la version muette des Dix Commandements (1923), plus précisément dans la scène montrant le meurtre de la « vamp » lépreuse échappée de l'île de Molokai, au moment où celle-ci se trouve derrière un rideau, auquel elle s'agrippe quand le « Caïn » de l'histoire tire sur elle. La scène se termine par un plan montrant le rideau qui se décroche progressivement lorsque la femme s'écroule, un plan que l'on retrouve dans la fameuse scène de la douche de Psychose (1960).


 

Jean-Pierre Melville

(1917-1973)

 

De son vrai nom Jean Pierre Grumbach, Melville apprend le cinéma en autodidacte fortuné, jouant à six ans avec une caméra Pathé Baby et avec un projecteur miniature. Melville fait la guerre dans la cavalerie française, puis dans l'armée anglaise enfin dans les FFL (Melville est son patronyme de clandestin, emprunté à l'auteur de Moby Dick qu'il admirait).

1- Seulement 13 films pour un court quart de siècle d'activité.

Bien avant l'idée d'un cinéma d'auteur ne soit promue par les jeunes critiques des Cahiers du cinéma, Melville en expérimente concrètement les ressources en réalisant Le silence de la mer en 1947 (d'après la nouvelle de Jean Bruller, alias Vercors) et parvient à faire un film comme personne n'en avait fait jusqu'alors : c'est à dire seul ou presque, sans carte professionnelle et avec un budget dix fois moindre que pour un film normal.

Pour cette raison notamment, il deviendra l'un des héros de la Nouvelle vague en marche, l'un de ses pères spirituels, bien qu'il ait par la suite marqué ses distances vis-à-vis du mouvement qui éclôt à la fin des années 50. Il possède ses propres studios de tournage, rue Jenner à Paris et se considère aussi loin des gens du métier et ne recourt pas aux grands producteurs de l'époque.

Le silence de la mer (1949) ayant plus à Jean Coteau, Melville réalise ensuite à quatre mains avec lui Les enfants terribles (1950) puis un film plus impersonnel Quand tu liras cette lettre (1953). Bob le flambeur, en 1956, ouvre la série des films noirs mais l'intrigue, située à Deauville, cède allègrement le pas au style et la forme balade supplante toute velléité d'efficacité narrative. Avec Deux hommes dans Manhattan (1959), tourné pour partie à New York, Melville se rapproche davantage du modèle du film noir américain... dont il s'éloigne à nouveau assez profondément avec Léon Morin prêtre (1961).

Le doulos (1962), est de nouveau un film noir situé en France avec une fin sous forme d'une série de flash-back qui contredit la forme classique utilisée auparavant. Dans L'aîné des Ferchaux (1963), d'après Simenon, c'est de nouveau la forme balade qui semble diluer la psychologie des personnages.

Le deuxième souffle (1966), Le samouraï (1967, Le cercle rouge (1970) et Un flic (1972) constituent la tétralogie policière finale de Melville où il manifeste un sens de l'ascèse que l'on retrouve aussi dans L'armée des ombres (1969) consacré à la résistance.

2- Thématique et stylistique

Les thémes de Melville relèvent de deux sources, celle du film noir américain et celle du film de samouraï japonais.

Melville aimait citer la liste des 63 réalisateurs qui composait son panthéon personnel : tous américains, tous confirmés entre 1930 et 1937. La thématique de ses films doit beaucoup à John Huston et à Asphalt Jungle en particulier : même préférence accordée aux personnages par rapport à l'intrigue, même vision pessimiste et taciturne du monde, et, chez les personnages, même indifférence fondamentale à l'égard de l'échec ou de la réussite, considérés comme des caprices sans importance du destin ; rôle relativement secondaire de l'érotisme et de la femme dans la vie des hommes.

Dans les films noirs japonais on retrouve ces motifs des policiers et truands très proches qui constituent parfois des doubles troublants (comme dans Chien enragé et Entre le ciel et l'enfer de Kurosawa, ou Hana-bi de Kitano). Cette vision se retrouve chez Melville. Flics et voyous ont des méthodes radicalement différentes, mais ils fréquentent les mêmes boîtes de nuit, parfois convoitent les mêmes femmes ainsi du commissaire lorsqu'il interroge la maîtresse du samouraï en mettant en oeuvre tous les moyens possibles de séduction, sans succès.

On retrouve aussi le motif des hommes intègres et souvent mutiques, qu'ils soient gangsters, cambrioleurs ou résistants, doués d'un code de l'honneur et d'une éthique personnelle qui prévalent sur toute autre considération qui va inspirer plusieurs cinéastes internationaux comme Kitano, Joel Coen, Michael Mann ou encore John Woo et Johnnie To.

Le style de Melville est pourtant radicalement différent de l'exubérance de ces cinéastes. Le style de Melville, c'est d'abord un sens de l'épure qui peut faire songer aux estampes japonaises : une sécheresse de trait, une forme d'acuité pour l'essentiel uniquement, et un sens de la dramaturgie qui ne s'embarrasse d'aucune forme de superflu. Les scènes d'action sont par exemple le plus souvent vidées de tout contenu spectaculaire : seule "l'exécution" l'intéresse, c'est à dire la façon dont les professionnels s'y prennent, la précision des gestes, la droiture des âmes et la solitude qui accompagne l'excellence acquise dans tel ou tel domaine. C'est pourquoi chez Melville, toute action s'accompagne d'une certaine ritualisation, d'une solennité qui confine à l'ascèse.

Melville se révèle ainsi l'un des grands cinéastes de l'image situation. Chez lui, l'action ne sert pas à transformer une situation mais à révéler la profonde vacuité de toute chose. Tous les hommes sont coupables et il ne sert à rien d'espérer, du moins dans ce monde-ci.


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Brian de Palma

Né en 1940

1- Mise en scène

On a trop dit que Brian De Palma était un auteur maniériste sous le seul prétexte qu'il citait explicitement des plans d'Alfred Hitchcock dans ses films. De Palma serait alors maniériste parce qu'il ne se référerait pas à sa propre manière de mettre en forme le monde mais copierait celle d'Hitchcock. Or, si Brian de Palma est bien un auteur maniériste, c'est de part sa profonde compréhension de l'oeuvre d'Hitchcock qui a ouvert la voie au cinéma moderne en mettant en crise l'image-action. Chez eux, les actions, les affections, tout est interprétation, du début jusqu'à la fin. Ce qui compte, ce n'est pas l'auteur de l'action, ce qu'Hitchcock appelle avec mépris le whodunit ("qui l'a fait ?"), mais ce n'est pas davantage l'action même : c'est l'ensemble des relations dans lesquelles l'action et son auteur sont pris.

Se confronter aux maîtres du cinéma

Quelques films seulement travaillent la mise en scène d'Hitchcock. La filiation avec Hitchcock est assumée dans Soeurs de sang (1973) par le recours à la musique de Bernard Herrmann et un crime sanglant au couteau. Plus net, le clin d'oeil au Psychose de Hitchcock avec la scène de la douche du fantôme du paradis (1974) et, éventuellement, celle du début de Blow out (1981) et mise en son un peu plus tard. Mais c'est Obsession (1976) qui se confronte directement avec Vertigo, le chef-d'oeuvre du maître. En 1974, le cinéaste éprouve un choc en voyant une copie restaurée du film.

En sortant de la projection, il ébauche en compagnie de Paul Schrader un scénario qui relate comme dans le film d'Hitchcock, la quête d'un homme qui, après avoir perdu la femme aimée, croit la retrouver des années plus tard et tente de renouer avec elle le fil de leur histoire. Il ne s'agit que d'une illusion créée par une troisième personne. De Palma comprend si bien Vertigo qu'il parvient à intensifier le scénario en modernisant l'obsession maladive des personnages, à intensifier la portée réflexive que le film porte sur le cinéma et à intensifier les mouvements d'appareils du film d'Hitchcock. Cette triple réussite en fait l'un des sommets de son art.

En 1984, De Palma tente une nouvelle réflexion sur le cinéma d'Hitchcock avec Body double (1984), variation sensuelle de Fenêtre sur cour pour le voyeur, Vertigo, pour la claustrophobie qui immobilise le héros et un travelling circulaire plus virtuose encore que celui d'Obsession ainsi qu'une scène de douche avec doublure, référence au travail du maître pour Psychose. Ces films hitchcockiens sont ainsi centrés sur la seule période 1973-1984.

C'est durant cette même période que De Palma rend hommage à Orson Welles dans une séquence virtuose de split screen du Fantome du Paradis (1974). Avec Blow out (1981), il rend hommage au Blow-up d'Antonioni. Avec Scarface (1983), Il se confronte avec la mise en scène du Scarface d'Howard Hawks dont il fait un remake moderne et terrifiant.

Panoramiques et split-screens

Les mouvements de grue et surtout les incessants flashes-back dont il parsème ses films sont toujours la marque d'un trajet mental qu'accomplit le personnage et, par là-même, le spectateur.

Axé sur la fascination pour la violence, mais aussi pour l'hypnose, la prestidigitation et le paranormal, De Palma a progressivement affirmé son style de film en film. Y abondent les scènes traumatiques qu'il faudra ensuite revoir selon d'autres points de vue ou avec d'autres outils. Il raconte un assassinat vu de trois points de vue dans Meurtre à la mode (1968). Il y aura ensuite le meurtre du gouverneur dans Blow-out (1981), examiné du pont de vu sonore puis photographique et enfin cinématographique ; le meurtre de la voisine dans Body double (1984), la retransmission élusive et donc fausse sur sa montre écran de l'assassinat de son équipe par Ethan Hunt dans Mission impossible (1996), la révision de la scène initiale selon toutes les prises de vues des caméras de télévision dans Snike eyes (1998), le puzzle dans Femme fatale (2002), le rôle que Lee avait prévue pour Bucky dans la fusille le jour de la découverte du corps du Dalhia noir (2006). De Palma finira même par convoquer dix régimes d'images différentes pour comprendre le gâchis de la guerre d'Irak dans Redacted (2007).

Grand cinéaste de la pulsion scopique, il n'est pas étonnant que le split-screen qui la démultiplie soit une figure majeure de son cinéma. Il l'utilise dans dans Hi Mom ! (1970), Sœurs de sang (1973), Le fantôme du paradis (1974), Carrie (1976) et Passion (2012).

2 -Biographie

Troisième fils d'un chirurgien orthopédiste et d'une femme au foyer, Brian De Palma grandit à Philadelphie dans l'ombre d'un frère aîné, Bruce, brillant scientifique adulé par la famille. Lui-même doué pour l'électronique -adolescent, il remporte un concours grâce à un mémoire sur "l'application de la cybernétique aux équations différentielles"-, il s'inscrit à la Columbia University de New York. Marqué par la vision, à 18 ans, de Sueurs froides d'Hitchcock, il découvre avec émerveillement le monde du spectacle durant ses années de fac.

Ayant acheté pour une poignée de dollars une caméra 16 mm, Brian De Palma signe au début des années 60 une poignée de courts et moyens métrages documentaires et de fiction, dont le remarqué Woton's Wake (1962). Etudiant le cinéma au Sarah Lawrence College, il tourne avec ses camarades en 1963 son premier long, The Wedding party avec Robert De Niro, un débutant qu'il présentera en 1970 à son ami Martin Scorsese.

Robert De Niro joue aussi dans Greetings (1968) et Hi, Mom! (1970), comédies féroces et influencées par la Nouvelle Vague. Avec Meurtre à la mode (1968) et Dionysus in '69, De Palma fait ainsi à ses débuts un usage indépendant et contestataire du cinéma, avec des comédies chaotiques, iconoclastes et engagées,

Après une première expérience hollywoodienne malheureuse, Get to Know Your Rabbit (1972), De Palma accède à la reconnaissance en 1973 avec Soeurs de sang, thriller d'épouvante dans lequel il développe deux de ses thèmes fétiches, le double et le voyeurisme. Il œuvre ainsi de manière subversive au sein de la production américaine en compagnie de ses camarades du "Nouvel Hollywood", signant une série de thrillers qui fit en une dizaine d’années sa gloire auprès des cinéphiles qui le qualifie de maniériste ou de  "postmoderne"-, tels le psychédélique Phantom of the Paradise (1974) et Carrie au bal du diable (1976), deux films qui remportent le Grand Prix à Avoriaz.

Si Furie (1978) est un nouveau film fantastique, De Palma s'éloigne du genre pour travailler l'Obsession (1976) et la manipulation avec Pulsions (1980) et Blow out (1981). En 1983, il réalise, sur un scénario d'Oliver Stone, Scarface, relecture du chef d'oeuvre de Hawks avec Al Pacino en baron de la drogue. Après ce film-culte, il s'inspire encore de la mythologie des gangsters pour Les Incorruptibles (d'après la fameuse série), avec Costner et De Niro, qui fait un tabac en salles. Mais un brillant casting ne garantit pas le succès -l'échec retentissant du Bûcher des vanités le prouve en 1991. En 1993, L'Impasse, film noir dont le brio est salué par la critique, marque les retrouvailles du cinéaste avec Pacino.

Considéré comme un "auteur" à l'européenne en raison de la dimension personnelle de films conçus au coeur du système, De Palma est sollicité par la star Tom Cruise pour réaliser Mission: impossible (1996), premier volet des aventures de l'agent Ethan Hunt, dérivées de la série d'espionnage du même nom. Après ce carton au box-office mondial (qui fera l'objet de suites tournées par d'autres metteurs en scène), il signe le plus complexe Snake eyes, nouvelle réflexion sur les faux-semblants. Se plaisant à revisiter les genres (citons aussi le film de guerre avec Outrages en 1990), il s'essaie en 2000 à la SF avec Mission to Mars, qui déconcerte public et critiques, tout comme Femme Fatale (2002), que ce francophile tourne entre Paris et Cannes. Ces revers n'entament en rien son amour du cinéma, qui transparaît dans le troublant Dahlia noir, adaptation du roman d'Ellroy au casting glamour, présentée à Venise en 2006. Mais concevant un cinéma anti-hollywoodien par bien des aspects, il finit par se tourner de plus en plus, à partir des années 2000 et Femme fatale, vers l’étranger pour produire ses films.

L'année suivante, le metteur en scène dirige Redacted. L'oeuvre est engagée et dénonce le pouvoir médiatique par rapport aux évènements historiques et les mensonges qui peuvent en découler, faussant l'Histoire en manipulant les images. Bien qu'ayant reçu le Lion d'Argent de la mise en scène lors de la 64e Mostra de Venise en 2007, le film est un échec cuisant et vivement critiqué aux USA pour sa façon de dépeindre l'armée américaine. Suite à cette déconvenue, De Palma reste cinq années sans réaliser. Le cinéaste est de retour en 2012 et trouve des financements franco-allemands pour tourner Passion à Berlin. Le film est un remake du dernier film d'Alain Corneau, Crime d'amour, et met en scène Rachel McAdams et Noomi Rapace se livrant à un jeu pervers érotico-sadique.

 

     XV - LA DANSE

 

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     XVI - Notre époque

Almodovar

 Bruno Dumont

 Bertrand Blier

 Gus van Sant

 Haneke

 Jim Jarmush

 Kaurismaki

 Roman Polański

 Quentin Tarantino

Gustave Kervern et Benoit Delépine

Après des études de journalisme et un bref passage dans une agence de publicité, Benoît Delépine rentre à la fin des années 80 dans la grande famille Canal +. Sur la chaîne cryptée, son écriture insolente et son sens de la provocation et de l'absurde font mouche. Durant six ans, il est l'un des auteurs des Guignols, puis devient l'une des figures marquantes du journal télévisé satirique Groland, où il crée notamment le personnage du journaliste Michael Kael.

En 1998, Benoît Delépine se lance dans l'aventure cinématographique avec Michael Kael contre la World News Company, long-métrage qu'il écrit et dans lequel il reprend son rôle popularisé sur petit écran. Un an plus tard, il fait la rencontre de Gustave Kervern sur le programme télévisé Grolandsat. De leur collaboration naissent de nombreux sketchs puis, en 2004, Aaltra, road-movie sarcastique tourné en noir et blanc dont ils assurent la réalisation et l'interprétation. Salué par la critique, ce premier long-métrage sera suivi par Avida, en 2006, une comédie métaphysique, absurde et surréaliste, projetée à Cannes hors Compétition.

Fidèle à l'esprit contestataire de Groland, le duo poursuit sur sa lancée et réalise Louise Michel, une comédie noire sur des employés d'une usine décidés à liquider leur patron après une délocalisation sauvage. Porté par Yolande Moreau et Bouli Lanners, le film est notamment récompensé au Festival de San Sebastian où il reçoit le prix du scénario. Deux ans plus tard, les deux amis retrouvent Yolande Moreau aux côtés de Gérard Depardieu, Isabelle Adjani, Benoît Poelvoorde et Miss Ming dans Mammuth. Leur comédie d'abord présentée à la soixantième berlinale manque de peu le grand succès aux César 2011.

Benoît Delépine renouvelle sa collaboration avec Kervern en 2012 pour réaliser Le Grand soir. Les deux réalisateurs réunissent à nouveau les principaux acteurs de Mammuth et font appel à Albert Dupontel qu'ils ont déjà connu dans Avida. A l'instar de ce film, Le Grand soir leur permet de se rendre sur la Croisette en sélection officielle dans la section Un Certain regard.

Les réalisateurs d’« Effacer l’historique », continuent de dénoncer les tares de la société actuelle et s’en prennent aux géants du numérique, les célèbres GAFAM.
 

ITV

Voici bientôt vingt ans que votre œuvre attaque les puissances d’argent et de pouvoir qui dissolvent le lien social, et partant l’humanité. Eu égard au médiocre résultat de ce combat, ne ressentez-vous pas une sorte d’usure ?

Benoît Delépine : Les films ont toujours un rapport avec la réalité. Je rappellerai que notre héros du Grand Soir, interprété par Benoît Poelvoorde, occupait bien avant les « gilets jaunes » le rond-point d’un centre commercial. Et de nouveau, en écrivant la première version d’Effacer l’historique, qui s’intitulait alors Le Dodo, nous décrivions sans le savoir ce mouvement à venir. De sorte que, lorsqu’il s’est réellement produit, nous avons dû tout réécrire parce que nous racontions quelque chose qui était en train de se passer dans l’actualité. Nous nous sommes rabattus sur les GAFA.

Lire la critique d’« Effacer l’historique » : Trois « gilets jaunes » en guerre contre l’intelligence artificielle

EXTRAITS : Louise Michel - Effacer l'historique

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Gus van Sant

Né à Louisville en 1952, Kentucky, Gus Van Sant obtient son diplôme d'arts à la Rhode Island Scholl of Design avant de partir pour Hollywood. Après avoir travaillé deux ans dans les milieux de la publicité à New York, il finit par s'installer à Portland, Oregon, où, tout en continuant à réaliser et à produire, il exerce ses autres talents de peintre, de photographe et d'auteur. ITV

En 1995, Gus Van Sant publie une collection de photos intitulée 108 portraits et deux ans plus tard son premier roman, Pink, satire du monde du cinéma. Lui-même musicien de longue date, il a également réalisé des vidéoclips pour de grands artistes comme David Bowie, Elton John, les Red Chili Peppers et le groupe Hanson.

Héritier de la contre-culture américaine, de Burroughs à la Factory en passant par Kerouac, Gus Van Sant devient une icône du cinéma indépendant avec Mala noche(1985), Drugstore Cowboy (1989) et surtout, My Own private Idaho (1991). Amours difficiles, famille recomposée et amitié mise à l'épreuve sont alors les thèmes principaux de son oeuvre qui met en scène des personnages de solitaires incompris qui tentent de se reconstituer une famille d'élection.

Le relatif échec critique et public de Even cowgirls get the blues (1993), le fait opter pour un cinéma plus commercial sans pour autant abandonner ses thèmes privilégiés. Dans Prête à tout (1995), Nicole Kidman campe avec une frénésie psychotique sidérante une nymphette arriviste fermement décidée à devenir une grande journaliste télé. Dans Will Hunting (1997), Will (Matt Damon), le surdoué en marge, voit sa solitude brisée par l'apparition de la figure paternelle sous le visage de son psy, Sean Maguire (Robin Williams). La quête d'une famille se fait ici par la force, alors que celle-ci est encore plus directe dans A la recherche de Forrester, (2000), qui établit la même relation entre un jeune garçon et un homme d'expérience, en appuyant ici la position de Pygmalion que l'un a par rapport à l'autre (l'écrivain en herbe contre l'auteur de best-seller chevronné).

Gus van Sant développe continûment la facette expérimentale de son cinéma dans la réalisation de courts-métrages qui sont récompensés lors de nombreux festivals. . L'adaptation de la nouvelle de William S. Burroughs The displine of DE, est présentée au Festival de New York. En 1996, Gus van Sant dirige Allan Ginsberg dans une lecture de ses propres poèmes, Ballads of the Skeletons, sur une musique de Paul McCartney et Philip Glass, dont la première se tient en 1997 au Festival de Sundance. Five ways to kill yourself (1987), Thanksgiving prayer (1991), nouvelle collaboration avec Burroughs, figurent aussi sur la liste de ses courts-métrages. Sommet de cette expérimentation, le radicalement esthète, Psychose (1998), conceptuel remake du film de Hitchcock.

L'absence de famille, plus généralement d'adultes responsables, est aussi l'une des explications possibles de la tuerie de Littletown dont il rend compte dans Elephant. La palme d'or remportée à Cannes en 2003 pour ce film permet la sortie en salle de Gerry (2002) puis la réalisation de Last days (2005) et Paranoid Park (2007). Cette tétralogie radicale dans sa neutralité et son ascèse s'appuie sur des partis pris artistiques et esthétiques : travellings au steadycam sur des personnages filmés de dos et répétitions d'une même scène vue sous des angles différents. Le concept de film-cristal développé par Gilles Deleuze permet de dégager la splendide et délicate beauté de cette tétralogie.

Après Harvey Milk (2008) plaidoyer pour la cause homosexuelle au travers de l'une de ses figures charismatique, Gus van Sant développe dans Restless (2011) une nouvelle variation sur l'adolescence et la mort. En 2012, Gus Van Sant retrouve Matt Damon, scénariste et acteur principal de Promised Land, pour un pensum sur l'écologie. Le réalisateur revient en 2015 en compétition au festival de Cannes avec le très décrié Nos souvenirs, dans lequel Matthew McConaughey affronte ses démons et tutoie la mort aux côtés de Ken Watanabe.

Le film Harvey Milk marque un nouveau tournant dans la carrière de Gus Van Sant : si c'est un film orienté grand public, il ne s'agit pas d'une commande mais d'une œuvre personnelle que Van Sant désirait mener à bien depuis longtemps. Le retour du thème de l'homosexualité rappelle sa première période. Il s'agit d'un biopic consacré à l'homme politique du même nom. Le film est l'aboutissement du projet abandonné quelques années plus tôt. Le rôle-titre n'est plus confié à Robin Williams mais à Sean Penn. L'œuvre raconte alors l'ascension politique, à San Francisco, de Milk, fervent militant pour les droits civiques des homosexuels, assassiné en 1978. Gus Van Sant a déjà réalisé plusieurs films à partir d'événements réels : Prête à tout à partir d'un livre romançant une affaire réelle, Gerry dont l'idée est venue de la lecture d'un article sur la disparition de deux jeunes américains dans le désert, Elephant à partir de la fusillade de Columbine, Last Days sur le suicide de Kurt Cobain. Néanmoins, dans ces films, les faits réels étaient tenus à distance par des interprétations poétiques, des représentations différentes de la réalité. Le réalisateur n'y cherchait pas la représentation factuelle de la réalité, il voulait au contraire la dépasser pour mieux toucher à l'universel. Harvey Milk est un tournant dans son œuvre car Gus Van Sant tente d'y donner une image fidèle de faits de l'histoire nord-américaine récente, utilisant par exemple des images d'archives auxquelles il mêle de fausses archives reconstituées.

Harvey Milk rencontre un grand succès critique et public et reçoit huit nominations aux Oscars dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Lors de la 81e cérémonie, Sean Penn gagne finalement l'Oscar du meilleur acteur et Dustin Lance Black celui du meilleur scénario original Gus Van Sant déclare publiquement que son expérience de tournage avec Sean Penn a été « incroyable ».

Après Harvey Milk  Gus van Sant développe dans Restless (2011) une nouvelle variation sur l'adolescence et la mort. En 2012, Gus Van Sant retrouve Matt Damon, scénariste et acteur principal de Promised Land, pour un pensum sur l'écologie. Le réalisateur revient en 2015 en compétition au festival de Cannes avec le très décrié Nos souvenirs, dans lequel Matthew McConaughey affronte ses démons et tutoie la mort aux côtés de Ken Watanabe.

En 2011, son film suivant, Restless est sélectionné au Festival de Cannes dans la section Un certain regard dont il fait l'ouverture.

En 2012, il tourne Promised Land, avec Matt Damon (ce dernier co-scénarise le film avec John Krasinski). Le film se concentre sur un sujet d'actualité : l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis, dans le contexte de la crise financière de la fin des années 2000, avec ses conséquences (pollution environnementale, toute-puissance des lobbies...).

En 2014, il aurait eu pour projet une adaptation du manga Death Note de Tsugumi Ōba et Takeshi Obata33, mais le projet lui aurait finalement été retiré au profit d'Adam Wingard.

En 2014, il tourne Nos souvenirs, un drame sur les nombreux suicides par pendaison dans la forêt d'Aokigahara au Japon. Le film est sélectionné au Festival de Cannes 2015 en compétition officielle, où il est très mal reçu, hué lors des projections de presse. En 2018, il présente Don't Worry, He Won't Get Far on Foot, drame biographique inspiré de la vie de John Callahan, un tétraplégique alcoolique qui se lance avec succès dans le dessin de presse. Produit par Amazon studios, ce 17e long métrage ne suscite pas l'enthousiasme de la critique ni l'intérêt du public.

Proposition d'un projet : Black-Hole

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Michael Haneke

Michael Haneke est un réalisateur et scénariste autrichien né le 23 mars 1942 à Munich.

Après avoir travaillé pour le théâtre et à la télévision, Michael Haneke se fait connaître comme cinéaste au cours des années 1990. Ses mises en scène explorent une généalogie du mal ordinaire dans nos sociétés, que ce soit par la culture télévisuelle (Benny's Video), le racisme et l'histoire refoulée (Caché), l'incommunicabilité (Code inconnu), la pression socio-familiale et la névrose sexuelle (La Pianiste), les diktats de la société de consommation (Le Septième Continent), les dogmes religieux (Le Ruban blanc), ou encore la vieillesse et la dégradation tant psychologique que physique (Amour). Une partie de la critique le classe dans la « cinéphilosophie ».

Haneke ouvre une expérience de spectateur traumatique dans la dureté des scènes exposées ou la manifestation d'une brutalité insoutenable, généralement hors-champ. Ses films ont souvent divisé la presse et le public.

Onze de ses longs métrages ont été sélectionnés au Festival de Cannes, d'abord à la Quinzaine des réalisateurs, puis à partir de Funny Games, en compétition. À Cannes, Haneke a gagné de nombreuses récompenses : le Grand Prix, le Prix de la mise en scène, et la Palme d'or à deux reprises, pour Le Ruban blanc en 2009 puis pour Amour en 2012. Il fait partie des huit réalisateurs à être doublement palmés avec Francis Ford Coppola, Shōhei Imamura, Emir Kusturica, Bille August, les frères Dardenne et Ken Loach.

Par ailleurs, Amour lui vaut plusieurs prix, en 2012 et 2013, qu'aucun cinéaste n'avait obtenus pour un même film : la palme cannoise, le Golden Globe, le BAFTA et l'Oscar du meilleur film étranger ainsi que l'European Award et le César du meilleur film.

Style et thématiques de Michael Haneke

Rythme

Le rythme des films de Michael Haneke est souvent marqué par une dilatation du récit. Il peut n'y avoir aucune véritable intrigue ou aucun nœud dramatique clair (71 fragments..., Code inconnu). Le réalisateur traite son tempo narratif de manière musicale, jouant sur le contraste, le contrepoint, la pause, la nuance, la rupture, l'accélération et l'ellipse. Sur le plan formel, il étire la durée de ses plans et inclut des périodes de vide, de frustration, voire d'irritation tant pour le personnage que pour le spectateur. De même, il utilise fréquemment la présence d'un mystère en trompe-l'œil qui restera en partie non dévoilé, en donnant toutefois des éléments d'interprétations possibles (Caché, Le Temps du loup, Le Ruban blanc, l'ouverture d'Amour).

Violence

Le cinéaste innove particulièrement dans la manière de mettre en scène la violence. En effet, son œuvre, d'une radicalité assumée, propose une réflexion sur les comportements archaïques au cœur de la civilisation occidentale. Sans être stylisée ou spectaculaire, cette violence sous-jacente surgit de manière structurelle et extrême, notamment dans le début de ses films. Elle est souvent plus suggérée que montrée frontalement : le meurtre de la jeune fille, rendu par les cris stridents hors-champ dans Benny's Video, les scènes de torture et de meurtre dans Funny Games, signifiées par des hurlements ou du sang sur un téléviseur, la mutilation génitale que s'inflige le personnage de La Pianiste, filmé de profil... Cette violence n'est généralement pas justifiée de manière évidente, ce qui rend la mise en scène encore plus sèche et brutale et les procédés qui la rendent palpable créent, entre proximité et distance totale, un malaise tel que la notion de « pornographie de l'épure », fut utilisée par le magazine Télérama à propos de Funny Games :

« [...] peut-on impunément filmer l'horreur sans prendre parti ? L'impassibilité qu'il revendique amène Haneke à un curieux choix esthétique : ce qu'on pourrait appeler la pornographie de l'épure. Prenez le plan de sept minutes où il filme, de loin, un gamin mort, une femme, couverte d'ecchymoses, qui sautille pour se libérer de ses liens et un homme qui éclate en sanglots convulsifs. Apparemment, c'est parfait : pas de sang, une caméra immobile ou presque (un léger panoramique). On est dans la dignité irréprochable. Sauf que cette dignité est fausse. Les longs plans fixes d'un Angelopolous ou d'un Tarkovski bouleverseraient par leur sincérité. Celui-là est calculé, malin, artificiel. L'impudence naît de cette pudeur forcée. La première règle d'un cinéaste qui se respecte, c'est la liberté qu'il laisse aux spectateurs d'aimer ou non les personnages. Ici, les personnages sont des marionnettes, et les spectateurs des cobayes de laboratoire. Sur l'écran, les deux meurtriers nous font des clins d'œil, pour nous rendre complices du plaisir qu'ils prennent à tuer. 

La barbarie amplifiée par les images issues de l'industrie du divertissement et du spectacle (télévision, jeux vidéo, films d'action hollywoodiens, hardrock) et les civilités de la bonne société s'échangent et se confondent. En réalité, Haneke met en scène une violence banalisée, générée par un univers familier.

Rêve et réalité

Michael Haneke alterne récits intimistes centrés sur quelques personnages (Benny's Video, La Pianiste, Amour), huis clos (Funny Games, Amour) et fresques unanimistes, proches dans leur conception du « théâtre épique » défini par Bertolt Brecht (71 fragments..., Le Temps du loup, Le Ruban blanc). Le cinéaste affirme vouloir mêler divers registres afin d'éviter le sens unique et le film à thèse : bien que situées dans un cadre très réaliste, ses œuvres manifestent un certain maniérisme et laissent une large place à l'irrationnel. Elles s'aventurent parfois aux frontières de l'onirisme, voire d'un fantastique kafkaïen. Le final du Temps du loup, la scène de décapitation du coq dans Caché, les annonces prophétiques du Ruban blanc, les apparitions-disparitions du pigeon et la traversée, par Jean-Louis Trintignant, d'un couloir sombre et inondé dans Amour se situent volontairement du côté de l'irréalité ou du cauchemar. Par ailleurs, le film est régulièrement renvoyé à sa nature d'artifice et de mensonge (la mise en abyme et « l'image dans l'image » dans Benny's Video et Caché, les clins d'œil au public et les apartés du meurtrier ou encore l'effet « rembobiné » d'une séquence de mise à mort dans Funny Games...). Le cinéaste explique lui-même cette démarche : « Si le cinéma veut être une forme d'art, il doit nécessairement d'abord s'interroger sur son pouvoir de figuration. C'est une question essentielle. Sans ça, il est trop facile d'en user pour imposer une vision simpliste du réel ; ou manipuler le spectateur, prétendre le divertir pour lui imposer un sens. ». Ses films mêlent donc indistinctement réalisme, fable, banalité quotidienne et allégorie54.

Rapport à l'image du spectateur

Haneke met sans cesse le spectateur de ses films en situation d'inconfort. La manière habituelle de percevoir une œuvre cinématographique est changée par la volonté de rejeter toute lecture psychologique, de provoquer des réactions vives et émotives et d'interroger le public sur sa responsabilité de « témoin » face aux scènes exposées. Des questions d'ordre social, politique, historique, culturel ou moral lui sont assénées et aucune réponse n'est apportée. Caché met par exemple en scène, de manière métaphorique, certains éléments de la Guerre d'Algérie à travers la relation entre Daniel Auteuil et Maurice Bénichou mais laisse ouverte la façon d'interpréter le retour de l'histoire refoulée dans l'existence d'individus ordinaires. Plus globalement, le cinéaste interpelle sur la manière systématique de figurer la réalité et de la confondre avec ce qui est montré à l'écran. La vérité semble insaisissable et le réel apparaît comme une série de fragments visuels et sonores, sans lien logique apparent. Cette représentation d'images énigmatiques est visible dans Le Septième Continent et Code inconnu50. 71 fragments... éparpille, quant à lui, des séquences mises au hasard que chacun est amené à rassembler selon sa pensée. L'image en elle-même est utilisée par Haneke dans un questionnement sur sa capacité à manipuler celui qui la regarde. Benny's Video, Code inconnu, Caché et La Pianiste opèrent en ce sens une confusion volontaire dans le passage d'une image à l'autre : la fiction est confondue avec des bandes de caméscope, des séquences télévisées ou des jeux vidéo. La frontière entre les différents niveaux d'image est brouillée et le public devient le miroir de phobies et de névroses sur l'exemple des personnages. Par ailleurs, Haneke montre la manière dont les médias de masse mettent chaque image sur le même plan, sans jamais les hiérarchiser. Selon le réalisateur, « la question n'est pas de savoir ce qu'on a le droit de montrer, mais comment permettre au spectateur de comprendre ce qu'on lui montre. ». Cette logique réflexive a poussé Thomas Neuhauser d'Arte à qualifier ses films d'« essais filmés ».

Rejet du cinéma commercial américain

Le réalisateur affirme avoir été traumatisé, dans sa jeunesse, par l'esthétique et la dramaturgie hollywoodiennes. Il s'oppose notamment à un courant du cinéma américain, initié par Oliver Stone et Quentin Tarantino, qui n'offrirait que des images violentes, spectaculaires et sans distance critique. Pour Haneke, cette veine postmoderne et ultra-violente de la production américaine serait incapable de réaliser son pouvoir sur le spectateur pour qui elle rendrait le sang et la souffrance attractifs. Il explique que les films qui en sont issus déréalisent la violence et la manière de la montrer, masquée sous une posture de vraisemblance, devient le prétexte à un défilé de scènes grandiloquentes. Selon lui, ce procédé cache des valeurs fascisantes comme l'autodéfense et la vengeance. Fidèle à sa méthode, il dit vouloir aiguiser, en réaction, une forme de conscience au-delà des représentations primitives. Néanmoins, avec sa trilogie autrichienne consacrée au thème de la « glaciation émotionnelle »50 (Le Septième Continent, Benny's Video et 71 fragments...), il montre son désir de s'éloigner aussi d'un cinéma d'auteur complaisant et trop agréable dans son approche esthétique.

Choix esthétiques

La mise en scène de Haneke révèle une rigueur mathématique dans l'élaboration du cadre et l'usage du montage. Haneke pense minutieusement la composition de ses plans, étirés dans le temps. Selon Isabelle Huppert, « il se laisse guider par le mouvement d'un visage, c'est ça qui rend sa mise en scène très organique. » Ses réalisations accordent par ailleurs un soin extrême au son. Généralement, elles n'utilisent pas de plage musicale (les rares morceaux de musique sont joués ou écoutés par les personnages) et privilégient des plans fixes et des plans-séquences aux couleurs ternes. Le montage parallèle est aussi fréquemment employé au même titre qu'une bande sonore précise, reconstituant d'une façon très signifiante diverses ambiances : l'eau stridente du robinet ou la pluie battante dans Amour, le craquement saturé du plancher dans La Pianiste, etc. Michael Haneke peut consacrer plus de deux mois à travailler le son et le mixage après l'achèvement du montage. Il utilise par ailleurs de manière répétée les transitions brutales marquant le passage du temps, comme de brefs écrans noirs.

Influences

Michael Haneke et les acteurs du Ruban blanc au Festival de Cannes 2009.

Admirateur d'Alfred Hitchcock, qu'il considère comme « le plus grand des maîtres »60, d'Ingmar Bergman, Robert Bresson et Pier Paolo Pasolini, le cinéaste évoque dans Le Ruban blanc par le sujet, les cadres, le noir et blanc et la lumière, sa fascination pour l’œuvre de Carl Theodor Dreyer. Dans ce film, des analogies sont également établies avec Le Village des damnés de Wolf Rilla, Le Village de M. Night Shyamalan et Le Journal d'une femme de chambre de Luis Buñuel Haneke semble être influencé, sur le plan littéraire, par Franz Kafka et Frank Wedekind, notamment par L'Éveil du printemps. D'autres références peuvent être notées dans ses œuvres : Caché évoque Lost Highway de David Lynch pour l'histoire d'un couple perturbé par la réception de cassettes vidéo anonymes et Blow-Up de Michelangelo Antonioni pour la notion d'image dans l'image et de projection fantasmatique. Le Temps du loup rappelle, quant à lui, le cinéma d'Andreï Tarkovski. À noter que le réalisateur déclare admirer l'œuvre de Bruno Dumont et Abbas Kiarostami. En 1999, le quotidien suisse Le Temps décèle l'empreinte culturelle de la Mitteleuropa dans sa vision du monde, caractérisée par l'étude de l'absurdité, de la violence et du mal-être des sociétés modernes. Le cinéaste est par ailleurs rapproché de la tradition littéraire et philosophique austro-allemande que revendique Jelinek et qui utilise l'art comme une forme d'analyse et de mise à distance. Isabelle Huppert relie Haneke à une culture de polémiste héritée de Karl Kraus et Thomas Bernhard. Selon elle, ses films s'inscrivent « comme chez Bernhard dans une tradition autrichienne où noirceur et humour se mêlent. […] L'Autriche est une terre qui produit des névroses mais aussi de la culture, c'est un peu ambigu, comme dans les films où le rôle de la musique est très ambigu. »

Lors du sondage décennal de Sight and Sound, il fut demandé à plusieurs réalisateurs de donner leurs dix films favoris. Lors du sondage de 2002, le réalisateur autrichien communiqua son choix64,65 :

  1. Au hasard Balthazar de Robert Bresson

  2. Lancelot du Lac de Robert Bresson

  3. Le Miroir d'Andreï Tarkovski

  4. Salò ou les 120 jours de Sodome de Pier Paolo Pasolini

  5. L'Ange exterminateur de Luis Buñuel

  6. La Ruée vers l'or de Charlie Chaplin

  7. Psychose d'Alfred Hitchcock

  8. Une femme sous influence de John Cassavetes

  9. Allemagne année zéro de Roberto Rossellini

  10. L'Éclipse de Michelangelo Antonioni

Le cinéaste déclara ensuite qu'en cas de nouvelle liste, il rajouterait également Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone et qu'il classerait en premier Le Miroir. Il précise souvent qu'il fut terrifié par Salò ou les 120 jours de Sodome, et qu'il ne revisionna pas le film.

 

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Jim Jarmusch

Jim Jarmusch, en 1953.

I -Mise en scène

Élégant et raffiné, le cinéma de Jim Jarmusch met en scène des personnages à la fière indépendance qui tirent leur force de la confrontation avec la culture du passé et de rencontres permises par leurs déplacements incessants. La sensation d'un récit non unifié avec de nombreux faux mouvements est contrebalancée par la musique. Lui est confiée le soin de réunifier l'expérience humaine vécue par les personnages.

Pointes de présents et nappes de passé

Les héros jarmuschiens sont d'éternels promeneurs, des errants sans attaches qui évoluent dans un monde globalement hostile. Adolescents un peu paumés, tueurs ou vampires, comptable ou poète, ils ont tous à cœur de tenir à leur éthique, tous à cœur de tenir leur rang. Ainsi du refus du monde adulte synonyme d'installation pour changer de lieux et favoriser les rencontres dans Permanent vacation (1980) et Stranger than paradise (1984), ainsi d'assumer sa solitude sans haine, faute de mieux dans Dawn by law (1986); d'être fidèle à une passion ou une mission dans Mystery train (1989), de trouver la voie du samouraï dans Ghost Dog (1999), de donner à sa vie une vision en accord avec l'art dans The Limits of Control (2009) et Paterson (2016), de tenir son rang de vampire en s'interdisant de mordre les humains et de se fournir de sang dans les hôpitaux.

Les personnages de Jarmusch explorent ainsi une longue tradition culturelle dans laquelle ils vont plonger pour mieux assumer leur présent. Dead man et Ghost Dog s'approprient, pour l'un, l'Amérique éternelle, celle de Whitman et des westerns, et pour l'autre, le Japon éternel, sa morale et ses rites. Malgré leurs corps fatigués, blessés ou malades, ils iront jusqu'au bout de cette absorption... et en mourront. The Limits of Control en appelle aux tableaux du musée d'art Raina Sofia. Only lovers left alive, quatrième incursion de Jarmusch dans le cinéma de genre, celui du film de vampires, est paradoxalement le plus vivant. Corps fatigués et malades, Adam et Eve, premiers hommes et derniers vampires sont bien proches d'accepter la mort. Pourtant, capables d'une nouvelle admiration, ils renonceront à se laisser absorber par le suicide généralisé de l'époque contemporaine.


Une géographie "stranger than paradise"

Puisant leur force présente dans leur confrontation avec les racines de la culture, les personnages trouvent aussi dans la confrontation avec l'autre les forces pour vivre plus intensément. Chez Jarmusch, "stranger than paradise" : l'étrangeté est préférable au paradis. L'hétérogène, le corps étranger est la vraie chance des personnages. D'où, peut-être l'intérêt pour la confrontation des cultures qu'apporte la présence de Roberto Benigni dans Dawn by law et que l'on retrouvera dans le couple japonais de Mystery train ou l'émigré tahitien dans Ghost dog. D'où la caractéristique de la majorité des films de Jim Jarmusch : leur construction à partir d'une géographie fragmentée : les chambres quittées par Allie au début de Permanent vacation et sa fuite finale vers Paris : trois lieux géographiques dans Stranger than paradise (New York, Cleveland, Floride) ; quatre milieux (La Nouvelle Orléans, une prison, les marais de Louisiane, le restaurant de Nicoletta) dans Dawn by law, trois chambres dans Mystery train (celle du couple de japonais et celles de l'Italienne et de l'Anglais) ; cinq histoires dans cinq villes (Los Angeles, New York, Paris Rome, Helsinki) dans Night on Earth (1991). Coffee and cigarette (2002) fragmente la narration non par la multiplicité des lieux mais par celle de ses multiples intervenants. On trouve quatre maisons pour les quatre femmes recherchées dans Broken Flowers (2004) quatre villes (Paris, Madrid, Séville, Alméria) dans The limits of contol (2009) et une narration partagée entre Tanger et Detroit dans Only lovers left alive (2013).

La musique avant toute chose

Ce qui vaut pour les personnages (sortir du champ pour trouver une nouvelle chance) vaut aussi pour la forme des films : sortir du dispositif clos d'un lieu. D'où, pour le spectateur, la sensation d'un récit non unifié et de nombreux faux mouvements. C'est alors souvent à la musique qu'est confié le soin de réunifier l'ensemble. C'est la musique jazz de John Lurie dans Permanant vacation, Stranger than paradise, Dawn by law, et Mystery train (avec la reprise du tube éponyme d'Elvis) et les chansons de Tom Waits dans Dawn by law et La guitare de Neil Young dans Dead Man ; le hip-hop de RZA dans Ghost Dog ; le jazz de l’Éthiopien Mulatu Astakte dans Broken Flowers. Les sons de guitares distordues du groupe rock japonais "expérimental" Boris accompagnent le voyage métaphysique du Solitaire de The Limits of Control.

II- Biographie

Avec une mère critique de cinéma dans un journal local de l'Ohio, Jim Jarmusch s'affirme très tôt comme cinéphile. Déménageant pour New York à 17 ans, il étudie la littérature à l'université de Columbia avant de partir un an à Paris, où il fréquente assidûment la Cinémathèque. De retour à New York, il s'essaie à la musique et à la poésie avant de s'inscrire dans la section cinéma de la New York University.

Jarmusch finance son film de fin d'études, Permanent Vacation (1980), avec l'argent d'une bourse destinée à payer ses frais de scolarité, ce qui lui coûte son diplôme. Il est aidé dans cette première réalisation par Nicholas Ray et Wim Wenders qu'il rencontre sur le tournage de Nick's Movie. Cette errance dans New York reçoit de bonnes critiques et Jarmusch peut s'atteler à Stranger than paradise (1984), co-financé par Wim Wenders. Présenté à Cannes dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs, ce road-movie contemplatif, tourné en noir et blanc, décroche la Caméra d'Or. Promu nouvelle coqueluche du cinéma indépendant américain, il revient sur la Croisette, mais cette fois en compétition, avec Down by law (1986), ou l'épopée drôle et absurde d'un trio de taulards, formé par deux Américains (Tom Waits et John Lurie) et un Italien (Roberto Benigni).

Ce goût pour la confrontation des cultures se retrouve dans Mystery train (1989), film-puzzle qui croise les destins de marginaux à Memphis, la ville d'Elvis. Adepte du format court, il réalise en 1991 le film à sketches Night on Earth, qui relate cinq rencontres entre un chauffeur de taxi et un(e) passager(e), dans cinq villes du monde. De même, il tourne une série de courts métrages intitulés Coffee and cigarettes (qui seront regroupés en 2004) dans lesquels on retrouve son univers décalé et ses comédiens fétiches -l'un de ces films fut couronné de la Palme d'or du court métrage en 1993.

En 1995, Jim Jarmusch revisite le western avec Dead Man, oeuvre onirique présentée à Cannes, portée par un Johnny Depp à la présence magnétique. Le cinéaste s'amuse ensuite à détourner d'autres codes, ceux du film de samouraï, dans Ghost Dog : la voie du samouraï (1999), portrait d'un tueur à gages zen incarné par Forest Whitaker. Quinquagénaire à l'allure d'éternel adolescent, Jim Jarmusch signe en 2005 un road-movie mélancolique Broken flowers, avec Bill Murray dans le rôle d'un Don Juan vieillissant qui part à la recherche de son fils. Plus accessible que ses précédents films, cette comédie récolte le Grand Prix à Cannes. Quatre ans plus tard, Jarmusch propose une variation énigmatique autour du film noir, The Limits of Control, dont le casting chic mêle encore amis et icônes : Tilda Swinton, Bill Murray ou John Hurt se succèdent face au Loner Isaach de Bankolé.

Après l'échec public et critique de ce film, Jim Jarmusch réalise, avec de grosses difficultés financières, Only Lovers Left Alive (2013), sélectionné en compétition officielle au Festival de Cannes. Le film met en scène un couple de vampires, Adam et Eve, à la recherche de sang humain dans les ruelles de Tanger et de Détroit.

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Kaurismaki

 

Aki Kaurismäki nait à Orimattila et passe sa jeunesse dans différentes communes comme Toijala ou Kouvola où il est membre actif des ciné clubs.

Aki Kaurismäki prépare son baccalauréat au lycée de Kankaanpää et l'obtient en 1973.

À la fin des années 1970, il étudie le journalisme pendant trois ans à l'université de Tampere. Selon ses propres mots, Aki Kaurismäki « regrette de ne pas avoir passé ces trois années dans une école professionnelle, le métier de menuisier ou d'électricien aurait eu au moins une utilité ».

Pendant sa période à Tampere, Aki Kaurismäki s'investit beaucoup dans le cinéma. Entre autres, il est membre du ciné club Monroe, il participe à l'organisation du Festival du film de Tampere, il est critique de films et autres sujets culturels pour la revue Aviisi des étudiants de Tampere. Au tout début, Aki souhaitait devenir écrivain mais il finira accro au cinéma.

Son frère aîné, Mika Kaurismäki, est lui aussi réalisateur.

Aki Kaurismäki qui fréquente diverses cinémathèques des environs d'Helsinki, écrit des articles sur les films. Il est recalé à l'entrée de l'école de cinéma (où on le juge trop cynique) et apprend donc sur le tas. Pour gagner sa vie, il exerce une grande variété de métiers (facteur, ouvrier du bâtiment, etc.); le reste du temps il voit une grande quantité de films dans les circuits Art et Essai et commerciaux, et lit beaucoup.

Le début de sa carrière cinématographique est marqué par une étroite collaboration avec son frère Mika : il joue dans ses films — dès son film de fin d'étude Le Menteur (1981), en écrit les scénarios et coréalise certains. Son premier long métrage est une adaptation remarquée d'un roman de Dostoïevski : Crime et Châtiment (1983). Il enchaîne ensuite avec un film tout à fait différent, Calamari Union (1985), afin de ne pas se sentir obligé de faire mieux que le précédent. Kaurismäki dit admirer l'œuvre de Teuvo Tulio, son « maître » dans le domaine du cinéma. Amoureux de la Nouvelle Vague, il donne le nom de Villealpha à sa maison de production, en hommage au film Alphaville de Jean-Luc Godard.

Crime et châtiment (Affiche introuvable en français)  
Ses films commencent à attirer l'attention dans les festivals, notamment le loufoque et musical Leningrad Cowboys Go America (1989), qui connaîtra une suite, Les Leningrad Cowboys rencontrent Moïse (1994), elle-même entourée de divers courts-métrages et suivie d'une captation live des Leningrad Cowboys et Chœurs de l'Armée rouge : Total Balalaika Show en 1994.

Kaurismaki obtient une large reconnaissance internationale avec La Fille aux allumettes (1990), troisième volet de sa Trilogie du prolétariat où jouent ses deux acteurs préférés Matti Pellonpää et Kati Outinen.  

Il tourne ensuite notamment J'ai engagé un tueur avec Jean-Pierre Léaud qu'il admire depuis toujours et avec qui il devient très ami, adapte l'opéra La Bohème (La Vie de bohème), avec des acteurs français et Matti Pellompää, puis réalise un remake muet du classique du cinéma finlandais Juha (1999). Son film L'Homme sans passé qui reçoit le Grand Prix et le Prix d'interprétation féminine au Festival de Cannes en 2002 est nommé aux Oscars en 2003 pour le meilleur film en langue étrangère.

Il écrit et réalise Le Havre, un film finno-franco-allemand, sélectionné pour le Festival de Cannes 2011, qui reçoit le Prix Louis-Delluc en 2011.

Aki Kaurismäki a joué un rôle important dans la création, en 1985, du Midnight Sun Film Festival (Festival du film du soleil de minuit) à Sodankylä en Laponie.

Il a également été, un temps, l'attaché de presse du festival du court-métrage de Tampere8.

Il sort en 2017 son deuxième volet sur la trilogie des migrants, L'Autre Côté de l'espoir, très bien accueilli. Le cinéaste annonce néanmoins qu'il n'achèvera pas sa trilogie et prend sa retraite après ce film.

LE STYLE

Dans ses meilleurs films, Aki Kaurismäki rejoint le naturalisme selon la conception deleuzienne qui en fait une forme de surréalisme.

C'est ainsi le cas dans la trilogie ouvrière, Ombres au paradis (1986), Ariel (1988) et La fille aux allumettes (1990) ou de la trilogie des marginaux, Au loin s'en vont les nuages (1996), L'homme sans passé (2002) et Les lumières du faubourg (2006). Le monde originaire ne manque pas de happer les personnages en quête d'un quotidien social normal. La réalité sociale tranquille, celle du travail, est refusée à la plupart des héros de Kaurismäki. Le monde originaire auquel ils retournent apparaît sous la forme des ordures que doit ramasser le héros éboueur de Ombres au paradis (1986) ou des usines de découpe de viande dans Crime et Chatiment (1983) et Ariel (1988), ou encore des ruines du cabaret dévasté de J'ai engagé un tueur (1990).

Cette misère éternelle apparaît aussi au détour des chansons tristes de bien des films : Damia dans La vie de Bohème, Serge Reggiani dans J'ai engagé un tueur et les trois chansons de bal de la trilogie ouvrière. "Au-delà de l'arc-en-ciel, il est un pays de rêve, je me souviens de la chanson du pays de conte de fées.." dans Ariel, "De l'autre coté de la haute mer, il existe un pays où des vaques clapotent sur les rives du bonheur..." dans La fille aux allumettes).

Sauvent de la déchéance qui guette, l'amitié (celle du peintre, de l'écrivain et du musicien de La vie de Bohème), la maladresse (le clou dans J'ai engagé un tueur) et le hasard (la grève du gaz) dans ce même film.

Le burlesque de Kaurismäki tient au fait que le pire n'est jamais sur (le départ de la mine dans Ariel vaut mieux que le garage qui s'écroule, le toit ouvrant dont le mécanisme ne se découvre qu'à la fin) mais que rien n'est jamais gagné ( l'unique annonce de l'agence pour l'emploi). L'alcool joue souvent ce rôle alternativement ou salvateur ou destructeur.

Si le quotidien leur échappe, il en est de même de la réalité géopolitique mondiale. La répression sur la place Tien Anh Men, l'explosion de gaz en URSS et ses 700 victimes, la mort de l'ayatollah Komeny en Iran, autant de nouvelles télévisées reçues avec indifférence par La fille aux allumettes. L'industrie mondialisée apparait aussi sous la forme symbolique... des canards en plastique dans Hamlet gets business.

Le Mexique lieu de destination de Ariel et des Leningrad Cow-boys go America l'inspire davantage que la froide Grande-Bretagne ou une France abstraite, où il réalise respectivement J'ai engagé un tueur (1990) et La vie de Bohème (1992).

Kaurismaki ne s'attarde pas sur des dialogues qui expliciteraient la psychologie de personnages toujours pris dans des situations incertaines et qui accueillent avec philosophie les coups du destin. Peu d'effets de mise en scène appuyés (si ce n'est des zooms avant vers ou à partir d'un visage, des gros plans d'objets (tour Effel, horloge, bouilloire puis corde et clou de pendaison) comme autant d'accessoires capables de changer le cours des choses. D'où cette tendance au laconisme. Il faut attendre sept minutes pour entendre une première phrase dans J'ai engagé un tueur : ce sera "la direction veut vous voir ", vingt minutes pour entendre le "putain" adressé par le père dans La fille aux allumettes et bien sur l'absence totale de paroles dans Juha.

  En images - ITV  - Dernier Interview de Kaurismaki

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Roman Polański

Roman Polański souvent francisé en Roman Polanski, né Raymond Thierry Liebling le 18 août 1933 à Paris, est un réalisateur, producteur et scénariste franco-polonais, également comédien, ainsi que metteur en scène de théâtre et d'opéra.

Scénariste et réalisateur d'une quarantaine de films, dont une vingtaine de longs-métrages, il a mis en scène de nombreux succès auprès des critiques et des spectateurs, comme Répulsion, Cul de sac, Le Bal des vampires, Rosemary's Baby, Chinatown, Le Locataire, Tess, Le Pianiste, The Ghost Writer, Carnage ou encore J'accuse. Considéré comme l'un des cinéastes les plus talentueux au monde depuis les années 1960, Roman Polanski a l'un des palmarès les plus étoffés de sa profession, avec un Ours d'or en 1966, cinq césars du meilleur réalisateur entre 1980 et 2020, une palme d'or en 2002, l'oscar du meilleur réalisateur en 2003, et le grand prix du jury de la Mostra de Venise pour J'accuse en 2019.

Survivant du ghetto de Cracovie, son enfance est marquée par l'assassinat d'une partie de sa famille lors de la Shoah. En 1969, sa seconde femme, Sharon Tate, est assassinée par des membres d’une secte dirigée par Charles Manson, alors qu'elle est enceinte.

Condamné par la justice américaine dans une affaire d'abus sexuel sur mineur en 1977, Roman Polanski est considéré par Interpol comme un fugitif : à la suite de sa condamnation, après avoir purgé une première peine aux États-Unis, il a fui le pays avant d'y être à nouveau condamné dans la même affaire. Dans les années 2010, plusieurs autres femmes l'accusent de violences sexuelles qui se seraient produites dans les années 1970. Roman Polanski nie ces accusations, hors celle de 1977.

Roman Polanski est également acteur et a joué dans un certain nombre de ses propres films. Au théâtre, il a également mis en scène diverses pièces, et joué dans certaines, parfois avec d'autres metteurs en scène. Il a également mis en scène des opéras.

Style et thèmes

Parcours international

Par son cosmopolitisme, sa maîtrise des langues et son parcours, Polanski est un réalisateur atypique à l'univers pluriel et cohérent. La critique évoque chez lui une capacité à se renouveler tout en restant fidèle à certaines préoccupations esthétiques et thématiques. La diversité des genres qu'il aborde et qu'il s'amuse parfois à confondre (thriller, film historique, drame psychologique, film noir, comédie, film fantastique), la maîtrise technique de ses films et ses audaces formelles en font une figure majeure du 7e art. Ses courts métrages et Le Couteau dans l'eau sont contemporains du cinéma européen moderne dont il partage certains thèmes et motifs tout en revendiquant un style singulier, marqué par un sens aigu de la narration et une atmosphère malsaine. Polanski apparaît avec l'émergence des nouveaux cinéastes d'Europe centrale dans les années 1960 parmi lesquels Andrzej Wajda et Jerzy Skolimowski, ses collègues et amis de l'école de Łódź.

Néanmoins, il outrepasse le cadre du cinéma polonais et prend part à d'autres courants de la cinématographie mondiale : avec Répulsion, Cul-de-sac et Le Bal des vampires, il participe au renouveau de l'industrie britannique Il devient ensuite l'une des figures de proue du Nouvel Hollywood grâce à Rosemary's Baby et Chinatown. Avec Macbeth, Quoi ? et Le Locataire, il montre son esprit d'indépendance et son attachement au cinéma d'auteur européen. Définitivement établi en France pour raisons judiciaires à partir de Tess, il profite de son prestige international pour collaborer avec plusieurs majors américaines et européennes. Il met sur pied des projets anglophones ambitieux et très coûteux dans lesquels il dirige de grandes stars (Harrison Ford, Sigourney Weaver, Johnny Depp, Jodie Foster...). Polanski bénéficie alors, en toute liberté et à distance, du confort de production d'Hollywood ou de modèles équivalents.

Gilles Jacob distingue « deux Polanski », « Le réalisateur audacieux des premiers films et des courts métrages. Et l'autre celui des grands films à vocation populaire [...]. L'un, inventeur de surprises, de formes cinématographiques, de trouvailles bizarres (les pommes de terre qui germent dans le frigo de Répulsion, les œufs de Cul-de-sac), l'autre, plus accompli peut-être, mais plus attendu aussi. »

Œuvre et esthétique

Pessimiste et reliée aux traumatismes de l'enfance, son œuvre révèle une profonde unité car elle se veut une exploration du mal sous toutes ses facettes : persécution de l'innocence, corruption de l'homme face au pouvoir, triomphe des personnages machiavéliques, occultisme, agression, régression mentale, ambiguïté sexuelle… Elle illustre les passions excessives et les tréfonds les plus noirs de l'âme humaine ainsi que les méandres de l'oppression psychologique. Le réalisateur crée un univers cérébral et tortueux dans lequel se côtoient un ton absurde, ironique et paranoïaque et plusieurs visions fantastiques. Dans ses fictions marquées par l'inquiétante étrangeté, l'individu, à la fois victime de ses actions, du monde extérieur et de son entourage, peut basculer à tout moment dans la folie, la mort ou l'autodestruction. Dès le début de sa carrière, il alterne adaptations littéraires ou théâtrales et scénarios originaux. Après la disparition de Gérard Brach, son ami et co-scénariste attitré, il ne signe plus que des adaptations. Même si Libération déclare que Polanski ne fut qu'un adaptateur, les films « originaux » étant des relectures d'imaginaires et de formes préexistants (aucun film n'est cité dans l'article même si la définition correspond bien à Chinatown, Pirates, Le Bal des Vampires…). Sa vision du monde est rapprochée de Franz Kafka et son style de la Mitteleuropa pour son mélange de bizarrerie, de bouffonnerie et de noirceur. Toutefois, l'empreinte du cinéma classique hollywoodien et des comédies noires anglaises des années 1950 est également notable.

Ses longs métrages se distinguent par un découpage minutieux, une économie des mouvements de caméra et une composition sophistiquée (distorsion des perspectives, cadrages étouffants, lumière stylisée, disproportion entre les objets du décor et la position des acteurs etc.). La bande sonore se veut plate et s'attache à reconstituer des détails apparemment sans importance au détriment d'une mise en relief plus globale. Ses génériques [archive], souvent confiés à de grands graphistes (Jan Lenica, Maurice Binder, André François, Jean-Michel Folon), réfléchissent la nature administrative, nominative, de ses récits.

On retrouve, dans ses films, un goût de la difformité, du grotesque et de l'humour noir. En plus de Kafka, des analogies sont établies avec Samuel Beckett, Witold Gombrowicz, Bruno Schulz, Jérôme Bosch, Pierre Bruegel l'Ancien, Vincent van Gogh, Fritz Lang, Federico Fellini, Orson Welles et Billy Wilder qu'il considère comme des influences majeures. La critique cite également l'empreinte du Limier de Joseph L. Mankiewicz sur La Vénus à la fourrure. Polanski évoque par ailleurs la découverte déterminante, dans sa jeunesse, de Huit heures de sursis de Carol Reed, Hamlet de Laurence Olivier et la peinture de Jan van Eyck. S'il parle d'Orson Welles comme d'un « héros de cinéma », il dit en revanche avoir été peu inspiré par Alfred Hitchcock sauf pour Répulsion car Psychose avait à l'époque lancé la mode des thrillers schizophréniques.

À partir de Chinatown, ses mises en scène passent à un classicisme apaisé mais gardent le climat sombre ou inquiétant, le pessimisme fondamental et le perfectionnisme plastique des débuts. Selon lui, Le Pianiste marque une rupture par sa volonté d'abandonner tous les « effets de cinéma » antérieurs. Polanski a alors souhaité raconter une histoire difficile sur ton sobre et épuré, exigeant que « le réalisateur s'efface pour garder la bonne distance. » Pour les images du film, il a puisé dans ses souvenirs d'enfance et son expérience traumatique du ghetto afin d'être au plus près de la réalité. Aujourd'hui, il considère Le Pianiste comme son film le plus abouti. Pirates et Oliver Twist s'inscrivent, quant à eux, dans un cadre à part comme hommage nostalgique au cinéma hollywoodien d'antan, avec un message presque optimiste.

Grand découvreur de talents (Nastassja Kinski, Emmanuelle Seigner, Adrien Brody...), Polanski est également connu pour montrer ses acteurs sous un jour nouveau : le jeu des vedettes qu'il dirige révèle souvent une facette inattendue ou plus opaque.

Thématique

Parmi les thèmes privilégiés du réalisateur, on retrouve essentiellement :

La cruauté du destin de ses personnages est mise en œuvre avec un plaisir pervers dans un contexte culturel se voulant relevé, élitaire ou sophistiqué, ce qui accentue précisément l'impression de malaise. Ses films se situent souvent dans un univers clos et théâtralisé dont la représentation est déréalisée par l'intervention de la violence ou de l'irrationnel (l'appartement dans Répulsion, Rosemary's Baby, Le Locataire, Lunes de fiel et Carnage, l'auberge d'Europe centrale et le château médiéval dans Le Bal des vampires, le manoir entre ciel, terre et mer de Cul-de-sac, le voilier du Couteau dans l'eau, la villégiature en haut de falaise dans La Jeune Fille et la mort, le ghetto de Varsovie dans Le Pianiste, la maison insulaire de The Ghost Writer, la salle de théâtre dans La Vénus à la fourrure…). La frontière entre réalité, hallucination, monde quotidien et cauchemar est abolie.

Lorsqu'il est amené à filmer la nature, Polanski cherche à lui donner une dimension picturale et fait en sorte qu'elle rappelle la campagne polonaise de son enfance (Tess, Oliver Twist). Par ses derniers films dans lesquels il réduit ostensiblement ses budgets colossaux (Carnage, La Vénus à la fourrure), il appelle de ses vœux à une nouvelle fusion entre théâtre et cinéma afin de retrouver des histoires plus simples et émouvantes, sans les artifices, la complexité ou l'extrême violence des productions majoritaires.

Les principales caractéristiques de son œuvre sont donc :

  • Les intrigues fantastiques

  • Les appartements maléfiques et les huis clos

  • La folie

  • Le cauchemardesque et le délire

  • Le complot

  • La paranoïa

  • L'anomie

  • L'aliénation

  • La barbarie

  • Le point de vue des victimes et des dominés dans l'Histoire

  • La perte de l'innocence

  • L'enfance bafouée

  • La dialectique maître-esclave

  • L'ambiguïté du mal et du rapport entre victime et bourreau

  • La relation au monde extérieur ou à autrui vécue comme une effraction ou une violation

  • L'humour noir

  • Le tragique absurde

  • Un jeu sur les noms ou la manière de nommer

  • Un goût prononcé pour le baroque

  • Le satanisme

 

 

Roman Polanski, Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric au Festival de Cannes 2013,

pour la présentation de La Vénus à la fourrure.

Méthodes de travail

Polanski est connu pour être un cinéaste très énergique et minutieux, obsessionnellement attentif au moindre détail. Contrairement à plusieurs de ses confrères, il revendique une parfaite connaissance des caméras, de l'optique et du son : ses compétences dépassent souvent celles de ses techniciens dont il serait en mesure d'occuper la fonction. Ses savoirs ont été acquis lors de sa formation en école de cinéma où il dut tourner à tous les postes sur les courts métrages de ses camarades. Il eut également pour exercice d'analyser et de reproduire les plans de classiques du cinéma. Le cinéaste vante régulièrement l'enseignement de ses professeurs de Łódź qui l'encourageaient à approfondir ses compétences pratiques. Par ailleurs, ceux-ci l'incitaient à trouver instinctivement les compositions révélatrices de son style. Polanski explique que certains cours étaient obligatoires sous peine de renvoi et que les leçons de photographie étaient primordiales. L'idée fondamentale qu'il a retenue est que le cinéma, « est une longue série de photos qui défilent au rythme de 24 images par seconde. Ce qu'on voit sur l'écran n'est rien d'autre qu'une photo, suivie d'une autre photo, etc. Ce n'est pas la réalité. Il faut toujours garder ça à l'esprit. ». Revendiquant, en ce sens, une approche extrêmement cadrée de la mise en scène, il a toujours refusé d'être rapproché de la Nouvelle Vague française dont il déplore le manque de professionnalisme et la méconnaissance technique.

À l'exception du Pianiste et d'Oliver Twist, qu'il a tout de même supervisés, Polanski a rédigé seul ou co-écrit le scénario de tous ses longs métrages, estimant que la phase d'écriture constitue une partie de la mise en scène. S'il n'est pas crédité comme auteur au générique de Chinatown en raison des accords entre syndicats professionnels américains, il a toutefois décidé des axes dramatiques majeurs du film (la scène d'amour entre les protagonistes, le dénouement tragique), entrant en conflit avec le scénariste attitré Robert Towne. Comme ancien élève des Beaux-Arts, Polanski fonctionne par croquis ou dessins humoristiques pour visualiser scènes et personnages, à l'instar de Fellini.

Adepte du cinéma de studio, notamment pour l'importance qu'il donne au décor, Polanski utilise plusieurs trucages de pointe et des incrustations numériques dans ses dernières réalisations. Il fait souvent appel aux progrès des industries techniques comme ce fut le cas pour l'utilisation de la Louma sur Le Locataire ou de la technologie Dolby System sur Tess qui n'était pas encore maîtrisée en France.

Extrêmement exigeant et désireux de garder le contrôle absolu sur ses films, de l'écriture à la distribution, en passant par le montage et le mixage, Polanski demande à ses comédiens et ses collaborateurs un engagement total : il se démarque par une manière très physique d'occuper le lieu de tournage et par une direction d'acteurs autoritaire qui lui a valu des frictions notables avec John Cassavetes, Jack Nicholson, Faye Dunaway, Johnny Depp ou encore Ewan McGregor. Il évite autant que possible les storyboards. Généralement, il prépare ses interprètes en incarnant devant eux tous les rôles et établit, quand il le peut, son découpage de plans aux répétitions, lorsqu'il les voit évoluer sur le plateau. Emmanuelle Seigner explique qu'il met beaucoup de temps à composer ses plans et règle de manière millimétrique ses cadres, sur le modèle de Fritz Lang et Orson Welles. Elle ajoute qu'il inscrit le corps de l'acteur dans ses images avec « une redoutable précision, déterminant avec fermeté la place de la tête, la courbure du cou ou le positionnement des doigts. Pourtant, dans le même temps, il laisse une liberté absolue dans le jeu. »

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Quentin Tarantino

Quentin Tarantino né le 27 mars 1963 à Knoxville dans le Tennessee, est un réalisateur, scénariste, producteur et acteur américain.

 

Le style Tarantino

Thèmes et motifs récurrents

Tarantino signe le scénario de tous ses longs métrages et porte une attention particulière aux dialogues. Ceux-ci sont abondants et ses personnages délivrent souvent de longs monologues qui forment les moments les plus marquants de ses films, « le morceau de bravoure verbal [supplantant] la scène d'action ». Le cinéaste utilise régulièrement une structure narrative non linéaire. Il malmène en effet la chronologie dans ses scripts, construits plus à la façon d'un romancier que d'un scénariste. Il préfère d'ailleurs le terme de « chapitre » à celui de « flashback » pour nommer les nombreux allers-retours dans le temps. Le mélange des temporalités lui permet de donner des informations clés aux spectateurs au moment où il le souhaite, sans avoir recours à une progression dramatique verticale. Néanmoins, il ménage toujours un certain suspense. Tarantino s'amuse à mettre sur le même plan des actions spectaculaires, particulièrement sanguinolentes, et des discussions soignées, longues, banales et crues, marquées par l'utilisation de l'argot. Les conversations familières se caractérisent par l'apparition progressive d'une menace que conclut une effusion de violence.

Son style est à la fois admiré et décrié par la presse : certains médias lui reprochent une fascination malsaine pour la violence, une décontextualisation idéologique de sujets politiques ou historiques problématiques (la Shoah, l'esclavage américain etc.), un goût amoral du « cool » et une recherche du plaisir immédiat pour le spectateur. Il lui est également reproché un goût de la virtuosité tapageuse, un art de la citation proche du pillage, un mélange vertigineux de genres et de sous-genres qui resterait à la surface des choses ou encore une vision réductrice de l'Histoire, vue uniquement par le prisme de l'histoire du cinéma.

Il a créé un univers d'une violence extrême qu'il stylise et magnifie pour composer une esthétique sophistiquée. La violence des films de Tarantino lui a souvent été reprochée par les critiques de cinéma mais cette violence, parfois dérangeante, est la plupart du temps désamorcée par l'humour ou le côté artificiel de l'action qui confine parfois à la parodie. Ses films renvoient tous à une mythologie du cinéma, revisitant les archétypes de la blaxploitation, du western, du film noir ou de gangsters, du slasher, du film de kung-fu et de sabre ou encore du film de guerre pour jouer sur les codes de la représentation cinématographique. Ce procédé postmoderne, qui rompt avec tout effet de vraisemblance, renvoie l'exercice de réalisation à sa nature de spectacle et d'illusion. Ainsi, Tarantino revendique-t-il la puissance libératrice du cinéma dont il se sert pour recréer le monde et l'histoire (élimination d'Hitler dans Inglourious Basterds, des esclavagistes dans Django Unchained ou encore de la famille Manson dans Once Upon a Time… in Hollywood). Par ce biais, il rend aussi plusieurs hommages à ceux qui ont motivé son désir d'être cinéaste, que ce soient des metteurs en scène ambitieux ou des objets pop (polars, bandes dessinées, cartoons, funk…).

On remarque en effet chez lui un goût prononcé pour la culture populaire ainsi que pour l'humour noir, le décalage, l'absurde et le parodique. Il émaille ainsi ses dialogues de nombreuses références à la pop culture, souvent dans le but d'amuser le spectateur ou de le mettre au défi de comprendre ses allusions mais surtout car c'est un « langage universel » qui relie ses personnages. Il pratique par ailleurs l'auto-citation, créant un univers qu'on retrouve dans plusieurs de ses films à travers par exemple des marques fictives comme le Big Kahuna Burger ou les cigarettes Red Apples ou encore le personnage d'Earl McGraw. Certains de ses personnages venant de films différents portent le même patronyme et il a officiellement établi des liens de parenté entre Vic et Vincent Vega, de Reservoir Dogs et Pulp Fiction, et Lee et Donny Donowitz, de True Romance et Inglourious Basterds.

Tarantino porte une attention particulière au choix des musiques qui soutiennent l'action ; les bandes-sons de Pulp Fiction et de Kill Bill ont ainsi remporté un grand succès en dehors du film. Son style se caractérise aussi par l'utilisation récurrente dans ses films de l'impasse mexicaine, c'est-à-dire une confrontation où personne ne peut gagner, comme dans la scène finale de Reservoir Dogs et la scène dans le bar dans Inglourious Basterds.

Tarantino s'amuse par ailleurs beaucoup avec les identités graphiques du cinéma, alternant par exemple le noir et blanc et la couleur ou faisant appel à l'écran divisé, comme dans le premier volume de Kill Bill. Aussi, fait-il souvent référence aux défauts de production des films à petit budget, comme ceux des films d'exploitation, par l'utilisation de faux raccords, de rayures sur pellicule ou de parasites sur image comme dans Boulevard de la mort.

Tarantino a accordé une place de plus en plus importante aux femmes dans ses films, son univers devenant de plus en plus féminisé jusqu'à atteindre un point culminant dans Kill Bill et Boulevard de la mort. Les personnages de femmes fortes qui parsèment ses films, comme Jackie Brown dans le film homonyme ou la mariée dans Kill Bill, prennent la plupart du temps leur inspiration chez sa mère Connie qui l'a élevée seule. Il est aussi un des plus célèbres représentants du fétichisme des pieds féminins, avec des allusions dans plusieurs de ses films (par exemple les gros plans sur les pieds nus d'Uma Thurman dans Kill Bill et Pulp Fiction ou sur ceux de Bridget Fonda dans Jackie Brown, le massage des pieds raconté par Samuel L. Jackson dans Pulp Fiction, la scène du drugstore dans Boulevard de la mort, Christoph Waltz enlevant la chaussure de Diane Kruger dans Inglourious Basterds et le sommet de ce fétichisme dans Une nuit en enfer où Tarantino boit du whisky sur les pieds de Salma Hayek.

Jacky Goldberg met également en avant le fait que chacune des œuvres de Tarantino présente la notion de mascarade. En effet, dans chacun de ses films on trouve un personnage qui ment sur son identité et qui finit par se trahir lui-même. On peut notamment citer le personnage de Michael Fassbender dans Inglourious Basterds, trahi par sa façon de compter, Django, trahi auprès de ses ennemis par un regard vers sa femme, ou bien encore Reservoir Dogs, dont le film entier est basé sur ce concept. Quentin Tarantino affirme d'ailleurs lui-même avoir trafiqué ses propres CV quand il était apprenti comédien, inventant des rôles dans des films qui n'existaient pas. « J'ai souvent plaisanté sur le fait que mes personnages étaient tous d'excellents comédiens. Je crois que c'est simplement un trait de ma personnalité ».


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Bruno Dumont

Enseignant en philosophie, Bruno Dumont fait ses premiers pas derrière la caméra en tournant des documentaires, des courts métrages et des films institutionnels. Dans le but de montrer une âpre réalité, il s'inspire de sa commune natale, Bailleul dans le Nord, et écrit son premier long métrage qu'il réalise en 1996 : La Vie de Jésus. Le film est récompensé par une Mention Spéciale Caméra d'Or à Cannes et par le prix Jean Vigo en 1997. Avec un style toujours aussi brutal et épuré, Dumont tourne L'Humanité, son second film, pour lequel il reçoit le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes en 1999, doublé des prix d'interprétation masculine pour Emmanuel Schotte et féminine pour Séverine Caneele, deux acteurs non professionnels. Le palmarès provoque un scandale sur la Croisette.

En 2003, il s'éloigne du Nord de la France pour tourner en Californie un road-movie horrifique où se mêlent violence et sexualité. Son film s'intitule TwentyNine Palms. Le cinéaste renoue ensuite avec ses racines nordiques et réalise Flandres, un drame où le destin de jeunes fermiers va être bouleversé par la guerre. Dénonçant le dérèglement humain qu'un conflit peut provoquer, le cinéaste est de nouveau récompensé par le Grand Prix du Jury à Cannes en 2006.

Dumont se penche également sur le mysticisme religieux et ses dérives fanatiques dans Hadewijch (2009), qu'il tourne à Paris et au Moyen-Orient. Toujours dans cet esprit du mysticisme et de la spiritualité, le cinéaste réalise, trois ans plus tard, Hors Satan qui lui permet d'arpenter le tapis rouge de Cannes pour la quatrième fois. Son film est sélectionné dans la compétition Un certain Regard lors du 64e festival. En 2012, il encourage Joana Preiss à réaliser son premier long métrage qu'elle intitule Sibérie, et dans lequel ils jouent tous les deux à se filmer mutuellement dans une cabine de train.

L'année suivante, il emmène Juliette Binoche dans les plus obscurs recoins de l'esprit de Camille Claudel, internée par sa famille suite à la mort de son père. Camille Claudel 1915, biopic aux accents silencieux et lancinants, est présenté en compétition officielle au festival de Berlin.

L'atypique cinéaste change ensuite de registre en mettant en scène pour la télévision l'extravagante et burlesque série P'tit Quinquin présentée à la Quinzaine 2014. Le succès est au rendez-vous et l'expérience de la comédie plaît tellement à Bruno Dumont qu'il réalise dans la foulée pour le cinéma Ma Loute porté par un Fabrice Luchini méconnaissable. La comédie est présentée en Compétition au Festival de Cannes 2016.

Pour sa première série télé, le cinéaste Bruno Dumont invente le polar burlesque. Avec des enquêteurs particulièrement crasses, le ch'Nord toujours en toile de fond. Premier épisode à (re)voir en ligne.

Meurtre raciste dans La Vie de Jésus, ravages de la guerre dans Flandres, dérive terroriste d’une jeune mystique dans Hadewijch… C’est peu dire que la filmographie de Bruno Dumont n’a jamais constitué une franche partie de rigolade. Et pourtant… « L’envie de faire un film drôle, je l’avais depuis longtemps, assure le cinéaste. Avec le recul, je me suis rendu compte que le comique a toujours rôdé autour de moi. Dans L’Humanité, le personnage du lieutenant, son nom même [Pharaon De Winter, NDLR], était burlesque. Mais il était versé dans une histoire tellement dramatique que les gens ne riaient pas. » Alors quand Arte lui donne carte blanche pour réaliser une série en quatre épisodes, il se lance. Et imagine un pastiche de polar délirant. Où un cadavre de femme sans tête est retrouvé dans la panse d’une vache ; où un « exterminateur » est traqué, si l’on peut dire, par un commandant de gendarmerie ravagé de tics et son adjoint qui cite Zola avec un air ahuri ; où un fils de fermier saute sur les portes de granges déguisé en « Ch’tiderman ». Le tout filmé comme du Dumont pur jus : images contemplatives de pâtures composées comme des tableaux de maîtres flamands, gros plans intenses, dialogues rares… Un peu interloqués au départ, les dirigeants de la chaîne culturelle donnent leur feu vert à ce cocktail insolite de Twin Peaks, Jacques Tati et Groland sur la côte boulonnaise. Une décision gonflée mais gagnante : après avoir fait rire aux éclats le public de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en mai dernier, P’tit Quinquin devrait dérider les zygomatiques des internautes de Télérama.fr – et ceux des téléspectateurs d’Arte à partir du jeudi 18 septembre.

Cinéaste formaliste et spiritualiste, Bruno Dumont aime à filmer la lourdeur et la bestialité de l'être humain

tout en distillant subtilement des signes de mise en scène qui permettent au spectateur de construire sa vision morale sur le film.

En reprenant à son compte l'explication de Laborit dans Mon oncle d'Amérique, Dumont dit qu'il filme des personnages dont l'action nécessite l'usage des seuls cerveaux reptiliens (manger, copuler, survivre) et affectif des mammifères pour laisser au spectateur le soin de faire marcher son neo-cortex qui associe les images pour en tirer une morale. Celle-ci n'est toutefois pas très importante, l'essentiel étant pour lui (comme pour Kenji Mizoguchi) la fonction de catharsis de l'œuvre d'art. Dumont dit que "l'on va au cinéma pour être lavé". En voyant au cinéma la violence et la bestialité de l'homme, le spectateur en ressort mieux armé pour affronter pacifiquement le monde hors de la salle.

Comme Jean-Claude Brisseau (dont par ailleurs le travail naturaliste de remonté des pulsions est complètement opposé au travail spiritualiste d'effacement de Dumont), Bruno Dumont abandonne les explications sociales pour mettre à nu le tragique de l'existence humaine.

On notera par ailleurs que Dumont, proche en cela de Robert Bresson, utilise ses acteurs comme des modèles, pour eux-mêmes (d'où le prénom souvent identique entre personnage et acteur) et surtout pas pour le jeu théâtral qu'ils ne manquent pas d'essayer de surajouter. Il utilise ainsi souvent des non professionnels ou des acteurs peu connus qu'il oblige à la plus grande sobriété du jeu.

La performance obtenue a valu à La Vie de Jesus, son premier film, le Jean Vigo en 1997. En 1999, L'Humanité, son second film, reçoit le Grand Prix du Jury au Festival de Cannes présidé par David Cronenberg doublé des prix d'interprétation masculine pour Emmanuel Schotte et féminine pour Séverine Caneele et provoque un scandale sur la Croisette, notamment en raison de sa crudité et des récompenses à des acteurs non professionnels.

Twentynine palms est sélectionné au festival de Venise en 2003. Flandres reçoit le grand prix du jury au festival de Cannes 2006. Hors Satan est sélectionné pour Un certain regard à Cannes en 2011 et Camille Claudel 1915, avec Juliette Binoche repart bredouille de la Berlinale 2013.

Extraits : Le P'ti Quinquin - Ma Loute - Analyse d'un plan

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Bertrand Blier

Après avoir débuté comme assistant réalisateur en 1959 sur Oh! que mambo de John Berry et s'être fait remarqué pour son documentaire Hitler... connais pas ! en 1963, Bertrand Blier dirige son père, le légendaire Bernard Blier, dans son premier long métrage de fiction, Si j'étais un espion (1967).

 

Il faut cependant attendre 1974 pour que Blier réalisateur se fasse un nom avec le triomphe public des Valseuses et de son trio vedette Gérard Depardieu, Patrick Dewaere et Miou-Miou. La patte Blier s'instaure : humour acerbe et vérité sociale. Quatre ans plus tard, Bertrand Blier retrouve son duo masculin Depardieu-Dewaere pour Préparez vos mouchoirs avant de diriger Depardieu en solo et son père dans Buffet froid (1979), César du meilleur scénario, puis Dewaere dans le subversif Beau-père (1981).

Scénariste de la totalité de ses films (mais également de Grosse Fatigue de Michel Blanc en 1994), le cinéaste signe avec Tenue de soirée l'un des plus gros scandales du cinéma français des années 80 avec ses thèmes d'homosexualité et de triolisme abordés sans détour. Il y retrouve une nouvelle fois Gérard Depardieu et Miou-Miou et glane le Prix d'interprétation masculine du Festival de Cannes (pour Michel Blanc) et trois nominations aux Césars. Trois ans plus tard, le succès public et critique de Trop belle pour toi est encore plus imposant : Grand Prix du jury du Festival de Cannes et cinq Césars dont ceux du meilleur film, meilleur réalisateur et de la meilleure actrice (pour Carole Bouquet).

Les années 1990 seront marquées par un raz-de-marée de récompenses, largement dû à sa collaboration avec Anouk Grinberg, nouvelle venue dans la galerie des comédiens de Blier. On citera Merci la vie (un César et 6 nominations) et Un, deux, trois, soleil en 1993 (deux César et surtout la Coupe Volpi du Meilleur Acteur du Festival de Venise pour Marcello Mastroianni) ainsi que Mon homme (1996), Prix de la meilleure actrice pour Anouk Grinberg au Festival de Berlin.

En 2000, le cinéaste réunit une trentaine de grands noms du cinéma français pour Les Acteurs, un hommage au métier du jeu teinté de dérision. Si le film est plutôt bien accueilli, Les Côtelettes, avec Philippe Noiret et Michel Bouquet en vieux épicuriens dissertant sur le sens de la vie et les plaisirs de la chair divise le public cannois, et reçoit un accueil national mitigé du public et de la critique. Blier revient en 2005 avec Combien tu m'aimes ?, l'histoire d'un amour monnayé entre la péripatéticienne Monica Bellucci et son client Bernard Campan. Dix ans après Les Acteurs, il dirige à nouveau Albert Dupontel, devenu l'incarnation du cancer de Jean Dujardin, dans la comédie dramatique Le bruit des glaçons.

Style et thématiques

Ses films se distinguent par un style résolument anticonformiste et iconoclaste, qui se rapproche parfois de celui de Jean-Pierre Mocky dans la critique des mœurs bourgeoises et la réhabilitation des plaisirs du corps, mais son modèle dans le domaine reste avant tout Luis Buñuel. On trouve dans ses œuvres de grands moments de provocation (Les Valseuses) et d'humour noir (Buffet froid et Les Acteurs), mêlés à un goût prononcé du dialogue grossier et décalé ainsi qu'à un intérêt certain pour l'absurde. Néanmoins, ses films atteignent souvent un large public, comme Notre histoire et Tenue de soirée. Marginaux, prostitués, voyous, flics, travestis, sont ses thèmes de prédilection. C'est un réalisateur qui fait la part belle aux acteurs.

Libération constate dans son œuvre une « audiarisation » (référence à Michel Audiard et à ses dialogues truculents, souvent interprétés par Bernard Blier). Bertrand Blier serait même le cousin spirituel de Michel Audiard, selon Regards. Bertrand Blier cite Jacques Audiard comme étant son réalisateur vivant préféré. Bernard Blier avait joué dans dix-neuf films écrits par Michel Audiard.

Extrait : Buffet Froid  - ITV
 

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     XVII - POÉSIE, FANTASTIQUE ET SCIENCE FICTION

 

Jean Cocteau

Jean Cocteau né le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffitte et mort le 11 octobre 1963 à Milly-la-Forêt est un poète, peintre, dessinateur, dramaturge et cinéaste français.

 

Jean Cocteau nait le 5 juillet 1889 à Maisons-Laffite. Son oeuvre de cinéaste est relativement mince par rapport à sa production littéraire (poèmes, pièces, romans) ou graphique (dessins, fresques, céramiques). Cocteau était un touche-à-tout de génie, un "amateur" au sens le plus pur du terme, qui vit dans le cinéma un moyen parmi d'autres pour véhiculer ses fantasmes intimes, ses obsessions, sa "difficulté d'être". Il se voulait poète avant toute chose et baptisa son oeuvre poésie de roman, poésie de théâtre, poésie de cinéma, etc.

Dès 1925, il tourne un petit film (en 16 mm), à la manière de Chaplin, qu'il intitule tout simplement Jean Cocteau fait du cinéma : cette bande ne connut pas d'exploitation publique et l'unique copie fut perdue. En 1930, une subvention du vicomte de Noailles lui permet de réaliser (avec l'aide de Michel Arnaud et de l'opérateur Georges Périnal) un essai d'avant-garde, qui contient en germe le reste de son oeuvre : Le sang d'un poète. Tous les thèmes sont là : les souvenirs d'enfance, l'homosexualité, la drogue, le narcissisme, l'hommage à Eleusis et à ses mystères.

Cocteau abandonne ensuite l'écran pour la scène, n'y revenant qu'à l'occasion de scénarios ou de dialogues écrits pour d'autres : L'Herbier, de Poligny, Bresson et surtout Delannoy (L'éternel retour). Le succès de ce dernier film l'incite à mettre à nouveau (comme il dit) "les deux mains" à la caméra : c'est La belle et la bête (1946), conte de fées pour grandes personnes, s'adressant "à ce qui reste d'enfance en chacun de nous". Suivent des "mises en images" de ses propres pièces, qui sont agrémentés de quelques effets de cinéma trop voyants : L'aigle à deux têtes (1947) et Les parents terribles (1948).

En 1950, c'est Orphée, sans doute son chef d'oeuvre, où la pièce d'origine est cette fois complètement remaniée en fonction des exigences de l'écran. L'échec qu'il rencontre l'éloigne à nouveau des studios; il n'y reviendra qu'avec Le Testament d'Orphée, grâce à l'appui d'un autre mécène, bien plus jeune que lui : François Truffaut. Cette oeuvre ultime renoue avec la veine autobiographique de ses débuts : Cocteau y filme même sa propre mort ! Celle-ci survint effectivement trois ans plus tard, le 11 octobre 1963.

"Mes films, avait coutume de dire Cocteau, n'ont ni queue ni tête, mais ils ont une âme !". Ils s'inscrivent dans une tradition du merveilleux et de la féerie inaugurée par Georges Méliès. Le texte littéraire y est, certes, prédominant : mais il s'en dégage une fascination certaine.

Jean Cocteau a collaboré à de nombreux autres films dont il signe généralement le scénario ou le dialogue :

Il a été parfois acteur : dans Le baron fantôme, La Malibran (Sacha Guitry, 1943), 8x8 (Hans Richter, 1952) ou son dernier film : Le testament d'Orphée.

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2001 l'odyssée de l'espace

Alien

Blade Runner

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     XVIII - LES FILMS DE GUERRE

Question : Dans toutes les guerres, quel est le véritable ennemi ?

Réponse : ce n'est certainement pas celui qui est en face, c'est celui qui est derrière !

3 films seulement le démontrent très clairement : pour preuve, ils ont été interdits à leur sortie.

"La plupart des films de guerre misent sur le coté spectaculaire des combats qui impressionnent, prétendent dénoncer les horreurs de la guerre sans jamais en donner les vraies raisons et surtout en évitant de déprécier les vertus du patriotisme"

 Les sentiers de la gloire

 Johnny s'en va t'en guerre

 Les hommes contre

Les sentiers de la gloire

Contexte historique

Les Sentiers de la gloire s'inspire de plusieurs faits réels. Pendant la Première Guerre mondiale, environ 2 500 soldats français ont été condamnés à mort par les conseils de guerre, dont un peu plus de 600 furent réellement fusillés « pour l'exemple » par l'armée pour des motifs divers (abandon de poste, mutilations volontaires, refus d'obéissance…), les autres ayant vu leur peine commuée en travaux forcés.

Le réalisateur Stanley Kubrick s'appuie principalement sur l'affaire des caporaux de Souain où le général Réveilhac aurait fait tirer sur l'un de ses propres régiments (le 336e régiment d'infanterie) dont les hommes refusaient de sortir des tranchées lors d'un assaut suicidaire contre une colline occupée par les Allemands, avant de faire exécuter quatre caporaux le 17 mars 1915. Ces soldats (trois originaires de la Manche : Théophile Maupas, Louis Lefoulon, Louis Girard ; et un d'Ille-et-Vilaine : Lucien Lechat) seront réhabilités en 1934 grâce à l'action de la femme de Théophile Maupas, l'institutrice Blanche Maupas. Un monument est d'ailleurs toujours visible à Sartilly (Manche) commémorant leur réhabilitation, ainsi qu'à Suippes (Marne). Au début de la guerre de 1914-1918, la justice militaire était devenue une justice d'exception depuis des décrets d'août et septembre 1914 : le sursis, le recours en révision, les circonstances atténuantes et le droit de grâce étaient supprimés.

L'épisode du soldat sur une civière qu'on ranime pour le fusiller s'inspire lui d'un autre cas, celui du sous-lieutenant Jean-Julien-Marius Chapelant exécuté le 11 octobre 1914 après une parodie de procès. Gravement blessé aux jambes depuis plusieurs jours, incapable de tenir debout, épuisé moralement et physiquement, le sous-lieutenant Chapelant avait alors été ficelé sur son brancard et celui-ci posé le long d'un arbre pour qu'on pût le fusiller. Inhumé au bois des Loges dans une fosse commune, seul son nom figure au cimetière d'Ampuis où il est né. Sa tombe (vide) a été honorée par l'Union des Mutilés et Anciens Combattants qui y ont apposé une plaque de marbre portant l'inscription : « Les anciens combattants à leur frère d'armes Jean Julien Marius Chapelant, martyr des cours martiales ». Jean Julien Marius Chapelant a été « déclaré » et reconnu « mort pour la France » par le ministre délégué aux anciens combattants Kader Arif le 31 octobre 2012 et ce geste a été officialisé à l’occasion des cérémonies du Jour du Souvenir (11 novembre) de la même année.

Vue du monument Fusillés pour l'exemple, à Suippes (2007).

Les sentiers de la gloire : analyse du film - Extrait : les sentiers de la gloire

Analyse

De prime abord, Les Sentiers de la gloire est un film antimilitariste qui dénonce les comportements de la haute hiérarchie militaire, ainsi que l'animalisation des soldats, considérés comme de simples pions et dont l'état autant physique que psychologique est exécrable. Le film met par ailleurs en évidence la résistance désespérée d'un homme, le colonel Dax.

À la différence du film de guerre classique, l'affrontement n'est pas entre deux camps ennemis mais entre les officiers généraux et les soldats d'un même camp, les uns jouant leur promotion, les autres leur vie. D'ailleurs, on ne voit pas d'Allemands, car le film dénonce en partie la guerre mais surtout la relation entre haut gradés et soldats.

Ce thème sera repris dans les films Les Hommes contre (1970), Un long dimanche de fiançailles (2004), Joyeux Noël (2005) ou bien encore dans le téléfilm Le Pantalon (1997). Le film britannique Pour l'exemple (1964) traite du même sujet dans l'armée britannique.

Les Hommes contre

(Titre original : Uomini contro) est un film italo-yougoslave produit et réalisé par Francesco Rosi en 1970.

 

                                          

Le film relate un épisode du conflit italo-autrichien lors de la Première Guerre mondiale d'après un roman d'Emilio Lussu Un anno sull'Altipiano, paru en France sous le titre Les Hommes contre.

À sa sortie, en Italie, il fut l'objet de polémiques et d'un procès pour « dénigrement de l'armée » qui se termina par un acquittement.

Synopsis

Le jeune et idéaliste lieutenant Sassù, parti la fleur au fusil, est mêlé aux carnages d'une guerre de position. Les combats se déroulent dans une zone montagneuse près d'Asiago dans la région de la Vénétie, Italie. La division du général Leone, dans un mouvement de panique, a abandonné une importante position que le général va s'acharner à essayer de reprendre. Toutes les tentatives, improvisées ou menées avec des moyens insuffisants, échoueront, y compris la dernière où l'appui d'artillerie enfin accordé par l'état-major massacrera la vague d'assaut des fantassins.

Soucieux du sort de ses hommes et s'élevant contre les décisions de la hiérarchie militaire, tentant aussi de circonvenir le calamiteux général Leone, le lieutenant Sassù est fusillé comme insoumis.

Ce film dénonce les horreurs inutiles pour la prise de la colline de Montefiore sous les ordres d'un général malchanceux plus qu'incompétent (qui n'hésite pas, à l'occasion, à s'exposer en première ligne), les mutineries, les exécutions qui s'ensuivent, événements fort comparables aux mutineries de 1917 dans les armées françaises et anglaises. À noter qu'avec 2 800 soldats fusillés pour mutinerie, abandon de poste, mutilation volontaire ou désertion, l'Italie détient le record de 14-18 (Grande-Bretagne 1 800, France 2 500 condamnations dont 600 exécutées).

Contexte historique

Au début de la Première Guerre mondiale, l'Italie reste neutre malgré son appartenance à la Triple-Alliance. Le 3 mai 1915, elle dénonce ce traité mais le débat fait rage quant à l'entrée en guerre. Ce sont finalement les partisans de la guerre, sous l'influence de Gabriele D'Annunzio, qui l'emportent et l'Italie se lance dans la longue série de batailles de l'Isonzo contre l'Autriche. Le but des patriotes italiens est de réunir la région de Trieste pour parfaire l'unité italienne[réf. nécessaire].

Ces batailles, ainsi que celle du Mont Ortigara qui se déroule dans une région très accidentée, vont durer jusqu'en octobre 1917 sans résultat décisif, malgré des centaines de milliers de tués de part et d'autre. Des conditions de survie épouvantables dans les tranchées, l'usage des gaz et des lance-flammes, le déluge de feu et l'image d'impéritie des officiers supérieurs conduiront les soldats de la Brigade Catanzaro à se mutiner à l'été 1917 près de Santa Maria la Longa[réf. nécessaire].

Extrait : Les hommes contre

Johnny s'en va-t-en guerre

"Johnny Got His Gun" est un film américain réalisé par Dalton Trumbo, sorti en 1971. Il s'agit d'une adaptation cinématographique du roman du même nom de Dalton Trumbo, publié en 1939.

Il est présenté en compétition officielle au festival de Cannes 1971.

Synopsis

Joe Bonham (Timothy Bottoms) est un jeune Américain plein d'enthousiasme. Il décide de s'engager pour aller combattre sur le front pendant la Première Guerre mondiale. Au cours d'une mission de reconnaissance, il est grièvement blessé par un obus et perd la parole, la vue, l'ouïe et l'odorat. On lui ampute ensuite les quatre membres alors qu'on croit qu'il n'est plus conscient. Allongé sur son lit d'hôpital, il se remémore son passé et essaie de deviner le monde qui l'entoure à l'aide de la seule possibilité qui lui reste : la sensibilité de sa peau. Une infirmière particulièrement dévouée l'aide à retrouver un lien avec le monde extérieur. Lorsque le personnel médical comprend que son âme et son être sont intacts sous ce corps en apparence décédé, ils doivent prendre une décision médicale selon les valeurs et les croyances de l'époque.

Dalton Trumbo adapte ici lui-même son roman antimilitariste Johnny s'en va-t-en guerre publié en 1939. L'auteur pensait initialement confier la réalisation du film à son ami cinéaste Luis Buñuel et avait également demandé à Salvador Dalí d'adapter son œuvre. Mais les deux hommes refusent car ils estiment que l’œuvre appartient à Dalton Trumbo et que seul lui peut la transposer à l'écran. Luis Buñuel participera cependant de manière non créditée au script, notamment pour les scènes avec le Christ. Le film marque donc les débuts du scénariste Dalton Trumbo à la réalisation, lui qui avait été avant cela blacklisté parmi les « Dix d'Hollywood ».

Dalton Trumbo a proposé le rôle du père de Joe à Walter Matthau, qui l'a refusé. Le rôle revient finalement à Jason Robards.

Le tournage a eu lieu en Californie, notamment à El Mirage Lake, au lac Tahoe, dans les Producers Studios à Hollywood, à Los Angeles (Chatsworth, Highland Park, etc.) ou encore à Culver City.

Alors que les États-Unis étaient en pleine guerre du Viêtnam, la sortie du film et sa reconnaissance au festival de Cannes 1971 eurent une résonance avec l'actualité. Les divers mouvements pacifistes et antimilitaristes des années 1970 firent de Johnny s'en va-t-en guerre une œuvre majeure dans laquelle il convient de voir l'un des plus violents réquisitoires contre l'absurdité de toutes les guerres.

Final du film.

Récompenses

Nominations

Extrait du film "Dalton Trumbo" de Jay Roach (Avril 2016)

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